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20/09/2022 | FRANCE | N°19/19729

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 20 septembre 2022, 19/19729


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19729 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3WC



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/12134





APPELANTE



LA SELAS LES NOTAIRES DU QUAI VOLTAIRE

[Adresse 18]r>
[Localité 19]



Représentée et assisté de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435





INTIMÉS



Madame [A] [X] épouse [B]

Née le [Date naissance 12]...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19729 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3WC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/12134

APPELANTE

LA SELAS LES NOTAIRES DU QUAI VOLTAIRE

[Adresse 18]

[Localité 19]

Représentée et assisté de Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0435

INTIMÉS

Madame [A] [X] épouse [B]

Née le [Date naissance 12] 1956 à [Localité 26], New Jersey

[Adresse 16]

[Localité 4] (USA)

Madame [U] [X]

Née le [Date naissance 10] 1952 à [Localité 26], New Jersey

[Adresse 13]

[Localité 27], GEORGIA (USA)

Madame [I] [T] épouse [S]

Née le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 20], [Localité 4]

[Adresse 7], [Localité 25]

CALIFORNIA 90069 (USA)

Monsieur [K] [T]

Né le [Date naissance 15] 1959 à [Localité 23]

[Adresse 6] - [Localité 21]

CAROLINE DU NORD (USA)

Monsieur [G] [M]

Né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 20], [Localité 4]

[Adresse 14]

[Localité 22] (USA)

Monsieur [P] [V]

Né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 4]

[Adresse 5]

[Adresse 24] (USA)

Représentés et assistés de Me François BUTHIAU de la SELARL BUTHIAU SIMONEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1048

Société PAUL HASTINGS (EUROPE) LLP

[Adresse 17]

[Localité 19]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre LEVEQUE, WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P372 substitué par Me Paul BAEZA

Société PAUL HASTINGS LLP

[Adresse 9]

[Localité 4] ETATS-UNIS

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Julien BALENSI de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque R021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et Mme Estelle MOREAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Nora BENDERRADJ, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

[Y] [T], née [X], est décédée à [Localité 4] (Etats-Unis) le [Date décès 8] 2011. Parmi les biens composant sa succession, figurait l'intégralité des parts de la Sci Unicot (ci-après, la sci) dont le siège social était situé [Adresse 11], qu'elle a léguées à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M] né [T] (ci-après, les héritiers), M. [P] [V] étant désigné en qualité d'exécuteur testamentaire de la succession.

A l'occasion des opérations de succession concernant ce bien, M. [V] s'est rapproché du cabinet d'avocats américain Paul Hastings possédant un bureau à [Localité 4], la société Paul Hastings LLP, et un bureau parisien, la société Paul Hastings LLP Europe. Celle-ci, sollicitée par la société Paul Hastings LLP, a dressé un memorandum relativement à la cession des parts sociales de la sci et à ses conséquences fiscales -que la société Paul Hastings LLP a adressé à M. [V] le 19 octobre 2011-, puis a pris attache auprès de la Selas Les notaires du quai Voltaire au mois d'octobre 2012.

L'immeuble situé [Adresse 11], qui constituait le seul actif de la sci, a été cédé le 11 juin 2012 au prix total de 7 800 000 euros.

La déclaration de succession de [Y] [T] déposée par la Selas Les notaires du quai Voltaire le 25 septembre 2013 auprès de la recette des non-résidents, comportant comme seul actif les 10 000 parts sociales de la sci évaluées à 780 euros la part, soit une valeur globale de 7 800 000 euros, a donné lieu au versement de droits de mutation à titre gratuit pour un montant de 3 581 244 euros.

Par courrier du 12 novembre 2015, les héritiers ont introduit une réclamation contentieuse visant à obtenir le dégrèvement partiel des droits de succession au motif que la valeur des parts sociales de la sci avait été évaluée sans tenir compte des dettes figurant au bilan de la société et sans appliquer aucune décote.

Le 6 avril 2016, la direction générale des finances publiques a adressé aux héritiers un avis de mise en recouvrement de la somme de 558 673 euros correspondant à la pénalité d'assiette de 10% (358 124 euros) et à l'intérêt de retard (200 549 euros), aux motifs que la déclaration avait été déposée tardivement, soit 14 mois après sa date limite de dépôt le 12 juillet 2012.

Par décision du 22 septembre 2017, la direction générale des finances publiques a fait partiellement droit à la réclamation des héritiers tendant à une décharge des droits de mutation à titre gratuit, considérant que si la valeur vénale des biens détenus par la sci est bien de 7 800 000 euros, la valeur vénale des titres de la sci doit être déterminée comme suit :

- il convient de calculer la valeur mathématique sur la base des comptes annuels de l'exercice clos au 31 décembre 2011, laquelle résulte de la valeur actualisée des éléments d'actif, diminuée du passif exigible soit une valeur nette de 4 402 284 euros (actif : 7 818,74 euros ' passif exigible : 3 416 090 euros),

- il doit être pris en compte l'absence de liquidité des biens immobiliers détenus au travers d'une sci, donnant lieu à un abattement de 10% de cette somme,

- la valeur vénale des parts de la sci s'élève donc à 3 962 056 euros et les droits de succession correspondant à 1 689 246 euros,

- le dégrèvement des droits est de1 891 998 euros.

Par lettre du 27 mars 2018, l'administration fiscale a informé les héritiers de l'admission totale de la réclamation adressée au titre des droits de mutation à titre gratuit de l'année 2011 et du prononcé en leur faveur d'un dégrèvement supplémentaire de 295 152 euros.

Par jugement du 22 février 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a débouté les héritiers de leurs recours formé à l'encontre de la décision de la direction générale des finances publiques.

C'est dans ces circonstances que par actes des 13 et 20 juillet 2017, les héritiers ont fait assigner la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal a :

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire à verser à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M], né [T], la somme de 141 816,60 euros,

- dit que la Selas Les notaires du quai Voltaire sera condamnée à garantir la société Paul Hastings

LLP et la société Paul Hastings LLP Europe du paiement de cette somme,

- condamné la Selas Les Notaires du quai Voltaire à verser à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M], né [T], la somme de 26 888 euros,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire à verser à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M], né [T], la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution par provision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 22 octobre 2019, la Selas Les notaires du quai Voltaire a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 8 mars 2020, la Selas Les notaires du quai Voltaire demande à la cour de :

- débouter les demandeurs (sic) de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre elle,

subsidiairement,

- condamner in solidum les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP à la relever et garantir de l'ensemble des condamnations qui viendraient à être prononcées contre elle, en principal, intérêts, dommages-intérêts, dépens, article 700 code de procédure civile et frais généralement quelconques,

en tous les cas,

- condamner les demandeurs (sic) ou à défaut les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les demandeurs (sic) ou à défaut les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP aux entiers dépens de l'instance.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juillet 2020, Mmes [A] [N] [X], [U] [X], [I] [L] [T] et MM. [K] [F] [T] et [G] [Z] [M] né [T] demandent à la cour de :

- dire et juger l'étude Les notaires du quai Voltaire mal fondée en son appel,

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe

et la Selas Les notaires du quai Voltaire à leur rembourser les intérêts de retard,

- condamné la Selas Les notaires du quai Voltaire à leur verser la somme de 26 888 euros,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire à leur verser la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile,

- l'infirmer pour le surplus, en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

statuant a nouveau,

- dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leur appel incident,

y faire droit, en conséquence,

- condamner solidairement les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP à leur verser la somme globale de 168 924 euros au titre de la pénalité de retard de 10% pour dépôt au-delà du délai légal de la déclaration de succession dont la responsabilité leur incombe,

- condamner solidairement les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP et l'étude notariale Les notaires du quai Voltaire à leur verser les sommes suivantes en réparation du préjudice que leurs fautes et manquements leur ont causé :

- 94 598 euros au titre des intérêts de retard liés au dépôt tardif de la déclaration de succession,

-1 016 276 euros au titre des droits de mutation à titre gratuit versés en excédent,

- 281 550 euros au titre de la perte de chance de réaliser des gains financiers,

- 40 329,38 euros au titre des frais d'avocat engagés pour la procédure de réclamation auprès de l'administration fiscale,

- 50 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner l'étude notariale Les notaires du quai Voltaire à leur verser la somme de 24 000 euros correspondant à l'honoraire non tarifé qu'elle leur a facturé de manière fautive,

en tout état de cause,

- débouter les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP et l'étude notariale Les notaires du quai Voltaire de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les sociétés d'avocats Paul Hastings LLP Europe et Paul Hastings LLP et l'étude notariale Les notaires du quai Voltaire à leur verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 décembre 2020, la société de droit américain Paul Hastings LLP demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demandeurs en première instance de leurs demandes dirigées à son encontre relatives :

- à la pénalité de retard de 10% payée par les héritiers,

- à la prétendue mauvaise évaluation de l'actif successoral,

- aux honoraires d'avocats payés par les héritiers,

- au prétendu préjudice résultant de l'indisponibilité des sommes remboursées par l'administration,

- à un prétendu préjudice moral,

- débouté les demandeurs en première instance et la société Les notaires du quai Voltaire de leurs demandes plus amples et contraires formulées à son encontre,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

- l'a condamnée solidairement avec la société Les notaires du quai Voltaire au paiement de la somme de 141 816,60 euros au titre d'intérêts de retard prétendument payés par les héritiers,

- l'a condamné, solidairement avec la société Les notaires du quai Voltaire, au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- dire qu'elle a rempli ses obligations d'information et de conseil au regard de l'étendue de sa saisine,

- débouter les demandeurs en première instance et la société Les notaires du quai Voltaire de l'ensemble de leurs demandes, fins ou prétentions formulées à son encontre,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Les notaires du quai Voltaire à lui garantir des condamnations mises à sa charge,

- débouter les demandeurs en première instance et la société Les notaires du quai Voltaire de l'ensemble de leurs demandes, fins ou prétentions à son égard,

à titre plus subsidiaire :

- constater que l'étude Les notaires du quai Voltaire avait seule la charge de procéder aux opérations de succession,

en conséquence,

- condamner l'étude Les notaires du quai Voltaire à la garantir indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance,

en tout état de cause :

- constater que le montant total des droits de mutation à titre gratuit payés par les héritiers est de 1 689 246 euros,

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a évalué le préjudice des demandeurs en première instance à la somme de 141 816,60 euros s'agissant des intérêts de retard,

- dire et juger que le préjudice allégué par les héritiers en raison du dépôt tardif de la déclaration de succession, une fois restituée la fraction correspondant aux droits dont le dégrèvement est demandé ou a déjà été obtenu, s'établit à hauteur de 168 924,6 euros au titre de la pénalité de 10% et de 74 326,8 euros au titre des intérêts de retard,

- condamner les demandeurs en première instance à lui régler la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 20 octobre 2020, la société Paul Hastings LLP Europe demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T] et M. [G] [Z] [M] la somme de 141 816,60 euros.

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la Selas Les notaires du quai Voltaire sera condamnée à la garantir du paiement de cette somme de 141 816,60 euros,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à verser Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T] et M. [G] [Z] [M] la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

en tout état de cause,

- débouter Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T] et M. [G] [Z] [M] et la Selas Les Notaires du quai Voltaire de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre,

- condamner in solidum Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T] et M. [G] [Z] [M] et la Selas Les Notaires du quai Voltaire à lui verser la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selas Les notaires du quai Voltaire à la relever et la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2022.

SUR CE

Sur la faute des sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe :

La responsabilité professionnelle de l'avocat peut être engagée sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits, à charge pour celui qui l'invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice.

- Sur l'étendue du mandat :

Le tribunal a retenu que :

- il n'est pas contesté que les héritiers ont donné à la société Paul Hastings LLP mandat de les renseigner sur les démarches à effectuer à l'occasion d'une succession incluant des biens situés en France et de les assister dans la vente du bien immobilier constituant l'actif de la sci,

- il n'est pas justifié que ce mandat a été étendu à la réalisation en France des actes relatifs à la succession ne relevant pas de la compétence exclusive du notaire et notamment l'établissement de la déclaration de succession,

- il ressort des échanges entre le notaire et les avocats qu'il a été confié à ces derniers une mission de représentation des héritiers à l'occasion des opérations de succession, les avocats ayant participé avec le notaire à la constitution du dossier, sollicité de sa part certaines informations et relu le projet de déclaration de succession.

Les héritiers, appelants incidents de ce chef, soutiennent que :

- s'agissant d'une action en responsabilité professionnelle engagée contre un avocat au titre d'un mandat extra-judiciaire et non pas ad litem, il appartient au cabinet Paul Hastings de justifier précisément de l'étendue de son mandat et non pas à eux d'établir l'existence d'un tel mandat et qu'il l'aurait accepté,

- au vu des pièces produites, en particulier du memorandum et des messages du cabinet Paul Hastings des 22 mai 2012 et 20 septembre 2012, ledit cabinet a reçu mandat portant sur toutes les démarches propres aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession en France, dont la déclaration de succession, l'absence de mandat écrit étant indifférente,

- en effet, en l'absence d'information suffisante dans le memorandum quant au rôle du notaire, ils ont légitimement compris que le cabinet Paul Hastings établirait la déclaration de succession et plus généralement se chargerait de traiter, directement ou en s'attachant un tiers, toutes les questions relatives à la liquidation de la succession en France, et les échanges ultérieurs avec le cabinet les ont confortés dans l'idée que celui-ci s'occuperait de tout ce qui relevait de la succession, que ce soit directement ou avec l'intervention d'un notaire,

- l'étude notariale a été mandatée à la demande du cabinet Paul Hastings au motif erroné que le notaire avait le monopole en matière de succession,

- le cabinet Paul Hastings est cependant demeuré en charge du dossier vis à vis d'eux, les assistant directement et faisant l'intermédiaire entre eux et l'étude notariale, en se chargeant de faire valider le mandat de cette dernière, de collecter toute l'information nécessaire, de contrôler la réalisation de sa mission par l'étude et de valider ainsi la déclaration de succession une fois établie,

- en tout état de cause, la mission de l'avocat s'étend à ce que justifie l'intérêt de ses clients, soit en l'occurrence de déposer une déclaration de succession dans le délai légal ou tout du moins, de les alerter sur les démarches pour procéder à cette déclaration.

La société Paul Hastings LLP prétend que :

- elle n'a pas été mandatée pour réaliser les opérations de succession et n'aurait pu l'être dès lors qu'elles ressortent du monopole des notaires,

- les héritiers n'ont pas pu penser que le cabinet Paul Hastings se chargerait du règlement de la succession dès lors que le memorandum les a informés que les formalités devraient être effectuées par un notaire et listait les éléments du dossier qu'ils devraient fournir au notaire en précisant le montant des honoraires notariaux,

- les héritiers ont donné procuration au notaire pour accomplir les formalités.

La société Paul Hastings LLP Europe précise que :

- sa mission portait sur les formalités légales à accomplir pour permettre le transfert des actions de la sci, les conséquences fiscales d'un tel transfert, et celles de la vente des actions de la sci et alternativement de l'immeuble et il n'a été donné au cabinet Paul Hastings aucun mandat de régler les aspects d'ordre fiscal de la succession, et en particulier de procéder à la déclaration de succession et d'évaluer l'actif successoral,

- au contraire, le cabinet Eisner Amper reconnaît dans un courriel adressé à la société Paul Hastings LLP le 20 septembre 2012, avoir reçu un tel mandat,

- elle a attiré l'attention des héritiers sur la nécessaire intervention d'un notaire.

Selon l'article 1984 du code civil, 'Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat se forme par l'acceptation du mandataire'.

L'article 1985 du même code précise que 'Le mandat peut être donné par acte authentique ou par acte sous seing privé, même par lettre. Il peut aussi être donné verbalement, mais la preuve testimoniale n'est reçue que conformément au titre 'Des contrats et des obligations conventionnelles en général'.

L'acceptation du mandat peut n'être que tacite, et résulter de l'exécution qui lui a été donnée par le mandataire'.

La preuve du mandat ne peut être reçue que conformément aux règles générales de la preuve. Il appartient aux héritiers, qui recherchent la responsabilité professionnelle des sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe pour défaut d'exécution d'un mandat extra-judiciaire de rapporter la preuve de l'étendue du mandat confié à ces sociétés, laquelle ne se présume pas et doit être prouvée par écrit si l'acte porte sur une somme ou valeur excédant 1500 euros ou, à défaut, par commencement de preuve par écrit.

Le memorandum dressé par la société Paul Hastings LLP Europe le 19 octobre 2011 a pour objet 'de fournir un aperçu global des formalités légales à accomplir en vue de la cession des parts sociales de la Sci Unicot laquelle est propriétaire d'un bien situé à Paris suite aux décès des propriétaires (...), des conséquences fiscales de cette transmission et des conséquences fiscales de la cession des parts de la Sci plutôt que de l'actif immobilier'. Il est précisé qu' 'en France, les notaires ont un monopole en matière de succession' et que 'les droits de succession doivent être payés au moment de la déclaration de succession, dans le délai d'un an à compter du décès'. Il ne ressort aucunement de ce memorandum que les héritiers auraient confié au cabinet Paul Hastings la mission de procéder au règlement de la succession en France et en particulier d'accomplir personnellement les formalités fiscales liées aux opérations de succession en France.

Les héritiers n'ont pu se méprendre sur l'étendue du mandat confié au cabinet d'avocats alors que ce dernier leur a indiqué que les notaires avaient le monopole en matière de succession, refusant ainsi tout mandat à ce titre peu important l'exactitude ou non de cette mention et qu'il ait ou non expressément invité les héritiers à saisir un notaire concernant la déclaration de succession.

Les courriels produits aux débats établissent que le 19 décembre 2011, la société Paul Hastings LLP a transmis le memorandum à M. [V] en le mettant en garde contre les conséquences de l'absence d'assistance d'un notaire au regard des droits de succession. Le 21 décembre 2011, M. [V] a transmis ce memorandum à un autre cabinet d'avocats américain -le cabinet Eisner Amper- lequel a indiqué le 20 septembre 2012 'Nous avons des difficultés à déterminer si l'impôt successoral français (dans l'hypothèse où il serait dû) a été payé par la succession de [Y] [T] lors de la vente de la SCI Unicot. Nous sommes en train de finaliser la déclaration d'impôt sur les successions', reconnaissant ainsi être chargé de cette mission. Le courriel du 22 mai 2012 que la société Paul Hastings LLP Europe a adressé à M. [V] a trait au calcul de la plus-value au titre de la cession de l'appartement et transmet des devis de représentants fiscaux pour la préparation et le dépôt de la déclaration fiscale, et non pas la déclaration de succession. La société Paul Hastings LLP Europe, qui s'est rapprochée de la société Les notaires du quai Voltaire par courrier du 8 novembre 2012 afin qu'elle assiste les héritiers en vue de l'accomplissement des obligations fiscales leur incombant en raison de la transmission opérée à leur profit à titre de dévolution testamentaire des biens situés en France et lui a transmis le 18 septembre 2013 les procurations données par les héritiers aux fins d''effectuer toutes formalités afin de recevoir les successions de Monsieur et Madame [T]', a seulement représenté les intérêts des héritiers auprès du notaire chargé des opérations de succession, en particulier de l'établissement de la déclaration de succession, ce sans se substituer au notaire, lequel indique d'ailleurs dans ses écritures avoir rédigé ladite déclaration à réception de l'ensemble des pièces nécessaires.

C'est donc par des motifs pertinents adoptés par la cour, que les premiers juges ont retenu qu'il avait été confié au cabinet Paul Hastings LLP une mission de représentation des héritiers à l'occasion des opérations de succession ouvertes auprès de la Selas Les notaires du quai de Voltaire, et aucunement le règlement desdites opérations, en particulier l'établissement de la déclaration de succession et l'évaluation des parts de la sci constituant entre autres l'actif successoral.

-Sur le respect des obligations du mandat :

Le tribunal a jugé que :

- les avocats ont clairement indiqué à leurs clients, dès le mois d'octobre 2011, que les opérations de succession concernant le bien situé en France devaient être réalisées par l'intermédiaire d'un notaire et les droits de succession payés au moment de la déclaration de succession, dans un délai d'un an à compter du décès,

- il ne peut leur être reproché, à ce stade, de ne pas avoir développé l'hypothèse d'un retard de paiement des droits et de la possibilité d'établir une déclaration provisoire, aucune circonstance ne pouvant leur laisser penser qu'un tel retard était vraisemblable,

- il ne saurait davantage leur être fait grief un retard dans le dépôt de la déclaration de succession,

n'ayant pas été mandatés pour accomplir cette formalité, ni une saisine tardive du notaire, rien ne justifiant que les demandeurs leur avaient confié cette mission avant le mois d'octobre 2012, date à laquelle cette démarche a été effectivement accomplie.

En revanche, le tribunal a retenu des manquements des avocats à leur mandat en ce que :

- lorsqu'ils ont pris l'attache de la Selas Les notaires du quai Voltaire et ont constaté qu'aucune démarche n'avait encore été effectuée concernant la succession en France, il leur appartenait, en exécution du mandat confié, d'informer leurs clients de la possibilité d'établir une déclaration provisoire et de verser des droits de mutation à titre conservatoire,

- étant destinataires du projet de déclaration de succession et n'ignorant pas que les notaires n'avaient aucun lien direct avec les héritiers, ils étaient tenus de vérifier les modalités de calcul de la valeur vénale des titres de la sci, en interrogeant au besoin leurs clients sur l'existence d'un passif, ainsi que d'examiner la possibilité d'appliquer la décote pour défaut de liquidité et ils ne pouvaient se contenter de contrôler l'exactitude de l'opération arithmétique effectuée par le notaire.

Les héritiers reprochent au cabinet Paul Hastings d'avoir manqué à ses devoirs de diligence, d'information et de conseil :

- en ne les informant pas des conséquences du non respect du délai d'un an pour déposer la déclaration de succession,

- en ne les alertant pas sur l'écoulement du délai,

- en n'entreprenant aucune diligence nécessaire à ce dépôt, ne demandant aucun document ou information de nature à établir la déclaration de succession dans le délai,

- en ne leur suggérant pas de procéder à une déclaration partielle avec versement d'acompte dans le délai afin de se prémunir du caractère potentiellement dommageable de tout dépôt tardif, et en leur assurant au contraire qu'aucun paiement d'acompte n'était possible,

- en produisant un memorandum incomplet ne contenant aucune information sur la saisine d'un notaire et les démarches à accomplir quant à la déclaration de succession et l'identité du professionnel qui s'en chargerait,

- en retenant, dans la déclaration de succession, une valeur d'actif successoral surévaluée.

- en ne les informant pas des conséquences fiscales de la vente du bien immobilier dépendant de la sci dont il était saisi.

La société Paul Hastings LLP conteste toute faute en faisant valoir que :

- le cabinet Paul Hastings a rempli la seule obligation pesant sur lui qui était d'informer ses clients de la nécessité de consulter un notaire pour régler les opérations de succession et du délai dont il disposait pour ce faire,

- le cabinet Paul Hastings n'avait aucune raison de procéder à une déclaration de succession provisoire puisqu'il avait invité les héritiers à faire réaliser la déclaration de succession, qu'elle soit provisoire ou définitive, par un notaire,

- le notaire ayant seul été mandaté pour procéder à l'évaluation de l'actif successoral, la société Paul Hasting LLP Europe ne pouvait se prononcer sur celle-ci mais seulement sur la méthode de calcul des droits de succession utilisée par le notaire.

La société Paul Hastings LLP Europe considère qu'elle a respecté son devoir de conseil et diligence à l'égard de ses clients en ce que :

- son memorandum apporte une réponse précise et circonstanciée aux interrogations soulevées par les héritiers concernant les formalités légales à accomplir pour le transfert des actions de la sci et ses conséquences fiscales, et n'ayant pas été mandatée s'agissant notamment de la déclaration de succession, il ne peut lui être fait aucun grief de ce chef,

- concernant l'évaluation de la valeur vénale des parts de la sci, M. [P] [V] avait conscience que le cabinet d'avocats s'était, en l'état des éléments portés à sa connaissance ou disponibles, seulement livré à une estimation approximative des frais à régler dans le cadre de la succession sur la base de données chiffrées non actualisées ou inconnues, étant précisé que les études notariales se chargent de évaluation de l'actif successoral et du dépôt de la déclaration de succession.

Le memorandum informe les héritiers sur les formalités légales à accomplir pour le transfert les actions de la sci et ses conséquences fiscales, sans qu'il soit caractérisé une faute du cabinet Paul Hastings de ce chef.

Ce document ayant été déposé le 12 octobre 2011, soit à une date permettant le dépôt de la déclaration de succession sans risque d'application d'intérêts de retard et de majoration, les premiers juges ont pertinemment exclu tout manquement relativement au contenu de ce mémorandum contenant une information suffisante des héritiers quant à la nécessité de recourir à un notaire pour effectuer la déclaration de succession et au délai légal applicable. Les sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe n'ayant pas été mandatées aux fins d'effectuer la déclaration de succession, aucune faute au titre du contenu et du dépôt tardif de celle-ci ne peut leur être reprochée.

En revanche, assistant les héritiers et les représentant auprès du notaire saisi alors que le délai légal du dépôt de déclaration de succession était dépassé, il appartenait aux sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe de mettre en garde leurs clients contre les risques encourus d'application d'intérêts et de majorations de retard et de les conseiller pour s'en prémunir, en particulier en les informant de la faculté de paiement de l'impôt par acomptes ou fractionnement.

De même, leur devoir de conseil leur imposait d'apporter un regard critique sur les modalités de calcul de la valeur vénale des titres de la sci retenue dans le projet de déclaration de succession soumis à leur appréciation. Il leur incombait en particulier de recueillir auprès des héritiers le bilan comptable clos au 31 décembre 2011 justifiant du passif de la sci et de le remettre au notaire afin de s'assurer de l'évaluation exacte des valeurs de la sci, mais également d'informer leurs clients de la possibilité bénéficier de l'abattement de 10% applicable en cas d'absence de liquidité des biens immobiliers détenus au travers de la sci. Elles ne pouvaient se contenter des estimations formées dans le memorandum sur la base d'hypothèses aux motifs que les derniers comptes et déclarations fiscales de la sci ne leur avaient pas été transmis.

La faute des sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe est donc caractérisée.

Sur la faute de la Selas Les notaires du quai Voltaire :

Le tribunal a retenu que :

- il ne peut être fait grief au notaire du caractère tardif du dépôt de la déclaration de succession, alors qu'il n'a été saisi qu'au mois d'octobre 2012, soit après l'expiration du délai pour accomplir cette démarche, et que les derniers documents nécessaires ne lui ont été transmis qu'au mois de septembre 2013,

- en revanche, il appartenait au notaire d'appeler l'attention des avocats sur la possibilité qui était ouverte de procéder à l'établissement d'une déclaration provisoire et au versement d'une partie des droits de mutation,

- il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir procédé à des vérifications poussées sur la situation de la sci au moment du décès, les informations lui ayant été transmises à ce sujet provenant des avocats ayant assisté les héritiers dans la vente de son actif.

La Selas Les notaires du quai Voltaire souligne :

- l'absence de faute à l'origine du dépôt tardif de la déclaration de succession compte tenu de sa saisine tardive et du dépôt de la déclaration de succession et du paiement des droits afférents dès réception des procurations requises et des fonds nécessaires,

- l'absence de faute à l'origine de l'erreur sur la valeur des parts de la sci en ce que :

-il ne revient pas au notaire chargé de régler une succession et notamment d'en préparer la déclaration fiscale de rechercher les éléments actifs et passifs de la succession, les héritiers devant porter à la connaissance du notaire l'ensemble des éléments nécessaires à l'établissement de cette déclaration et livrer au notaire la valeur des biens à porter à la déclaration de succession qu'ils proposent,

- elle a préparé la déclaration de succession sur la base des seuls éléments qui lui avaient été confiés, à savoir l'existence de 100% des parts de la Sci Unicot, propriétaire d'un unique bien immobilier récemment vendu par elle au prix de 7 800 000 euros, et elle ignorait que cette société supportait un passif important,

- il n'y avait lieu d'appliquer aucune décote sur la valeur vénale des parts de la sci puisque la succession à déclarer détenait la totalité des parts de la sci et l'administration fiscale, dans sa réponse à la demande de dégrèvement, a rejeté l'application d'une décote pour l'évaluation des parts de la société.

Les héritiers répondent que :

- l'étude notariale, saisie le 8 novembre 2012 du dossier, a mis près d'une année pour établir la déclaration de succession, laquelle a finalement été déposée le 25 septembre 2013,

- l'étude notariale a manqué à son devoir de conseil en ne déposant aucune déclaration de succession provisoire avec versement d'acompte permettant de faire cesser le cours des intérêts de retard et en ne les informant de cette possibilité et des conséquences précises de tout retard dans le dépôt de la déclaration,

- l'étude notariale a commis une erreur dans l'évaluation de la valeur vénale des parts de la sci alors qu'il n'est nullement démontré qu'elle n'ait pas disposé des comptes de la sci et qu'il lui appartenait de solliciter toute information auprès du cabinet Paul Hastings sur la situation de cette société dès lors qu'elle avait la charge d'établir la déclaration de succession, ce qu'elle n'a pas fait.

Le notaire, saisi tardivement, 16 mois après le décès du de cujus, n'a commis aucune faute au titre du délai tardif de dépôt de la déclaration de succession, qui ne lui est pas imputable. Il était cependant tenu d'informer les héritiers - ou leurs conseils les représentant- des conséquences du dépassement du délai légal pour le dépôt de la déclaration de succession et de la possibilité de verser un acompte au titre des droits de succession afin de limiter l'ampleur des intérêts et pénalités de retard d'ores et déjà encourus. Chargé d'établir la déclaration de succession sur un actif patrimonial connu, portant en particulier sur la transmission de l'intégralité des parts de la Sci Unicot située en France, il lui appartenait d'attirer l'attention de ses clients sur les dispositions légales applicables s'agissant de l'évaluation de celles-ci, dont la possibilité de bénéficier d'une décote, et le cas échéant de recueillir les pièces nécessaires à l'établissement de cette déclaration, en particulier le bilan comptable de la sci au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2011.

Sa faute est dès lors également caractérisée.

Sur le lien de causalité et le préjudice :

Le tribunal a rejeté :

- la demande concernant la pénalité de retard de 10% pour dépôt tardif la déclaration de succession, la responsabilité des avocats et du notaire ayant été écartée sur ce point,

- la demande portant sur les droits de mutation à titre gratuit versés en excédant et n'ayant pas fait l'objet d'un dégrèvement, cette demande n'étant justifiée ni dans son principe, ni dans son montant,

- la demande concernant la perte de chance de réaliser des gains financiers, dès lors qu'en cas de dégrèvement, le remboursement des sommes perçues est assorti de l'intérêt de retard de 0,40% par mois et qu'il n'est pas justifié d'un moyen de placer sans risque les fonds à un taux supérieur durant la période considérée,

- la demande concernant les frais d'avocat engagés pour la procédure de réclamation auprès de l'administration fiscale à défaut pour les demandeurs de justifier que les factures produites se rapportaient exclusivement au recours contentieux devant l'administration fiscale,

-la demande concernant le préjudice moral, non justifié.

En revanche, il a :

- condamné solidairement les notaires et les sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe au paiement d'une somme de 141 816, 60 euros au titre de la perte de chance, évaluée à 90%, de payer moins d'intérêts de retard à compter de la fin du mois d'octobre 2012, causée par le défaut d'information des héritiers, à compter de cette date, de la possibilité d'effectuer une déclaration provisoire dans l'attente de la réunion de toutes les informations et pièces nécessaires au dépôt de la déclaration définitive,

- condamné l'étude de notaire à verser aux héritiers la somme de 26 888 euros en restitution du trop perçu au titre de ses émoluments tarifiés calculés sur une valeur d'assiette qui s'est révélée inférieure, jugeant par ailleurs que les honoraires non tarifés correspondaient à des diligences effectivement accomplies.

Les héritiers, réitérant leurs demandes devant la cour, font valoir que le recours exercé auprès de l'administration fiscale n'est pas de nature à influer sur le bien fondé de leurs demandes indemnitaires. Ils sollicitent en réparation de leurs préjudices :

- une somme de 168 924 euros correspondant à la différence entre la somme dont ils se sont acquittée et celle qui leur a été remboursée par l'administration fiscale au titre de la pénalité de 10% dès lors que le dépassement du délai légal de dépôt de la déclaration de succession incombe exclusivement au cabinet Paul Hastings,

- une somme de 94 598 euros correspondant à la différence entre la somme qu'ils ont payée et celle qui leur a été remboursée par l'administration fiscale au titre des intérêts de retard, en conséquence de la faute du cabinet d'avocats et du notaire au titre de dépôt tardif de la déclaration de succession et de leur manquement à leur devoir de conseil à ce titre, dès lors que dûment informés, ils n'auraient eu à payer aucun intérêt de retard,

- une somme de 1 016 276 euros correspondant au montant excédentaire non restitué versé en règlement des droits de mutation à titre gratuit, n'ayant pas été en mesure de justifier auprès du tribunal de grande instance de Bobigny la dette dont ils se prévalaient, d'un montant total de 2 525 563 euros figurant au bilan de la Sci Unicot du 31 décembre 2011, qui n'est que la reprise du montant des comptes courants existants depuis 2005, les documents comptables n'étant pas conservés par l'expert-comptable au delà de dix ans, alors qu'ils étaient encore en sa possession au moment de la validation par le cabinet Paul Hastings de la déclaration de succession, le 25 septembre 2013,

- une somme de 281 550 euros en indemnisation de la perte de chance de réaliser des gains financiers en plaçant la somme de 2 098 274 euros dont ils ont été dépossédés pendant quatre ans, cette somme étant calculée sur la base d'un taux de 15% de probabilité de bénéficier de l'augmentation de la bourse américaine de 64,54% entre septembre 2013 et octobre 2017,

- les émoluments et honoraires facturés par l'étude notariale, en ce compris les honoraires non tarifés qu'ils n'ont pas acceptés et dont le montant comprend manifestement des demandes de remise de pénalités fiscales liées au manquement du notaire,

- les honoraires qu'ils ont engagés au titre de la réclamation fiscale et dont ils justifient,

- une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi pour avoir été contraints d'initier diverses procédures afin de faire valoir leurs droits.

La société Paul Hastings LLP Europe fait valoir :

- l'absence de préjudice des héritiers au titre de la prétendue mauvaise évaluation de l'actif successoral et en particulier s'agissant du défaut de prise en compte de la dette sociale, dès lors que par jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 22 février 2019, les droits de succession payés en trop leur ont été remboursés, qu'ils ont perçu des intérêts de retard au titre de l'indisponibilité des sommes et qu'ils n'établissent pas que les documents comptables allégués auraient existé et été détruits par l'expert-comptable, ni la réalité de la dette comptable invoquée contractée à l'égard de leur de cujus,

- le bien fondé du rejet de la demande relative à l'indisponibilité des sommes, le préjudice ayant été réparé par le bénéfice des intérêts moratoires, et du débouté des demandes en remboursement d'honoraires d'avocats exposés et en réparation du préjudice moral, préjudices non justifiés,

- l'absence de perte de chance d'échapper aux intérêts de retard en lien de causalité avec ses manquements prétendus, compte tenu du conseil erroné du notaire ne l'ayant pas informée de la possibilité de procéder à une déclaration provisoire,

- en tout état de cause, la nécessaire diminution du montant des intérêts et pénalités de retard allégués à proportion du montant des droits dégrevés, les héritiers ne produisant qu'en cause d'appel une lettre de l'administration fiscale prononçant un second dégrèvement en leur faveur de près de 300 000 euros.

La société Paul Hastings LLP conteste également les préjudices invoqués, qu'elle estime sans lien causal avec ses manquements prétendus et non justifiés, tout en soulignant que :

- la perte de chance retenue par le tribunal n'est pas démontrée, la capacité des héritiers à verser des acomptes sur les droits de succession dus n'étant pas établie, faute de disposer de liquidités à cette fin, et n'étant pas plus justifié du paiement de la somme de 200 549 euros à titre d'intérêts de retard,

- les héritiers ont réglé les droits de succession qu'ils devaient et ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice à ce titre.

La Selas Les notaires du quai Voltaire soutient que :

- les héritiers n'ont subi aucun préjudice au titre du montant des droits de succession définitivement arrêtés et ayant donné lieu à la restitution de la somme de 1 891 998 euros,

- les pénalités et intérêts de retard ne constituent pas en eux-mêmes un préjudice, n'étant que la conséquence du délai dont le contribuable a, de fait, bénéficié pour payer l'impôt et le préjudice allégué n'est pas établi faute de justifier du paiement des pénalités et intérêts de retard réévalués après dégrèvement,

- la demande en restitution des honoraires versés est irrecevable en ce que la contestation d'honoraires relève de la procédure de taxation, et ses honoraires ont pour contre partie les diligences accomplies,

- les frais d'avocat prétendument engagés ne sont pas justifiés, le paiement de la facture du cabinet d'avocats français Sekri n'étant pas démontré et l'ensemble des diligences facturées par le cabinet d'avocats américain Golenbock n'étant pas en relation avec la réclamation fiscale déposée en France,

- l'indisponibilité des sommes dues à un dégrèvement d'impôt ayant fait déjà l'objet d'une indemnisation spécifique et la prétendue perte de chance de réaliser des gains financiers n'est pas démontrée.

Aucune faute des sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe n'étant caractérisée s'agissant du dépôt tardif de la déclaration de succession, le préjudice allégué au titre de la pénalité de 10% appliquée de ce chef est sans lien de causalité avec les manquements desdites sociétés.

De même, les héritiers ne justifient ni de ce que dûment informés par leurs avocats et le notaire, ils auraient réglé le montant des droits de succession sous forme d'acompte, faute de rapporter la preuve qu'ils disposaient à l'époque des liquidités nécessaires, ni du montant des intérêts et pénalités de retard effectivement acquittés et restés à leur charge à la suite du dégrèvement du 27 mars 2018. Ils échouent ainsi à démontrer un quelconque préjudice ou perte de chance en lien causal avec le manquement des intimés à leur devoir de conseil.

Le préjudice allégué au titre du montant versé s'agissant des droits de mutation à titre gratuit et prétendument excédentaire n'est pas établi, les héritiers ne justifiant aucunement de l'existence d'une dette d'associés alléguée devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour un montant de 2 525 563 euros au titre d' ' apports en compte courant ayant pour objectif de permettre à la Sci Unicot de financer des travaux sur son bien immobilier existant depuis 2005", ne produisant pas plus devant la cour que devant ledit tribunal de pièces justificatives, telles que des factures de travaux pour le compte de la Sci Unicot acquittées par les époux [T] ou encore des relevés bancaires de ceux-ci ou contrats de prêt, alors qu'ils sont en possession de l'ensemble des documents de la succession. Il n'est en outre ni justifié que cette prétendue dette d'associé figurait au bilan comptable de la Sci Unicot de 2005, ni qu'un tel document était nécessaire à l'évaluation des parts sociales de la Sci cédées à la suite du décès de [Y] [T] le [Date décès 8] 2011, devant se faire sur la base du bilan comptable de l'exercice 2011, lequel était encore en possession de l'expert comptable lors du recours contentieux effectué en novembre 2015.

Les premiers juges ont pertinemment rejeté la demande au titre de la perte de chance de réaliser des gains financiers, ce préjudice étant déjà réparé par le bénéfice des intérêts mensuels de retard de 0,40% sans qu'il soit justifié d'un moyen de placer sans risque les fonds à des conditions plus avantageuses durant la période considérée.

Le cabinet d'avocats Sekri Valentin Zerrouk ayant assisté les héritiers au titre de la réclamation contentieuse du 12 novembre 2015, la facture de ce cabinet pour un montant de 15 000 euros, dont l'existence et le contenu ne sont pas discutés, constitue un dommage en lien causal avec les fautes des avocats et du notaire, en sorte que les héritiers sont fondés à solliciter leur condamnation in solidum au paiement de cette somme. En revanche, à défaut d'établir que les frais facturés par le cabinet américain Golenbock Eiseman Assor Bell & Peskoe auraient exclusivement trait à cette procédure, la demande en indemnisation de ce chef est mal fondée.

Les premiers juges ont exactement condamné l'étude de notaire à verser aux héritiers la somme de 26 888 euros en restitution du trop perçu au titre des émoluments tarifés tout en rejetant la demande au titre des honoraires non tarifés correspondant à des diligences effectivement accomplies.

Enfin, le préjudice moral allégué par les héritiers n'étant justifié par aucune pièce, n'est pas caractérisé.

Le jugement est donc partiellement infirmé.

Sur la garantie :

Le tribunal a exactement accueilli la demande de garantie des sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe envers la société Les notaires du quai Voltaire, compte tenu de son manquement à son devoir de conseil à leur égard, la demande en garantie de cette dernière étant mal fondée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Outre la confirmation des dispositions du jugement de ce chef, les sociétés Paul Hastings LLP et Paul Hastings LLP Europe et la société Les notaires du quai Voltaire, échouant en leurs prétentions, sont condamnées in solidum aux dépens d'appel, sans que l'équité justifie l'allocation d'une indemnité de procédure supplémentaire au bénéfice des héritiers, l'ensemble des parties étant dès lors déboutées de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- condamné la Selas Les notaires du quai Voltaire à payer à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M], né [T], la somme de 26 888 euros en restitution du montant de l'émolument excédentaire facturé,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire à payer à Mme [A] [N] [X], Mme [U] [X], Mme [I] [L] [T], M. [K] [F] [T], M. [G] [Z] [M], né [T], la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire aux dépens qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution par provision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, hormis la demande au titre des frais d'avocat engagés pour la procédure de réclamation auprès de l'administration fiscale,

statuant de nouveau,

Déboute Mmes [A] [N] [X], [U] [X], [I] [L] [T] et MM. [K] [F] [T] et [G] [Z] [M] né [T] de leur demande au titre des intérêts de retard pour dépôt tardif de la déclaration de succession,

Condamne in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire à payer à Mmes [A] [N] [X], [U] [X], [I] [L] [T] et MM. [K] [F] [T] et [G] [Z] [M] né [T] la somme de 15 000 euros au titre des frais d'avocat engagés pour la procédure de réclamation auprès de l'administration fiscale,

Condamne la Selas Les notaires du quai Voltaire à relever et garantir la société Paul Hastings LLP et la société Paul Hastings LLP Europe du paiement de cette somme,

Déboute l'ensemble des parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Paul Hastings LLP, la société Paul Hastings LLP Europe et la Selas Les notaires du quai Voltaire aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/19729
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;19.19729 ?
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