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22/09/2022 | FRANCE | N°19/17452

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 22 septembre 2022, 19/17452


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/17452

N° Portalis 35L7-V-B7D-CAURT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/13269



APPELANTE



SA ARISA ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 4]
r>représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493



INTIMES



Monsieur [Y] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Frédér...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/17452

N° Portalis 35L7-V-B7D-CAURT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/13269

APPELANTE

SA ARISA ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Nicolas DUVAL de la SELEURL NOUAL DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0493

INTIMES

Monsieur [Y] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Frédéric LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299,

assisté par Me Maëlle THOREAU LA SALLE, avocat au barreau de PARIS

Madame [U] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Frédéric LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299,

assistée par Me Maëlle THOREAU LA SALLE, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [V] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Frédéric LE BONNOIS de la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0299,

assisté par Me Maëlle THOREAU LA SALLE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Sarah-Lisa GILBERT

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présent lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 12 août 2009, à [Localité 3] (59), M. [V] [T], alors âgé de 7 ans, a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager du scooter conduit par son oncle, assuré auprès de la société de droit luxembourgeois Arisa assurances (la société Arisa).

M. [V] [T] a fait l'objet de plusieurs expertises amiables contradictoires réalisées les 20 mai 2011, 13 juin 2013 et le 23 décembre 2014 par les Docteurs [Z] et [R] qui ont constaté que l'état de santé de la victime n'était pas consolidé.

Après la réalisation d'un dernier examen le 30 novembre 2016, les experts ont établi leur rapport définitif le 14 février 2017.

Par actes des 11 et 14 septembre 2017, M. [Y] [T] et Mme [U] [T], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentants légaux de M. [V] [T], ont assigné le Bureau central français (le BCF) et la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing (la CPAM) aux fins de voir indemniser leurs préjudices.

La société Arisa est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 7 juin 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu l'intervention volontaire de la société Arisa,

- mis hors de cause le Bureau central français,

- dit que le droit à indemnisation de M. [V] [T], victime directe et de M. [Y] [T] et Mme [U] [T], victimes par ricochet, des suites de l'accident de la circulation survenu le 12 août 2009 est entier,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] et Mme [U] [T], pris en leur qualité de représentants légaux de [V] [T] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

* 9 960 euros au titre des frais divers,

* 4 932 euros au titre de l'assistance par tierce personne,

* 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

* 1 000 euros au titre du préjudice scolaire,

* 11 241,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 16 000 euros au titre des souffrances endurées,

* 40 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

* 8 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- rejeté les demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs et au titre du préjudice esthétique temporaire,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] et Mme [U] [T], ès qualités, les intérêts au double du taux légal sur le montant de l'offre effectuée le 26 octobre 2010, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 12 avril 2010 et jusqu'au 26 octobre 2010,

- dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts,

- rejeté la demande tendant à la consignation de ces sommes sur un compte ouvert au nom de [V] [T] et dont lui seul aurait la disposition à sa majorité le 21 janvier 2020,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- condamné la société Arisa à payer à Mme [U] [T] la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice d'affection,

- rejeté les demandes de M. [Y] [T] et de Mme [U] [T] au titre du trouble dans leurs conditions d'existence respectives,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] et Mme [U] [T], ès qualités, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Arisa à payer à Mme [U] [T] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que Maître Frédéric Le Bonnois, avocat, pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 5 septembre 2019, la société Arisa a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [Y] [T] et Mme [U] [T], pris en leur qualité de représentants légaux de [V] [T], la somme de 50 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Le Bureau central français et la CPAM n'ont pas été intimés par la société Arisa.

M. [V] [T], devenu majeur, Mme [U] [T], M. [Y] [T] (les consorts [T]) ont formé un appel incident et signifié leurs conclusions d'appel par actes en date du 27 février 2020, délivré à personne habilitée à la CPAM.

Par arrêt du 10 mars 2022, la cour d'appel de ce siège a :

- infirmé le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [V] [T] liés à l'incidence professionnelle, au préjudice scolaire, au déficit fonctionnel temporaire et au préjudice esthétique temporaire ainsi qu'à l'indemnisation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence de M. [Y] [T] et de Mme [U] [T],

- confirmé le jugement en ses autres dispositions, hormis celles relatives au doublement des intérêts au taux légal et à la capitalisation des intérêts qui font l'objet d'une réouverture des débats,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- condamné la société Arisa à payer à M. [V] [T], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, les sommes de :

- 3 000 euros au titre du préjudice scolaire,

- 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 13 471,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

- condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, les sommes de ;

- 5 000 euros au titre du préjudice d'affection,

- 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence,

- condamné la société Arisa à payer à Mme [U] [T], provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, les sommes de ;

- 5 000 euros au titre du préjudice d'affection,

- 2 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence,

Avant dire droit sur l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances et la capitalisation des intérêts,

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 9 juin 2022 à 14 heures,

- invité les parties à conclure sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité de l'offre d'indemnisation du 23 mars 2017 qui n'a pas été présentée directement à la victime comme le prévoit l'article L.211-9 du code des assurances mais a été adressé à Maître [S] [X] dont il n'est pas justifié qu'il bénéficiait d'un mandat pour recevoir les offres d'indemnisation de l'assureur, alors que l'avocat ne dispose du pouvoir de représenter ses clients sans avoir à justifier d'un mandat que dans le cadre de la procédure judiciaire,

- invité les parties à produire les offres d'indemnisation faites par voie de conclusions par la société Arisa en première instance et à conclure sur le caractère complet et suffisant des offres d'indemnisation faites par voies de conclusions devant les premiers juges et devant la cour,

- condamné la société Arisa, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à M. [V] [T] une indemnité de 3 000 euros et à M. [Y] [T] et Mme [U] [T] une indemnité de 1 500 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour jusqu'à ce jour,

- débouté la société Arisa de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Arisa aux dépens d'appel exposés à ce jour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions de la société Arisa après réouverture des débats, notifiées le 23 mai 2022 par lesquelles elle demande à la cour de :

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

- débouter M. [Y] [T] et Mme [U] [T], pris en leur qualité de représentants légaux de [V] [T] de leurs demandes au titre des intérêts doublés prévus par les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances.

Vu les conclusions des consorts [T] sur réouverture des débats, notifiées le 25 mai 2022, aux termes desquelles ils demandent à la cour, au visa notamment des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances et de l'article 1343-2 du code civil, de :

- débouter la société Arisa de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Arisa à payer à M. [Y] [T] et Mme [U] [T], ès qualités, les intérêts au double du taux légal sur le montant de l'offre effectuée le 26 octobre 2010, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées à compter du 12 avril 2010 et jusqu'au 26 octobre 2010,

Statuant à nouveau,

- juger que la société Arisa n'a pas formulé d'offre dans les délais qui lui était impartis par l'article L. 211-9 du code des assurances,

- en conséquence, condamner la société Arisa à payer à M. [V] [T] les intérêts au double du taux légal sur le montant total de l'évaluation faite de son préjudice, en ce comprise la créance des organismes sociaux et les provisions versées, du 13 avril 2010 jusqu'à ce que la décision à intervenir devienne définitive et, subsidiairement, du 15 juillet 2017 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir deviendra définitive,

- juger que, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus depuis au moins une année seront capitalisés et porteront eux-mêmes intérêts au taux légal,

- condamner la société Arisa à verser à M. [V] [T], dans le cadre de cette réouverture des débats, une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- rendre l'arrêt à intervenir commun à la CPAM,

- condamner la société Arisa aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Frédéric Le Bonnois, avocat, par application des articles 699 et suivants du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Seules restent en litige les questions relatives à l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances et à la capitalisation des intérêts, sur lesquelles la cour d'appel a ordonné la réouverture des débats.

Sur la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal

M. [V] [T] conclut à l'infirmation du jugement qui a limité l'application de la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal à la période du 12 avril 2010 au 26 octobre 2010 et au montant de l'offre effectuée le 26 octobre 2010, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Il soutient que la société Arisa devait lui présenter une offre provisionnelle détaillée dans les 8 mois de l'accident, soit au plus tard le 12 avril 2010, ce qu'elle n'a pas fait, l'offre provisionnelle du 26 octobre 2010, non détaillée, équivalant à une absence d'offre.

Il fait valoir que l'offre d'indemnisation définitive du 23 mars 2017 faite par la société Avus, mandataire de la société Arisa, est irrégulière dans la mesure où elle n'a pas été adressée directement à la victime et qu'elle est en tout état de cause incomplète dès lors qu'elle ne comporte aucune proposition d'indemnisation au titre des frais divers, de la tierce personne, de l'incidence professionnelle et du préjudice esthétique temporaire ; il ajoute que cette offre est en outre très insuffisante au regard du montant des indemnités allouées en première instance et en cause d'appel.

M. [V] [T] soutient que l'offre d'indemnisation formulée par voie de conclusions notifiées le 7 mars 2018 est également incomplète et très insuffisante, et qu'il en est de même des offres identiques effectuées les 14 juin 2018 et 12 octobre 2018.

Il en déduit que la société Arisa doit être condamnée à lui payer les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant total des indemnités allouées en ce comprises la créance des organismes sociaux et les provisions versées à compter du 13 avril 2010 et jusqu'à ce que l'arrêt à intervenir devienne définitif la date de l'arrêt.

A titre subsidiaire, il demande que le doublement des intérêts au taux légal soit ordonné sur la période courant du 15 juillet 2017 jusqu'à la date à laquelle la décision à intervenir deviendra définitive.

La société Arisa réplique qu'elle n'a eu connaissance de la date de consolidation que par le rapport d'expertise des Docteurs [Z] et [R] du 17 février 2017, qu'une offre d'indemnisation définitive a été adressée dès le 23 mars 2017 au conseil de la victime mais que cette offre n'a pas été acceptée, les consorts [T], au lieu de formuler une réponse à cette offre, l'ayant assignée en indemnisation de leurs préjudices par acte du 11 septembre 2017.

Elle soutient qu'est valable une offre d'indemnisation définitive contenue dans une lettre adressée à l'avocat de la victime lorsque celle-ci n'a pas été acceptée et ajoute que l'offre du 23 mars 2017 qui porte sur tous les postes de préjudice établis par les experts ne peut être considérée comme étant insuffisante.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait que l'offre du 23 mars 2017 est irrégulière, la société Arisa se prévaut de l'offre d'indemnisation formulée par voie de conclusions notifiées le 7 mars 2018 dont elle soutient qu'elle était suffisante.

Elle conclut ainsi que les intérêts au double du taux légal ne pourraient courir qu'entre le 23 juillet 2017 (terme du délai de cinq mois à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la date de consolidation) et le 7 mars 2018 et avoir pour assiette, non le montant des indemnités allouées, mais celui de l'offre de l'assureur avant imputation des créances des organismes sociaux et avant déduction des provisions versées.

Sur ce, aux termes de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Dans le cas de l'espèce, la société Arisa avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter aux représentants légaux de M. [V] [T], alors mineur, dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

L'accident s'étant produit le 12 août 2009, la société Arisa devait faire une offre provisionnelle détaillée comportant tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 12 avril 2010.

La société Arisa justifie seulement de ce qu'un procès-verbal de transaction sur offre provisionnelle a été signé le 10 décembre 2010 par M. [Y] [T] et Mme [U] [T], pris en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, [V] [T], qui ont accepté le versement d'une somme de 1 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice corporel de ce dernier.

La société Arisa sur laquelle repose la charge de la preuve, ne justifie pas qu'il s'agissait d'une offre provisionnelle détaillée, étant rappelé que le versement d'une provision ne dispense pas l'assureur de son obligation de faire une offre provisionnelle portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice dans le délai de huit mois qui lui est imparti.

La société Arisa encourt ainsi la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances à compter du 13 avril 2010.

S'agissant de l'offre d'indemnisation définitive que la société Arisa devait effectuer dans un délai de cinq mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la consolidation, il convient de relever que les experts amiables, les Docteurs [Z] et [R], ont à la suite d'un dernier examen pratiqué le 30 novembre 2016 fixé la date de consolidation des lésions de M. [V] [T] au 30 novembre 2016 dans un rapport daté du 27 janvier 2017.

Selon les mentions de leur rapport d'expertise, celui-ci a été envoyé aux parties et notamment à la société Avus, représentante en France de la société Arisa le 14 février 2017.

En l'absence d'éléments permettant d'établir la date à laquelle le rapport d'expertise a été effectivement reçu par la mandataire de la société Arisa, il n'est pas justifié qu'elle ait eu connaissance de la date de consolidation avant le 23 février 2017, date à compter de laquelle la société Arisa fait courir le délai de cinq mois précité dans ses conclusions sur réouverture des débats.

Le délai de cinq mois dont elle disposait pour présenter une offre d'indemnisation définitive expirait ainsi le 23 juillet 2017.

Il ressort des pièces versées aux débats que la société Avus, représentante en France de la société Arisa, a adressé le 23 mars 2017 à Maître [S] [X], une offre d'indemnisation définitive détaillée en précisant qu'elle présumait qu'il avait pouvoir pour recevoir une telle offre.

Cette offre qui n'a pas été présentée directement à la victime comme le prévoit l'article L.211-9 du code des assurances mais à un avocat dont il n'est pas justifié qu'il bénéficiait d'un mandat pour recevoir les offres d'indemnisation de l'assureur apparaît irrégulière, étant rappelé qu'un avocat ne dispose du pouvoir de représenter ses clients sans avoir à justifier d'un mandat que dans le cadre de la procédure judiciaire et que l'offre litigieuse a été émise alors qu'aucune procédure n'était en cours.

Cette offre d'indemnisation était en toute état de cause incomplète, dans la mesure où elle ne comportait aucune proposition d'indemnisation du préjudice lié au besoin d'assistance temporaire par une tierce personne dont les co-experts avaient retenu l'existence et qu'ils avaient précisément quantifié.

La société Arisa justifie avoir formulé une nouvelle offre d'indemnisation définitive par conclusions notifiées le 8 mars 2017.

Toutefois, cette offre d'indemnisation est également incomplète pour ne comporter aucune proposition d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire dont l'assureur ne pouvait ignorer l'existence même s'il n'avait pas été retenu par les experts, dès lors que ces derniers avaient constaté que la victime avait présenté de nombreuses plaies, excoriations et ecchymoses et qu'elle avait dû se déplacer avant la consolidation en fauteuil roulant puis avec des cannes anglaises, ce qui caractérisait l'existence d'un préjudice esthétique temporaire distinct du préjudice esthétique permanent.

Elle ne comporte en outre aucune proposition d'indemnisation du préjudice d'agrément alors que les experts avaient retenu un retentissement des séquelles sur les activités d'agrément de la victime, âgée de 7 ans à la date de l'accident.

Cette offre incomplète qui équivaut à une absence d'offre ne peut ainsi arrêter le cours des intérêts au taux doublés.

Il en est de même des offres d'indemnisation identiques formulées par voie de conclusions notifiées les 14 juin 2018 et 12 octobre 2018 en première instance et des offres d'indemnisation présentées en cause d'appel qui ne comportent aucune proposition d'indemnisation distincte du préjudice esthétique temporaire, étant observé que les dispositions du jugement ayant fixé à la somme de 8 000 euros le préjudice d'agrément n'ont fait l'objet d'aucun appel principal ou incident.

La société Arisa doit en conséquence être condamnée à payer à M. [V] [T] les intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités allouées, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 13 avril 2013 et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

Les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ne dérogent pas aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatives à l'anatocisme, lesquelles s'appliquent, de manière générales, aux intérêts moratoires.

Il convient ainsi, conformément à la demande de dire que les intérêts au double du taux légal soient capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM qui est en la cause.

La société Arisa qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 10 mars 2022 qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 1 500 euros à M. [V] [T] au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour depuis l'arrêt du 10 mars 2022.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt du 10 mars 2022,

Infirme le jugement en ses dispositions relatives à l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances,

Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,

Condamne la société Arisa assurances à payer à M. [V] [T] les intérêts au double du taux légal sur le montant des indemnités allouées, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 13 avril 2013 et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif,

Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la société Arisa assurances à payer à M. [V] [T] en application de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour depuis l'arrêt du 10 mars 2022,

Condamne la société Arisa assurances aux dépens d'appel exposés depuis l'arrêt du 10 mars 2022 qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/17452
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;19.17452 ?
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