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22/09/2022 | FRANCE | N°22/00740

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 22/00740


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00740 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7O3



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/57783





APPELANTE



S.A.R.L. OGM



[Adresse 5]

[Localité 4

]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1346





I...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00740 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7O3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Décembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/57783

APPELANTE

S.A.R.L. OGM

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée par Me Nicolas LEDERMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1346

INTIMEE

S.C.I. MATEC

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 12 avril 2012, la société Matec a loué à la société Ogm des locaux commerciaux situés au 1er étage de l'immeuble [Adresse 2] à [Localité 4], à usage exclusif de bureaux et situés au premier étage au-dessus de deux bars restaurants.

Par actes des 17 et 21 septembre 2021, la société Matec a fait délivrer à la société Ogm un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 9.750 euros représentant un arriéré locatif de mai à septembre 2021 inclus.

Il doit être précisé que la société Matec , à caractère familial, est propriétaire des locaux loués à la société Ogm et aussi d'un local commercial à usage de restaurant situé en dessous des bureaux loués à la société Ogm et donné à bail en 2008 à la société Elise, le tout à la même adresse, citée ci-dessus. De nombreuses procédures ont opposé la société Matec composée de M. [D] [X], Mme [O] [X] et M. [I] [X] à M. [T] [X] qui selon une décision des associés des 4 mai et 14 juin 2019, déposée au greffe du tribunal de commerce, aurait été bénéficiaire d'une cession de parts à son profit et désigné en qualité de gérant de la société.

Par jugement rendu le 13 janvier 2020, confirmé par arrêt de la cour d'appel le 10 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré nuls et de nul effet le contrat de cession de parts sociales des 4 mai et 14 juin 2019, la décision d'agrément de ladite cession et de la désignation de M. [T] [X] en qualité de gérant, désigné Me [Z] [N] en qualité d'administrateur provisoire pour une durée de 12 mois. Selon l'extrait bis à jour au 8 septembre 2021, à l'issue de cette mesure, Me [I] [X] a été désigné comme gérant de la société Matec.

Par exploit du 22 octobre 2021, la société Matec a fait assigner la société Ogm devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

- ordonner l'expulsion du preneur et de tout occupant de son chef des lieux loués, ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner provisionnellement la société Ogm au paiement de la somme de 11.700 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 31 octobre 2021 ;

- dès le 1er novembre 2021, condamner la société Ogm au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges contractuels jusqu'à la libération effective des lieux ;

- condamner la société Ogm au paiement de la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant le coût du commandement de payer et des éventuelles dénonciations aux créanciers inscrits.

Par ordonnance du 8 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la date du 21 octobre 2021 et la résiliation du bail ;

- ordonné l'expulsion de la société Ogm et de tous occupants de son chef des locaux donnés à bail situés [Adresse 2] à [Localité 4] avec, le cas échéant, le concours d'un serrurier et de la force publique ;

- rappelé que le sort des meubles et objets mobiliers se trouvant sur place est régi par les dispositions des articles L. 433-1 et R. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société Ogm à payer à la société Matec la somme provisionnelle de 11.700 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges et d'indemnités d'occupation arrêté au mois d'octobre 2021 inclus ;

- rejeté la demande de délais de paiement présentée par la société Ogm ;

- condamné la société Ogm à payer à la société Matec une indemnité d'occupation mensuelle à titre provisionnel égale au montant du loyer tel qu'il résulterait de la poursuite du contrat, outre les charges, jusqu'à la libération effective des lieux et la remise des clés ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Ogm aux dépens comprenant le coût du commandement de payer ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;

- rappelé que l'ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 17 janvier 2022, la société Ogm a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire à la date du 21 octobre 2021 et la résiliation du bail ;

- condamné la société Ogm à payer à la société Matec la somme provisionnelle de 11.700 euros à valoir sur l'arriéré de loyers et charges et d'indemnités d'occupation arrêté au mois d'octobre 2021 inclus ;

- rejeté la demande de délais de paiement présentée par la société Ogm ;

- condamné la société Ogm aux dépens comprenant le coût du commandement de payer ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur toute autre demande ;

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 25 avril 2022, la société Ogm demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer l'ordonnance du 8 décembre 2021 en toutes ses dispositions critiquées par l'acte d'appel ;

- juger que les commandements de payer visant la clause résolutoire, et particulièrement ceux des 17 et 21 septembre 2021 ont été délivrés de mauvaise foi, et sont en tout état de cause sans objet compte tenu de sa créance sur la société Matec ;

En conséquence,

- juger qu'il existe, de ce chef, une contestation sérieuse sur leur validité et qu'ils ne peuvent fonder une procédure d'expulsion ;

- juger qu'il n'a pas lieu de constater l'acquisition de la clause résolutoire, ni de la condamner à un arriéré locatif ;

- débouter la société Matec de toutes ses demandes et la renvoyer à se pourvoir au fond ;

- ordonner sa réintégration dans les lieux objet du bail, et condamner la société Matec à lui en restituer l'accès sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société Matec à rembourser toute somme perçue en exécution de l'ordonnance, tant en principal qu'en frais et intérêts ;

- condamner la société Matec à lui payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont recouvrement entre les mains de la société Guizard et associés, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Ogm soutient en substance que :

- depuis l'acquisition des locaux par la société Matec, d'importants travaux y ont été effectués, soit entre 2001 et 2016, entraînant un début d'effondrement du plancher, et des remontées d'odeurs et de fumées en provenance du bar, ainsi qu'une atteinte structurelle des éléments porteurs de l'immeuble ;

- un sinistre intervenu en 2020 ayant conduit à l'effondrement des planchers des deux sous-sols sous le local a été caché au gérant de la société Ogm ainsi que des travaux non autorisés par la copropriété qui ont impacté les éléments de structure du rez-de-chaussée ;

- une autre atteinte à la structure s'est produite en raison de la suppression de poutres porteuses, ce, sans autorisation de la copropriété, du plafond de la boutique exploitée au-dessous de la partie gauche du local de la société Ogm, ce qui fait l'objet d'une procédure judiciaire ;

- sur la seule base des dégâts constatés au rez-de-chaussée et dans les sous-sols de l'immeuble, les services de la préfecture et de la Ville de [Localité 4] ont signalé un risque d'effondrement et une nécessité de soutènement ;

- c'est dans ces conditions, compte tenu des dangers structurels de l'immeuble, qu'elle a dû évacuer son personnel, et n'a plus pu utiliser ces bureaux dans des conditions normales de sécurité, suspendant le paiement de ses loyers ;

- c'est la raison pour laquelle M. [X], alors gérant de la société Matec, lui a consenti un abandon de créance par lettre du 15 juin 2020, par laquelle il précise qu'une créance locative de 44.700 euros est abandonnée "entièrement, purement et simplement" ;

- le bailleur a donc sciemment caché au locataire la réalité et l'importance du danger qu'il courait, et manqué à son obligation de délivrance, au sens de l'article 1719 du code civil ;

- le jugement du 13 janvier 2020 qui a annulé la désignation de M. [X] en qualité de gérant de la société n'est ni exécutoire ni définitif, puisqu'un appel en avait été relevé et qu'un pourvoi en cassation est actuellement en cours ;

- à la date du 15 juin 2020, M. [X] était encore gérant en titre de la société Matec et il n'appartient pas au gérant de la société Ogm de prendre partie dans le litige entre les consorts [X] ;

- c'est donc par l'effet d'une particulière mauvaise foi que le bailleur a notifié à la société Ogm plusieurs commandements de payer, une première fois en juin puis en septembre 2021 ;

-la société Matec s'était abstenue de poursuivre la société Ogm pour ces loyers impayés depuis 2018, consciente du non respect de sa propre obligation de délivrance à son égard, compte tenu de ce qu'elle savait de l'état réel des locaux ;

- il existe pour le moins une contestation sérieuse sur les montants réclamés par la société Matec et visés par le commandement de payer du 21 septembre 2021, dès lors que la situation est restée en l'état, et que rien n'a jamais été fait pour y remédier ;

- en l'état des comptes entre les parties, la créance judiciaire dont se prévaut la société Matec est plus que compensée par les sommes qu'elle reste elle-même devoir à sa locataire, soit 23.400 euros au 8 avril 2021 ;

- la société Ogm a été expulsée le 18 février 2022 et elle doit ainsi être réintégrée dans les locaux, sous une astreinte significative.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 27 mai 2022, la société Matec demande à la cour de :

- débouter la société Ogm de toutes ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance du 8 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 21 octobre 2021 ;

- ordonner l'expulsion de la société Ogm et celle de tous occupants de son chef du local qu'elle occupe à [Localité 4], [Adresse 2], ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

Y ajoutant,

- la condamner provisionnellement au paiement de la somme de 19.699,21 euros, représentant les loyers, charges et indemnités d'occupation, selon comptes arrêtés au 22 février 2022 ;

- condamner la société Ogm aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront le coût du commandement et des éventuelles dénonciations aux créanciers inscrits, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Matec soutient en substance que :

- la société Ogm a interrompu le paiement de ses loyers et charges contractuels au mois de janvier 2018 ;

- en juillet 2019, les associés de la société Matec se sont temporairement fait subtiliser les parts de la société et la gérance par M. [T] [X] qui avait usé de faux ;

- Me [Z]-[N] a été désignée en qualité d'administrateur provisoire et elle a pris attache le 25 juin 2020 avec la société Ogm au sujet des loyers et charges à régler, en rappelant la dette locative de 44.700 euros suivant comptes arrêtés au 30 juin 2020 ;

- la société Ogm a repris le paiement des loyers et charges courantes, mais ne s'est jamais préoccupée de l'arriéré locatif ;

- la société Ogm est en outre dans l'incapacité d'établir un défaut structurel au sein de son local et un manquement du bailleur à son obligation de délivrance ;

- la société Matec a fait établir un diagnostic structurel par la société M Ingénierie qui établit que lors de la visite de l'espace de bureau du premier étage, il n'a été constaté aucun désordre d'origine structurelle ;

- le prétendu abandon de créance est sans incidence sur la présente procédure, puisque le commandement vise les loyers et charges des mois de mai à octobre 2021, soit une date postérieure à cet abandon de loyer ;

- M. [T] [X] ayant été déclaré gérant frauduleux, tous les actes passés durant sa gérance frauduleuse sont d'ailleurs rétroactivement anéantis.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur les conditions d'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au contrat de bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Il n'est pas discuté que la société Ogm a réglé régulièrement les loyers depuis janvier 2018, a cessé tout règlement d'octobre 2018 à juin 2020, a à nouveau réglé lesdits loyers d'août 2020 à février 2021, en les consignant à la caisse des dépôts et consignations puisque la société Matec faisait l'objet sur cette période d'une mesure d'administration judiciaire ouverte par jugement du 13 janvier 2020.

Il est constant que les 17 et 21septembre 2021, la société Matec a fait délivrer à la société Ogm un commandement de payer, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail, pour avoir paiement de la somme en principal de 9.750 euros correspondant à l'arriéré locatif de mai à septembre 2021 inclus.

L'appelante soutient que le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré de mauvaise foi par l'intimée qui n'a pas satisfait à son obligation de délivrance et de sécurité dans la mesure où elle lui aurait masqué les désordres structurels de l'immeuble et sa situation de véritable péril.

Sur la question des désordres structurels affectant l'immeuble, tout d'abord, il apparaît que :

- la société YM Ingenierie et le service technique de l'habitat de la ville de [Localité 4] ont établi des rapports en date respectivement des 10 décembre 2020 et 4 février 2021 relevant des risques affectant le bâtiment,

- ces désordres affectent indiscutablement les 2èmeet 3ème sous-sol de l'immeuble, et notamment les caves occupées par la société Elise, le syndicat des copropriétaires ayant injonction de retirer les gravats qui la garnissaient et de les mettre en sécurité, le plancher haut d'une partie du 2e sous sol devant être repris en sous-oeuvre,

- aucun arrêté de péril n'a été entrepris, ce que les parties ne discutent pas,

- la ville de [Localité 4], à l'issue d'une visite organisée en février 2022, a considéré que :

"Les travaux demandés n'étaient pas encore engagés, la situation n'ayant pas évolué depuis la visite précédente: au 3e sous-sol (établissement Elise Bar), la voûte en brique où se situe la trémie d'accès au 2e sous-sol a été préventivement étayée en son centre notamment par une file d'étais tubulaires métalliques avec semelle haute et basse et au 2ème sous-sol, le plancher haut de composition mixte, solivage en bois et métal sur poutre maîtresse bois est toujours très dégradé (...), l'ensemble des gravats a été retiré" ;

- elle poursuit en indiquant qu'aucune mesure conservatoire supplémentaire n'est requise mais que l'immeuble présente toujours un risque au sens de l'article L511-2 1°du code de la construction et de l'habitation, les prescriptions étant désormais d'assurer la solidité et la stabilité du plancher haut du 2e sous-sol, côté [Adresse 3], bâtiment sur rue, de restituer la cohésion des maçonneries et des enduits, d'exécuter tous travaux annexes, et en attente de travaux définitifs, de vérifier régulièrement l'efficacité des dispositifs conservatoires mis en place (étaiements),

- la société YM Ingenierie conclut pour sa part aux termes de son rapport du 16 mai 2022 qu'aucun désordre d'origine structurelle ne peut être relevé dans les locaux loués à la société Ogm.

En outre, la société Ogm dans un courrier du 14 juin 2021avait écrit à la société Matec de la façon suivante : "les différents gérants de la sci Matec (...) avaient alerté de travaux importants pouvant impacter la structure de l'immeuble et qui auraient été réalisées entre 2001 et 2014 sur les commerces Elise et sur le bar à chicha, ces deux commerces se trouvant sous nos locaux (...) vous nous aviez alors proposé une annulation de dette par courrier du 15 juin 2020 (pour dédommagement amiable du préjudice subi) ainsi qu'une suspension de loyer à partir du 2ème semestre 2020".

Il résulte de l'ensemble que la société Ogm ne peut sérieusement prétendre être restée dans l'ignorance ni des travaux d'origine ni des désordres qui ont affecté les sous-sols de l'immeuble ce, à tel point qu'elle fait valoir qu'elle a bénéficié d'un abandon de créance à hauteur de 44.000 euros en juin 2020, le seul fait d'avoir négocié puis accepté ledit abandon de créance établissant sa connaissance de la situation.

De plus, s'il est incontestable que les désordres concernaient les sous-sols en réalité, et non les locaux loués à la société Ogm, qui se situent au premier étage, il s'avère surtout au vu du rapport de la ville de Paris en février 2022 que les 2ème et 3ème sous-sols affectés par les désordres se situent non pas sous les locaux de la société Ogm au [Adresse 2] mais sous l'immeuble voisin, au [Adresse 3] à [Localité 4], de sorte qu'à défaut d'établir que les désordres situés en sous-sol de l'immeuble, mais en réalité de l'immeuble voisin au [Adresse 3] auraient affecté son local situé au 1er étage du [Adresse 2] à [Localité 4], la société Ogm n'établit pas que la société Matec aurait manqué à ses obligations.

Les mesures conservatoires ayant été dûment prises, bien que les travaux définitifs n'aient pas été réalisés, les bureaux loués ne révélant aucun désordre structurel, c'est donc vainement que la société Ogm croit pouvoir déduire un manquement du bailleur à son obligation de délivrance qui l'aurait placée dans l'impossibilité d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination, ce qui ne saurait résulter seulement de lettres que la société Ogm a adressé elle-même à la société Matec et lui permettre d'opposer au bailleur l'exception d'inexécution.

En outre, la mauvaise foi du bailleur dans la mise en oeuvre du commandement de payer en septembre 2021 n'est pas caractérisée. En effet, il ne saurait lui être reproché d'avoir sollicité au cours de l'année 2021 le paiement de cinq mois loyers pour le montant stipulé au bail dans ces conditions.

C'est d'ailleurs à juste titre que le premier juge a considéré que l'abandon de créance allégué qui aurait été consenti par M. [T] [X] en qualité de gérant de la société Matec est sans incidence, puisqu'elle porte sur des loyers qui ne sont pas visés dans le commandement de payer délivré, étant précisé au demeurant que le prétendu abandon de créance a été concédé par M. [T] [X] se prétendant gérant alors que la société Matec faisait à cette période précise l'objet d'une mesure d'administration judiciaire, ce que la société Ogm n'ignorait pas puisqu'elle consignait à ce moment précis ses loyers à la caisse des dépôts et consignations.

Le commandement de payer visant la clause résolutoire a ainsi été délivré régulièrement et sans mauvaise foi par la société Matec.

Dans ces conditions, aucun règlement n'ayant été effectué par la société Ogm dans le délai qui lui était imparti par le commandement, les conditions d'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail étaient réunies à la date du 21 octobre 2021. L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.

Sur les demandes de provision

Selon l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'obligation de la société Ogm au paiement d'une indemnité d'occupation, contrepartie de l'occupation des locaux, n'est pas sérieusement contestable à compter du 21 octobre 2021 et jusqu'à la libération des lieux par remise des clés.

Cette indemnité doit être fixée au montant du dernier loyer, augmenté des charges dûment justifiées et taxes afférentes qu'elle aurait dû payer si le bail s'était poursuivi.

Au regard de ce qui précède, en outre, la demande de la société Ogm tendant à se voir allouer à titre provisionnel une somme venant ensuite en compensation des loyers impayés se heurte à une contestation sérieuse en ce que cet abandon de créance consenti par M. [T] [X], qui s'est prévalu de la qualité de gérant, était d'ores et déjà considérée comme nulle aux termes du jugement du 13 janvier 2020 revêtu de l'exécution provisoire et qu'il est intervenu au surplus pendant la période d'administration judiciaire de la société Matec.

En revanche, l'obligation de l'appelante n'est pas sérieusement contestable au vu du décompte fourni par la bailleresse en date du 22 février 2022 à hauteur de la somme de 19.699, 21 euros TTC correspondant aux loyers et indemnités d'occupation arrêtés à cette date.

Il convient donc de condamner par provision la société Ogm au paiement de cette somme.

Sur la demande d'expulsion de la société Ogm

L'expulsion de l'appelante qui demande sa réintégration ayant été réalisée, cette demande est devenue sans objet.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en ses prétentions, la société Ogm supportera les dépens d'appel sans pouvoir prétendre à l'allocation d'une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Il serait inéquitable de laisser supporter à la société Matec les frais irrépétibles qu'elle a engagés dans la présente instance. Il lui sera donc alloué la somme de 2.000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf à actualiser le montant de la provision sollicitée par la société Matec ;

Condamne la société Ogm à payer à la société Matec la somme provisionnelle de 19.699,21euros TTC au titre de l'arriéré de loyers, taxes et indemnités d'occupation dus au 22 février 2022 ;

Dit la demande d'expulsion de la société Ogm dépourvue de tout objet ;

Condamne la société Ogm aux dépens d'appel ;

Condamne la société Ogm à payer à la société la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00740
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.00740 ?
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