La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2022 | FRANCE | N°22/00789

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 22/00789


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7UL



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/52404





APPELANTE



SARL FAW



[Adresse 3]

[Localité 4]r>


Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assistée par Me Maxime VIGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P248





INTIMEE



Mme [J] [L] [B] épouse...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00789 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7UL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/52404

APPELANTE

SARL FAW

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

Assistée par Me Maxime VIGNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P248

INTIMEE

Mme [J] [L] [B] épouse [K]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistée par Me Pierre-Alexandre BRANDEIS, substituant Me Philippe BIARD, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date des 1er et 15 juillet 2010, Mme [J] [L] [B] épouse [K] a donné à bail commercial en renouvellement à la société Faw des locaux situés [Adresse 3]), pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2010, pour l'exercice d'une activité de vente de vêtements, chaussures, nouveauté et gadgets, moyennant un loyer annuel de 33.552,77 euros.

Par acte extrajudiciaire en date du 19 février 2018, Mme [L] [B] a fait signifier à la société Faw un congé avec offre de renouvellement à effet du 31 décembre 2018, moyennant un prix de 43.000 euros hors taxes et charges.

Par acte extrajudiciaire en date du 2 novembre 2020, Mme [L] [B] a fait signifier à la société Faw un commandement visant la clause résolutoire du bail de payer la somme de 6.518,70 euros au titre des loyers et charges impayés au mois d'octobre 2020 et du coût de l'acte.

Par exploit du 15 février 2021, Mme [L] [B] a fait assigner la société Faw devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- condamner la société Faw au paiement d'une somme provisionnelle de 16.270,30 euros au titre de la dette locative arrêtée au 14 janvier 2021.

Par ordonnance contradictoire du 13 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :

- déclaré sans objet les demandes de la société Faw tendant à ce que le juge des référés se déclare incompétent sur la demande en acquisition de la clause résolutoire et voir suspendre les effets de la clause à titre subsidiaire ;

- déclaré recevable la demande de Mme [L] [B] épouse [K] en paiement d'une provision à valoir sur l'arriéré locatif ;

- condamné la société Faw à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme provisionnelle de 15.856,16 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 21 octobre 2021 inclus ;

- accordé des délais de paiement à la société Faw ;

- dit que la société Faw pourra s'acquitter du paiement de la provision fixée, en seize mensualités, soit quinze mensualités égales et la dernière échéance soldant la dette, payables avant le 5 de chaque mois, et pour la première, le 5 du mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

- dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance et huit jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible et recouvrable par les voies d'exécution légales ;

- condamné la société Faw à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Faw aux dépens, à l'exception du coût du commandement de payer délivré le 2 novembre 2020, qui demeurera à la charge de Mme [L] [B] épouse [K] ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 17 janvier 2022, la société Faw a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- déclaré recevable la demande de Mme [L] [B] épouse [K] en paiement d'une provision à valoir sur l'arriéré locatif ;

- condamné la société Faw à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme provisionnelle de 15.856,16 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 21 octobre 2021 inclus ;

- condamné la société Faw à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Faw aux dépens, à l'exception du coût du commandement de payer délivré le 2 novembre 2020, qui demeurera à la charge de Mme [L] [B] épouse [K].

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 29 avril 2022, la société Faw demande à la cour, de :

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 13 décembre 2021 en ce qu'elle a :

' déclaré recevable la demande de Mme [L] [B] épouse [K] en paiement d'une provision à valoir sur l'arriéré locatif,

' condamné celle-ci à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme provisionnelle de 15.856,16 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 21 octobre 2021 inclus,

' condamné celle-ci à payer à Mme [L] [B] épouse [K] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

' et en ce qu'elle l'a déboutée de ses prétentions,

Statuant à nouveau,

- se déclarer incompétente relativement aux demandes de sa condamnation au paiement par provision de la somme de 16.270,30 euros en raison de l'existence d'une contestation sérieuse ;

- condamner Mme [B] à lui verser à titre de provision la somme de 22.510,15 euros ;

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.

La société Faw soutient en substance que :

- les sommes auxquelles la société Faw a été condamnée de payer au bailleur à titre de provision sont contestables en raison du caractère sérieusement contestable de l'exigibilité des loyers durant les périodes de confinement ;

- ainsi, les montants facturés par le bailleur sont contestables à hauteur des périodes de fermetures administratives qui représentent cinq mois de loyer soit 15.856,16 euros ;

- les sommes auxquelles la société Faw a été condamnée de payer au bailleur à titre de provision sont contestables en raison des manquements du bailleur à son obligation de bonne foi dans l'exécution du bail ;

- en effet, le bailleur est de mauvaise foi lorsque celui-ci refuse tout aménagement du paiement de la dette échue au cours de la période de fermeture administrative liée à la crise sanitaire, ce qui paralyse le jeu de la clause résolutoire ;

- les sommes que la société Faw a été condamnée de payer au bailleur à titre de provision sont contestables en raison des surfacturations pratiquées par le bailleur ;

- le bailleur a indûment facturé un surplus de loyer de 4.502,03 euros par an, et le service comptable de la société Faw a réglé par erreur ;

- en effet, le loyer contractuellement convenu est de 33.552,77 euros par an alors que le loyer réellement facturé est de 38.054,80 euros par an ;

- le bailleur prétend à tort que les révisions seraient valables car la clause d'indexation stipule que le loyer est révisable de plein droit alors que le bail prévoit un loyer révisable et non révisé ce qui exige l'accord des parties ou la saisine d'un juge ;

- les révisions pratiquées sont donc illicites, ce qui constitue une contestation sérieuse à hauteur de 22.510,15 euros ;

- en application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour d'appel condamnera le bailleur à verser à la société Faw une somme de 22.510,15 euros, le moyen tendant à voir déclarer l'irrecevabilité pour nouvelles prétentions étant inopérant en vertu de l'article 564 du code de procédure civile qui permet de demander une provision ayant vocation à opposer compensation aux demandes de provision adverse.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 04 mai 2022, Mme [L] [B] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel incident, dans ses écritures, la dire bien fondée et y faire droit ;

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré sans objet les demandes de la société Faw tendant à ce que le juge des référés se déclare incompétent sur la demande en acquisition de la clause résolutoire et voir suspendre les effets de la clause à titre subsidiaire ;

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la société Faw à lui payer la somme provisionnelle de 15.856,16 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 21 octobre 2021 inclus ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la société Faw ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a dit que la société Faw pourra s'acquitter du paiement de la provision fixée, en seize mensualités, soit quinze mensualités égales et la dernière échéance soldant la dette, payables avant le 5 de chaque mois, et pour la première, le 5 du mois suivant la signification de la présente ordonnance ;

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la société Faw à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a laissé à sa charge le coût du commandement de payer délivré le 2 novembre 2020 ;

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la société aux dépens ;

- infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus de ses demandes formées ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Faw de l'ensemble de ses contestations, demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Faw à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Faw en tous les dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer du 2 novembre 2020, dont le recouvrement sera effectué par la société Jrf & associés représentée par Me [E] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Mme [L] [B] soutient en substance que :

- c'est à juste titre que le juge des référés a fait droit à sa demande de provision de sorte que l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Faw de l'ensemble de ses contestations et l'a condamnée à lui payer, à titre de provision la somme de 15.856,16 euros au titre des loyers et charges dus, arrêtés au 21 octobre 2021 ;

- sa créance est réelle, certaine et exigible, la société Faw restant redevable au 21 octobre 2021 de la somme de 15.856,16 euros au titre des loyers et charges dus et du commandement de payer soit 174.13 euros ;

- les fermetures administratives ordonnées dans le cadre de la crise sanitaire ne constituent en rien une perte de la chose louée, le bailleur ayant continué à mettre à la disposition matérielle de la société Faw les locaux objets du bail durant lesdites périodes, et l'impossibiltié absolue et définitive d'user de la chose n'étant pas caractérisée ;

- la loi du 14 novembre 2020 ne suspend pas l'exigibilité des loyers mais prévoit seulement que le défaut de paiement n'est pas sanctionnable jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle l'activité cesse d'être affectée ;

- la bailleresse a fait preuve de bonne foi en accordant dès avril 2020 un étalement des sommes dues, lorsque par son courrier du 22 avril 2020 la société Faw a formulé une demande de prise en compte de ses difficultés ;

- elle a demandé la communication de ses deux derniers bilans et compte de résultat afin de pouvoir examiner la mise en place d'un éventuel étalement des sommes dues et convenir d'un échéancier et qu'aucun document ne lui a été adressé démontrant ainsi la mauvaise foi du locataire ;

- pour la première fois et en cause d'appel, la société Faw prétend qu'elle aurait été facturée un surplus de loyer prétendument indus, à hauteur de 4.502,03 euros par an ;

- cette demande de provision formée par la société Faw est irrecevable, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;

- par ailleurs, du fait de l'application des revalorisations indicielles du loyer prévues aux termes du bail, la société Faw ne saurait sérieusement prétendre que le montant du loyer annuel en principal serait demeuré celui convenu initialement de 33.552,77 euros ;

- le loyer est révisable de plein droit le 1er janvier de chaque période triennale en fonction de l'indice du coût de la construction sans l'accord du preneur ;

- c'est à tort que le premier juge a en partie fait droit à la demande de délais de paiement dans la mesure où aucun élément n'est versé aux débats sur la situation financière de l'appelante.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

A titre liminaire, il convient de préciser que Mme [L] [B] ne sollicite pas, tout comme en première instance d'ailleurs, l'acquisition de la clause résolutoire.

Ensuite, selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Sur l'application du dispositif de l'article 14 II de la loi n° 2020- 1379 du 14 novembre 2020

En l'espèce, l'appelante soutient que l'action aux fins de condamnation par provision introduite par Mme [L] [B] se heurte à une contestation sérieuse issue de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire et que les loyers et charges réclamés ne sont pas exigibles.

L'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 dispose que :

« I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.

II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.

Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en 'uvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.

Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.

III. - Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.

IV. - Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.

Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa. [...]

VII. - Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020. »

Pour être éligible aux mesures prévues par ce texte, une personne physique ou morale doit donc avoir fait l'objet d'une mesure de police administrative en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique et remplir des critères qui ont été précisés par le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020.

La loi du 9 juillet 2020 dispose, en son article 1er, dans sa rédaction issue de la loi du 14 novembre 2020 elle-même, en vigueur le 15 novembre 2020, que :

« I. - A compter du 11 juillet 2020, et jusqu'au 1er avril 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 :

2° Réglementer l'ouverture au public, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l'exception des locaux à usage d'habitation, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité.

La fermeture provisoire d'une ou de plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunions peut, dans ce cadre, être ordonnée lorsqu'ils accueillent des activités qui, par leur nature même, ne permettent pas de garantir la mise en 'uvre des mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus ou lorsqu'ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus ;

3° Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ; [...] »

L'article L. 3131-15 du code de la santé publique dispose, dans sa rédaction applicable à la cause, que :

« I.- Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : [...]

5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; [...] ».

Il résulte de ces dispositions que les actions tendant à l'exigibilité d es loyers commerciaux échus à compter du 17 octobre 2020 sont suspendues pendant la période du 11 juillet 2020 jusqu'à l'expiration d'une période de deux mois à compter de la levée des mesures de police pour les personnes concernées soit jusqu'au 1er août 2021, ce, pour les périodes concernées.

Pour être éligible aux mesures prévues par l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020, le preneur à bail commercial doit faire l'objet d'une mesure de fermeture du commerce exploité dans les lieux loués ou de réglementation de l'accès du public.

En l'espèce, le commandement visant la clause résolutoire qui a été délivré le 2 novembre 2020 vise des loyers impayés de janvier 2020 à octobre 2020, l'assignation ayant été délivrée le 15 novembre 2021, alors que la société Faw exerce une activité de commerce de "vêtements confectionnés pour hommes, dames et enfants et à titre accessoires, chaussures, nouveautés, gadgets".

L'éligibilité à ce dispositif protecteur se vérifie au regard des conditions posées par le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 relatif aux bénéficiaires des dispositions de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 qui prévoit en son article 1er que :

« I.- Pour l'application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 susvisée, les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I du même article sont celles remplissant les critères d'éligibilité suivants :

1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;

2° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant de leur chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d'euros ;

3° Leur perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.

II.- Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d'affaires mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part :

- le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente ;

- ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 ; [...]

III.- Pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, le chiffre d'affaires du mois de novembre 2020 mentionné au II n'intègre pas le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison. [...]

V.- Les conditions fixées aux 1° et 2° du I sont considérées au premier jour où la mesure de police administrative mentionnée au I de l'article 14 de la loi susvisée s'applique. Le seuil d'effectif est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et il est tenu compte de l'ensemble des salariés des entités liées lorsque l'entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce. »

Force est de constater que la société Faw produit afin de l'établir une attestation de son expert comptable indiquant que son effectif est inférieur à 250 salariés, son dernier chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros et la perte de chiffre d'affaires HT de novembre 2020 dépassant 50% du chiffre d'affaires hors taxes de novembre 2019, de sorte qu'il convient de retenir son éligibilité aux dispositions protectrices susvisées.

Toutefois, la demande en paiement d'une provision sur les loyers arriérés a été formée à une audience du 15 novembre 2021, soit postérieurement au 1er août 2021 et en dehors de la période protégée, de sorte que cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse de ce chef.

Sur la contestation sérieuse tirée de la perte de la chose louée et de l'exigence de bonne foi

Les moyens tirés de la perte de la chose louée et de l'exigence de bonne foi se conçoivent comme des contestations sérieuses susceptibles d'être opposées à la demande provisionnelle de paiement des sommes réclamées.

La cour doit ainsi examiner si, à cet égard, la société appelante peut faire état de ce qu'elle soulèverait une contestation sérieuse sur les sommes réclamées.

Sur la perte de la chose louée, aux termes de l'article 1722 du code civil, applicable aux baux commerciaux, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. La société Faw soutient qu'en raison des mesures sanitaires prises par les pouvoirs publics, l'activité prévue au bail n'a pu être exercée et la jouissance des locaux donnés à bail ou en sous-location était impossible. La destruction de la chose louée peut s'entendre d'une perte matérielle de la chose louée mais également d'une perte juridique, notamment en raison d'une décision administrative, la perte peut être totale ou partielle, la perte partielle pouvant s'entendre de toute circonstance diminuant sensiblement l'usage de la chose, la perte partielle de la chose louée n'est pas nécessairement définitive et peut être temporaire.

Toutefois, il n'est pas établi que la société Faw aurait subi une perte partielle de la chose louée ni qu'elle n'aurait pu ni jouir de la chose ni en user conformément à sa destination pendant les périodes concernées, alors qu' il est jugé par la Cour de cassation que pour mémoire : "L'effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être, d'une part, imputable aux bailleurs, de sorte qu'il ne peut leur être reproché un manquement à leur obligation de délivrance, d'autre part, assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil."(Civ.3, 30 juin 2022, Pourvois n° 21-19.889 ' n° 21-20.127 ' n° 21-20.190).

Sur l'exigence de bonne foi, l'appelante invoque les dispositions de l'article 1104 du code civil mais si ces dispositions permettent à une partie de demander une renégociation du contrat à son cocontractant, elles ne la dispensent pas de l'exécution de ses obligations durant la renégociation.

Il en résulte que la demande excède les pouvoirs du juge des référés et que, dans l'attente d'une éventuelle saisine du juge du fond, l'appelante ne peut se dispenser du paiement des loyers contractuellement dus sur le fondement de ces dispositions, étant précisé qu'aucune pièce n'est produite par la société Faw sur ce point.

Dès lors, l'existence de contestations sérieuses pesant sur l'obligation au paiement de l'intégralité des loyers et provisions sur charges pendant les périodes concernées n'est pas démontrée.

Sur la contestation sérieuse issue du montant du loyer facturé

Au titre des contestations sérieuses, la société Faw expose que Mme [L] [B] aurait indûment facturé un "surplus" de loyer de 4.502 euros par an, qui aurait été réglé par erreur par son service comptable. Elle précise que le loyer contractuel est de 33.552 euros alors que le loyer facturé est de 38.054 euros, soit sur 5 ans une somme de 22.510 euros, de sorte que son obligation de régler la somme de 15.856 euros à titre de provision est sérieusement contestable.

Il résulte du bail produit que celui-ci contient en réalité une clause de révision triennale rédigée ainsi :

" Le prix du loyer ci dessus stipulé sera révisable de plein droit le 1er janvier de chaque période triennale en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE, base 100 au 4e trimestre 1953, publié au journal officiel de la République Française. L'indice retenu pour le loyer de départ étant celui publié au titre du 2e trimestre de l'année 2009 soit 1498. Il est expressément convenu que le loyer subira une variation identique à celle de l'indice en hausse ou en baisse sans que le bénéficiaire soit tenu de procéder à aucune notification préalable."

Cette clause de révision est claire et précise et a, avec l'évidence requise en référé, vocation à s'appliquer entre les parties de sorte que la facturation du "surplus", et la demande de provision qui en résulte ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

Il sera précisé que la société Faw, qui avait nécessairement connaissance de la révision appliquée ainsi qu'il résulte de sa lettre adressée le 8 mars 2018 à la bailleresse au sein de laquelle elle évoque "la stricte application de l'indice en vigueur" critique exclusivement le principe d'une telle révision et non son calcul.

Ce moyen sera dans ces conditions rejetés.

Sur le quantum de la provision sollicitée par Mme [L] [B]

Selon le décompte produit (pièce n°8 du bordereau du conseil de Mme [L] [B]), la société Faw était débitrice au 21 octobre 2021 de la somme de 15. 856, 16 euros au titre des loyers et provisions sur charges de sorte que son obligation n'est pas sérieusement contestable à hauteur de cette somme.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a condamné par provision la société Faw au paiement de cette somme.

Sur la demande de provision formée par la société Faw

La société Faw forme en cause d'appel une demande de provision d'un montant de 22.510 euros, au titre du trop perçu issu de la facturation de 4.503 euros par an.

Outre, au regard de ce qui précède que cette facturation est intervenue en application de la clause contractuelle de révision, force est de constater qu'une telle demande n'a pas été formée en première instance par la société Faw.

Elle se heurte aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, étant précisé qu'en l'état des écritures de la société Faw, aucune compensation n'est demandée.

Cette demande sera déclarée irrecevable.

Sur la demande de délais

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'occurrence, la société Faw ne demande expressément la confirmation de l'ordonnance rendue en ce qu'elle lui a accordé des délais eu égard à ses efforts, Mme [L] [B] sollicitant pour sa part que la décision du premier juge soit infirmée de ce chef.

Or, il convient de relever qu'aucune pièce comptable ou financière n'est produite, alors que la société Faw fait incontestablement partie d'un groupe de sociétés qui commercialise la marque Victoire, et a indiqué avoir perçu un prêt garanti par l'Etat, Mme [L] [B] étant pour sa part une personne privée, exerçant l'activité de psychologue.

Dans ces circonstances, il y a lieu d'infirmer la décision rendue en ce qu'elle a accordé à la société Faw des délais de paiement.

Sur les autres demandes

Succombant en ses prétentions, la société Faw supportera les dépens d'appel sans pouvoir prétendre à l'allocation d'une indemnité au titre des frais irrépétibles. Ces dépens comprendront le coût du commandement de payer.

Il serait inéquitable de laisser supporter à Mme [L] [B] les frais irrépétibles qu'elle a engagés dans la présente instance. Il lui sera donc alloué la somme de 1.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de la société Faw tendant à se voir allouer une provision ;

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a accordé des délais de paiement à la société Faw ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déboute la société Faw de sa demande de délais de paiement ;

Confirme l'ordonnance rendue pour le surplus,

Condamne la société Faw aux dépens d'appel, qui comprendront le coût du commandement de payer avec faculté de recouvrement direct au bénéfice de la selarl JRF et associés, représentée par Me Stéphane Fertier, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne la société Faw à payer à Mme [L] [B] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00789
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.00789 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award