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22/09/2022 | FRANCE | N°22/00641

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 22/00641


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00641 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7CN



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Décembre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/57036





APPELANT



M. [U] [Y]



[Adresse 3]

[Localité 4]r>


Représenté et assisté par Me Samuel SCHERMAN de la SELEURL SAMUEL SCHERMAN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J033







INTIME



M. [L] [P]



[Adresse 5],

[Adresse 2]

[Localité 1] ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00641 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7CN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Décembre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/57036

APPELANT

M. [U] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté et assisté par Me Samuel SCHERMAN de la SELEURL SAMUEL SCHERMAN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : J033

INTIME

M. [L] [P]

[Adresse 5],

[Adresse 2]

[Localité 1] - BELGIQUE

Représenté et assisté par Me Camille JEREMIE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé des 25 mai, 22 juin et 22 octobre 2020, M. [P] a consenti à M. [Y], architecte, trois prêts de montants respectifs de 200.000 euros, 90.000 euros et 90.000 euros, destinés à financer l'activité d'une société spécialisée dans l'acquisition et l'exploitation de biens immobiliers, le remboursement de ces prêts assortis d'intérêts devant intervenir au plus tard le 31 décembre 2020, cette échéance étant reportée au 30 juin 2021 moyennant le versement d'une somme complémentaire de 30.000 euros.

Les 22 juin et 26 juillet 2021, M. [P] a mis en demeure M. [Y] de lui rembourser les sommes prêtées.

Par exploit du 21 septembre 2021, M. [P] a fait assigner M. [Y] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

- condamner M. [Y] à lui verser à titre de provision la somme de 450.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2021, outre la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance du 8 décembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné M. [Y] à payer à M. [P] la somme provisionnelle de 450.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 juillet 2021 ;

- rejeté la demande de délais de paiement de M. [Y] ;

- condamné M. [Y] à payer à M. [P] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Y] aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 3 janvier 2022, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 février 2022, M. [Y] demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge du tribunal judiciaire de Paris du 08 décembre 2021 en ce qu'elle a refusé d'accorder des délais de paiement et condamné celui-ci à verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

- ordonner qu'il pourra régler la somme de 450.000 euros dans un délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt rendu ;

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [P] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et dire que Me Scherman, avocat, pourra les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

M. [Y] soutient en substance que :

- il s'est trouvé en grandes difficultés financières durant la crise sanitaire Covid-19 au cours de laquelle son activité professionnelle d'architecte a été stoppée, et que par conséquent ses revenus ont chuté ;

- à la date d'échéance des prêts, le 30 juin 2021, il lui était impossible de rembourser en une seule fois la somme de 450.000 euros, ce montant étant considérable au regard de ses faibles rentrées d'argent depuis quasiment deux années ;

- contrairement à ce qu'affirme M. [P], les autres sociétés dont il est gérant ou associé ne produisent aucun revenu et il ne perçoit aucun revenu immobilier ;

- les délais de paiement sont accordés compte tenu de la situation du débiteur mais également en considération des besoins du créancier et sur ce point, M. [P] peine à rapporter la preuve de la situation délicate qu'il décrit ;

- les contrats récemment conclus par M. [Y] lui permettront à terme de s'acquitter des sommes qu'il doit à M. [P] ;

- les provisions qu'il a reçues n'ont pas encore permis de commencer à rembourser M. [P] dans la mesure où elles devaient nécessairement être réinvesties pour réamorcer l'activité et débuter les prestations et travaux qui lui permettront d'être rémunéré de la somme convenue à l'issue de la période d'obtention des permis de construire ;

- il n'est pas en mesure pour le moment de régler les sommes dues, il sollicite de pouvoir les régler dans un délai d'un an pour lui permettre de toucher les honoraires liés à son activité et ce, le temps que les permis de construire, en cours d'instruction, soient définitifs ;

- il convient par conséquent de lui octroyer des délais de paiement d'une année pour apurer sa dette.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 mars 2022, M. [P] demande à la cour de :

A titre principal,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;

A titre subsidiaire,

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

En tout état de cause,

- confirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 8 décembre 2021 entre les parties ;

- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [P] soutient en substance que :

- au titre de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, la créance de M. [P] n'est pas sérieusement contestable puisqu'elle correspond aux sommes dues au titre des trois contrats de prêt, soit 450.000 euros ;

- il convient de refuser l'octroi de délais de paiement compte tenu de la mauvaise foi de M. [Y] qui n'apporte au demeurant aucune preuve concrète de sa capacité ou de sa volonté d' apurer sa dette dans un an ;

- au 30 juin 2021, sa situation financière était en voie d'amélioration et il ne lui a pas versé le moindre euro ;

- il omet sciemment d'indiquer ses autres activités professionnelles et les rémunérations et dividendes qu'il a perçus en tant que dirigeant et associé de plusieurs sociétés ;

- il a perçu au moins 164.500 euros HT au cours des derniers mois avec la conclusion de plusieurs contrats ;

- M. [Y] et son épouse ont, par acte du 27 août 2021, vendu un bien immobilier situé dans le XVIème arrondissement de [Localité 6] pour un prix de 3.5 millions d'euros ;

- les saisies opérées ont démontré qu'il était propriétaire de huit véhicules, et de nombreuses oeuvres d'art ;

- en accordant des délais à l'appelant, la cour lui permettrait de dissimuler ses avoirs aux dépens de l'intimé ;

- compte tenu de l'évidente mauvaise foi de M. [Y], il est avéré qu'il a interjeté appel que dans un but dilatoire ;

- il convient de condamner M. [Y] à la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article 1343-5 code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l'espèce, l'obligation de M. [Y] envers M. [P], tenant au remboursement de sommes prêtées à hauteur de 450.000 euros n'est pas discutée mais il sollicite que lui soient octroyés des délais de paiement d'une année à compter de la signification du présent arrêt.

Les prêts ont été consentis par M. [P] au cours de l'année 2020, précisément de mai à octobre 2020 et l'échéance de remboursement retardée au 30 juin 2021.

Or, il convient de relever que :

- aucun règlement même partiel n'a été effectué jusque lors,

- M. [Y] indique qu'il lui est "impossible de rembourser en une seule fois", ce dont il se déduit que des règlements partiels seraient possibles mais qu'ils ne sont toujours pas intervenus,

- M. [Y] produit trois contrats d'architectes régularisés en 2021 et précise que ces contrats permettront "à terme" de s'acquitter de sa dette envers M. [P],

- l'examen de ces contrats permet de relever que : en ce qui concerne le contrat du 21 janvier 2021, M. [Y] doit percevoir 34% de son montant soit 102.000 euros HT au dépôt du permis de construire, étant précisé que l'exemplaire produit comporte la mention "obtenu"; en ce qui concerne le contrat du 20 juillet 2021, il est prévu un versement de 52.500 euros HT "à la signature ; et en ce qui concerne le contrat du 16 avril 2021, il est indiqué un versement de 10.000 euros HT à signature ;

- M. [Y] explique qu'il a souhaité relancer son activité et "réinvestir" les sommes perçues plutôt que régler même partiellement son créancier, ce qui relève d'un choix de gestion qui lui est personnel mais n'est pas de nature à étayer sa demande de délais, alors même qu'aucune explication n'est donnée sur l'utilisation des fonds prêtés, et qu'il s'est par conséquent accordé lui-même des délais de paiement ;

- en outre, M. [Y] est taisant sur la vente par acte du 27 août 2021 d'un bien immobilier pour un montant de 3,5 millions d'euros,

- M. [P] a fait procéder à des mesures de saisies qui ont établi que M. [Y] est propriétaire de huit véhicules dont un véhicule de marque Porsche, deux de marque BMW et une voiture de collection (Sunbeam Chamois), outre des oeuvres d'art.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la demande de délais de paiement sera donc rejetée.

Si le droit d'agir en justice est un principe fondamental, l'abus dans l'exercice de ce droit peut être sanctionné. L'article 559 du code de procédure civile ajoute, à propos de la procédure en appel, qu'« en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés ». Ces dommages-intérêts sont alors accordés sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Seule une faute de l'appelant faisant dégénérer en abus l'exercice de la voie de recours qui lui était ouverte peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts pour appel abusif. En l'espèce, M. [Y] se montre d'une particulière mauvaise foi en ce que, bien que reconnaissant en première instance comme en appel devoir la somme de 450.000 euros à M. [P], il a pourtant interjeté appel du refus de se voir octroyer des délais de paiement, alors qu'il n'a procédé à aucun règlement même partiel, a de fait et de son propre chef bénéficié de larges délais de paiement et qu'il est taisant de plus sur ses revenus réels; dans ces conditions, il sera condamné à payer à M. [P] la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice issu d'une procédure d'appel abusive.

Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement tranché par le premier juge.

M. [Y] partie perdante sera condamné aux dépens de l'instance ainsi qu'à verser à M. [P] une somme au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] à payer à M. [P] une somme de 2.000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif ;

Condamne M. [Y] aux dépens de l'appel ;

Condamne M. [Y] à payer à M. [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00641
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;22.00641 ?
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