Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2022
(n° ,8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/16308 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3OHU
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 novembre 2013 par le tribunal de grande instance de BOBIGNY -Arrêt de la Cour d'appel de Paris du 2 Décembre 2015- Arrêt du 02 Mars 2017 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° 261 F-D
DEMANDEURS A LA SAISINE
M. [U] [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Mme [M] [E] épouse [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistés de Me Elisabeth ZAPATER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0457
DEFENDERESSE A LA SAISINE
SARL FONCIERE 168 WILSON
immatriculée au RCSdde Bobigny sous le numéro 444 518 658 prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-jacques DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R110
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2022, en audience publique, un rapport ayant été fait par M.Gilles BALAY, Président de chambre , en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
M.Gilles BALAY, Président de chambre
M.Douglas BERTHE, Conseiller,
MME Emmanuelle LEBÉE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Gilles BALAY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL greffière, présente lors de la mise à disposition.
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Exposé du litige
M. [U] [L] et Mme [M] [E], son épouse, (les époux [L]-[E]) sont propriétaires d'une boutique et de deux logements correspondant aux lots de copropriété n° 22, 25 et 27 d'un immeuble situé [Adresse 1] (Seine Saint-Denis).
En outre, ils louaient des locaux dans le même immeuble, suivant un acte sous seing privé du 1er septembre 2003, par lequel la société civile immobilière LAURENT, aux droits de laquelle vient la société Foncière 168 Wilson (la société Foncière), a renouvelé le bail qui leur avait été consenti sur des locaux à usage de café, restaurant, bar comprenant une boutique, une cave, une arrière-boutique, un appartement et une chambre pour une durée de neuf années à compter de la date de signature.
Les petits ou gros travaux d'entretien et les menues ou grosses réparations sont à la charge des preneurs, y compris les gros travaux de l'article 606 du code civil, de même que le coût du ravalement de l'immeuble et de la taxe foncière.
Les époux [L]-[E] ont été autorisés à rattacher leur lot de copropriété n° 22 à la boutique louée.
Par acte du 5 janvier 2012, la société Foncière a fait délivrer aux époux [L]-[E] un commandement, visant la clause résolutoire du bail, d'habiter personnellement les lots n° 24 et 72 de l'immeuble et de produire la police d'assurance concernant les lieux loués et les justificatifs de paiement des primes.
Le 28 février 2012, la bailleresse leur a fait notifier un congé portant refus de renouvellement au motif que le lot n° 72 était occupé par M. [C] et Mme [K], selon constat d'huissier du 6 février 2012, et ce, sous réserve de l'issue de l'instance engagée aux fins d'acquisition de la clause résolutoire.
Le 30 juillet 2012, les époux [L]-[E] ont fait assigner la société Foncière devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir, notamment, dire que le congé portant refus de renouvellement n'est pas justifié, subsidiairement, constater que les locataires se sont conformés à leurs obligations dans le délai imparti, condamner la société Foncière au paiement d'une indemnité d'éviction et désigner un expert afin d'en déterminer le montant. Reconventionnellement, la société Foncière a notamment sollicité l'acquisition de la clause résolutoire du bail.
Par jugement du 12 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté la société Foncière de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, dit que le congé délivré le 28 février 2012 était fondé sur des motifs graves et légitimes, dit n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité d'éviction, condamné solidairement les époux [L]-[E] à payer à la société Foncière la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et a ordonné l'exécution provisoire.
Les époux [L]-[E] ont relevé appel de ce jugement le 9 décembre 2013.
Par arrêt du 2 décembre 2015, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement entrepris, sauf en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, et statuant à nouveau, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, ordonné l'expulsion des époux [L]-[E], autorisé la société Foncière à faire entreposer et à vendre les objets mobiliers se trouvant dans les lieux loués, fixé l'indemnité mensuelle d'occupation due à compter du 5 février 2012 au montant du loyer contractuel mensuel, taxes et charges en sus et a condamné solidairement M. [L] et Mme [E] à payer cette indemnité d'occupation à la société Foncière, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont elle a ordonné la distraction.
Par arrêt du 2 mars 2017, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions et, pour être fait droit, a renvoyées les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.
Par déclaration du 2 juin 2017 formée par les époux [L]-[E], la cour d'appel de Paris a été saisie du renvoi après cassation.
Par arrêt du 18 septembre 2019, la Cour a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Foncière de sa demande d'acquisition de la clause résolutoire, l'a infirmé pour le surplus, statuant à nouveau, a dit que les motifs fondant le congé avec refus de paiement d'une indemnité d'éviction, délivré le 28 février 2012, n'étaient pas établis, que le congé délivré le 28 février 2012 par la société Foncière a mis fin au bail au 31 août 2012 et a ouvert droit à une indemnité d'éviction au profit des preneurs, au droit à leur maintien dans les murs et à une indemnité d'occupation au profit des bailleurs, a débouté la société Foncière de ses demandes de séquestration des biens mobiliers et d'expulsion, avant dire droit sur les montants de l'indemnité d'éviction et d'occupation, a désigné en qualité d'expert, M.[H] avec mission de rechercher tous éléments permettant de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction et a sursis à statuer sur les demandes formées au titre des indemnités d'éviction et d'occupation et sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [L]-[E] ont quitté les lieux le 30 juin 2018.
L'expert a déposé son rapport le 29 septembre 2021.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES APRÈS LE DÉPÔT DU RAPPORT
Pour leur exposé complet, il est fait renvoi aux écritures visées ci-dessous :
Vu les conclusions récapitulatives des époux [L]-[E], en date du 3 janvier 2022, tendant à voir la Cour condamner la société Foncière à leur payer une indemnité d'éviction d'un montant de 117 624 euros se décomposant comme suit :
' indemnité principale : 86 300 euros
' frais de remploi : 8 630 euros
' trouble commercial : 3 484 euros
' frais de déménagement : 3 000 euros
' frais de réinstallation : 9 768 euros
' frais de licenciement : 4 442 euros
' frais divers et administratifs : 2 000 euros,
fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 6 450 euros par an pour la période du 1er septembre 2012 au 17 novembre 2016 et à la somme de 4 073 euros par an pour la période du 18 novembre 2016 au 30 juin 2018,
ordonner la compensation des indemnités d'occupation avec les loyers payés d'une part et avec la somme de 7 906,04 euros due par la société Foncière au titre des précédentes décisions opposant les parties dans cette affaire majorée des intérêts jusqu'à parfait paiement,
condamner la société Foncière à leur payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise dépens dont la distraction est demandée.
Vu les conclusions récapitulatives de la société Foncière, en date du 24 mai 2022, (veille de la clôture) tendant à voir la cour fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme maximale de 90 586,00 euros, se décomposant ainsi :
- des frais de remploi pour la somme de 7 060 euros,
- du trouble commercial pour la somme de 3 484 euros,
- des frais de déménagement pour la somme de 3 000 euros,
- des frais de licenciement pour la somme de 4 442 euros,
- des frais divers pour la somme de 2 000 euros ;
Fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 10 320 euros HT/H/an à compter du 1er septembre 2012,
Condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 10 320,00 € HT/H/an à compter du 1erseptembre 2012 au titre d'indemnité d'occupation, les débouter de leurs demandes, les condamner in solidum à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont la distraction est demandée
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur l'indemnité d'éviction
Selon l'article L.145-14, alinéa 2 du code de commerce, l'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
L'indemnité d'éviction a ainsi pour objet de compenser le préjudice qui résulte pour le locataire du refus du renouvellement du bail.
1. Sur l'indemnité principale
Il est usuel de mesurer les conséquences de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.
Si le fonds n'est pas transférable, l'indemnité principale correspond à la valeur du fonds.
En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que l'éviction entraînera la perte du fonds.
Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les locaux sont situés 168 avenue du Président Wilson dans le quartier de [Localité 4], quartier dynamisé par l'implantation du Stade de France en 1998 et la rénovation de l'espace urbain qui s'en est suivie. Ils sont situés dans un secteur mixte d'habitations populaires, de bureaux et de petits commerces. La desserte par les transports en commun est assurée par la ligne d'autobus 153 (arrêt « Le Mont joie ») à environ 50 mètres, la station de métro « Front Populaire » (ligne 12) et les gares « [Localité 4] ' Stade de France (RER B) et « Stade de France ' Saint- Denis » (RER D) sont à environ 1 kilomètre.
Ils dépendent d'un ensemble immobilier édifié vers 1920, à usage de logements et de commerces, composé de cinq corps de bâtiments contigus : un bâtiment A ayant façade sur l'avenue du Président Wilson, et des bâtiments B, C, D et E en partie arrière ayant façade sur une cour intérieure. L'immeuble était en état de dégradation avancé et avait fait l'objet d'arrêtés préfectoraux d'insalubrité et de péril. Sur la façade un filet de protection a été posé et la toiture est en partie détruite suite à un incendie survenu en octobre 2016.
Les surfaces exploitées sont pour la partie commerciale de 79,60 m² de surface utile et 44,27 m² de surface pondérée, pour la partie habitation de 26 m² de surface utile (appartement de deux pièces), et de 13 m² de surface utile (chambre).
Sur le montant de l'indemnité d'éviction :
Les parties s'opposent sur le mode de calcul de l'indemnité, les preneurs soutenant qu'il n'y a pas eu de modification des facteurs locaux de commercialité, le bailleur soutenant qu'il y a eu une modification notable de facteurs locaux de commercialité au cours du bail permettant d'écarter le principe du plafonnement dans l'hypothèse d'un renouvellement.
Par application des dispositions de l'article L. 145-33 du code de commerce le montant des loyers de baux renouvelés ou révisés doit correspondre à leur valeur locative ; l'article L. 145-34 du même code institue cependant un plafonnement du loyer lors des renouvellements auquel il peut être dérogé en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, parmi lesquels les facteurs locaux de commercialité, invoqués par le bailleur.
En l'espèce, l'expert, sans être contredit, a relevé qu'entre le 1er septembre 2003, date de l'entrée en vigueur du bail et le 31 août 2012, date d'effet du congé avec refus de renouvellement, on constate, à partir de 2006, une augmentation de la population de [Localité 4] bien supérieure à celle constatée dans l'ensemble du département de la Seine-[Localité 4] sur la même période, que la population des zones IRIS les plus proches des locaux a particulièrement augmenté avec une hausse de 63,50 % pour la population de la zone IRIS « [Localité 4] 2 » dont dépendent les locaux, qu'ont été édifiés dans un rayon de 400 mètres 425 logements, 13 935 m² de bureaux, 690 m² de commerces, 40 m² de locaux liés à l'équipement collectif culturel et 1 111 m² de locaux divers, soit un volume de constructions neuves au cours du bail étudié, significatif au regard de l'activité de café, restaurant, exercée dans les locaux.
Ces éléments permettent à eux seuls, et sans tenir compte de l'impact éventuel des gares « [Localité 4] ' Stade de France (RER B) et « Stade de France ' [Localité 4] » (RER D), trop éloignées comme le relèvent à juste titre les preneurs, de dire que les facteurs locaux de commercialité ont été modifiés au cours du bail et qu'en cas de renouvellement le loyer aurait été déplafonné.
Les preneurs soutiennent encore que le défaut d'entretien de l'immeuble qu'ils imputent au bailleur, copropriétaire majoritaire, exclut que le fonds de commerce ait pu bénéficier de l'augmentation de la population. Cependant, ils n'établissent pas, au-delà d'une simple affirmation de principe, que ce défaut d'entretien ait été imputable au seul bailleur et qu'eux-mêmes, également copropriétaires, aient vainement demandé à l'assemblée générale des copropriétaires le vote de travaux.
La valeur du droit au bail est la concrétisation de l'économie de loyer qu'aurait pu réaliser le locataire si son bail avait été renouvelé à laquelle on ajoute un coefficient multiplicateur capitalisant l'économie de loyer en fonction de la qualité commerciale de l'emplacement. En l'espèce, les parties ne discutent pas le coefficient multiplicateur de 6,5 retenu par l'expert. Cette économie correspond à la différence entre la valeur locative de marché (nouvelle location) et le montant du loyer qu'aurait réglé le locataire en cas de renouvellement. Compte tenu de ce qui précède, le calcul du droit au bail sera réalisé dans l'hypothèse du déplafonnement, c'est-à-dire d'un loyer fixé à la valeur locative de renouvellement au sens de l'article L.145-33 du code de commerce.
Les parties ne critiquent pas les valeurs de marché locatif relevées par l'expert et ne proposent aucun autre chiffre. Il convient donc de retenir pour la partie commerciale une valeur locative de renouvellement, en 2012, de 200 euros le m² pondéré par an, soit pour 44,27 m² pondérés × 200 euros = 8 854 euros par an HT H, pour la partie habitation, 5 148 euros par an HT H, soit un total de 14 002 euros. La valeur locative de renouvellement, en 2012, après correctif de 8 pour les clauses exorbitantes rappelées ci-dessus, est donc de 14 002 euros ' 8 % = 12 882 euros par an HT H, arrondie à la somme de 12 900 euros par an HT H. Il convient de réajuster le montant du loyer déplafonné en fonction de la variation de l'indice afin de tenir compte de la révision triennale légale.
' Loyer issu de la première révision au 1er septembre 2015 : 12 900 euros × 1608 (ICC 3T 2015) / 1648 (ICC 3T 2012) = 12 586,89 euros.
' Loyer issu de la seconde révision au 1er septembre 2018 : 12 586,89 × 1733 (ICC 3T 2018) / 1608 (ICC 3T 2015) = 13 565,34 euros.
L'économie de loyer résultant de la différence entre la valeur locative de marché de 18 100 euros et le montant du loyer déplafonné de 13 565,34 euros est d'un montant de 4 534,66 euros, ce qui porte la valeur du droit au bail en retenant un coefficient multiplicateur de 6,5 (cf. supra), à la somme de 4 535 euros × 6,5 = 29 477 euros, arrondie à celle de 29 500 euros.
Pour établir la valeur du fonds de commerce, s'agissant d'un fonds de commerce de café-restauration, il est conforme aux usages d'évaluer sa valeur sur la base d'un chiffre d'affaires moyen, calculé sur les 3 années les plus proches de l'éviction, et d'y appliquer un barème, lequel se situe entre 60 et 120 % du chiffre d'affaires HT moyen.
En l'espèce, l'expert n'a pas retenu, sans être contredit par les parties, le chiffre d'affaires de la dernière année d'exploitation, non significatif puisque celle-ci s'est achevée en juin 2018, mais la moyenne des quatre années 2014, 2015, 2016 et 2017. Il a évalué le fonds à la somme de (78 437 euros × 110 % =) 86 281 euros, arrondie à celle de 86 300 euros.
Cette valeur du fonds de commerce étant supérieure à celle du droit au bail, elle sera retenue. Dans l'hypothèse du déplafonnement, il convient de tenir compte de la baisse de la rentabilité liée à l'augmentation du loyer. En conséquence, la valeur du fonds de commerce sera retenue sur la base de 90 % du chiffre d'affaires moyen HT, soit :
(78 437 euros × 90 % = ) 70 593 euros, arrondie à la somme de 70 600 euros.
Sur les demandes accessoires :
Les parties sont en accord sur les évaluations suivantes de l'expert, qui seront, en conséquence, retenues par la cour :
Frais de remploi : 8 630 euros.
Trouble commercial : 3 484 euros
Frais de déménagement : 3 000 euros
Frais de licenciement : 4 442, 06 euros
Frais divers : forfaitairement 2 000 euros.
Elles s'opposent sur les frais de réinstallation que les preneurs évaluent sur une base de 400 euros le m² avec un abattement pour vétusté, soit à la somme de 9 768 euros, tandis que le bailleur soutient qu'elle n'est pas due au motif que les aménagements ont déjà été valorisés dans la valeur du fonds de commerce et en raison de l'absence de concept spécifique, tel une enseigne.
Cependant, il est admis que lorsque le fonds de commerce ne peut être transféré, le locataire peut être indemnisé des frais de recherche et de commissions pour trouver un nouveau local. Ce n'est qu'en l'absence de préjudice prouvé que cette indemnité peut être exclue, absence qui ne peut résulter que d'un défaut avéré de volonté du preneur de se réinstaller, dont la preuve incombe au bailleur, lequel, en l'espèce ne l'apporte pas. Les parties ne critiquant pas le calcul de cette indemnité effectué par l'expert, l'évaluation de celui-ci sera retenue.
Le total des indemnités accessoires s'élève donc à la somme de 31 324 euros.
Sur l'indemnité d'occupation :
En application de l'article L. 145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction calculée d'après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d'appréciation.
La valeur locative de renouvellement à la date d'effet du congé a été évaluée ci-avant à la somme de 12 900 euros HT H. S'il en résulte une majoration par rapport au loyer en vigueur à la date d'expiration du bail, cette situation est la conséquence de l'application de la valeur locative, étant relevé qu'eu égard à la durée du bail, le loyer aurait été déplafonné si le bail avait été renouvelé.
Les preneurs soutiennent qu'un abattement de 50 % doit être pratiqué sur ce montant et que la partie habitation ayant été murée à compter du 17 novembre 2016, il convient de minorer en conséquence le montant de l'indemnité d'occupation à hauteur de la somme de 4 073 euros, tandis que le bailleur soutient que les preneurs, qui, lors des assemblées générales de copropriété ont voté contre l'exécution de travaux, ne peuvent lui imputer aucun manquement à l'obligation de délivrance.
Par application des dispositions de l'article L. 145-28 ci-dessus rappelé, la valeur locative doit être corrigée de tous éléments d'appréciation. Au regard de la durée de la procédure, des désagréments subis par le locataire tels que l'incendie de la toiture, des squats dans l'immeuble, de la présence d'un logement, un abattement de 20 % est justifié de sorte que l'indemnité d'occupation doit être fixée à la somme de 10 320 euros par an HT H. pour la période s'achevant le 17 novembre 2016.
Le bailleur n'apportant pas la preuve, qui lui incombe, que son manquement à l'obligation de délivrance de la partie habitation des locaux ne lui était pas imputable, il convient de fixer, pour cette période, le montant annuel de l'indemnité d'occupation à compter de 17 novembre 2016 à la somme de 6 517 euros HT H.
Sur la compensation :
Aux termes de l'article 1290 ancien du code civil, applicable au litige, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs ; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leur quotité respective.
Selon l'article 1291 du même code, la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes également liquides et exigibles.
En l'espèce rien ne s'oppose à la compensation entre les sommes dues par les parties.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Le bailleur qui succombe doit être condamné aux dépens, débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer aux preneurs, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
FIXE le montant de l'indemnité d'éviction à la charge de la société Foncière 168 Wilson à la somme de 101 924 euros, se décomposant comme suit :
' frais de remploi : 8 630 euros
' trouble commercial : 3 484 euros
' frais de déménagement : 3 000 euros
' frais de réinstallation : 9 768 euros
' frais de licenciement : 4 442 euros
' frais divers et administratifs : 2 000 euros,
FIXE l'indemnité d'occupation due par les époux [L]-[E] à la somme de 10 320 euros par an HT H. pour la période du 1er septembre 2012 s'achevant le 17 novembre 2016 ;
CONDAMNE les époux [L]-[E] à payer à la société Foncière 168 Wilson la dite indemnité d'occupation ;
FIXE l'indemnité d'occupation due par les époux [L]-[E] à la somme de 6 517 euros HT H. par an pour la période du 17 novembre 2016 au 30 juin 2018 ;
CONDAMNE les époux [L]-[E] à payer à la société Foncière 168 Wilson la dite indemnité d'occupation ;
ORDONNE le règlement des sommes dues de part et d'autre au titre de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation par compensation ;
CONDAMNE la société Foncière 168 Wilson à payer aux époux [L]-[E] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise, dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;
REJETTE les demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRESIDENT