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22/09/2022 | FRANCE | N°22/01426

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 22/01426


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01426 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCF4



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/54596





APPELANTE



S.A. AXA FRANCE IARD



[Adresse 3]

[Locali

té 8]



Représentée par Me Lisa HAYERE de la SELEURL CABINET SELURL HAYERE, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Mathieu PINAUD, avocat au barreau de PARIS





INTIMES



M. [V] [I]



[...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/01426 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCF4

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/54596

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Lisa HAYERE de la SELEURL CABINET SELURL HAYERE, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Mathieu PINAUD, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

M. [V] [I]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Julie GIRY de la SELARL RBG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0042

Assisté par Me Aurélien BOURON, avocat au barreau de PARIS

M. [M] [R]

[Adresse 6]

[Localité 7]

Défaillant, signifié à sa personne le 10.02.2022

CPAM DE PARIS

[Adresse 2]

[Localité 7]

Défaillante, signifiée le 09.02.2022 à personne morale

Cour d'Appel de ParisARRET DU 22/09/2022

Pôle 1 - Chambre 2N° RG 22/01426 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFCF4 - 1ème page

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Thomas RONDEAU, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Thomas RONDEAU, Conseille,

Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 octobre 2016, alors qu'il circulait à pied [Adresse 9], M. [V] [I] a été percuté par un scooter de marque Piaggio, conduit par M. [M] [R], assuré auprès de la société Axa Assurances Iard.

M. [I] a souffert dans les suites de cet accident d'une fracture du calcanéum gauche, d'une fracture des 11e et 12e cote, d'un hématome sous dural frontal de 5 mm, d'un HS bilatéral minime et de fractures des processus transverses droit de L1 à L5.

Par exploits des 17, 18 et 20 mai 2021, M. [I] a fait assigner M. [R], la société Axa Assurances Mutuelles et la CPAM de Paris devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise et de se voir allouer une provision à hauteur de 25.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice corporel, ainsi que la prise en charge des frais d'expertise par les parties défenderesses.

Par ordonnance du 13 décembre 2021, le juge des référés a :

- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige et par provision tous moyens étant réservés ;

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Axa France Iard ;

- ordonné une expertise afin de déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel subi par M. [I] suite à l'accident dont il a été victime ;

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction le Docteur [H] [D], [Adresse 4]. : [Courriel 1] Email : [Courriel 10] lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, notamment un sapiteur en psychiatrie, la cour pour ce qui est de la mission de l'expert se référant à la décision de première instance ;

- fixé à la somme de 1.200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par M. [I] à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris au plus tard le 14 février 2022 inclus, sauf prorogation expresse ;

- condamné solidairement M. [R], la société Axa Assurances Iard Mutuelle et La Compagnie Axa France Iard à verser à M. [I] une indemnité provisionnelle de 25.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice corporel ;

- condamné solidairement M. [R], les sociétés Axa Assurances Iard Mutuelle et Axa France Iard à verser à M. [I] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 janvier 2022, la société Axa France Iard a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 mars 2022, la société Axa France Iard demande à la cour au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de:

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 décembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

Statuant à nouveau,

- donner à l'expert judiciaire la mission suivante :

1) Contact avec la victime

Dans le respect des textes en vigueur, dans un délai minimum de 15 jours, informer par courrier M. [I], victime d'un accident le 24 octobre 2016, de la date de l'examen médical auquel il devra se présenter.

2) Dossier médical

Se faire communiquer par la victime ou son représentant légal tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial, le(s) compte(s) rendu(s) d'hospitalisation, le dossier d'imagerie, ainsi que le compte-rendu d'hospitalisation en chirurgie de M. [I].

3) Situation personnelle et professionnelle

Prendre connaissance de l'identité de la victime ; fournir le maximum de renseignements sur son mode de vie, ses conditions d'activités professionnelles, son statut exact ; préciser, s'il s'agit d'un enfant, d'un étudiant ou d'un élève en formation professionnelle, son niveau scolaire, la nature de ses diplômes ou de sa formation ; s'il s'agit d'un demandeur d'emploi, préciser son statut et/ou sa formation.

4) Rappel des faits

A partir des déclarations de la victime (et de son entourage si nécessaire) et des documents médicaux fournis :

4.1 Relater les circonstances de l'accident.

4.2 Décrire en détail les lésions initiales, les suites immédiates et leur évolution.

4.3 Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsqu'elle a eu recours à une aide temporaire (matérielle ou humaine), imputable à l'accident à l'origine de l'expertise, en préciser la nature, la fréquence et la durée.

5) Soins avant consolidation correspondant aux Dépenses de Santé Actuelles (DSA)

Décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée et en indiquant les dates exactes d'hospitalisation avec, pour chaque période, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés.

6) Lésions initiales et évolution

Dans le chapitre des commémoratifs et/ou celui des documents présentés, retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial, en préciser la date et l'origine et reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de leur évolution.

7) Examens complémentaires

Prendre connaissance des examens complémentaires produits et les interpréter.

8) Doléances

Recueillir et retranscrire dans leur entier les doléances exprimées par la victime (et par son entourage si nécessaire) en lui faisant préciser notamment les conditions, date d'apparition et importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne, familiale, sociale...

9) Antécédents et état antérieur

Dans le respect du code de déontologie médicale, interroger la victime sur ses antécédents médicaux, ne les rapporter et ne les discuter que s'ils constituent un état antérieur susceptible d'avoir une incidence sur les lésions, leur évolution et les séquelles présentées.

10) Examen clinique

Procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime. Retranscrire ces constatations dans le rapport.

11) Discussion

11.1 Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité à l'accident des lésions initiales, de leur évolution et des séquelles en prenant en compte, notamment, les doléances de la victime et les données de l'examen clinique ; se prononcer sur le caractère direct et certain de cette imputabilité et indiquer l'incidence éventuelle d'un état

antérieur.

11.2 Répondre ensuite aux points suivants.

12) Les gênes temporaires constitutives d'un Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT)

Que la victime exerce ou non une activité professionnelle : Prendre en considération toutes les gênes temporaires subies par la victime dans la réalisation de ses activités habituelles à la suite de l'accident ; en préciser la nature et la durée (notamment hospitalisation, astreinte aux soins, difficultés dans la réalisation des tâches domestiques, privation temporaire des activités privées ou d'agrément auxquelles se livre habituellement ou spécifiquement la victime, retentissement sur la vie sexuelle).

En discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution et en préciser le caractère direct et certain. En évaluer le caractère total ou partiel en précisant la durée et la classe pour chaque période retenue.

13) rrêt temporaire des activités professionnelles constitutif des Pertes de Gains Professionnels Actuels (PGPA)

En cas d'arrêt temporaire des activités professionnelles, en préciser la durée et les conditions de reprise. En discuter l'imputabilité à l'accident en fonction des lésions et de leur évolution rapportée à l'activité exercée.

14) Souffrances endurées

Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales liées à l'accident s'étendant de la date de celui-ci à la date de consolidation. Elles sont représentées par "la douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d'hospitalisations, à l'intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s'ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l'accident et que le médecin sait être habituellement liées à la nature des lésions et à leur évolution". Elles s'évaluent selon l'échelle habituelle de 7 degrés.

14 bis) Dommage esthétique temporaire constitutif d'un préjudice esthétique temporaire (PET)

Dans certains cas, il peut exister un préjudice esthétique temporaire dissociable des souffrances endurées ou des gênes temporaires. Il correspond à "l'altération de (son) apparence physique, certes temporaire mais aux conséquences personnelles très préjudiciables, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers".

Il convient alors d'en décrire la nature, la localisation, l'étendue et l'intensité et d'en déterminer la durée.

15) Consolidation

Fixer la date de consolidation, qui se définit comme "le moment où les lésions se sont fixées et ont pris un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il devient possible d'apprécier l'existence éventuelle d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique".

16) Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique (AIPP) constitutive du déficit fonctionnel permanent (DFP)

Décrire les séquelles imputables, fixer par référence à la dernière édition du "Barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun", publié par le Concours Médical, le taux éventuel résultant d'une ou plusieurs atteinte(s) permanente(s) à l'intégrité physique et psychique (AIPP) persistant au moment de la consolidation, constitutif d'un déficit fonctionnel permanent (DFP). L'AIPP se définit comme "la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant d'une atteinte à l'intégrité anatomo- physiologique :

- médicalement constatable donc appréciable par un examen clinique approprié, complété par l'étude des examens complémentaires produits ;

- à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours."

17) Dommage esthétique constitutif du préjudice esthétique permanent (PEP)

"Ce poste cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique de la victime notamment comme le fait de devoir se présenter avec une cicatrice permanente sur le visage.

Ce préjudice a un caractère strictement personnel et il est en principe évalué par les experts selon une échelle de 1 à 7 (de très léger à très important)".

Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du dommage esthétique imputable à l'accident. L'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre de l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique.

18-1) Répercussions des séquelles sur les activités professionnelles constitutives des pertes de gains professionnels futurs (PGPF), de l'incidence professionnelle (IP), d'un préjudice scolaire universitaire et de formation (PSUF)

En cas de répercussion dans l'exercice des activités professionnelles de la victime ou d'une modification de la formation prévue ou de son abandon (s'il s'agit d'un écolier, d'un étudiant ou d'un élève en cours de formation professionnelle), émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

18-2) Répercussions des séquelles sur les activités d'agrément constitutives d'un préjudice d'agrément (PA)

En cas de répercussion dans l'exercice des activités spécifiques sportives ou de loisirs de la victime effectivement pratiquées antérieurement à l'accident, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur l'impossibilité de pratiquer l'activité, sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

18-3) Répercussions des séquelles sur les activités sexuelles constitutives d'un préjudice sexuel (PS)

En cas de répercussion dans la vie sexuelle de la victime, émettre un avis motivé en discutant son imputabilité à l'accident, aux lésions et aux séquelles retenues. Se prononcer sur son caractère direct et certain et son aspect définitif.

19) Soins médicaux après consolidation/frais futurs correspondant aux dépenses de santé futures (DSF)

Se prononcer sur la nécessité de soins médicaux, paramédicaux, d'appareillage ou de prothèse, nécessaires après consolidation pour éviter une aggravation de l'état séquellaire ; justifier l'imputabilité des soins à l'accident en cause en précisant s'il s'agit de frais occasionnels c'est-à-dire limités dans le temps ou de frais viagers, c'est-à-dire engagés la vie durant.

20) Conclusions

Conclure en rappelant la date de l'accident, la date et le lieu de l'examen, la date de consolidation et l'évaluation médico-légale retenue pour les points 12 à 19.

21) Pré-rapport

Préalablement au dépôt du rapport de l'expertise, l'expert devra adresser un pré-rapport aux parties, lesquelles, dans les six semaines de la réception, lui feront connaître leurs observations auxquelles il devra répondre dans son rapport d'expertise définitif.

- juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [I] en sa qualité de demandeur à la mesure d'instruction à intervenir.

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La société Axa France Iard expose notamment que :

- la mission impartie comporte des éléments modifiant la définition de certains postes de la nomenclature Dintilhac,

- d'autres postes de préjudice sont en réalité fragmentés,

- sont à ce titre problématiques les postes suivants: consolidation, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées après consolidation, atteinte à la qualité de vie et troubles dans les conditions de l'existence, assistance par tierce personne avant et après consolidation, incidence professionnelle, préjudice d'établissement,

- subsidiairement, la mission régulièrement utilisée par les juges des référés du tribunal judiciaire de Paris sera ordonnée.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 février 2022, M. [I] demande à la cour de :

-confirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 13 décembre 2021 en ce qu'elle a ordonné à l'expert judiciaire de :

fixer la date de consolidation et en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser dans ce cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision ;

indiquer si, après consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

o l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales ou psychiques, en chiffrant son taux ;

o les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés ;

o l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité.

indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ; dans l'affirmative, dire pour quels actes et pendant quelle durée l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ; évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24h et pour quels actes cette assistance est nécessaire ;

indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent d'autres répercussions sur l'activité professionnelle actuelle ou future de la victime (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité professionnelle, dévalorisation sur le marché du travail) ; dire notamment si l'état séquellaire est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés et/ou de limiter la capacité de travail ;

décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ; donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale ;

- infirmer l'ordonnance du Tribunal judiciaire de Paris du 13 décembre 2021 en ce qu'elle a ordonné à l'expert d'indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autre) ;

Statuant à nouveau :

- donner à l'expert la mission suivante concernant le déficit fonctionnel temporaire :

" indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles" ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée.

- condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [I] expose notamment que :

- s'agissant de la consolidation, il entre bien dans lamission de l'expert de préciser lorsque ça lui est possible les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision de sorte que e point, contrairement à ce qu'indique la société Axa France Iard n'a rien de "délicat "pour l'expert ;

- sur le déficit fonctionnel temporaire, en revanche, en demandant à l'expert de préciser s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou toute autre activité spécifique personnelle, le premier juge a dissocié le poste de préjudice qu'est le déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes qui doivent n'en faire qu'une ;

- sur le déficit fonctionnel permanent, la mission impartie ne scinde pas les éléments du déficit fonctionnel permanent en plusieurs postes distincts qui conduiraient à une double indemnisation mais au contraire elle rappelle les composantes de ce poste ;

- sur la tierce personne avant et après consolidation, l'utilité d'interjeter aopel de ce chef de mission n'est pas établie puisque les questions de l'assistance par tierce personne avant consolidation et de l'appréciation in concreto de cette assistance incluant l'aménagement du logement relèvent d'un débat avec l'expert ;

- sur l'incidence professionnelle, la nomenclature Dinthilac a donné une définition de ce poste et la mission impartie par le premier juge sur ce poste est conforme à ladite nomenclature ;

- sur le préjudice d'agrément, l'appelante demande à tort la réformation alors que la notion de perte de chance concernant une nouvelle activitén'est pas mentionnée dans ce chef de mission ;

- sur le préjudice d'établissement, la mission est conforme à la définition donnée par la nomenclature Dintilhac de sorte que l'ordonnance rendue sera confirmée en ce qu'elle a ordonné à l'expert de dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale.

La CPAM de [Localité 7] n'a pas constitué avocat.

SUR CE,

Sur le contenu de la mission

En l'espèce, les parties, et M. [I] sur un seul chef de mission, soutiennent en substance que la mission ordonnée par la décision attaquée ne correspond pas à la mission habituelle, cette décision ordonnant une réécriture de la nomenclature dit "Dintilhac".

Or, la cour rappelle à cet égard que le juge des référés est libre de choisir la mission donnée à l'expert et n'est pas tenu par les propositions des parties. De même, la nomenclature dite "Dintilhac" n'a pas de valeur normative et les juges ne sont donc pas tenus de s'y référer, pas plus qu'ils ne sont tenus d'utiliser les "trames" ou missions "types" qu'ils ont pu établir par le passé, s'agissant de simples outils d'aide à la décision et à la rédaction.

En outre, il résulte de l'article 246 du code de procédure civile que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien, de sorte que le juge du fond éventuellement saisi ne sera pas lié par les conclusions de l'expert, quels que soient les termes de la mission.

Enfin, en application des articles 232 et 238 du même code, le technicien intervient pour éclairer le juge sur une question de fait qui requiert ses lumières et le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

A la lumière de ces éléments, il appartient à la cour d'apprécier en droit et en fait l'opportunité et l'utilité des chefs de mission proposés, la cour rappelant que, nonobstant les propositions de mission formulées dans le dispositif des écritures des parties, elle demeure libre, en application de l'article 145 du code de procédure civile, de choisir les chefs de mission adaptés, étant au surplus observé que certaines propositions formulées au dispositif ne font l'objet d'aucun moyen dans la partie discussion, la cour n'étant tenue à cet égard de n'examiner que les moyens invoqués dans la discussion, ce en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur la consolidation

Il est critiqué la circonstance qu'il soit demandé à l'expert de préciser en l'absence de consolidation "les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision", ajout qui violerait les dispositions de l'article 238 dernier alinéa du code de procédure civile.

Cependant, l'objet de ce poste de mission ne concerne que l'allocation d'une éventuelle provision, la circonstance qu'une fourchette soit donnée par l'expert éventuellement remise en cause ensuite important peu, les parties étant à même par la suite de discuter de l'évaluation du dommage en ouverture de rapport.

Il n'est donc pas confié au technicien mission de se prononcer sur une appréciation d'ordre juridique, la mission devant dès lors être confirmée sur cette question.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Est critiquée la mission confiée à l'expert en ce qu'elle demande d'examiner, au titre du déficit fonctionnel temporaire, les périodes pendants lesquelles la victime a été dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et, en cas d'incapacité partielle, de préciser le taux et la durée, de dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autres).

Est évoqué le risque d'un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes, ce qui n'est pas prévu par la nomenclature Dintilhac, ainsi que le fait que la mission mettrait les médecins dans une position d'appréciation subjective et hors du champ de la médecine.

La mission arrêtée par le premier juge est cependant suffisamment claire et précise pour cantonner l'expertise aux chefs envisagés. Elle correspond en outre à une évaluation à caractère médical, in concreto, des besoins de la victime.

Elle ne peut non plus être considérée comme étant de nature à entraîner un risque d'éclatement du déficit fonctionnel temporaire, alors qu'en précisant les diverses composantes, la mission ne conduit pas à une indemnisation multiple de ce préjudice, étant observé que ces diverses composantes sont bien toutes explicitement rattachées au déficit fonctionnel temporaire.

Elle ne méconnaît ainsi pas le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, de sorte que la mesure est légalement admissible, peu important l'application ou non de la nomenclature Dintilhac.

Il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur l'assistance par tierce personne avant et après consolidation

La mission est ainsi formulée dans l'ordonnance entreprise :

"Indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, notamment élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ;

Dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ;

Evaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24 h et pour quels actes cette assistance est nécessaire".

Outre la non-conformité à la nomenclature "Dintilhac", qui ne saurait être retenue comme un moyen d'infirmation du contenu de la mission, il est indiqué que la mission déconnecterait l'évaluation de la perte d'autonomie de l'environnement de la victime.

Cependant, il est demandé à l'expert d'examiner l'assistance d'un tiers étranger ou non à la famille, pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et d'évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant ou après consolidation.

Ainsi, la mission confiée à l'expert, à l'évidence relative à la victime supposée des faits, tient compte de la situation d'espèce de la personne faisant l'objet de la mesure, ce sans déconnexion par rapport à son environnement, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

L'ordonnance prévoit sur ce point que l'expert devra :

"Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ;

Dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en chiffrant son taux ;

- les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés ;

- l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité".

Il est soutenu que la décision entreprise viserait à créer plusieurs nouveaux préjudices.

Seraient ainsi méconnus la jurisprudence et le principe de réparation intégrale sans pertes ni profits.

Il est certes exact que le déficit fonctionnel permanent inclut la perte de qualité de vie ainsi que les souffrances endurées.

Cependant, en précisant les trois composantes du déficit fonctionnel permanent, la mission ne conduit pas à une double indemnisation de ce préjudice, soumis par la suite à la discussion contradictoire des parties.

Elle ne méconnaît donc pas le principe de réparation intégrale, se limitant à décomposer, sous un même chef de rubrique, ledit poste, la nomenclature "Dintilhac" ne pouvant être opposée comme normative.

Il n'y a pas lieu à infirmation pour ce poste.

Sur le préjudice d'agrément

La mission demande notamment à l'expert "un avis du médecin sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir".

Pour l'appelante, la perte de chance est une notion juridique et ce chef reviendrait à chercher l'indemnisation d'un risque incertain, ce qui est contraire au droit de la responsabilité.

S'il ne saurait être retenu une supposée contrariété à la nomenclature "Dintilhac", un tel moyen étant inopérant en droit, la cour retiendra toutefois, comme le fait valoir à juste titre la compagnie d'assurance, que l'indemnisation ne saurait être évaluée pour un préjudice hypothétique, en l'absence d'une activité spécifique pratiquée antérieurement, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point dans les conditions indiquées ci-après.

Sur le préjudice d'établissement

La mission prévoit notamment de dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale, chef critiqué en appel en ce que cette demande échapperait à l'avis du médecin expert.

Il est indiqué en substance que l'indemnisation de ce chef pourrait se faire au visa des constats et conclusions du médecin relatives à l'importance des séquelles fonctionnelles de tout ordre, de sorte que ce chef de mission échapperait totalement à l'avis du technicien.

Cependant, force est d'abord de constater que l'examen des séquelles fonctionnelles n'invalide pas pour autant un examen, complémentaire, de la perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale.

Ce chef n'aboutit pas non plus à une délégation du pouvoir juridictionnel : la mission confiée à l'expert de donner un avis, par nature uniquement médical, sur une perte d'espoir ou de chance est une mesure légalement admissible et n'empêche pas la discussion juridique ultérieure, dans le cadre du débat contradictoire entre les parties, sur le fond de l'indemnisation.

Ainsi, il n'y a pas lieu à infirmation sur ce point.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, à l'exception du point sur le préjudice d'agrément il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise et rejeter les demandes formées en cause d'appel, la mission du premier juge étant conforme aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, tant au regard du motif légitime allégué que du caractère légalement admissible des différents chefs de la mission.

Sur les demandes accessoires

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de condamner l'appelante à indemniser M. [I] des frais non répétibles exposés à hauteur d'appel. La société appelante sera aussi condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en son chef de dispositif relatif au préjudice d'agrément ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la mission de l'expert sera ainsi définie au point concerné :

- Préjudice d'agrément :

"Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ;

Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation" ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne la société Axa France Iard à verser à M. [I] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/01426
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.01426 ?
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