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29/09/2022 | FRANCE | N°18/17876

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 29 septembre 2022, 18/17876


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022



(n° 177 , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17876 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CNF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J201600062





APPELANTE



Société AERO CAPITAL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en ce

tte qualité audit siège

immatriculée au RCS de CAEN sous le numéro 529 197 014

[Adresse 13]

[Localité 1]



Représentée par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022

(n° 177 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/17876 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CNF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Juin 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° J201600062

APPELANTE

Société AERO CAPITAL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de CAEN sous le numéro 529 197 014

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentée par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253, avocat postulant et plaidant

INTIMEES

SARL BAS [Localité 10] AERO SERVICES agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BLOIS sous le numéro 450 776 448

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Jacques LE PEN, du Cabinet LPLG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0114, avocat postulant et plaidant

SNC ICM SECURIBAIL agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 388 614 638

[Adresse 12],

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Maurice CASTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C0054

INTERVENANTS VOLONTAIRES

Maître [W] [P], de la SELARL FHB, ès qualitès d'administrateur judiciaire de la SAS AERO CAPITAL

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253

Maître [U] [Y] de la SELARL ATHENA, ès qualitès de mandataire judiciaire de la SAS AERO CAPITAL

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Serge CONTI de la SELARL CONTI & SCEG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0253

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5.5

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [A] [J] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Mianta ANDRIANASOLONIARY

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing-privé du 30 septembre 2014, la société Aéro Capital a vendu à la société ICM Securibail un avion de 'marque et modèle Cessna Citation 500 SP', 'immatriculé F-GKid', au prix de 516 000 euros TTC.

Par acte du 2 décembre 2014, la société ICM Sécuribail a assigné la société Aéro Capital en référé pour obtenir l'organisation d'une expertise.

Après des travaux effectués sur l'appareil, la société Aéro Capital a, par lettre du 29 janvier 2015, mis en demeure la société ICM Sécuribail d'en prendre livraison.

Par acte du 27 février 2015, la société ICM Sécuribail a assigné la société Aéro Capital.

Par ordonnance du 19 mars 2015, le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, a ordonné une expertise.

L'expert judiciaire a, le 30 juin 2016, déposé son rapport.

Par actes d'assignation en référé des 27 et 28 juin 2016, la société Aéro Capital a sollicité que l'ordonnance du 19 mars 2015 soit rendue commune et opposable à la société Organisme pour la Sécurité de l'Aviation Civile (OSAC) et à la société [Localité 10] Aéro Services, et que la mission de l'expert judiciaire soit étendue.

Par ordonnance du 3 novembre 2016, le président du tribunal de commerce de Paris a déclaré irrecevable la demande d'expertise et dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société ICM Sécuribail et de la société Aéro Capital.

La société ICM Sécuribail a attrait la société [Localité 10] Aéro Services à l'instance au fond.

Par jugement du 22 juin 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

- constaté que par l'effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue le 18 novembre 2015, la société par actions simplifiée Aéro Capital était devenue la SASU Aéro Capital, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 529 197 014 et qu'elle était tenue des engagements de la société absorbée ;

- déclaré nulle la vente entre la société ICM Sécuribail et la société Aéro Capital pour dol;

- condamné la société Aéro Capital à payer la somme de 516 000 euros à la société ICM Sécuribail en remboursement de la vente annulée, avec intérêts légaux à compter du 27 février 2015 ;

- débouté la société Aéro Capital de ses demandes ;

- débouté la société [Localité 10] Aéro Services de ses demandes ;

- condamné la société Aéro Capital à verser les sommes de 50 000 euros à la société ICM Sécuribail et 20 000 euros à la société [Localité 10] Aéro Services au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société Aéro Capital aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 juillet 2018, la société Aéro Capital a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- déclaré nulle la vente entre la société ICM Sécuribail et la société Aéro Capital pour dol;

- condamné la société Aéro Capital à payer la somme de 516 000 euros à la société ICM Sécuribail en remboursement de la vente annulée, avec intérêts légaux à compter du 27 février 2015 ;

- débouté la société Aéro Capital de ses demandes ;

- condamné la société Aéro Capital à verser les sommes de 50 000 euros à la société ICM Sécuribail et 20 000 euros à la société [Localité 10] Aéro Services au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné la société Aéro Capital aux entiers dépens.

Par jugement du 7 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Aéro Capital et a désigné la Selarl FHB, en la personne de M. [P], en qualité d'administrateur judiciaire, et la Selarl Athena, en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 4 mars 2020, la société Aéro Capital a bénéficié d'un plan de redressement par voie de continuation.

Par ordonnance du 11 juin 2020, le conseiller chargé de la mise en état a enjoint à l'administrateur judiciaire et au mandataire judiciaire de la société Aéro Capital de produire le rapport d'expertise de M. [I] commis par ordonnance du 18 juin 2019 du juge commissaire désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la société Aéro Capital sous astreinte.

Par ses dernières conclusions notifiées le 30 juin 2021, la société Aéro Capital demande de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement, à l'exception de ce qu'il a implicitement admis que la vente était parfaite, et statuant à nouveau,

- ordonner la nullité du rapport définitif déposé par M. [T] le 30 juin 2016,

- débouter la société ICM Sécuribail de toutes ses demandes,

- subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise,

- très subsidiairement, mettre à la charge de la seule société [Localité 10] Aéro Service, la totalité des condamnations susceptibles d'être ordonnées au bénéfice de la société ICM Sécuribail,

- plus subsidiairement, en cas de condamnation 'in solidum' entre la société Aéro Capital et la société [Localité 10] Aéro Service, juger que la société [Localité 10] Aéro Service sera responsable à 100 % des condamnations prononcées,

- condamner solidairement la société ICM Sécuribail et la société [Localité 10] Aéro Service à payer à la société Aéro Capital la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux dépens de la présente instance comprenant les frais d'expertise, avec distraction au profit de la société Conti & Sceg dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 22 juin 2021, la société ICM Sécuribail demande de :

- déclarer éteinte la procédure d'appel et confirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a constaté que par l'effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue le 18 novembre 2015, la société par actions simplifiée Aéro Capital est devenue la SASU Aéro Capital, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 529 197 014 et qu'elle était tenue des engagements de la société absorbée,

déclaré nulle pour dol la vente de l'aéronef société et condamné la Aéro Capital à restituer à la société ICM Sécuribail la somme de 516000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2015, le tout en deniers et quittances,

- déclarer la créance de la société ICM Sécuribail admise au passif du redressement judiciaire de la société Aéro Capital,

- débouter la société Aéro Capital de sa demande de complément d'expertise, et constater que l'aéronef n'a jamais été livré à la société ICM Sécuribail,

- à titre très subsidiaire, prononcer la résolution de la vente au titre de la garantie des vices cachés, condamner la société Aéro Capital à payer la somme de 516 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2015, et fixer la créance de la société ICM Sécuribail au passif du redressement judiciaire la société Aéro Capital, en deniers et quittances,

- confirmer la condamnation de la société Aéro Capital à payer à la société ICM Sécuribail la somme de 50 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fixer la créance de la société ICM Sécuribail au passif du redressement judiciaire de la société Aéro Capital,

- réformant le jugement pour le surplus, condamner la société Aéro Capital à payer à la société ICM Sécuribail la somme de 150 000 euros en réparation de ses préjudices annexes et fixer la créance de la société ICM Sécuribail au passif du redressement judiciaire de la société Aéro Capital,

- très subsidiairement, dire et juger que l'expert judiciaire devra compléter, préciser ou expliquer, soit par écrit, soit à l'audience, ses constatations ou ses conclusions,

- à titre très infiniment subsidiaire, ordonner que la livraison et l'apurement des comptes devra intervenir sous le contrôle d'un expert désigné,

- en tout état de cause, condamner la société Aéro Capital à payer à la société ICM Sécuribail la somme de 50 000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Aéro Capital aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais de l'expertise judiciaire, et qui seront recouvrés par M. [X] [V] - Cabinet MC Legal, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 21 juin 2021, la société [Localité 10] Aéro Services demande de :

- dire et juger que la procédure d'appel est éteinte,

- subsidiairement, lui donner acte qu'elle est étrangère aux débats sur l'annulation et la résolution de la vente, et confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise inopposable à son égard,

- très subsidiairement sur ce point, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'une nouvelle expertise, débouté la société Aéro Capital de ses demandes à son encontre et condamné la société Aéro Capital à lui payer la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile,

- y ajoutant, condamner la société Aéro Capital à lui payer une somme supplémentaire de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile et à bon tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Il est rappelé que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à 'juger', 'dire et juger', 'constater', 'donner acte', lorsqu'elles ne sont pas des prétentions, mais uniquement des moyens.

- Sur la procédure d'appel :

L'article L. 626-25 alinéa 3, dans ses dispositions antérieures à celles de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, énonce que les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan et auxquelles l'administrateur ou le mandataire judiciaire est partie sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan ou, si celui-ci n'est plus en fonction, par un mandataire de justice désigné spécialement à cet effet par le tribunal.

Ces dispositions ne concernent pas les instances qui étaient en cours à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire

En l'espèce, la société Aéro Capital a interjeté appel le 17 juillet 2018 avant le jugement du 7 mai 2019 ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire et le jugement du 4 mars 2020 ayant arrêté le plan de redressement par voie de continuation.

Dès lors, le commissaire à l'exécution du plan n'a pas qualité pour poursuivre l'instance en appel.

En conséquence, il n'y a pas lieu de déclarer éteinte la procédure d'appel en l'absence d'intervention du commissaire à l'exécution du plan de la société Aéro Capital.

- Sur la vente :

Selon l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Le contrat de vente stipule en son article 3.2 que 'l'acheteur a la possibilité de réaliser une expertise au plus tard le 5 octobre 2014 sur l'aéroport de [11] (France)', que 'selon les conclusions de l'expertise ci-dessus, l'acheteur aura la possibilité d'accepter ou de refuser par notification écrite l'appareil dans les 3 jours ouvrables suivant la fin de l'expertise', que 'dans le cas où l'appareil serait refusé expressément par l'acheteur dans le délai imparti', le contrat sera résilié de plein droit, et que 'passé la date du 10 octobre 2014, si l'acheteur n'a pas renoncé expressément à l'achat de l'appareil, les parties conviennent qu'il n'y a plus de condition suspensive au contrat de vente'.

L'article 3.1 précise que l'avion est 'livré apte au vol, son entretien technique selon programme du constructeur étant à jour, tous les services bulletins obligatoires et les consignes de navigabilité applicables à l'avion à la date de livraison étant effectués'.

Le contrat de vente est daté du 30 septembre 2014, signé des deux parties et la société ICM Sécuribail a payé le prix.

Il y a dès lors eu accord sur la chose et sur le prix.

La société ICM Sécuribail argue qu'elle n'a pas eu le temps d'organiser une expertise dans le délai imparti par l'article 3.2.

Elle a cependant signé le contrat sans convenir d'une modification des stipulations contractuelles.

La vente est dès lors parfaite.

La résiliation de la vente ne peut être réclamée sur le fondement contractuel de cet article 3.2.

- Sur l'expertise :

L'article 238 du code de procédure civile dispose :

'Le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.

Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.

Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.'

L'expert judiciaire a reçu pour mission de décrire les désordres allégués, d'en détailler l'origine, les causes et l'étendue, d'indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à l'usage qui pourrait être attendu de l'avion litigieux et quant à la conformité à sa destination, d'indiquer les solutions appropriées pour y remédier, d'en évaluer le coût et leur durée prévisible, de préciser et évaluer les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non-conformités.

Au terme de son rapport définitif déposé le 30 juin 2016, Monsieur [T] a répondu à tous les chefs de sa mission.

Il a décrit l'aéronef litigieux, indiqué les conditions techniques et réglementaires pour effectuer un voyage aérien, présenté le processus habituellement suivi pour acheter un avion, rappelé les conditions d'achat de l'avion litigieux, et analysé les pièces fournies.

Ces points étaient nécessaires pour ensuite analyser et expliquer les non-conformités constatées, au regard de l'usage, de la destination de l'avion et des conditions de la vente.

L'expert a examiné tous les désordres invoqués, y compris ceux allégués en cours d'expertise, et a répondu aux observations des parties.

L'expert n'a pas outrepassé sa mission.

En outre, les juges du fond sont en droit de s'approprier l'avis de l'expert, même si celui-ci a exprimé une opinion excédant les limites de sa mission.

Il ne ressort des termes du rapport aucune appréciation d'ordre juridique, aucun jugement de valeur ni propos injurieux de la part de l'expert.

Plusieurs ordonnances ont reporté le délai de dépôt du rapport de l'expert et les parties ont pu adresser des dires à ce dernier.

Il ne résulte pas de la procédure que l'expert se soit 'empressé de déposer son rapport définitif en vue de paralyser une mise en cause de la société [Localité 10] Aéro Service', alors qu'il a adressé aux parties un rapport provisoire le 4 mai 2016, que le délai pour la réception des dires a été fixé au 9 juin 2016 puis étendu au 15 juin 2016, qu'il a déposé son rapport le 30 juin 2016 et qu'ainsi la société Aéro Capital avait la possibilité de solliciter une extension de la mesure d'expertise et de mettre en cause la société [Localité 10] Aéro Service.

La société Aéro Capital a, par actes d'assignation en référé des 27 et 28 juin 2016, sollicité que l'ordonnance du 19 mars 2015 ayant ordonné la mesure d'expertise soit rendue commune et opposable à la société Organisme pour la Sécurité de l'Aviation Civile et à la société [Localité 10] Aéro Services, et que la mission de l'expert judiciaire soit étendue.

Cette demande a été déclarée irrecevable par une ordonnance du 3 novembre 2016.

La société Aéro Capital n'établit pas un manque de loyauté et une partialité de l'expert judiciaire.

En conséquence, la demande de nullité du rapport définitif sera rejetée.

- Sur la nullité de la vente :

Selon l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Le dol, qui peut être défini comme une tromperie destinée à surprendre le consentement du cocontractant, suppose des manoeuvres pratiquées par l'une des parties tendant à créer une fausse apparence, auxquelles sont assimilés le mensonge et la réticence.

Il peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait, qui s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.

L'existence d'une intention dolosive suppose nécessairement, à titre de condition préalable, que le contractant ait eu connaissance de la circonstance qu'on lui reproche d'avoir tue.

En l'espèce, le contrat de vente mentionne qu'il a été signé le 30 septembre 2014.

Il est accordé à l'acheteur la possibilité de réaliser une expertise au plus tard le 5 octobre 2014 sur l'aéroport [11], puis de renoncer à l'achat de l'appareil dans les 3 jours ouvrables suivant la fin de l'expertise.

Ce délai imparti à l'acheteur pour réaliser une expertise de l'avion était très court.

La société ICM Sécuribail n'a pas été en mesure de le respecter.

Il peut cependant être observé que, par courriel de M. [O] du 10 septembre 2014, un exemplaire du contrat de vente a été adressé en pièce jointe à M. [E] de la société ICM Sécuribail, qui avait ainsi été mis en mesure de prendre connaissance de la possibilité de réaliser une expertise et de renoncer à l'achat de l'appareil dans un délai court.

L'acheteur a signé le contrat après avoir pu le lire.

Il n'est pas contesté que la société ICM Sécuribail était un acheteur profane en matière d'aéronef et que la société Aéro Capital était un vendeur professionnel.

Il ressort des courriels échangés au cours du mois de septembre 2014 entre M. [O], au nom de la société Aéro Capital, et M. [E], au nom de la société ICM Sécuribail, que pour ce dernier, la 'sécurité' était un élément déterminant dans l'achat d'un aéronef, ainsi que le budget comprenant le prix, la maintenance, les temps et coûts des vols.

La société ICM Sécuribail a fait examiner l'avion le 17 octobre 2014 et a retenu qu'il présentait des défauts, hublots en mauvais état, moisissures, freins recouverts de rouille et traces de corrosion.

L'expertise non judiciaire et non contradictoire de M. [S] réalisée le 21 janvier 2015 a donné lieu à l'établissement d'un rapport le 2 février 2015 aux termes duquel il est conclu qu'aucun désordre n'a été constaté, 'l'appareil possède un certificat d'examen de navigabilité à jour et une APRS signée après réalisation des interventions techniques stipulées à la suite d'un vol de contrôle du 29 janvier 2015, l'état documentaire de l'avion est conforme à la réglementation et permet la réalisation d'une vente', 'l'appareil est 'navigable' au regard des documents et consignes de navigabilité applicables', et le 'vendeur est en mesure de livrer la machine en conformité avec les prescriptions contractuelles de l'acte de vente'.

Aux termes de son rapport définitif du 30 juin 2016, M. [T], expert judiciaire, a relevé que les désordres reprochés par ICM Sécuribail après l'expertise du 17 octobre 2014, ont été corrigés par la société Aéro Capital et n'apparaissaient plus le 15 septembre 2015.

Il a retenu que l'avion ne correspondait pas à l'appareil promis à la vente, qu'il ne respectait pas les exigences réglementaires applicables dans le cadre de son certificat de navigabilité et qu'il n'était pas apte au vol compte tenu de plusieurs non-conformités concernant 'la gestion technique selon CESCOM', 'la capacité mono-pilote', la largeur de l'allée entre les sièges avant, et l'entretien durant les périodes de non-vol, dont certaines présentaient un risque vis-à-vis de la sécurité des passagers.

La société Aéro Capital produit un rapport d'expertise non contradictoire établi à sa demande, par M. [D] le 20 septembre 2020 contredisant certaines conclusions de l'expert judiciaire.

Le contrat de vente porte sur un avion de 'marque et modèle Cessna Citation 500 SP'.

Dans son courriel du 11 septembre 2014, M. [O] a affirmé à M. [E] que l'avion 'possède toutes les options indispensables pour une exploitation optimisée (mono pilote, RVSM et Branson kit plus d'autres qui sont moins importantes)'.

L'expert judiciaire a relevé que la dénomination 'Cessna Citation 500 SP' était incorrecte, le modèle d'avion vendu nécessitant un équipage à deux pilotes, et alors qu'il n'était pas justifié de la capacité certifiée 'mono pilote' sur l'avion, ce qui est de nature à entraîner une augmentation des coûts d'exploitation et une plus grande difficulté à constituer des équipages pour réaliser les vols prévus.

Le rapport de M. [D] ne contient pas la justification de l'installation de cette capacité sur l'appareil vendu telle que demandée par l'expert judiciaire qui a considéré que 'la modification de câblage ne paraît pas suffisante pour apporter la capacité mono-pilote certifiée qui semble nécessiter également l'installation d'un EHSI (HSI électronique)' et qui a réclamé, en vain, 'la fourniture d'une copie de STC qu'Aéro Capital a déclaré posséder'.

L'expert judiciaire a constaté que l'avion n'était pas équipé du kit Branson, qui est un kit permettant l'augmentation de la masse maximale au décollage.

L'absence de kit Branson n'est pas contredite par M. [D].

L'article 3.3 du contrat de vente mentionne qu'au jour de la livraison, le vendeur remettra le document 'Cescom de l'appareil à jour'.

L'expert judiciaire a relevé que la gestion sous le programme Cescom n'avait pas été reconduite par un des précédents propriétaires.

Ce point n'est pas contredit par M. [D].

L'expert judiciaire a indiqué que le système utilisé par la société [Localité 10] Aéro Service était 'parfaitement reconnue et validée par son autorité de tutelle', mais que cela rendait 'quasi impossible le transfert de responsabilité' de la société [Localité 10] Aéro Service 'vers un autre organisme local dans le cas d'une immobilisation de l'avion loin de sa base d'attache'.

Il a précisé que le risque d'immobilisation de l'avion en cas de panne sur une base extérieure était ainsi augmenté, outre une augmentation des coûts de dépannage.

L'annexe 1 du contrat de vente indique que l'appareil est équipé d'un transpondeur 'XPDR COLLINS TDR 94 D MORE S'.

L'expert judiciaire a constaté que ce modèle de transpondeur n'était pas installé dans l'avion vendu.

Il a précisé que cette non-conformité n'avait pas d'impact direct sur l'exploitation de l'avion.

L'expert judiciaire a constaté que la distance entre les deux sièges situés à l'avant de l'avion n'était pas conforme à la réglementation, y compris en ces dérogations, et a conclu que l'avion était inapte au vol en raison de cette non-conformité. Il a expliqué que la largeur de passage à l'avant de l'appareil était anormalement étroite, ce qui impactait la sécurité des occupants en cas d'évacuation d'urgence. Il a proposé comme remède soit le démontage des sièges avant de l'avion et sa capacité réduite à quatre passagers, soit le remplacement des sièges avant par des sièges respectant la réglementation.

Contrairement à l'avis non contradictoire de M. [D], l'expert judiciaire a expliqué que le règlement CS25-815 s'appliquait à tous les sièges passagers de l'avion.

Cette non-conformité est établie.

L'expert judiciaire a constaté que le programme recommandé d'entretien n'avait pas été appliqué à l'avion comme la réglementation l'exige, alors que l'avion avait connu plusieurs périodes de non vols de plus de 2 mois, ce qui le rendait réglementairement inapte au vol en décembre 2014.

Il a précisé qu'était à redouter le risque de 'panne critique plus ou moins détectable à l'avance, par réduction du potentiel de sous-ensembles 'à durée de vie' (comme certains organes des moteurs, par exemple)', et que ce risque pouvait mettre en cause la sécurité des vols en cas de panne soudaine sur un équipement critique (moteur).

L'expertise non contradictoire réalisée par M. [I] le 21 septembre 2019, à la demande de la société Aéro Capital, révèle que 'la préservation des moteurs na pas été faite correctement durant la période juin 2013 à octobre 2014', que 'l'appareil n'a plus toute sa documentation technique depuis neuf, les premiers livrets de maintenance cellule (depuis fabrication) sont manquants, ainsi que les dossiers de travaux', que 'plusieurs réparations de structure ont été réalisées sans dossier technique'.

Ainsi, la société Aéro Capital, qui connaissait l'appareil et qui est un professionnel dans l'aéronautique, a trompé intentionnellement la société ICM Sécuribail sur des éléments déterminants de son consentement, l'aptitude à voler de l'appareil, sa sécurité, la possibilité d'un seul pilote, alors qu'elle connaissait les exigences réglementaires de navigabilité de l'appareil, ses caractéristiques techniques, et donc les non-conformités relevées par l'expert judiciaire qu'elle a dissimulées à la société ICM Sécuribail.

La société ICM Sécuribail, acheteur profane, n'était pas en mesure de déceler ces non-conformités qui préexistaient à la vente et n'ont pas été mises en lumière antérieurement à l'expertise judiciaire et notamment lors de l'examen de l'appareil en octobre 2014.

Il sera en conséquence retenu, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise, que la société Aéro Capital a commis un dol justifiant la nullité de la vente conclue avec la société ICM Sécuribail.

Le jugement, qui a prononcé la nullité de la vente sur le fondement du dol, et condamné la société Aéro Capital à payer la somme de 516 000 euros à la société ICM Sécuribail en remboursement du prix de la vente annulée, avec intérêts, sera confirmé.

- Sur la demande en dommages et intérêts de la société ICM Sécuribail :

La société ICM Securibail sollicite le paiement de la somme de 150 000 euros en réparation de ses préjudices annexes.

Si elle a pu subir une perte de jouissance, ce préjudice est réparé par l'octroi des intérêts au taux légal.

Elle ne produit aucun élément justifiant des dépenses de temps et des coûts supplémentaires résultant de l'absence de prise de possession de l'avion, ni d'une atteinte à l'image qui est seulement affirmée.

L'existence de ces préjudices annexes n'est dès lors pas prouvée.

Le jugement, qui a rejeté cette demande indemnitaire, sera confirmé.

- Sur l'appel en garantie contre la société [Localité 10] Aéro Service :

La restitution du prix au titre de la nullité de la vente ne constitue pas un préjudice indemnisable.

La société [Localité 10] Aéro Service étant tiers au contrat de vente annulé, la société Aéro Capital n'est pas fondée à solliciter sa condamnation à supporter personnellement la charge de cette restitution.

En outre, celui qui commet une faute dolosive ne peut être garanti, au titre de la contribution à la dette, par celui qui commet un simple manquement contractuel.

La société Aéro Capital a commis une faute dolosive et n'invoque qu'un manquement contractuel de la société [Localité 10] Aéro Service à son contrat de gestion de navigabilité.

Le jugement, qui a rejeté la demande de la société Aéro Capital contre la société [Localité 10] Aéro Service, sera confirmé.

- Sur les demandes accessoires :

La société Aéro Capital succombant, sera tenue aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par M. [X] [V] du cabinet MC Legal, et le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il apparaît équitable de condamner la société Aéro Capital à payer à la société ICM Sécuribail la somme de 20 000 euros et à la société [Localité 10] Aéro Service celle de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

- dit que la procédure d'appel n'est pas éteinte ;

- rejette la demande de nullité d'expertise ;

- rejette la demande d'une nouvelle expertise ;

- confirme le jugement du 22 juin 2018 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant,

- condamne la société Aéro Capital à payer à la société ICM Sécuribail la somme de 20 000 euros et à la société [Localité 10] Aéro Service celle de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamne la société Aéro Capital aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par M. [X] [V] du cabinet MC Legal.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/17876
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;18.17876 ?
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