La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2022 | FRANCE | N°21/162367

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 29 septembre 2022, 21/162367


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16236 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEKQE

Décision déférée à la cour :
Jugement du 25 juin 2021-juge de l'exécution de Créteil-RG no 21/03905

APPELANTE

SOCIÉTÉ MSA NV-Société domiciliée en Belgique
Gemene-Weidweg-Noord 9
[Adresse 3]-BELGIQUE

Représentée par Me Sand

ra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Ayant pour avocat plaidant Me Aurélien RACCAH , avocat au barreau de ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16236 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEKQE

Décision déférée à la cour :
Jugement du 25 juin 2021-juge de l'exécution de Créteil-RG no 21/03905

APPELANTE

SOCIÉTÉ MSA NV-Société domiciliée en Belgique
Gemene-Weidweg-Noord 9
[Adresse 3]-BELGIQUE

Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Ayant pour avocat plaidant Me Aurélien RACCAH , avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [C] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Aurélie GILLET-MARTA, avocat au barreau de PARIS, toque C981

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 1 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Déclarant agir en vertu d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Gand (Belgique) le 14 janvier 2015, la société MSA NV a le 28 janvier 2021 délivré à M. [U] un commandement à fin de saisie-vente de payer la somme de 20 428,49 euros. Elle a également pratiqué une saisie-attribution le 26 avril 2021 entre les mains de la société LCL, pour avoir paiement de la somme de 20 935,23 euros, qui sera dénoncée au débiteur le 28 avril suivant.

M. [U] ayant contesté ces mesures d'exécution devant le juge de l'exécution de Créteil, ce dernier a, après avoir relevé que la société MSA NV détenait bien un titre exécutoire mais qu'une partie des intérêts étaient atteints par la prescription quinquennale, suivant jugement daté du 25 juin 2021 :

- rejeté la demande d'annulation du commandement à fin de saisie-vente et de la saisie-attribution ;
- cantonné ces mesures à hauteur de 11 173,68 euros ;
- rejeté la demande de délais de grâce ;
- condamné M. [U] à payer à la société MSA NV la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Selon déclaration en date du 6 septembre 2021, la société MSA NV a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 2 février 2022, la société MSA NV a exposé :

- que le délai de prescription applicable aux intérêts était de dix ans, et non pas de 5 ans, par dérogation à l'article 2277 du code civil belge, l'actio judicati (c'est à dire celle qui tend à l'exécution d'un jugement de condamnation) ayant un effet interruptif, de même que les divers actes d'huissier qui avaient été délivrés au débiteur ;
- que la somme de 21 212,96 euros était donc due.

La société MSA NV a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il avait cantonné le commandement à fin de saisie-vente et la saisie-attribution à la somme de 11 173,68 euros, et de condamner M. [U] au paiement de la dette majorée des intérêts, soit 21 212,96 euros, outre 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et de confirmer le jugement sur le surplus.

Dans ses conclusions notifiées le 11 novembre 2021, M. [U] a soutenu :

- que la Cour d'appel de Gand n'avait accompli aucune diligence pour respecter le principe du contradictoire, alors que les notifications à lui adressées ne lui étaient jamais parvenues bien qu'il eût été aisé de retrouver son adresse ;
- que même si la procédure de signification de l'arrêt n'était pas contestée, le directeur de greffe du Tribunal judiciaire de Créteil n'aurait pas dû, le 3 juillet 2020, constater la force exécutoire de cet arrêt ;
- subsidiairement, qu'il avait été condamné au paiement de la somme de 269 528 francs belges soit 6 682 euros, mais qu'en raison des manquements imputables à la Cour d'appel de Gand, la dette avait triplé ;
- que la prescription quinquennale des intérêts était acquise en vertu de l'article 2 de la loi belge du 5 mai 1865.

M. [U] a demandé en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement, d'annuler le commandement à fin de saisie-vente du 28 janvier 2021, subsidiairement de fixer la dette à hauteur de 6 682 euros, et très subsidiairement de confirmer le jugement. Il a réclamé la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par message RPVA la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l'application à la prescription des intérêts de la loi française.

La société MSA NV a soutenu que par application de l'article 41/1 du règlement UE no1215/2012, les procédures d'exécution étaient régies par le droit de l'Etat membre requis mais qu'en revanche le régime des intérêts était autre, si bien que le droit belge devait lui être appliqué ; elle en a déduit que l'article 2277 du code civil belge était applicable aux faits de la cause. Elle a ajouté que tout acte d'huissier interrompait la prescription d'une durée de cinq ans.

M. [U] a soutenu que le droit français devait s'appliquer.

MOTIFS

Selon l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution. C'est donc en vain que le débiteur conteste la teneur de l'arrêt qui a été rendu par la Cour d'appel de Gand, tant en ce qui concerne la régularité de la procédure que le quantum des sommes dues. En outre cet arrêt a été régulièrement signifié le 11 mars 2015, et le Directeur de greffe du Tribunal judiciaire de Créteil n'était pas tenu, pour constater la force exécutoire de cette décision étrangère, de porter une appréciation sur la régularité de la procédure.

Pour les mêmes raisons la Cour, qui exerce les pouvoirs du juge de l'exécution, ne saurait revenir sur les intérêts échus antérieurement au prononcé de l'arrêt, seuls restant en jeu les intérêts postérieurs.

En vertu de l'article 41/1 du règlement UE no1215/2012, sous réserve des dispositions de la section é du chapitre 3, la procédure d'exécution des décisions rendues dans un autre État membre est régie par le droit de l'État membre requis. Une décision rendue dans un État membre et qui est exécutoire dans l'État membre requis est exécutée dans ce dernier dans les mêmes conditions qu'une décision rendue dans l'Etat membre requis.

S'agissant de l'exécution en France d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère reconnue exécutoire, les intérêts moratoires sont dus, en conséquence, en application de la loi du for, si bien que la loi belge n'est pas applicable. Il y a lieu de décompter des intérêts au taux légal français, et de faire application, s'agissant de la prescription, de l'article 2224 du code civil, selon lequel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, étant rappelé que le délai décennal de l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique pas aux intérêts dus en vertu d'une décision de justice.

Les intérêts exigibles en application de l'arrêt de la Cour d'appel de Gand, échus postérieurement audit arrêt, se prescrivent donc par cinq ans, l'interruption de la prescription pouvant être invoquée par le créancier, si ont été délivrés des actes visés aux articles 2240, 2241, 2244 du code civil (reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit, demande en justice, acte d'exécution forcée). Au cas d'espèce, un commandement de payer a été délivré à M. [U] le 28 janvier 2021, aucun autre acte interruptif n'étant survenu depuis le prononcé de l'arrêt ; c'est par erreur que le juge de l'exécution a fait état d'un commandement à fin de saisie-vente qui aurait été délivré le 28 janvier 2015, opérant une confusion avec l'autre commandement à fin de saisie-vente présentement contesté. Les intérêts sont donc prescrits entre le 14 janvier 2015, date de l'arrêt, et le 28 janvier 2016, soit cinq ans avant le commandement à fin de saisie-vente du 28 janvier 2021.

La mention d'un montant de créance erroné dans un acte d'exécution ne constitue pas un motif d'annulation de cet acte, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [U] y relatives. En revanche il échet d'infirmer le jugement en ce qu'il a cantonné les effets du commandement à fin de saisie-vente et de la saisie-attribution à la somme de 11 173,68 euros, et de dire que ces actes produiront leurs effets sauf à en déduire le montant des intérêts atteints par la prescription.

Le juge de l'exécution ne pouvant délivrer de titres exécutoires hors des cas prévus par la loi, la demande en paiement formée par la société MSA NV est irrecevable.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [U] ou de la société MSA NV.

M. [U] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en ce qu'il a cantonné les effets du commandement à fin de saisie-vente du 28 janvier 2021 et de la saisie-attribution du 26 avril 2021 à la somme de 11 173,68 euros ;

et statuant à nouveau :

- DIT que le commandement à fin de saisie-vente du 28 janvier 2021 et la saisie-attribution du 26 avril 2021 produiront leurs effets sauf à appliquer le taux légal français des intérêts, et à ne pas prendre en compte les intérêts échus entre le 14 janvier 2015 et le 28 janvier 2016 ;

- DECLARE irrecevable la demande en paiement formée par la société MSA NV ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

- REJETTE les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE M. [C] [U] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/162367
Date de la décision : 29/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-29;21.162367 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award