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28/09/2022 | FRANCE | N°19/08963

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 28 septembre 2022, 19/08963


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08963 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQDH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/05750



APPELANT



Monsieur [G] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représe

nté par Me Steven THEALLIER, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



SARL KARL CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarah GIRAND, avocat au barreau de PARIS



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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08963 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQDH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/05750

APPELANT

Monsieur [G] [B]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Steven THEALLIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SARL KARL CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sarah GIRAND, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par contrat de professionnalisation à durée déterminée du 7 septembre 2017 au 15 octobre 2018, M. [G] [B] a été engagé en qualité d'assistant chef de projet par la SARL Karl conseil qui a pour activité principale l'intermédiation en assurance de prêts immobiliers.

Il percevait en contrepartie un salaire mensuel égal à 1.480,27 euros brut pour 35 heures de travail hebdomadaires.

La société Karl conseil applique la convention collective nationale des sociétés financières.

Le salarié a fait l'objet de deux avertissements, le premier, le 20 novembre 2017, au motif qu'il serait dans l'opposition, que certaines tâches n'auraient pas été réalisées selon le planning établi, que son poste de travail aurait été insuffisamment rangé et qu'il se serait restauré sur son lieu de travail et, le second, le 12 décembre suivant, au motif qu'il aurait demandé à un mandataire de la société de financer une publication sur les réseaux sociaux sans l'autorisation de son tuteur.

Par courrier du 5 février 2018, M. [B] s'est vu notifier la rupture de son contrat pour faute grave, au motif que, le 20 décembre 2017 à 18h15, alors que sa tutrice et directrice d'agence le lui demandait, il aurait refusé de lui donner accès à son travail et de communiquer le code d'accès à l'ordinateur qu'il avait précédemment changé.

Par requête reçue le 26 juillet 2018, contestant les avertissements et son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 15 avril 2019, a annulé l'avertissement du 12 décembre 2017 mais rejeté le surplus des demandes.

Le 7 août 2019, M. [B] a fait appel de cette décision notifiée le 17 juillet précédent.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 juin 2021, l'appelant demande à la cour de confirmer le jugement sur l'annulation de l'avertissement du 12 décembre 2017 mais de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- annuler l'avertissement du 20 novembre 2017 ;

- condamner la société Karl conseil à lui payer 1.002,78 euros brut de rappels de salaire au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée du 21 décembre 2017 au 10 janvier 2018, outre 100,27 euros brut de congés payés afférents ;

- condamner la société Karl conseil à lui payer des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme de son contrat à durée déterminée, soit la somme de 13.513,70 euros brut, outre 1.351,37 euros brut de congés payés afférents ;

- condamner la société Karl conseil à lui payer la somme de 1.480,30 euros de dommages-intérêts au titre du non-respect de la procédure disciplinaire ;

- condamner la société Karl conseil à lui payer 3.000 euros de dommages-intérêts au titre des conditions brutales et vexatoires de la rupture anticipée du contrat de professionnalisation ;

- ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte journalière de 100 euros, suivant les 15 jours de la mise à disposition de ladite décision ;

- condamner la société Karl conseil à lui payer 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 octobre 2019, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il annule l'avertissement du 12 décembre 2017, de l'infirmer de ce chef, et statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner M. [B] à lui payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties et au jugement pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur les avertissements disciplinaires

Selon les dispositions des articles L.1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui. En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par ailleurs, l'article 27 de la convention collective nationale des sociétés financières stipule qu'aucune sanction ne peut être prise sans que l'intéressé ait été entendu par l'employeur ou par son représentant et qu'il ait eu la possibilité de présenter sa défense, en se faisant accompagner, s'il le désire, d'un délégué du personnel ou, à défaut, d'un représentant syndical appartenant à l'entreprise.

Au cas présent, le salarié a été averti une première fois le 20 novembre 2017 pour être systématiquement dans l'objection, ne pas respecter ses plannings, ne pas ranger et nettoyer son poste de travail et avoir mangé dans son bureau. Il a été averti une seconde fois le 12 décembre suivant pour s'être rapproché d'un mandataire de la structure en lui expliquant qu'il souhaitait réaliser un paiement pour finaliser la publication sans l'autorisation de son supérieur.

Cependant, la preuve d'un entretien préalable n'est pas rapportée. Par ailleurs, alors que ces faits sont contestés, l'employeur ne produit aucun élément au soutien des faits motivant les sanctions prises.

Il convient dès lors d'annuler les deux sanctions disciplinaires entreprises et de confirmer le jugement pour la seconde mais de l'infirmer pour la première.

2 : Sur la rupture du contrat

Conformément aux articles L.1243-1 et L. 1243-2 du code du travail, une fois la période d'essai terminée, un contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant son terme que dans des hypothèses déterminées et notamment en cas de faute grave, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise

La charge de la preuve de la matérialité de la faute et de sa gravité incombe exclusivement à l'employeur.

Or, au cas présent, alors que le salarié conteste les faits qui lui sont imputés et produit une attestation confortant ses dires, la seule attestation produite par l'employeur, rédigée plus d'une année après les manquements ne permet pas de les établir. En outre, le prétendu changement de mot de passe n'est pas corroboré par cette attestation qui fait en revanche état d'une injure, dont on ne comprend pas, si elle a été réellement proférée, que la lettre de rupture ne la mentionne pas.

Dès lors, la faute grave n'est pas caractérisée.

Or, conformément à l'article L.1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8.

Au cas présent, la société sera ainsi condamnée au paiement, non seulement des rappels de salaire sur la période de mise à pied à titre conservatoire non justifiée en l'absence de faute, mais aussi à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'aurait perçues le requérant jusqu'au terme du contrat à durée déterminée.

L'intimée sera donc condamnée au paiement de 1.002,78 euros brut de rappels de salaire ainsi que de 100,27 euros brut de congés payés afférents et de 13.322,70 euros brut outre 1.351,37 euros brut de congés payés afférents.

Le jugement qui rejette les demandes en ce sens sera infirmé.

3 : Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure disciplinaire

Si la procédure n'a pas été respectée tant pour les avertissements que pour la rupture, le salarié, qui ne justifie pas du préjudice spécifique en résultant, verra sa demande de dommages-intérêts de ce chef rejetée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4 : Sur les dommages-intérêts pour rupture vexatoire

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il résulte de ces dispositions que l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires de la rupture nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant à son seul caractère abusif, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par les sommes allouées à ce titre.

En l'espèce, M. [B] soutient que le caractère brutal et vexatoire de la rupture s'évince des deux avertissements irréguliers, de sa convocation à un entretien préalable à un 'licenciement' pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire pendant plus de trois semaines et d'un 'licenciement' pour faute grave infondé. Il ajoute que l'employeur a refusé de le tenir informé du déroulement de la procédure de rupture et qu'il a ainsi été contraint de trouver dans l'urgence des solutions pour conserver sa formation, la perte de son contrat de professionnalisation compromettant l'obtention de son diplôme, ce qui a été source d'un stress particulièrement éprouvant.

Cependant, ce faisant, il ne caractérise pas la faute dans les circonstances de la rupture et le préjudice distinct en résultant.

Sa demande indemnitaire pour rupture vexatoire devra donc être rejetée et le jugement sera confirmé de ce chef.

5 : Sur les intérêts

Les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal qui courront, pour les créances salariales, à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du 30 juillet 2018 et du présent arrêt pour le surplus.

6 : Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail qui est de droit. Celle-ci devra intervenir dans les 15 jours suivant la signification de la présente décision.

Il n'y a pas lieu en revanche de prononcer une astreinte et la demande en ce sens sera rejetée.

7 : Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée sur les dépens.

La société sera ainsi condamnée au paiement des dépens de la première instance comme de l'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 avril 2019 sauf en ce qu'il annule la sanction du 12 décembre 2017, rejette les demandes d'indemnité pour non respect de la procédure disciplinaire et de dommages-intérêts pour les circonstances vexatoires de la rupture ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Annule l'avertissement du 20 novembre 2017 ;

- Condamne la SARL Karl conseil à payer à M. [G] [B] 1.002,78 euros brut de rappels de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 100,27 euros brut de congés payés afférents ;

- Condamne la SARL Karl conseil à payer à M. [G] [B] la somme de 13.322,70 euros brut outre 1.351,37 euros brut de congés payés afférents à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- Ordonne la remise d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail dans les 15 jours suivant la signification de la présente décision ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Condamne la SARL Karl conseil à payer à M. [G] [B] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent pour les créances salariales à compter du 30 juillet 2018 et du présent arrêt pour le surplus ;

- Condamne la SARL Karl conseil aux dépens de la première instance comme de l'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/08963
Date de la décision : 28/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-28;19.08963 ?
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