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22/09/2022 | FRANCE | N°21/167427

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 22 septembre 2022, 21/167427


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16742 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEL3D

Décision déférée à la cour :
jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81043

APPELANTE

S.A. BANQUE BIA
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU,

avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Plaidant par Me Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16742 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEL3D

Décision déférée à la cour :
jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81043

APPELANTE

S.A. BANQUE BIA
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Plaidant par Me Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [M] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 15 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a notamment condamné la SA Banque BIA à verser à M. [M] [U] les sommes suivantes : 169.377,04 euros à titre d'indemnité de licenciement, 60.000 euros à titre de dommages-intérêts pour nullité du licenciement, 5.480 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 8 avril 2021, M. [U] a fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de la Banque BIA. Cette saisie a été dénoncée le 12 avril 2021.

Par acte du 11 mai 2021, la SA Banque BIA a assigné M. [M] [U] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :
– « ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-attribution pratiquée le 8 avril 2021 par M. [Y] sur le compte de la Banque BIA ouvert dans les livres de la Banque de France, aux frais de celui-ci,
– donner acte à la Banque BIA de ce qu'elle entend réclamer le paiement des dommages et intérêts à 1`encontre de M. [Y], dans le cadre de la procédure prud'homale pendant devant la cour d'appel de Paris, en réparation du préjudice subi consécutivement à une mesure d'exécution forcée pratiquée de façon disproportionnée et maintenue abusivement,
– condamner M. [Y] d'avoir à payer à la Banque BIA une somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous les dépens et frais de l'instance en ce compris tous les frais d'huissier relatifs notamment aux sommations signifiées et les déclarations de mainlevée à intervenir. »

Par jugement du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
– prononcé la nullité de l'assignation délivrée par la Banque BIA par acte du 11 mai 2021 à M. [U],
– rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts,
– dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SA Banque BIA aux dépens.

Par déclaration du 22 septembre 2021, la SA Banque BIA a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 18 mai 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation du 11 mai 2021,
En conséquence, statuant à nouveau,
– juger couverte et régularisée par conclusions la nullité de l'assignation signifiée à M. [U] le 11 mai 2021,
– juger que M. [U] ne justifie d'aucun grief,
– juger que les causes de la saisie-attribution du 8 avril 2021 ont été acquittées en principal et intérêts de retard,
– condamner M. [U] à lui régler la somme de 2.904,17 euros,
– condamner M. [U] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi consécutivement à une mesure d'exécution forcée pratiquée de façon disproportionnée et maintenue abusivement,
En tout état de cause,
– débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par M. [U],

– condamner M. [U] à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens et frais d'instance en ce compris tous les frais d'huissier relatifs notamment aux actes de cette procédure de saisie-attribution, aux sommations signifiées et aux déclarations de mainlevée à intervenir, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau.

Sur l'absence de nullité de l'assignation en application de l'article 114 du code de procédure civile, elle fait valoir qu'il s'agit d'un vice de forme, et non d'un vice de fond énuméré à l'article 117 du même code, et que M. [U] n'en a subi aucun grief. Elle ajoute qu'en tout état de cause, l'assignation a été régularisée en application de l'article 115 du même code par ses conclusions des 14 et 25 juin 2021, étant précisé que même entachée d'un vice de forme, elle a pu interrompre le délai d'un mois prévu à l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution en application de l'article 2241 du code civil, si bien qu'aucune forclusion n'est intervenue et que cette régularisation n'a pu laisser subsister aucun grief puisque M. [U] a été mis en mesure de préparer sa défense. Elle estime que le juge de l'exécution a commis une erreur de droit au regard des articles 2241 et 2242 du code civil en jugeant que les conclusions n'avaient pas pu régulariser le vice de forme de l'assignation.
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts, elle soutient que la saisie-attribution du 8 avril 2021 a été pratiquée, sur son compte de réserves réglementaires, de façon disproportionnée et avec intention de nuire, puisqu'elle n'a aucun problème de solvabilité et qu'elle avait payé la somme de 49.320 euros à M. [U] par Swift bancaire du 29 mars 2021 sur le compte CARPA de son conseil. Elle souligne que M. [U] n'a pas informé le juge de l'exécution de l'encaissement des fonds et a fait exécuter le jugement, de sorte qu'il lui a abusivement fait payer deux fois les causes du jugement prud'homal, et que ce n'est que le 25 mars 2022 qu'il lui a remboursé les fonds, soit un an après le paiement par la banque et cinq mois après l'exécution du jugement du juge de l'exécution. Elle ajoute que l'attitude de M. [U] lui a fait supporter des frais inutiles.
Sur le remboursement de la somme de 2.904,17 euros, elle explique que M. [U] a encaissé une somme totale de 52.224,17 euros et ne lui a remboursé que la somme de 49.320 euros correspondant au montant de la condamnation prud'homale.

Par conclusions no3 du 8 juin 2022, M. [U] demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation du 10 mai 2021,
– débouter la banque BIA de ses demandes,
A titre subsidiaire,
– constater l'exécution de la saisie-attribution le 29 novembre 2021,
– constater le remboursement qu'il a effectué,
– débouter la banque BIA de ses demandes,
le recevoir en son appel reconventionnel,
– condamner la banque BIA au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamner la banque BIA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,
Y ajoutant,
– condamner la banque BIA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour d'appel,
– condamner la banque BIA à tous les dépens.

Sur la nullité de l'assignation, il fait valoir que l'acte ne respecte pas les articles 4, 55 et 56 du code de procédure civile, ne contient aucune demande à son encontre et ne le vise nullement puisque les faits décrits et les demandes ne concernent que M. [Y] ; qu'il s'agit non pas d'un vice de forme mais d'un vice de fond puisque c'est l'essence de l'assignation qui manque, à savoir la demande en justice, de sorte que l'acte ne constitue pas une assignation au sens du code de procédure civile ; que la prétendue régularisation par conclusions n'est intervenue qu'après l'expiration du délai d'un mois de l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution, alors que l'acte n'a pu interrompre ce délai de forclusion puisqu'il ne contenait aucune demande à son encontre ; qu'enfin il a subi un grief puisqu'il a dû prendre un avocat et se rendre aux audiences alors qu'il n'était pas visé dans l'acte initial.
A titre subsidiaire, il fait valoir que la Banque BIA ne l'a jamais informé du virement de fonds à la CARPA, auquel cas il n'aurait pas procédé à la saisie-attribution du 8 avril 2021 ; que ce n'est que le 20 avril 2021 que la CARPA a retrouvé les fonds et les a crédités sur son sous-compte en date de valeur du 14 avril 2021 ; que la banque a refusé le remboursement des fonds ; que la créance pour laquelle la saisie a été pratiquée était bien liquide et exigible ; que la Banque BIA, qui s'est contentée d'un ordre de virement au profit de la Banque Populaire CARPA sans identifications précises, ne peut se prévaloir d'un paiement alors que le sous-compte de M. [U] au jour de la saisie ne mentionnait aucun crédit ; qu'en outre, le montant du virement ne prend pas en compte les intérêts. Il conteste toute mauvaise foi de sa part, estimant que le maintien de la saisie-attribution n'est nullement abusif puisque la Banque BIA ne s'est pas exécutée spontanément. Il souligne que c'est le juge de l'exécution qui, à l'audience, lui a dit d'encaisser les fonds, afin de permettre le cantonnement de la saisie.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l'assignation

Il résulte de l'article R.121-11 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution est saisi par assignation.

L'article 4 du code de procédure civile dispose :
« L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

Il résulte des articles 54 et 56 du même code que l'assignation doit contenir, à peine de nullité, l'objet de la demande et un exposé des moyens en fait et en droit.

Les irrégularités de fond sont limitativement énumérées par l'article 117 du code de procédure civile. Il s'agit du défaut de capacité d'ester en justice et du défaut de pouvoir.

L'article 114 du même code dispose :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

Aux termes de l'article 115, la nullité (pour vice de forme) est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

Selon l'article R.211-11 du code des procédures civiles d'exécution, la saisie-attribution doit être contestée dans le délai d'un mois suivant la dénonciation de l'acte au débiteur.

L'article 2241 du code civil dispose :
« La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. »

En l'espèce, M. [U] a reçu une assignation devant le juge de l'exécution qui fait état de demandes et de moyens à l'encontre de M. [P] [Y]. Force est de constater qu'aucune prétention n'est dirigée contre lui. Il s'agit manifestement d'une erreur de l'huissier de justice qui a copié le corps et le dispositif de l'assignation destinée à M. [Y] dans celle destinée à M. [U]. L'acte ainsi signifié ne permet pas au destinataire, M. [U], de connaître les prétentions formées à son encontre par la Banque BIA, ni les moyens développés à l'appui.

C'est à juste titre que la Banque BIA soutient que le défaut de mention des prétentions et moyens dans l'assignation constitue non pas un vice de fond mais un vice de forme, qui ne peut entraîner la nullité de l'acte qu'en cas de grief et qui est régularisable avant l'expiration du délai de contestation de la saisie.

L'acte irrégulier cause nécessairement un grief en l'espèce puisque M. [U] ne peut connaître, à la lecture de l'acte, ce qui est demandé au juge contre lui ni les moyens invoqués, de sorte qu'il ne peut savoir comment se défendre.

La Banque BIA fait valoir que la nullité de l'assignation a été couverte par la régularisation de conclusions ultérieures, invoquant une jurisprudence constante des cours d'appel sur ce point.

Cependant, si la jurisprudence admet que l'irrégularité affectant une assignation puisse être régularisée soit par une nouvelle assignation soit par des conclusions ultérieures, il en résulte que la régularisation par conclusions n'est admise que dans des cas où il est seulement nécessaire de préciser, compléter ou corriger des moyens, mais pas lorsque l'intégralité de l'acte doit être refait, comme c'est le cas en l'espèce. La Banque BIA aurait dû en l'espèce délivrer une nouvelle assignation régulière à M. [U].

Par conséquent, même si la Banque Bia soutient à juste titre que le délai pour contester la saisie-attribution a été interrompu par l'assignation irrégulière en application de l'article 2241 du code de procédure civile, la cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'assignation délivrée par la Banque BIA à M. [U] le 11 mai 2021.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L'erreur d'appréciation qu'une partie fait de ses droits n'est pas fautive en soi et ne peut donc suffire à caractériser un abus de procédure.

Ainsi, la simple délivrance d'une assignation irrégulière ne constitue pas en elle-même un acte de harcèlement moral comme le soutient M. [U], et l'irrégularité, résultant d'une erreur manifestement involontaire, ne saurait caractériser un abus de procédure.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de confirmer la condamnation de la Banque BIA aux dépens et de la condamner aux dépens d'appel.

L'équité justifie de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

la Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Banque BIA aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/167427
Date de la décision : 22/09/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-22;21.167427 ?
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