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21/09/2022 | FRANCE | N°20/03679

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 21 septembre 2022, 20/03679


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03679 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5KD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/08615



APPELANT



Monsieur [H] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représen

té par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524



INTIMEE



S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03679 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5KD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/08615

APPELANT

Monsieur [H] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Cyril TRAGIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0524

INTIMEE

S.A. BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 6 septembre 1993, M. [H] [K] a été engagé par la société BNP PARIBAS en qualité de chargé de service clientèle.

Par courrier du 4 janvier 1994, la société BNP PARIBAS a renouvelé le contrat de travail de M. [K] dans le cadre d'un contrat à une durée indéterminée.

M. [H] [K] a évolué au sein de la BNP PARIBAS.

En dernier lieu, il occupait le poste d'analyste des alertes, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2 534,27 euros.

La convention collective applicable est celle de la banque.

En août 2015, M. [H] [K] a sollicité son employeur aux fins de mobilité interne à la Réunion.

M. [H] [K] a été placé en arrêt de travail d'origine non-professionnelle du 30 novembre 20016 au 10 février 2017 puis à compter 28 février 2017, et ce jusqu'à la fin de son contrat de travail. Un trouble anxio-dépressif a été retenu par son médecin.

M. [H] [K] a souhaité une rupture conventionnelle à laquelle l'employeur n'a pas accédé.

M. [K] a fait l'objet, après convocation datée du 27 septembre 2017 et entretien préalable le 11octobre 2017, d'un licenciement le 17 octobre 2017 pour faute grave.

M. [K] a contesté les termes de la lettre de licenciement par lettre datée du 28 octobre 2017 et a saisi à ce titre la Commission Paritaire de recours Disciplinaire conformément à la convention collective.

Cette commission a, par avis du 22 novembre 2017, estimé que les faits justifiaient le licenciement du salarié pour faute grave.

M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 14 novembre 2018 aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et la société BNP PARIBAS condamnée à lui payer diverses sommes.

Par jugement en date du 17 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de jugement a :

- déclaré fondé le licenciement de M. [K]

- débouté de l'ensemble de ses demandes M. [K]

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties

- Condamné M. [K] aux dépens

Par déclaration au greffe en date du 22 juin 2020, M. [H] [K] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 1er avril 2021, M. [H] [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau :

- Fixer salaire moyen de M. [K] à hauteur de 2.534,27 euros.

- Dire et juger licenciement de M. [K] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

- Condamner société BNP PARIBAS à régler à M. [K] les sommes suivantes :

Vu l'article L. 1235-3 du Code du travail,

- 44.349,72 euros titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Vu l'article L. 1234-1 du Code du travail,

- 5.068,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 506,83 euros titre des congés payés afférents au préavis.

-Condamner société BNP PARIBAS à la somme de 18.257,13 € titre de l'indemnité légale de licenciement.

-Condamner société BNP PARIBAS à la somme de 7.602,80 euros titre du préjudice moral et financier.

-Condamner société BNP PARIBAS à la somme de 2.534,27 euros titre de l'indemnité pour licenciement brutal et vexatoire.

-Condamner société BNP PARIBAS à la somme de 3.000,00 euros titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-Condamner la société BNP PARIBAS aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 28 mars 2022, la société BNP PARIBAS demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Paris en date du 17 octobre 2019 en toutes ses dispositions

Par voie de conséquence :

-Débouter M. [K]de l'ensemble de ses demandes,

-Condamner M. [K]à verser à la Banque la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

-Condamner M. [K]aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 17 octobre 2017 est libellée comme suit :

« Nous vous reprochons les faits ci-après que vous avez commis dans le cadre de vos fonctions d'Analyste des alertes au sein de la Fonction Conformité.

Le 19 septembre 2017, nous avons été alertés par une personne extérieure au personnel de l'entreprise qui portait à notre connaissance des publications sur Facebook dont vous êtes l'auteur et dont elle a jugé qu'ils étaient de nature à compromettre l'image de la Banque.

A la lecture de vos publications au sein du groupe fermé « Wanted Community Paris » réunissant néanmoins près de 350.000 internautes, il s'avère effectivement que vous avez tenus des propos inacceptables vis-à-vis de l'Entreprise.

En effet, outre le fait que vous exposez le litige qui semble vous opposer à la Banque dans le cadre du refus d'accéder à votre demande de Rupture Conventionnelle, vous qualifiez votre employeur de « crevard », jugez que d'accepter votre demande de «rupture transactionnelle ne lui fera pas un trou au cul », et remettez également en cause sans aucune réserve l'intégrité de la médecine du travail.

Nous vous rappelons à ce titre la procédure du Groupe relative aux Médias Sociaux, publiée notamment par votre propre entité d'appartenance, qui stipule que « les collaborateurs ont interdiction de formuler un quelconque commentaire discriminatoire, mensonge ou dégradant à l'égard de BNP Paribas, ses filiales, ses collaborateurs, ... ».

Par ailleurs, nous avons également constaté sur la partie publique de votre profil Facebook que vous vous faisiez le relais de divers articles de presse très critiques vis-à-vis de BNP Paribas.

S'il est vrai que vous n'êtes pas l'auteur de ces articles, votre démarche est bien le reflet d'une réelle volonté de votre part de nuire à l'image de BNP Paribas et le signe de votre manque de loyauté vis-à-vis de votre employeur.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, contraires aux règles reprises dans le Code de Conduite en matière de communication responsable, nous nous trouvons dans l'obligation de mettre un terme à votre collaboration. »

L'employeur soutient que le salarié a contrevenu à ses obligations contractuelles ( code de conduite du groupe BNP PARISBAS ; Politique groupe sur les médias sociaux) en publiant sur les réseaux sociaux des propos de nature à nuire à sa réputation et à son image. Il souligne que le réseau social « Wanted Community Paris », s'il est fermé, est accessible à plus de 349000 personnes, non agrées par M. [H] [K], ce qui ôte tout caractère privé aux propos tenus par le salarié.

L'employeur indique par ailleurs que les publications d'articles de presse sur la partie publique du compte facebook de l'intéressé et le « post » relatif au « pot de terre.... #ressourceshumaines#», sont de nature à porter atteinte à son image.

M. [H] [K] réfute les griefs qui lui sont faits.

Le salarié soutient que le compte « Wanted Community Paris » est une publication privée et que seuls les membres peuvent y accéder, voir ce qui est publié et publier eux-mêmes. Il précise que d'une part la banque BNP n'est pas citée, que 7 autres banques françaises disposent d'un logo vert, qu'il a indiqué aux autres membres qu'il ne souhaitait communiquer qu'en message privé à propos de « la banque au logo vert » et d'autre part qu'il n'a fait les commentaires litigieux que sous le coup de la colère, se trouvant dans une situation de blocage avec son employeur. Il soutient enfin que les partages sur son compte facebook relèvent de la sphère privée, la banque n'apportant pas preuve que son profil n'aurait pas été protégé au moments des faits. Il indique que très peu de personnes ont lu ses commentaires.

Le salarié estime la sanction disproportionnée au regard de ses 25 ans d'ancienneté et de l'absence de toute difficulté pendant toutes ces années.

Il doit être rappelé que les salariés bénéficient d'un droit d'expression dans et hors de l'entreprise.

La cour constate que l'employeur ne justifie pas du moyen par lequel il a été informé des publications litigieuses et, en ce qui concerne les publications sur le compte facebook personnel du salarié, de la date à laquelle il en a eu connaissance alors que deux publications date du 30 juin 2017, l'une du 29 juin 2017 et une autre du 21 décembre 2016), si bien qu'il n'est pas possible de vérifier que le délai de la prescription n'avait pas couru au jour de la convocation à l'entretien préalable.

En tout état de cause, en ce qui concerne ces articles de presse postés sur la partie publique du compte face-book du salarié, il doit être constaté que ces articles de presse étaient publics et donc déjà à la portée de tous, qu'ils ont été postés sans qu'il ne soit rapportée la preuve qu'une modification a été apportée au contenu ni qu'un commentaire ne soit fait. Par ailleurs le post « la bataille du pot de terre contre le pot de fer ' contre votre système. #banque#ressourcesinhumaines#» est la simple manifestation de la liberté d'expression du salarié, la Banque BNP PARISBAS n'étant d'ailleurs pas nommée.

Ce grief n'est pas retenu.

En ce qui concerne les propos tenus sur le réseau social facebook « Wanted Community Paris », s'il est exact que la banque n'est pas nommée par le salarié, les termes « la banque au logo vert » rendent possible et même aisée son identification, qui a d'ailleurs eu lieu puisque deux personnes ont répondu au salarié en citant « la BNP ».

Il doit être constaté que les propos « ces crevards », « ces connards » « j'ai été exploité » et « ils ont la main mise sur la médecine de travail ' ..j'ai un doute sur l'intégrité des médecins », sont injurieux pour l'employeur.

Par ailleurs, si le réseau social sur lequel les propos litigieux ont été diffusés a un accès limité à ses seuls membres, le fait que ceux-ci soient près de 350000 rend impossible leur agrément par le salarié alors que le caractère privé d'un compte suppose qu'il ne soit accessible qu'à ses seuls amis ou contacts, liés par une appartenance commune, des aspirations et des objectifs partagés, peu important que seules 3 personnes aient « likés » les propos ou qu'ils aient donné lieu à des commentaires de 5 personnes seulement ( le nombre de vue pouvant être bien plus important).

Il doit être ainsi considéré que M. [H] [K] a procédé à une diffusion publique de ses propos injurieux caractérisant par la même un abus de l'exercice de sa liberté d'expression et un manquement à son obligation contractuelle de loyauté.

Le licenciement pour faute grave est proportionné à la faute commise rendant impossible son maintien dans l'entreprise.

Le jugement est confirmé de ce chef comme le rejet des demandes financières subséquentes.

Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé concernant l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

M. [H] [K] et la société BNP PARISBAS seront déboutés de leurs demandes respectives aux titre des frais irrépétibles.

M. [H] [K] sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [K] aux dépens d'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03679
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.03679 ?
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