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22/09/2022 | FRANCE | N°21/167417

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 22 septembre 2022, 21/167417


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16741 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEL3B

Décision déférée à la cour :
jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80952

APPELANTE

S.A. BANQUE BIA
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU,

avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Plaidant par Me Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [O...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16741 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEL3B

Décision déférée à la cour :
jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80952

APPELANTE

S.A. BANQUE BIA
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Plaidant par Me Cécile MOREIRA, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle SAMAMA SAMUEL, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB196

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 15 janvier 2021, le conseil des prud'hommes de Paris a condamné la SA Banque BIA à verser à M. [O] [N] notamment les sommes suivantes :
- 56.470,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 24.964,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2.496,42 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation.

Les deux parties ont fait appel de ce jugement.

Le 8 avril 2021, M. [N] a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque de France pour avoir paiement de la somme 77.388,17 euros au préjudice de la SA Banque BIA. Cette saisie a été dénoncée à la débitrtice le 12 avril 2021.

Par acte d'huissier du 11 mai 2021, la SA Banque BIA a assigné M. [N] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie-attribution et paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
– cantonné la saisie-attribution pratiquée le 8 avril 2021 entre les mains de la Banque de France, au préjudice de la SA Banque BIA, à la somme de 11.542,55 euros, et donné mainlevée pour le surplus,
– rejeté la demande de prononcé d'une astreinte,
– rejeté la demande de dommages-intérêts,
– rejeté toutes les demandes reconventionnelles,
– condamné la Banque BIA aux dépens,
– dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22 septembre 2021, la société Banque BIA a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions récapitulatives no2 du 20 juin 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
– cantonné la saisie-attribution pratiquée le 8 avril 2021 entre les mains de la Banque de France, au préjudice de la Sa Banque BIA, à la somme de 11.542,55 euros,
– rejeté sa demande de dommages-intérêts,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
– ordonné la mainlevée pour le surplus,
– rejeté les demandes reconventionnelles de M. [N],
En conséquence, statuant à nouveau,
– juger qu'elle a procédé spontanément au paiement d'une somme nette de cotisations sociales de 65.656,59 euros par Swift bancaire sur le compte courant de la Carpa Bobigny ouvert dans les livres de la Banque Populaire, le 24 mars 2021 et dont le paiement a été confirmé et réceptionné sur le compte Carpa Bobigny le 25 mars 2021,
– juger qu'elle a procédé spontanément au paiement d'une somme de 1.524,59 euros au titre des intérêts de retard le 9 juin 2021 chiffrés par l'huissier instrumentaire,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 11.542,55 euros constituant un paiement indu et un enrichissement sans cause,

– juger que la mesure d'exécution forcée pratiquée le 8 avril 2021 sur son compte de réserves réglementaires entre les mains de la Banque de France est disproportionnée, pratiquée et maintenue de façon fautive, avec abus et dans l'intention de lui nuire,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 7.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
En tout état de cause,
– débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,
– condamner M. [N] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens et frais de l'instance en ce compris tous les frais d'huissiers relatifs notamment aux actes de cette procédure de saisie-attribution, aux sommations signifiées et aux déclarations de mainlevée à intervenir, dont distraction au profit de la SCP Grapotte Benetreau.

Sur le cantonnement, elle estime que c'est par erreur que le juge de l'exécution a retenu qu'elle restait redevable d'une somme de 11.542,55 euros alors qu'elle a réglé les intérêts en juin 2021, qu'elle conteste les frais de saisie et que les cotisations sociales salariales et le prélèvement à la source doivent être déduits du montant des condamnations prononcées en brut.
A l'appui de sa demande de remboursement de la somme de 11.542,55 euros, elle soutient que lors de l'établissement du solde de tout compte en mai 2021, soit avant l'audience devant le juge de l'exécution, elle a réglé, au titre du jugement prud'homal, la somme totale de 120.922,01 euros net, soit une somme bien supérieure au montant des condamnations et au montant de la saisie, mais que M. [N] a fait exécuter le jugement du juge de l'exécution de sorte que la Banque de France lui a versé la somme de 11.542,55 euros qui avait déjà été payée par virement Swift CARPA en mars 2021.
A l'appui de sa demande de dommages-intérêts fondée sur les articles L.111-7 et L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution, elle fait valoir que la saisie-attribution a été pratiquée de façon disproportionnée et a été maintenue et exécutée abusivement dans l'unique intention de lui nuire puisqu'elle n'avait aucun problème de solvabilité et n'a jamais refusé de payer et que malgré les paiements,M. [N] a fait procéder à une saisie sur son compte de réserves réglementaires, alors même qu'il avait connaissance de son compte à la Société Générale qui était largement créditeur. Elle ajoute que M. [N] lui a fait supporter des frais inutiles.

Par conclusions no3 du 8 juin 2022, M. [N] demande à la cour de :
– déclarer irrecevable l'argumentation de la Banque BIA relative au prétendu règlement de la somme de 120.000 euros avant le 28 juin 2021 selon les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution à la somme de 11.542,55 euros et ordonné la mainlevée pour le surplus,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte de la Banque BIA,
– l'infirmer pour le surplus,
– condamner la société Banque BIA au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros au titre de la procédure abusive,
– condamner la Banque BIA à lui payer une somme de 2.000 euros pour manquement au principe de confidentialité,
En tout état de cause,
– débouter la Banque BIA de l'ensemble de ses demandes,
– condamner la Banque BIA au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Il fait valoir que la créance pour laquelle la saisie a été pratiquée était bien liquide et exigible ; que la banque BIA, qui s'est contentée d'un ordre de virement au profit de la Banque Populaire CARPA sans éléments d'identification précis, ne peut se prévaloir d'un paiement alors que le sous-compte de M. [N] au jour de la saisie ne mentionnait aucun crédit ; que la saisie était donc bien fondée ; qu'en outre, le montant du virement ne prend pas en compte les intérêts qui n'ont été payés qu'en juin 2021. Il ajoute que la Banque BIA fait une confusion volontaire entre les procédures en cours et que l'édition des documents de fin de contrat ne signifie pas qu'elle a réglé les causes du jugement, et qu'en tout état de cause cette nouvelle prétention en appel est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.
Pour s'opposer à la demande de dommages-intérêts de l'appelante, il invoque l'absence de justification de ses préjudices, l'absence d'intention de nuire de sa part et le caractère justifié de la saisie.
A l'appui de ses demandes de dommages-intérêts, il invoque d'une part l'intention de nuire de la Banque BIA et le harcèlement moral dont elle a fait preuve à son égard jusqu'à l'exécution du jugement par des sommations, une assignation devant le juge de l'exécution et une convocation à un entretien préalable, et d'autre part la divulgation de pièces personnelles confidentielles à MM. [G] et [W], assignés avec lui, notamment ses bulletins de salaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que si l'article 564 du code de procédure civile interdit aux parties de présenter des prétentions nouvelles en appel, elles peuvent toujours en revanche présenter des moyens nouveaux en application de l'article 563 du même code. C'est donc en vain que M. [N] demande à la cour de déclarer irrecevable la nouvelle argumentation de la Banque BIA relative au règlement de la somme de 120.000 euros avant le 28 juin 2021.

Sur le bien fondé de la saisie-attribution

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

Le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive en application de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [N] est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, mais la Banque BIA soutient que la saisie-attribution n'était pas justifiée en ce qu'elle a payé les sommes dues et que le juge de l'exécution n'aurait pas dû la cantonner à la somme erronée de 11.542,55 euros.

Il résulte du jugement du conseil des prud'hommes du 15 janvier 2021 que la SA Banque BIA a été condamnée à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 56.470,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 24.964,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 2.496,42 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation,
- 57.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
- 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Le jugement n'a pas ordonné l'exécution provisoire et un appel est en cours, de sorte qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, ne sont exécutoires de droit à titre provisoire que les condamnations au paiement de sommes au titre de rémunérations et indemnités mentionnées au 2o de l'article R.1454-14 (indemnités de congés payés, de préavis, de licenciement), dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire mentionnée dans le jugement. En l'espèce, le jugement mentionne que la moyenne des salaires s'élève à 8.321,42 euros.

Par courriels officiels des 4 et 8 mars 2021, le conseil de M. [N] a demandé au conseil de la Banque BIA de procéder au paiement des condamnations exécutoires de plein droit, à savoir neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, soit 74.892,78 euros (9x8.321,42) avec intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2018, soit la somme totale de 76.375,06 euros.

Le 9 mars 2021, le conseil de la Banque BIA a sollicité un RIB du compte CARPA de l'avocat adverse afin de procéder au virement. Le 10 mars 2021, lui a été communiqué un RIB de compte CARPA mentionnant, en caractères gras, l'identification à rappeler obligatoirement pour tout virement de fonds, à savoir un numéro de référence, la mention « [N]/BIA », le numéro de cabinet et le nom de l'avocat de M. [N].

Le 8 avril 2021, M. [N] a fait pratiquer une saisie-attribution à l'encontre de la Banque BIA pour avoir paiement de la somme totale de 77.388,17 euros, dont 74.892,78 euros en principal (56.470,86+2.496,42+15.925,50) et 1.524,59 euros au titre des intérêts.

C'est en vain que la Banque BIA fait valoir qu'elle a procédé au virement d'une somme de 65.656,59 euros le 24 mars 2021 sur le compte CARPA. Elle produit seulement un justificatif d'ordre de virement de ce montant daté du 24 mars 2021 faisant apparaître comme bénéficiaire la CARPA du Barreau de Bobigny sans plus de précision, ainsi qu'un relevé CARPA de l'avocat de M. [N] montrant que les fonds sont parvenus sur son compte le 9 avril 2021.

Or le paiement par virement au compte CARPA d'un avocat n'est libératoire que lorsque la somme est mise à disposition du créancier par transfert au sous-compte de son avocat ouvert à la CARPA. Ainsi, la date du paiement est celle à laquelle la somme versée a été inscrite au crédit de ce sous-compte.

M. [N] justifie de ce que l'ordre de virement ne contenait pas la référence CARPA du dossier, de sorte que la CARPA n'a pu, à réception des fonds, les imputer sur un quelconque sous-compte, et a dû entreprendre des recherches pour procéder à l'imputation. Ainsi, les fonds n'ont été reçus sur le sous-compte de M. [N] que le 9 avril 2021, de sorte que le paiement est postérieur à la saisie-attribution (un jour après la saisie).

En outre, la Banque BIA n'a nullement informé M. [N] ou son conseil du virement ordonné le 24 mars 2021 et M. [N] justifie de ce que son avocat a consulté son compte CARPA le 30 mars 2021 et le sous-compte de l'intéressé mentionnait un solde de 0,00 au 26 mars 2021.

Dès lors, la saisie-attribution était justifiée et aucun abus de saisie ne saurait être retenu contre M. [N].

S'agissant du montant, les parties s'accordent sur le fait que les condamnations ont été prononcées en brut, que la Banque BIA doit à M. [N], au titre de l'exécution provisoire, la somme de 74.892,78 euros en principal, soit 9 x 8.321,42 euros (neuf mois de salaire), et que seules les indemnités de préavis et de congés payés sont soumises à cotisations sociales et prélèvement fiscal à la source. En revanche, elles sont en désaccord sur la répartition des sommes.
C'est ainsi que la saisie-attribution porte sur les sommes de :
- 56.470,86 euros au titre de l'indemnité de licenciement
- 2.496,42 euros au titre des congés payés
- 15.925,50 euros au titre de l'indemnité de préavis (24.964,25 euros dans le jugement),
M. [N] ne contestant pas que la saisie-attribution porte sur des sommes en brut.

La Banque BIA estime quant à elle que la somme de 74.892,78 euros saisie en principal se décompose comme suit :
- 24.964,25 euros brut imposable à titre d'indemnité de préavis,
- 2.496,42 euros brut imposable au titre des congés payés,
- 47.432,11 euros au titre d'une partie de l'indemnité de licenciement, non imposable.

Elle fait valoir que la somme de 65.656,59 euros qu'elle a payée par virement sur le compte CARPA adverse correspond à l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés et à l'indemnité de licenciement, dans la limite de neuf mois de salaire de référence, après déduction des cotisations sociales salariales et du prélèvement fiscal retenu à la source.

Il est exact que lorsque la condamnation, qui sert de fondement aux poursuites, porte sur une somme brute, il appartient à l'employeur de procéder au précompte des sommes dues par le salarié sur cette condamnation au titre des cotisations sociales.

Toutefois, l'employeur n'ayant en l'espèce nullement procédé à ce précompte avant la saisie-attribution, il ne peut être reproché à M. [N] d'avoir effectué la saisie-attribution pour des sommes brutes.

En tout état de cause, l'erreur sur le montant de la créance dans le décompte de l'huissier n'affecte pas la validité de la saisie-attribution et affecte seulement sa portée : il appartient au juge de l'exécution de rectifier le montant saisi et de cantonner les effets de la saisie à ce montant.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution.

Sur le cantonnement de la saisie

Pour cantonner la saisie à la somme de 11.542,55 euros, le juge de l'exécution a retenu que les intérêts d'un montant de 1.524,59 euros et les frais qu'il a recalculés à la somme de 781,77 euros devaient rester à la charge de la débitrice et que compte tenu du versement de 65.656,59 euros effectué après la saisie, il restait dû au titre du principal la somme de 9.236,19 euros, soit un total de 11.542,55 euros avec les frais et les intérêts.

S'agissant du principal, le premier juge n'a pas tenu compte du fait que la saisie-attribution porte sur des sommes brutes et s'est contenté de déduire la somme de 65.656,59 euros finalement payée.

La Banque BIA produit le bulletin de paie de M. [N] de mars 2021 qui porte notamment sur les sommes de :
- 24.964,25 euros à titre d'indemnité de préavis,
- 2.496,42 euros au titre des congés payés,
- 47.432,11 euros au titre d'une partie de l'indemnité de licenciement.

L'employeur justifie donc avoir calculé la part de charges sociales sur l'indemnité de préavis et les congés payés y afférents et avoir pratiqué le prélèvement à la source sur ces sommes. Le bulletin de paie fait apparaître en outre, en déduction, la somme de 65.656,59 euros payée. Il en résulte un solde net à payer de 3.314,65 euros, que la Banque BIA justifie avoir réglé par virement sur le compte bancaire de M. [N] le 26 mars 2021, ce qui n'est pas contesté.
Il est donc démontré que l'employeur a réglé (après la saisie) l'intégralité des sommes dues en principal à M. [N] au titre de l'exécution provisoire.

M. [N] ne saurait soutenir qu'il convient de suivre le décompte de l'huissier et non les comptes de la Banque BIA, puisqu'il est constant que les sommes mentionnées dans le décompte de l'huissier sont des montants bruts s'agissant de l'indemnité de préavis et des congés payés, de sorte que même si la somme globale est identique (74.892,78 euros correspondant à la limite des neuf mois de salaire), il est préférable de suivre la répartition opérée par l'employeur.

Par ailleurs, il n'est pas contesté que la Banque BIA a également payé les intérêts à hauteur de 1.524,59 euros le 9 juin 2021, soit bien après la saisie-attribution, mais avant l'audience du juge de l'exécution, de sorte que ce dernier aurait pu les prendre en compte et les déduire.

S'agissant des frais, la Banque BIA étant responsable de l'ordre de virement imprécis qu'elle a donné à la CARPA, le retard dans le paiement, qui est intervenu après la saisie-attribution, lui est imputable, de sorte qu'elle doit garder à sa charge les frais de la saisie. Le montant des frais retenus par le juge de l'exécution, soit 781,77 euros, n'est pas contesté, ni contestable.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a cantonné les effets de la saisie-attribution à la somme de 11.542,55 euros, et de les cantonner à la somme de 781,77 euros.

Sur la demande de remboursement de la somme de 11.542,55 euros

L'arrêt infirmatif constitue le titre exécutoire permettant d'obtenir la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire.

Par ailleurs, il n'appartient pas au juge de l'exécution, ni à la cour d'appel statuant avec les mêmes pouvoirs, de délivrer des titres exécutoires en dehors des cas prévus par la loi.

C'est en vain que la Banque BIA se prévaut du fait qu'elle a versé d'autres sommes à M. [N] après la saisie-attribution (dans le cadre du solde de tout compte), ces versements étant étrangers au présent litige.

C'est également en vain qu'elle invoque le paiement par l'huissier, dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement du juge de l'exécution, de la somme de 11.542,55 euros à M. [N]. Le présent arrêt valant titre de restitution partielle de cette somme, il n'y a pas lieu de prononcer une condamnation à paiement à l'encontre de M. [N].

Sur la demande de dommages-intérêts de la Banque BIA

Il ne peut être reproché à M. [N] d'avoir pratiqué la saisie-attribution et d'avoir ensuite refusé de procéder à sa mainlevée, dans la mesure où les fonds ne sont, partiellement, parvenus sur son sous-compte CARPA que postérieurement à la saisie, que l'employeur a mis plusieurs mois à régler les intérêts qui n'étaient pas payés lors de la saisine du juge de l'exécution, et qu'il s'est montré hostile à la saisie, par ses sommations d'ordonner la mainlevée, sa contestation portée en justice et la convocation du salarié à un entretien préalable au licenciement, de sorte qu'il aurait nécessairement refusé d'en assumer les frais. M. [N], qui a procédé à cette saisie sans avoir connaissance de l'ordre de virement, ne saurait être considéré comme ayant été animé d'une intention de nuire comme le prétend la Banque BIA.

De même, le fait de pratiquer une saisie-attribution sur le compte de réserves réglementaires de la banque à la Banque de France ne saurait en soi démontrer une intention de nuire, ni le caractère disproportionné de la mesure d'exécution.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la Banque BIA pour saisie disproportionnée et abusive.

Sur les demandes reconventionnelles de M. [N]

Au vu de l'issue du litige, la procédure intentée par la Banque BIA, qui obtient en grande partie gain de cause, ne saurait être considérée comme abusive. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Par ailleurs, en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, c'est à juste titre que la Banque BIA invoque l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts pour violation du principe de confidentialité en ce qu'elle n'a pas été formulée dès les premières conclusions d'intimé notifiées le 17 décembre 2021. Même si l'irrecevabilité n'est pas demandée dans le dispositif de ses conclusions, la cour peut soulever d'office cette fin de non-recevoir, qui a nécessairement été soumise au débat contradictoire puisque l'appelante en fait état dans les motifs de ses conclusions. Il y a donc lieu de déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts de M. [N].

Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de confirmer la condamnation de la Banque BIA aux dépens et de la condamner aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

REJETTE la fin de non-recevoir invoquée par M. [O] [N] concernant le nouveau moyen de la SA Banque BIA relatif au règlement de la somme de 120.000 euros avant le 28 juin 2021,

INFIRME le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution pratiquée le 8 avril 2021 entre les mains de la Banque de France, au préjudice de la SA Banque BIA, à la somme de 11.542,55 euros,

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

CANTONNE les effets de la saisie-attribution pratiquée le 8 avril 2021 entre les mains de la Banque de France, au préjudice de la SA Banque BIA, à la somme de 781,77 euros,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à condamnation de M. [O] [N] à rembourser à la SA Banque BIA la somme de 11.542,55 euros,

DÉCLARE irrecevable la demande de dommages-intérêts de M. [O] [N] pour manquement au principe de confidentialité,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Banque BIA aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/167417
Date de la décision : 22/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-22;21.167417 ?
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