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22/09/2022 | FRANCE | N°21/17381

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 22 septembre 2022, 21/17381


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17381 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENV6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/51085





APPELANT



M. [U] [S]



[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté et assisté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209







INTIMEE



LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [W] ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/17381 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CENV6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Septembre 2021 -Président du TJ de Paris - RG n° 21/51085

APPELANT

M. [U] [S]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté et assisté par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1209

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [W] [Y], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [S] est propriétaire d'un appartement d'une pièce au rez-de-chaussée du bâtiment B de l'immeuble situé [Adresse 6].

Il a souscrit une déclaration en ligne de location meublée le 27 août 2018, sous le numéro 7510402290462, pour ce local, constituant, selon lui, sa résidence principale.

Son appartement a été loué en "meublé de tourisme" par l'intermédiaire de la plate-forme numérique « Airbnb » pour 293 nuits en 2019.

La Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [S] devant le tribunal judiciaire de Paris par exploit du 13 janvier 2020 aux fins de voir :

- juger que M. [S] a enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme et le voir condamner à une amende civile de 10.000 euros dont le montant lui sera intégralement reversé ;

- condamner M. [S] à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [S] aux dépens.

Par jugement rendu selon la procédure accélérée au fond en date du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- condamné M. [S] à payer à la Ville de [Localité 3] une amende civile de 7.200 euros en application de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme ;

- rappelé que le produit de cette amende doit être intégralement versé à la Ville de [Localité 3] ;

- condamné M. [S] à payer à la Ville de [Localité 3] 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [S] aux dépens.

Par déclaration du 5 octobre 2021, M. [S] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 05 février 2022, M. [S] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 23 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il l'a condamné à payer à la Ville de [Localité 3] une amende civile de 7.200 euros en application de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme ;

- infirmer le jugement rendu le 23 septembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Ville de [Localité 3] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- condamner la Ville de [Localité 3] à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] soutient en substance que :

- le premier juge a considéré par erreur qu'il appartenait au propriétaire d'apporter la preuve de ce que le logement dont s'agit constituait sa résidence principale pour bénéficier de la dérogation prévue à l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, alors que le texte impose uniquement de se référer aux déclarations du propriétaire pour apprécier la qualité de résidence principale ;

- il a commis une erreur en le condamnant au titre de l'article L. 324-1-1 V du code du tourisme, dispositions qui ne s'appliquent qu'à la résidence principale louée plus de cent vingt jours par an, tout en considérant qu'il appartenait à M. [S] d'apporter la preuve de ce que ledit logement constituait sa résidence principale ;

- le logement litigieux constitue en effet sa résidence principale, malgré son inoccupation pendant au moins huit mois par an, en raison de ses obligations professionnelles à l'étranger ;

- par ailleurs, il ressort bien de l'avis de taxe d'habitation pour l'année 2019 que, pour l'administration fiscale, ce logement constitue sa résidence principale, aucune majoration pour résidence secondaire ne lui ayant été imputée ;

- le premier juge n'a pas autorisé M. [S] à se prévaloir de la dérogation au titre des obligations professionnelles pour ne pas avoir occupé son logement au moins huit mois par an en distinguant entre une obligation professionnelle et une expatriation pour raisons professionnelles ;

- l'accomplissement par celui-ci d'une prestation de travail auprès de la Hult International Business School à Londres constitue bien une obligation professionnelle justifiant l'inoccupation de son logement parisien au moins huit mois par an au sens de l'article L.324-1-1 du code du tourisme ;

- il pouvait par conséquent louer son logement plus de cent vingt jours au cours de l'année 2019, sans encourir la sanction prévue par le V de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 07 février 2022, la Ville de [Localité 3] demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de M. [S] ;

- la recevoir en ses écritures et l'y en dire bien fondée ;

- confirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 23 septembre 2021 (RG 21.51085) en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- juger que M. [S] a enfreint les dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme en offrant pendant plus de 120 jours par an et pour de courte durée l'appartement situé dans le bâtiment B, escalier 1, au rez-de-chaussée, porte n°2 de l'immeuble du [Adresse 6]) ( constituant le lot 45) ;

- condamner M. [S] à une amende civile de 7.200 euros ;

- ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme ;

En tout état de cause,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de M. [S] ;

- condamner M. [S] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à son profit ;

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

La Ville de [Localité 3] soutient en substance que :

- M. [S] est propriétaire d'un bien immobilier situé dans le bâtiment B, escalier 1, au rez-de-chaussée, porte n°2 de l'immeuble du [Adresse 6]) qu'il a mis en location meublée de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y a pas élu domicile courant 2019 ;

- il a mis son bien en location de courte durée 293 nuitées en 2019, soit au-delà des 120 jours admis au cours d'une même année civile ;

- la résidence principale se définit comme le logement dans lequel la personne réside habituellement et effectivement et où se situe le centre de ses intérêts professionnels et matériels ;

- une taxe d'habitation ne peut suffire à caractériser une résidence principale dans la mesure où elle résulte d'une simple déclaration du propriétaire ;

- il ne peut solliciter le bénéfice des dérogations prévues par l'article L. 324-1-1 du code du tourisme qui ne profitent qu'aux résidences principales réelles ;

- la nomination de M. [S] à un poste pérenne au Royaume-Uni pour une durée indéterminée ne constitue pas une situation exceptionnelle au sens de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, l'esprit de la loi n'étant pas de valider des dérogations permanentes, ou prévisibles, ni de favoriser certaines personnes au motif qu'elles ont un emploi stable avec des déplacements en leur permettant d'effectuer de la location meublée touristique au-delà du plafond légal.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose que :

[...]

IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

V.- [...]Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 €.

[...]

Ces amendes sont prononcées par le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme. Le produit de l'amende est versé à la commune. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le meublé de tourisme.

En l'espèce, il est constant que M. [S] a donné l'appartement en cause en location au cours de l'année 2019 et que le bien a été loué 293 nuitées au cours de l'année 2019.

Il ressort de la décision rendue que M. [S] n'a pas contesté en première instance avoir enfreint les dispositions de l'article L324-1-1- IV du code du tourisme.

Il expose à ce titre notamment que le bien constitue sa résidence principale mais que ses obligations professionnelles au Royaume Uni l'en tiennent éloigné, ce qui lui permet de se prévaloir des exceptions prévues par l'article L 324-1-1-IV du code de tourisme et de le louer à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile au-delà de 120 jours au cours d'une même année civile.

En premier lieu, selon l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.

Si M. [S] a enregistré le bien comme étant sa résidence principale sur le site dédié de la ville de [Localité 3], il lui incombe toutefois, nonobstant cet enregistrement purement déclaratif, d'établir que le bien constitue réellement sa résidence principale, s'agissant d'une notion de fait qui peut être démontrée par tout élément probant.

En outre, M. [S] qui invoque ses obligations professionnelles qui l'ont tenu éloigné des lieux doit établir que le bien qu'il a déclaré comme résidence principale devait être considéré comme telle au moment où les locations de courtes durées sont intervenues, soit au cours de l'année 2019 en l'espèce.

Force est de constater sur ce point que M. [S] qui indique lui-même avoir en 2019 "habité" Londres lors des périodes au cours desquelles il donnait des cours produit un avis d'imposition au titre de la taxe d'habitation 2019 qui ne comporte aucune majoration mais qui est insuffisante en elle-même à faire la démonstration attendue puisqu'in fine elle résulte elle aussi de la propre déclaration de l'interessé. Par ailleurs, le nombre de nuitées au cours de l'année 2019 s'élevant à 293, il s'en déduit a minima que M. [S] n'a occupé son appartement que 73 jours en tout sur toute l'année, ce qui va à l'encontre de la définition mais aussi de la réalité d'une résidence considérée comme principale, M. [S] ayant très peu occupé l'appartement qu'il considère comme telle.

L'appelant est donc mal fondé à soutenir que l'infraction n'est pas constituée au motif que le local constituerait sa résidence principale y compris lors des périodes où il ne l'a pas occupée en 2019.

De plus, M. [S] argue de ce qu'il a été recruté en 2018 par le "Hult International Businesse School" en tant que "Dean Associate" à Londres pour diriger une formation et assurer des enseignements.

Il ne conteste pas lui-même que ce recrutement était pérenne et à durée indéterminée, justifie d'une location à Londres de février 2018 à novembre 2019, et de la vente de son appartement de la [Adresse 6] en l'Ile en 2020.

Dans ces conditions il ne peut donc être considéré que M. [S], qui a déclaré le bien en cause comme étant sa résidence principale disposait d'un motif légitime pour le louer plus de 120 jours par an, alors que les obligations professionnelles alléguées démontrent qu'il a en réalité de fait changé sa résidence pour se fixer à [Localité 5].

Le quantum de l'amende n'est pas contesté par M. [S] ni par la ville de [Localité 3].

L'ordonnance entreprise sera ainsi confirmée en toutes ses dispositions.

Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement réglé par le premier juge.

Partie perdante, l'appelant sera condamné aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne M. [U] [S] aux dépens d'appel et à payer à la Ville de [Localité 3] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 21/17381
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.17381 ?
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