Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ARRET DU 07 NOVEMBRE 2022
(N° /2022, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00050 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7GT5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2017 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de CRETEIL - RG n°
APPELANTE
Madame [D] [M] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Isabelle KISTNER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 243
INTIME
Maître [Z] [C]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Comparante en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M Michel RISPE, Président de chambre et Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère à la cour d'appel de Paris entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Michel RISPE, Président de chambre
Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère
Mme Sylvie FETIZON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michel RISPE, Président de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.
****
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 30 décembre 2017, reçue le 5 janvier 2018, Mme [D] [M] épouse [I] a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne d'une réclamation concernant les honoraires de son conseil, Me [Z] [C].
Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne a accusé réception de la réclamation de Mme [I] par lettre datée du 12 janvier 2018.
Par ordonnance en date du 2 mai 2018, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le prononcé de la décision à intervenir.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 février 2019, le cachet de la poste faisant foi, Mme [I] a demandé au premier président de cette cour, en l'absence de décision du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val-de-Marne depuis plus d'un an, de statuer sur sa contestation relative aux honoraires dus à Me [C].
Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 juin 2021 par lettres recommandées avec avis de réception du 25 mars 2021 dont elles ont signé les avis de réception le 29 mars 2021 pour Mme [I] et sans date pour Me [C].
A cette audience, l'affaire a été contradictoirement renvoyée à l'audience du 15 septembre 2021.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 15 septembre 2021, Mme [I] a demandé au délégué du premier président de :
- dire l'action engagée recevable et bien fondée,
- réduire les honoraires de Me [C] à la somme de 6 000 euros,
- condamner Me [C] à reverser la somme de 15 320,72 euros au titre de la répétition de l'indu,
- condamner Me [C] aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 15 septembre 2021, Me [C], a demandé au délégué du premier président de :
In limine litis et avant toute défense ou fin ou de fin de non-recevoir,
- dire et juger que la contestation d'honoraires portée par Mme [I] le 22 janvier 2019 est prescrite et par conséquent la débouter de toute demande à ce titre,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que Mme [I] a été tenue régulièrement informée des prestations réalisées et à venir et du temps consacré à sa défense,
- dire et juger que Mme [I] était en demande de conseils et d'accompagnement,
- dire et juger que le nombre d'échanges par mails, courriers, rendez-vous et entretiens téléphoniques est important et confirme le temps de travail à consacrer au dossier,
- dire et juger que Mme [I] n'a jamais contesté le temps consacré à sa défense ni la qualité des prestations ou la réactivité des membres du cabinet,
- par conséquent, débouter Mme [I] de sa demande tendant à voir réduire la facturation à 6 000 euros et à obtenir le remboursement de la somme de 15 320,72 euros,
- en tout état de cause, condamner Mme [I] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision du 17 mars 2022, le délégué du premier président a :
- dit que le recours de Mme [D] [M] épouse [I], qui n'est pas tardif, est recevable,
- avant dire droit, ordonné la réouverture des débats afin d'inviter les parties à conclure pour les motifs exposés ci-dessus sur l'identité du créancier des honoraires et corrélativement sur celle du débiteur d'un éventuel trop perçu,
- renvoyé l'affaire à l'audience du mercredi 21 septembre 2022 à 9 heures 30 en salle Ducoudray [Adresse 1],
- réservé les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
La décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 24 mars 2022 dont elles ont accusé réception le 25 mars 2022 pour Mme [I] et sans date pour Me [C].
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 21 septembre 2022, Mme [I] demande à la cour de :
- dire l'action engagée recevable et bien fondée,
- réduire les honoraires de Me [C], en sa qualité d'associée de la SARL Berthier Chapelier et associés, dénommée la société 'Capital Conseils avocat' à 6 000 euros,
- condamner Me [C], en sa qualité d'associée de la SARL Berthier Chapelier et associés, dénommée la société 'Capital Conseils avocat' à reverser la somme de 15 320,72 euros au titre de la répétition de l'indu,
- condamner Me [C] en sa qualité d'associée de la SARL Berthier Chapelier et associés, dénommée la société 'Capital Conseils avocat' aux entiers dépens ainsi qu'à une somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 21 septembre 2022, Me [C] demande à la cour de :
In limine litis et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir,
- dire et juger que la contestation d'honoraires portée par Mme [I] le 22 janvier 2019 est prescrite et par conséquent la débouter de toute demande à ce titre,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que Mme [I] a consenti une convention de frais et honoraires au temps passé basée sur le principe de factures de provision et de factures pour prestations accomplies avec la SELARL Berthier Chapelier et associés jusqu'en janvier 2017 puis avec la SELARL Capital conseils avocats à compter de cette date,
- dire et juger que Mme [I] a été tenue régulièrement informée des prestations réalisées et à venir et du temps consacré à sa défense,
- dire et juger que Mme [I] était en demande de conseils et d'accompagnement,
- dire et juger que le nombre d'échanges par mails, courriers, rendez-vous et entretiens téléphoniques est important et confirme le temps de travail à consacrer au dossier,
- dire et juger que Mme [I] n'a jamais contesté le temps consacré à sa défense ni la qualité des prestations ou la réactivité des membres du cabinet,
- par conséquent, débouter Mme [I] de sa demande tendant à voir réduire la facturation à 6 000 euros et à obtenir le remboursement de la somme de 15 320,72 euros,
- dire et juger que Mme [I] était redevable de la somme de 21 800,72 euros dont elle s'est acquittée intégralement,
- dire et juger que la SELARL Capital conseils avocats a renoncé définitivement à la facturation de son honoraire de bonne fin et a consenti un avoir de 1 500 euros sur la dernière facture émise,
- en tout état de cause, condamner Mme [I] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, la cour a soulevé la question de la recevabilité de la contestation d'honoraires de Mme [I] en ce qu'elle est formée à l'encontre de Me [C], à titre personnel, et non à l'encontre de la société d'avocats au sein de laquelle elle est associée.
SUR CE
Sur la recevabilité de la demande de contestation d'honoraires
Mme [I] soutient qu'en application des dispositions de l'article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et de l'article 20 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, il est de jurisprudence qu'un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne peut exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société, qu'elle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié (Civ. 2ème, 14 février 2018, pourvoi n° 17-13.159).
Elle expose que Me [C] exerce ses fonctions d'avocat en qualité d'associée de la SELARL Berthier Chapelier et associés dénommée la 'société Capital conseils avocat' et en conclut que la présente procédure ne concerne pas 'Madame [C] à titre personnel mais bien Maître [C], et donc en sa qualité d'associé, celle-ci ne pouvant exercer à titre individuel.'
L'intimée a indiqué à l'audience qu'elle n'avait pas conclu sur ce point et s'en rapportait à la décision de la cour.
La procédure de contestation des honoraires des avocats est une procédure spéciale régie par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat.
L'article 277 de ce décret dispose qu'il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n'est pas réglé par le présent décret.
En application des dispositions des articles 30 et 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Selon l'article 122 de ce code : 'Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'
Cette situation n'est pas susceptible d'être régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue de personnalité juridique.
Il résulte des pièces versées aux débats que Mme [I] qui envisageait de divorcer a confié la défense de ses intérêts non à Me [C], à titre personnel, mais à la SELARL Capital conseils avocats.
La convention de frais et honoraires signée par Mme [I] en septembre 2015 mentionne ainsi qu'elle a été conclue entre, d'une part, 'La SELARL BERTHIER CHAPELIER et ASSOCIES, ci-après dénommée 'la société CAPITAL CONSEILS AVOCATS' (...) prise en la personne de son représentant légal, Maître [Z] [C]' et d'autre part, 'Madame [D] [I]' (pièce de l'intimée n° 9).
Par ailleurs, toutes les notes de frais et honoraires adressées à Mme [I] de mai 2015 à mai 2017 versées aux débats sont libellées à l'en-tête de 'CAPITAL CONSEILS AVOCATS' (pièce de l'intimée n° 10).
Il y a lieu de rappeler par ailleurs qu'avant l'entrée en vigueur du décret n° 2016-878 du 29 juin 2016, un avocat associé exerçant au sein d'une société d'exercice libéral ne pouvait pas, en application de l'article 20 du décret n° 93-492 du 25 mars 1993, exercer sa profession, à titre individuel, en qualité de membre d'une autre société quelle qu'en soit la forme, ou en qualité d'avocat salarié. Selon l'article 22 de ce décret, les associés exerçant au sein de la société devaient lui consacrer toute leur activité professionnelle.
Il en résulte que Me [C] ne pouvait pas à la date de la signature de la convention d'honoraires exercer son activité à titre individuel et comme associée d'une société d'avocats, étant relevé qu'il ressort des extraits Kbis versés aux débats que les SELARL Berthier et associés et Capital conseils avocats ont été respectivement immatriculées au registre du commerce et des sociétés de Créteil sous les numéro 441 957 198 le 7 mai 2002 pour la première et 852 059 777 le 18 janvier 2017 pour la seconde.
Il s'en induit que la demande de contestation d'honoraires formée par la requérante à l'encontre de Me [C], à titre personnel, alors qu'elle exerce sa profession d'avocat au sein d'une société dotée de la personnalité morale, qui a seule qualité à défendre et n'est pas dans la cause, est irrecevable.
La seule mention portée par Mme [I] dans ses dernières écritures de ce que ses demandes sont dirigées à l'encontre de Me [C] 'en sa qualité d'associée de la SARL Berthier Chapelier et associés, dénommée la société 'Capital Conseils avocat', n'a pu régulariser la procédure diligentée à l'encontre d'une partie dépourvue du droit d'agir, ni attraire la SELARL Capital conseil avocats dans la cause.
Mme [I] est donc irrecevable en ses demandes de réduction d'honoraires et de remboursement d'un trop-perçu d'honoraires pour avoir été formées contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Sur les autres demandes
Mme [I], partie perdante, sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts.
Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et par mise à disposition par le greffe,
Déclare irrecevable Mme [D] [M] épouse [I] en ses demandes de réduction d'honoraires et de remboursement d'un trop-perçu d'honoraires formées à l'encontre de Me [Z] [C] ;
Condamne Mme [D] [M] épouse [I] aux entiers dépens ;
Rejette toute autre demande ;
Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT