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22/09/2022 | FRANCE | N°22/01510

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 22/01510


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01510 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCMY



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de Creteil - RG n° 2021R00303





APPELANTES



E.U.R.L. ETABLISSEMENTS CHARMONT NICKSON



[Ad

resse 2]

[Localité 3]





E.U.R.L. ETABLISSEMENT GATTEFOSSE



[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentées par Me Amandine OGOUBI AKILOTAN de l'AARPI PanAssociés, avocat au barreau de ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01510 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCMY

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 24 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de Creteil - RG n° 2021R00303

APPELANTES

E.U.R.L. ETABLISSEMENTS CHARMONT NICKSON

[Adresse 2]

[Localité 3]

E.U.R.L. ETABLISSEMENT GATTEFOSSE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentées par Me Amandine OGOUBI AKILOTAN de l'AARPI PanAssociés, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

S.A.R.L. GEMAKONTA

[Adresse 1]

[Localité 3]

Défaillante, signifiée le 11.02.2022 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse ont confié la gestion de leur comptabilité à la société Gemakonta, pour l'exercice professionnel clos le 31 décembre 2020.

Le 13 septembre 2021, la société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse ont mis en demeure la société Gemakonta de leur restituer sans délai leurs pièces comptables.

Par acte du 15 octobre 2021, la société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse ont fait assigner la société Gemakonta devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil aux fins de voir :

- condamner la société Gemakonta à leur restituer, sans délai, l'ensemble de leurs documents administratifs comptables de l'exercice 2020, sous peine d'astreinte ;

- condamner la société Gemakonta à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

En réplique, la société défenderesse a indiqué qu'elle refusait la transmission des documents à raison du non-règlement de factures.

Par ordonnance contradictoire du 24 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Etablissements Charmont Nickson ;

- rejeté toutes autres demandes, y compris celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de la partie demanderesse ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros dont TVA 20%.

Par déclaration du 17 janvier 2022, la société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse ont relevé appel de la décision.

Dans leurs conclusions remises le 28 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse demandent à la cour, au visa des articles 514, 696, 700, 872, 873 et 873-1 du code de procédure civile et du code civil, de :

- les recevoir en leur demande et les en dire bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance du 24 novembre 2021 en ce qu'elle a rejeté leurs demandes, fins et conclusions ;

- débouter la société Gemakonta de l'ensemble de ses conclusions, fins et demandes ;

en conséquence,

- condamner la société Gemakonta à leur restituer sans délai les documents administratifs et comptables de l'exercice professionnel clos le 31 décembre 2020 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, par provision ;

- dire que les documents à remettre sont les factures, les contrats, les courriers administratifs, le fichier des écritures comptables, les grand-livre général, le grand-livre clients, le grand-livre fournisseurs - balance clients, la balance fournisseurs, les journaux comptables, l'état des immobilisation, l'état des rapprochements bancaires, les bulletins de paye, les déclarations sociales, l'état des provisions congés payés, le tableau des charges, le journal de paie, la dsn, la déclaration de la taxe d'apprentissage et de la formation professionnelle continue pour l'exercice 2020 ;

- condamner la société Gemakonta à leur restituer sans délai l'ensemble des documents administratifs et comptables personnels en sa possession sous astreinte de 100 euros par jour de retard, par provision ;

- condamner la société Gemakonta à leur payer la somme de 1.000 euros par provision au titre de l'indemnité pour préjudice moral ;

- condamner la société Gemakonta à leur payer la somme de 6.000 euros par provision au titre de l'indemnité pour préjudice financier ;

et tout état de cause,

- condamner la société Gemakonta au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Gemakonta aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

La société Etablissements Charmont Nickson et la société Entreprise Gattefosse soutiennent en substance :

- que l'urgence est caractérisée par l'absence de dépôt des comptes annuels 2020 auprès de l'administration et qu'à ce titre elles contreviennent à leurs obligations légales et encourent des pénalités de retard ;

- que le tribunal de commerce n'a pas vérifié si la créance invoquée par la société Gemakonta était fondée en droit et s'est contenté de voir l'existence de facture sans vérifier s'il y avait eu une mise en demeure de payer ou des échanges entre les parties sur les factures présentées ;

- que les documents administratifs d'une société, peu importe leur nature, restent de la propriété de la société ; qu'il n'existe aucun droit de rétention sur ces documents ;

- que les documents comptables issus du travail de l'expert-comptable auraient éventuellement pu faire l'objet d'une rétention, si et seulement si le droit de rétention avait été mis en oeuvre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- que la société Gemakonta n'est pas inscrite en qualité d'expert-comptable et est donc passible d'être sanctionnée des fais d'escroquerie et d'abus de confiance ; qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun droit de rétention et détient illégalement des documents administratifs appartenant à des tiers, une plainte étant en cours d'instruction ;

- qu'elles ne disposent d'aucun document comptable et sont empêchées de remplir leur obligations légales et de conduire normalement leurs activités en interne ou avec leurs clients ou des tiers ;

- que l'urgence, l'absence de contestation sérieuse, un péril imminent et un trouble manifestement illicite sont caractérisés ;

- que la société Gemakonta refuse délibérément et sans motif valable de remettre toutes les pièces administratives et comptables des sociétés qui sont à jour de leur règlement ;

- que la mauvaise foi avérée de la société Gemakonta doit être sanctionnée par l'attribution d'une indemnité forfaitaire de 1.000 euros, que le préjudice financier des sociétés est important puisqu'elles ont payé un faux prestataire pendant des années alors que ce dernier usait d'une fausse qualité.

Les appelantes ont fait signifier la déclaration et leurs conclusions à la société Gemakonta par acte d'huissier de justice le 11 février 2022, par défaut. La société Gemakonta n'a pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en vertu de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie intimée est réputée s'être appropriée les motifs du premier juge, en l'absence de conclusions de sa part.

De surcroît, en application de l'article 472 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne fera droit à la demande de la partie appelante que si elle l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le fond du référé, l'article 872 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Selon l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'alinéa 2 de cet article indique, que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

En l'espèce, il sera relevé :

- que les sociétés appelantes, qui ont confié la gestion de leur comptabilité à la société Gemakonta pour l'exercice 2020, indiquent que cette société refuse de leur remettre les pièces comptables, une mise en demeure ayant été restée vaine (pièce 9) ;

- que la société intimée n'a d'ailleurs pas contesté devant le premier juge qu'elle refusait de transmettre les documents, arguant de ce qu'elle attendait le règlement de certaines factures ;

- que les sociétés appelantes font toutefois à juste titre valoir qu'il y a urgence, au sens de l'article 872 du code de procédure civile, à ce qu'elles puissent récupérer leurs pièces comptables, dans la mesure où elles sont empêchées de respecter leurs obligations légales (pièces 7 et 8, paiement des impôts, dépôt des documents comptables au greffe du tribunal de commerce) ;

- que, nonobstant la circonstance que les sociétés appelantes estiment être victimes de faits d'escroquerie et d'abus de confiance, la société Gemakonta n'étant pas inscrite à l'ordre des experts-comptables, ainsi que le fond du litige sur les sommes dues à l'intimée, il n'en demeure pas moins que les pièces comptables sollicitées, comme le font valoir les sociétés Etablissement Charmont Nickson et Entreprise, sont leur propriété, de sorte que c'est à tort que la SARL Gemakonta leur oppose un droit de rétention sur ce point ;

- qu'il y a donc lieu de constater qu'aucune contestation sérieuse ne s'oppose à ce que la cour, statuant comme juge des référés, ordonne sous astreinte la communication des documents sollicités dans les conditions indiquées au dispositif, étant observé qu'au demeurant, la rétention opérée par l'intimée constitue également un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile commandant les mesures ;

- qu'en revanche, s'agissant des demandes indemnitaires, à savoir, aux termes du dispositif des écritures des appelantes, une provision de 1.000 euros pour préjudice moral et une provision de 6.000 euros pour préjudice financier, il sera relevé que l'obligation de paiement de l'intimée n'apparaît pas incontestablement établie au sens de l'article 873 alinéa 2 précité ;

- qu'en effet, si les appelantes ont déposé plainte contre le gérant de la société et alerté l'ordre des experts-comptables, elles ne démontrent pas pour autant un préjudice distinct de celui réparé par la cour en ce qu'elle fait droit à la demande de communication des documents sous astreinte, étant aussi observé que les documents des impôts, faisant état d'une pénalité de 3.000 euros pour les sociétés (pièce 15), ne permettent pas en eux seuls d'établir un lien évident et non contestable entre l'action de la société Gemakonta d'une part et les sommes réclamées par les services fiscaux à titre de pénalité d'autre part.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner l'intimée à la remise des documents sous astreinte, la cour disant n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes.

L'intimée devra en outre indemniser les appelantes pour leurs frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SARL Gemakonta à restituer aux sociétés EURL Charmont Nickson et EURL Entreprise Gattefosse les documents suivants au titre de l'exercice professionnel clos le 31 décembre 2020 :

les factures, les contrats, les courriers administratifs, le fichier des écritures comptables, les grand-livre général, le grand-livre clients, le grand-livre fournisseurs - balance clients, la balance fournisseurs, les journaux comptables, l'état des immobilisation, l'état des rapprochements bancaires, les bulletins de paye, les déclarations sociales, l'état des provisions congés payés, le tableau des charges, le journal de paie, la dsn, la déclaration de la taxe d'apprentissage et de la formation professionnelle continue,

ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, avec, passé ce délai, une astreinte de 10 euros par jour de retard et par document manquant, pour une durée maximum de 90 jours ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Condamne la SARL Gemakonta à verser aux sociétés EURL Charmont Nickson et EURL Entreprise Gattefosse la somme globale de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Gemakonta aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/01510
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.01510 ?
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