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21/09/2022 | FRANCE | N°20/03678

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 21 septembre 2022, 20/03678


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03678 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5JX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03146



APPELANTE



S.A.S. BENCO Représentée par son Président la SAS DAHAN FAMILY


[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551



INTIMEE



Madame [R] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03678 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5JX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03146

APPELANTE

S.A.S. BENCO Représentée par son Président la SAS DAHAN FAMILY

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Michel SZULMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0551

INTIMEE

Madame [R] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Johanna BISOR BENICHOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0504

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en date du 1er novembre 2017, Mme [R] [Y] a été engagée par la société Benco en qualité d'adjointe au directeur du magasin (enseigne Franprix) avec reprise d'ancienneté au 17 juin 2014, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2059,63 euros.

La convention collective applicable est celle du commerce de détail de fruits, légumes, produits laitiers, épicerie.

La société Benco a adressé un avertissement à la salariée le 1er février 2019.

Mme [R] [Y] a fait l'objet d'un licenciement le 26 février 2019 pour faute grave ( abandon de poste).

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 15 avril 2019 aux fins notamment, de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date du 17 juin 2018 et la société Benco condamnée à lui payer diverses sommes. 

Dans ses dernières conclusions devant le conseil de prud'hommes de Paris en date du 4 décembre 2019, Mme [R] [Y] a sollicité que soit annulé l'avertissement en date du 1er février 2019 et que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse. Elle a également demandé que la société soit condamnée à lui payer diverses sommes .

Par jugement en date du 18 février 2020, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de jugement a dit le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Benco à verser à Mme [R] [Y] les sommes suivantes :

3.959,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

395,96 euros au titre de congés payés incidents

1.979,80 euros au titre d'indemnité légales de licenciement

1.715,22 euros au titre d'heures supplémentaires

171,52 euros au titre de congés payés incidents

8.000 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1.100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné à la société Benco de remettre à Mme [R] [Y] un certificat de travail et une attestation pôle emploi conforme à la présente décision.

débouté Mme [R] [Y] du surplus de ses demandes

- Condamné la société Benco aux dépens.

La société Benco a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 15 septembre 2020 , la société Benco demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- jugé le licenciement de Mme [R] [Y] sans cause réelle ni sérieuse,

- fait droit à la demande de [R] [Y] au titre des heures supplémentaires,

- fait droit à la demande de Mme [R] [Y] au titre de l'article 700 du CPC et aux dépens,

Statuant à nouveau :

-dire et juger Mme [R] [Y] irrecevable en sa demande nouvelle de contestation du licenciement du 26 février 2019,

-dire et juger Mme [R] [Y]également irrecevable en sa demande nouvelle de contestation du licenciement du 26 février 2019 en raison de la prise d'acte de rupture du contrat de travail à la date du 17 juin 2018 et dans tous les cas antérieurement à son licenciement,

à titre infiniment subsidiaire, dire et juger [R] [Y] mal fondée en sa demande de contestation du licenciement du 26 février 2019,

- dire et juger que le licenciement de Mme [R] [Y] repose sur une faute grave,

Dans tous les cas :

- débouter Mme [R] [Y] de sa demande au titre des heures supplémentaires et de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [R] [Y] à payer à la société Benco la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du CPC,

- condamner Mme [R] [Y] aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 15 décembre 2020, Mme [R] [Y] demande à la cour de :

-confirmer jugement entrepris, sauf s'agissant du montant des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et en ce qu'il a débouté Mme [R] [Y] de sa demande d'annulation de son avertissement notifié le 01/02/19 et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Statuant à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger la demande de requalification du licenciement pour faute grave de Mme [R] [Y] en licenciement sans cause réelle et sérieuse est recevable,

-dire et juger Mme [R] [Y] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse le 26 février 2019

à titre subsidiaire,

- prononcer résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [Y] à la date du 8 juillet 2018

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [R] [Y] en date du 17 juin 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

et en tout état de cause,

- fixer salaire moyen brut mensuel de Mme [R] [Y] à la somme de 1.979,80 €

- annuler 'avertissement notifié à Mme [R] [Y] le 01/02/19

- condamner Société Benco à verser à Mme [R] [Y] les sommes suivantes :

1.715,22 € à titre d'heures supplémentaires sur la période du 10 janvier 2018 au 23 mars 2018 ;

171,52 € à titre de congés payés afférents ;

3.959,60 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

395,96 € à titre de congés payés afférents ;

1.979,80 € à titre d'indemnité légale de licenciement ;

9.899,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

11.878,80 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

3.500,00 € à titre d'indemnité en application de l'art. 700 du CPC ;

l'intérêt légal

les dépens

- ordonner à la Société Benco qu'elle remette à Mme [R] [Y] :

- son certificat de travail,

- son attestation « Pôle Emploi ».

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2022

MOTIFS DE LA DECISION :

1-Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, il est de principe que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées. Ainsi, le salarié qui a accompli pendant une longue période des heures supplémentaires au vu et au su de son employeur qui ne s'y est pas opposé a droit au paiement des heures accomplies.

Au cas d'espèce, Mme [Y] verse aux débats un tableau de ses horaires sur la période du 10 janvier au 23 mars 2018, reprenant quotidiennement l'horaire de prise de son service et celui de sa fin, une heure de pause méridienne étant mentionnée pour les jours travaillés sur toute la journée.

Ce faisant, elle produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies au-delà des 35 heures légales ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués et de produire deux attestations dépourvues de valeur probante au regard de la situation de subordination de leurs auteurs et se contente d'affirmer, qu'en tout état de cause, il n'a jamais été informé de l'accomplissent d'heures supplémentaires non autorisée sur la période concernée. La société Benco ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire de la salariée, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il n'y a pas lieu de remettre en cause le décompte de la salariée.

Il convient dès lors de condamner la société Benco à payer à Mme [Y] la somme de 1715,22 euros, outre celle de 171,52 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est confirmé sur ce point.

2-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, il ne peut être retenu aucun élément intentionnel à l'encontre de la société Benco.

La salariée est déboutée de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.

3-Sur la recevabilité de la demande tendant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et les demandes subséquentes.

3-1 sur l'irrecevabilité pour demande nouvelle

L'employeur soutient que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande nouvelle en cours de procédure en ce qu'elle avait initialement saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puis qu'à l'occasion de ses secondes conclusions, elle a contesté son licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse. Il est souligné que lors de sa requête en date du 15 avril 2019, elle avait déjà été licenciée ( le 26 février 2019), si bien qu'elle en avait connaissance avant d'introduire son instance et a choisi de demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

La salariée souligne qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes le 15 avril 2019, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a formulé des demandes financières au titre de la rupture.

La salarié expose que devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, son employeur a reconnu qu'une rupture conventionnelle avait été signée en juin 2018 et qu'il n'avait pas remis à sa salariée son exemplaire si bien qu'elle a ainsi disposé d'un élément nouveau lui permettant de démontrer que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse.

L'article 8 du décret n°2016-66 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a implicitement abrogé l'article R.1452-6 du code du travail qui édictait la règle d'unicité des demandes, pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

En application de l'article R. 1452-2 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n°2017-1008 du 10 mai 2017, la requête par laquelle est formée la demande en justice remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

L'article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Par ailleurs, une demande n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle déjà soumise à la juridiction, même si leur fondement juridique est différent.

Au cas d'espèce, que ce soit lors de la requête initiale ( résiliation judiciaire) ou à l'occasion de ses secondes conclusions devant la juridiction prud'homale ( contestation du licenciement intervenu ), la salariée a sollicité que la rupture de son contrat de travail soit jugée sans cause réelle et sérieuse et a demandé la condamnation de la société à lui payer diverses sommes en réparation de la perte injustifiée de son emploi. La contestation du licenciement intervenu le 26 février 2019 se rattache à la demande de résiliation judiciaire (qui n'est plus qu'un subsidiaire) par un lien suffisant.

Dès lors, la demande aux fins de contestation du licenciement est recevable.

3-2 Sur l'irrecevabilité à raison d'une prise d'acte antérieure.

L'employeur soutient que le contrat de travail a été rompu à l'initiative de la salariée , son départ devant s'analyser en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail valant démission. La salariée ne répond rien de ce chef.

Il ne peut qu'être constaté que la salariée n'a jamais manifesté de manière claire et non équivoque la volonté de rompre son contrat de travail de manière unilatérale.

L'irrecevabilité soulevée de ce chef ne peut qu'être repoussée.

4-Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 26 février 2019, il est reproché à la salariée un abandon de poste depuis le 8 juillet 2018 .

Il résulte des pièces du dossier que si les parties ont envisagé une rupture conventionnelle, allant jusqu'à rédiger une convention, ainsi que l'a admis le gérant de la société devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, celle-ci n'a pas été remise à la salariée et n'a été jamais envoyée à la DIRECCTE pour homologation, si bien qu'elle n'a, en réalité jamais eu d'existence légale.

Il est remarqué que l'employeur ne s'est soucié de l'absence de sa salariée qu'à compter du moment ou elle l'a, par courrier du 28 janvier 2019, mise en demeure de lui adresser « sa lettre de licenciement, son certificat de travail et son attestation pôle emploi » et s'est plainte d'heures supplémentaires non payées, lui adressant, en réponse, le 1er février 2019 un avertissement.

Il n'est pas contesté par la salariée qu'elle n'est plus venue travailler après le 8 juillet 2018. Compte tenu du contexte, il peut être considéré que la salariée a pensé que son contrat de travail avait été rompu dans le cadre d'une rupture conventionnelle « amiable ». Il est remarquable à cet égard qu'ayant sollicité l'inspection du travail le 10 juillet 2018 notamment parce qu'elle n'avait pas été destinataire de son exemplaire de convention de rupture, l'inspecteur du travail indique ( courrier du 18 septembre 2019), qu'il avait contacté le gérant par téléphone lequel lui avait répondu qu'il enverrait prochainement le formulaire pour homologation. Il est tout aussi remarquable que le gérant de la société Benco a admis, en première instance qu'une rupture conventionnelle avait été signée sans que l'original ne soit remis à la salariée.

Il résulte de ce qui précède que la rupture du contrat de travail, en l'absence de preuve de la démission de la salariée, constitue un licenciement sans qu'aucune faute grave ni même aucune cause réelle et sérieuse ne puisse être retenue à l'encontre de la salariée.

Le licenciement de Mme [R] [Y] est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire dé référence à retenir est de 1.979,80 euros.

5-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à deux mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 3.959,60 euros, outre la somme de 395,96 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

La salariée a une ancienneté de 4 ans et 8 mois. L'indemnité légale de licenciement est égale à un quart de mois de salaires par années d'ancienneté. En cas d'année incomplète, il est procédé a un prorata du nombre de mois écoulés.

En l'espèce, il est sollicité la somme de 1.979,80 euros correspondant à 4 années d'ancienneté. La cour ne pouvant statuer ultra petita, cette somme sera retenue.

Le jugement est confirmé de ce chef.

5-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige,  si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, en considération notamment de l'effectif de l'entreprise ( moins de 11 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R] [Y], de son âge au jour de son licenciement ( 25 ans), de son ancienneté à cette même date ( 4 ans et 8 mois), il y a lieu de lui allouer la somme de 1.979, 80 euros ( un mois de salaire) à titre de dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur l'annulation de l'avertissement en date du 1er février 2019.

Il résulte de ce qui précède que cet avertissement pour absence injustifiée ne peut qu'être annulé comme n'ayant aucun cause.

Le jugement sera réformé en ce sens.

7- Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la société Benco de remettre à Mme [R] [Y] un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent arrêt.

8- Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'employeur, partie perdante, supportera également les dépens de l'appel.

L'équité commande de condamner la société Benco à payer à Mme [R] [Y] de la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

La société Benco doit être déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare recevable la demande de Mme [R] [Y] tendant à contester son licenciement pour faute grave,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'annulation de l'avertissement du 1er février 2019,

Statuant à nouveau et Y ajoutant,

Condamne la société Benco à payer à Mme [R] [Y] la somme de 1.979,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la société Benco de remettre à Mme [R] [Y] un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle Emploi conformes au présent arrêt,

Annule l'avertissement du 1er février 2019,

Déboute la société Benco de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel

Condamne la société Benco à payer à Mme [R] [Y] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

Condamne la société Benco aux dépens d'appel.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03678
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.03678 ?
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