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26/09/2022 | FRANCE | N°21/01124

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 26 septembre 2022, 21/01124


RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01124 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6FE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 17/01515



APPELANTS



Monsieur [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le 18 Août 1969 à [Localit

é 7]



Représenté par Me Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391



Madame [Z] [H] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née le 18 Octobre 1973 à [Localité 9]



Représentée p...

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01124 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC6FE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2020 -Tribunal de Grande Instance de Paris RG n° 17/01515

APPELANTS

Monsieur [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

né le 18 Août 1969 à [Localité 7]

Représenté par Me Anne-Sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

Madame [Z] [H] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née le 18 Octobre 1973 à [Localité 9]

Représentée par Me Anne-sophie RAMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : E0391

INTIMEES

S.A.S. ACTIFINANCES

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 442 195 814

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Yagmur OZDILEKCAN, avocat au barreau de PARIS

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

N° SIRET : 542 029 848

Représentée par Me Béatrice LEOPOLD COUTURIER de la SELARL PUGET LEOPOLD - COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [S] [L] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

En 2006, M. [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] (les époux [Y]) se sont vus proposer un investissement locatif dans le cadre du dispositif de défiscalisation de la loi Girardin.

Par acte du 1er octobre 2006, ils ont conclu un contrat préliminaire de réservation d'un appartement de deux pièces de type F4, de 65,30 mètres carrés, comprenant une varangue et un emplacement de parking à [Localité 8] de La Réunion, moyennant un prix de 283.000 euros.

Les époux [Y] ont signé un mandat de gérance pour la mise en location de l'appartement avec la société CITI le 1er octobre 2006.

La vente en l'état futur d'achèvement a été réitérée par acte authentique du 29 décembre 2006.

Pour financer cet achat, les époux [Y] ont contracté auprès de la société Crédit Foncier de France un prêt d'une durée de 300 mois

Imputant aux défendeurs des pratiques trompeuses sinon divers manquements à leurs obligations d'information et de conseil, les époux [Y] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société Actifinances, anciennement B2 Conseil, comme mandant de leur conseil en gestion de patrimoine, Mme [U] [P], et la société Crédit Foncier de France par actes d'huissier du 9 janvier 2017, pour les voir solidairement au paiement de la somme de 133.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Par actes d'huissier des 11 et 22 juin 2018, la société Actifinances a assigné la société [P] Audit Patrimonial et Mme [U] [P], comme l'unique intermédiaire des époux [P], aux fins de les voir condamner à la relever et garantir de toutes condamnations.

Les procédures ont fait l'objet d'une jonction par ordonnance du juge de la mise en état du 8 novembre 2018.

Par jugement du 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- Dit irrecevable l'action de M. [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] dirigée contre la Sarl Actifinances et la Sa Crédit Foncier de France à raison de la prescription ;

- Condamne in solidum M. [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] à payer à la Sarl Actifinances et la Sa Crédit Foncier de France, à chacune, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum M. [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] aux dépens de l'instance dont distraction au profit de la Scp Raffin & Associés et Me Béatrice Leopold-Couturier ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Par déclaration du 14 janvier 2021, les époux [Y] ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 7 avril 2021, les époux [Y] demandent à la cour

Vu l'article 1382 du code civil (nouvel article 1240 du code civil)

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en date du 24 septembre 2020 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de M. et Mme [Y] ;

En statuant à nouveau :

- Recevoir M. et Mme [Y] en leur demandes et les dire bien fondées.

- Débouter les sociétés Actifinances et Crédit Foncier de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

- Juger que les sociétés Actifinances et Crédit Foncier ont manqué à leur devoir d'information et de conseil.

En conséquence,

- Condamner la société Actifinances à payer à M. et Mme [Y] la somme de 28.353,00 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre du surcoût de l'opération ;

- Condamner solidairement les sociétés Actifinances et Crédit Foncier à payer à M. et Mme [Y] la somme de 133.000,00 euros à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de l'impossibilité de revendre pour le montant investi ;

En tout état de cause,

- Condamner solidairement les sociétés Actifinances et Crédit Foncier à payer à M. et Mme [Y] la somme de 6.000,00 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

- Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par dernières conclusions signifiées le 17 juin 2021, la société Actifinances demande à la cour :

A titre principal :

- Confirmer le jugement entrepris qui a déclaré l'action des époux [Y] irrecevable car prescrite.

- Condamner les époux [Y] à régler à la société Actifinances la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

- Juger que la société Actifinances venant aux droits de la société B2 Conseils, n'a pas commis de faute dans l'exécution de sa mission.

- Juger que les époux [Y] ne justifient pas d'un préjudice à caractère indemnisable.

En conséquence,

- Débouter les époux [Y] de leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de la société Actifinances venant aux droits de la société B2 Conseils.

A titre très subsidiaire :

Vu le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit

- Juger que l'avantage fiscal obtenu par les époux [Y] à hauteur de 194.151 euros viendra en déduction de leur préjudice,

En conséquence,

- Juger que les époux [Y] ne justifient pas d'un préjudice indemnisable,

Vu les dispositions de l'article 1992 du code civil,

- Condamner in solidum Mme [P] et la société [P] Audit Patrimonial à relever et garantir la société Actifinances venant aux droits de la société B2 Conseils de toute condamnation éventuelle, pour mauvaise exécution de son mandat.

- Condamner in solidum Mme [P] et la société [P] Audit Patrimonial à régler à la société Actifinances la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jeanne Baechlin en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 6 juillet 2021, la société Crédit Foncier de France demande à la cour :

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 24 septembre 2020 ;

- Déclarer les consorts [Y] irrecevables en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions car prescrites ;

- A défaut, les en déclarer mal fondés et les en débouter intégralement ;

- Condamner tous succombants à payer à la société Crédit Foncier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Béatrice Leopold-Couturier, avocat, sur son affirmation de droit.

Par actes d'huissier des 22 et 29 juin 2021, la société Actifinances a assigné Mme [P] [U] et la société [P] Audit Patrimonial aux fins d'appel provoqué par signification de l'acte à l'étude selon les dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile.

Mme [P] [U] et la société [P] Audit Patrimonial n'ont pas constitué avocat.

SUR CE, LA COUR

Sur la prescription

Les époux [Y] soutiennent, au visa de l'article 2224 du code civil, que le point de départ du délai de prescription se situe au moment de la connaissance du titulaire, et non au moment du fait générateur ; que le bien immobilier est le support d'une opération de défiscalisation qui se déroule sur plusieurs années. C'est à l'issue de celle-ci que les acquéreurs sont en mesure de se rendre compte de la valeur réelle du bien acquis. Les époux [Y] se sont rendus compte du manquement aux obligations d'informations et de conseil dont ils ont été victimes en mars 2014 à la suite d'une estimation de leur bien faisant apparaître une perte de valeur de celui-ci.

La société Actifinances réplique que l'assignation du 9 janvier 2017 est atteinte par la prescription, que l'action des époux [Y] est irrecevable au motif qu'elle est prescrite. Elle ajoute que le dommage résultant d'un manquement à ces obligations consiste en une perte de chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est concrétisé, et se réalise dès la conclusion du contrat, à moins que le client ne démontre qu'il pouvait à cette date légitimement ignorer ce dommage. Le point de départ de l'action résultant de la surévaluation du bien commence à courir à compter de son acquisition. S'agissant de la baisse des loyers, la révélation du dommage se situe dès le mois de mai 2010.

La société Crédit Foncier fait valoir qu'il convient d'appliquer l'article L. 110-4-1 du code de commerce qui prévoit un délai de prescription de 5 ans. En l'espèce, les époux [Y] avaient jusqu'au 19 juin 2013 pour agir. Par conséquent, leur action en responsabilité engagée le 19 janvier 2017 est prescrite.

Ceci étant exposé,

Le gestionnaire de patrimoine qui reçoit mandat de rechercher un bien immobilier pour un projet locatif à but de défiscalisation est redevable à l'égard de son client d'une obligation d'information, de conseil.

Les époux [Y] ont fait l'acquisition d'un appartement en 2006 et l'acte de vente a été régularisé devant notaire le 29 décembre 2006. L'acte introductif d'instance a été signifié le 9 janvier 2017. Ils reprochent la surévaluation du prix d'acquisition du bien.

Mme [P] est intervenue en qualité de mandataire de la société B2 Conseils devenue Acifinances pour proposer aux époux [Y] un investissement locatif bénéficiant du dispositif de défiscalisation de la loi Girardin.

Le contrat de réservation a été conclu avec la SCCV les Tuis Tuis le 1er octobre 2006.

Le Crédit Foncier est intervenu en qualité de prêteur de deniers pour financer le projet.

Aux termes de l'article 2224 du code civil le point de départ de la prescrition court à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer.

En application de ces dispositions, le dommage résultant d'un manquement à une obligation d'information et de conseil se manifeste dès la conclusion du contrat proposé, à moins que l'investisseur démontre qu'il pouvait ignorer ce dommage.

En l'espèce, les époux [Y] ont signé dés l'acte de réservation, le 1er octobre 2006 un mandat de gérance pour la location de l'appartement. Ils exposent que dès la livraison de l'appartement en 2007, jusqu'en 2010, le montant du loyer a continuellement baissé. Ils invoquent également des périodes de vacance de location dès 2007, qui se sont poursuivies en 2008, 2010.

La faute alléguée résidant dans la délivrance d'informations fausses ou incomplètes sur la présentation du produit en défiscalisation et sur les risques encourus, il s'en déduit que dès 2007, 2008 et 2010 les époux [Y] pouvaient s'interroger sur l'économie générale de l'opération.

Ainsi que l'a jugé le tribunal le dommage résultant d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil, s'est manifesté au plus tard au mois de mai 2010, date à laquelle les époux [Y] étaient en mesure d'appréhender les conséquences induites par la discontinuité des contrats de bail

La cour adopte les motifs du tribunal en ce qu'il a déclaré prescrite l'action intentée de ce chef en 2017 .

Les époux [Y] ont assigné la société Crédit Foncier le 9 janvier 2017. Le délai de prescription, relevant de l'article L110-4-1 du code de commerce, dispose que le point de départ de l'action en responsabilité de la banque est la date de signature du prêt. Le délai de prescription est quinquennal depuis la loi 2008-561 du 17 juin 2008 , entrée en vigueur le 19 juin 2008.

L'article 26 II) de ladite loi précise : « Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. ».

En l'espèce, la banque, le Crédit Foncier, est intervenue pour financer le projet des époux [Y], le 21 novembre 2006. La responsabilité de la banque est recherchée au titre de la surévaluation du prix du bien.

Le point de départ de la prescription se situant au moment de l'octroi du crédit, le 21 novembre 2006, l'action diligentée par les époux [Y] est prescrite.

S'agissant du dommage résultant de la surévaluation du prix d'acquisition , ainsi que l'a jugé le tribunal, le point de départ de la prescription se situe à la date de la réitération de l'acte de vente par acte authentique le 29 décembre 2006.

A cette date, les époux [Y] avaient la possibilité de faire procéder à une estimation du bien depuis le contrat de réservation ou depuis l'octroi du prêt. Il leur appartenait de se renseigner sur l'évaluation de leur bien au regard du marché immobilier local.

Pour l'ensemble de ces motifs, la cour confirme l'irrecevabilité des demandes des époux [Y].

La solution du litige conduit à rejeter les autres demandes. Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

M [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y], parties perdantes, au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens.

Il paraît équitable d'allouer une somme de 2 000 euros à chacune des parties intimées au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement M [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] à payer à la société Actifinances et à la société Crédit Foncier la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M [F] [Y] et Mme [Z] [H] épouse [Y] aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/01124
Date de la décision : 26/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-26;21.01124 ?
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