Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2022
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19484 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA22A
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Août 2019 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL
APPELANTES
L'Institut [7]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
La Fondation [5]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
La Fondation HÔPITAUX DE PARIS -HOPITAUX DE FRANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Tous trois agissant en leur qualité d'héritiers de [R] [H] épouse [I]
Tous trois représentés par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217 substitué par Me Vân VU NGOC, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217
INTIMÉE
SCP CAZENAVE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée et assistée de Me Marie-Françoise HONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0444
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport et Mme Estelle MOREAU, Conseillère.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Mme Claire DAVID, Magistrat honoraire juridictionnel
Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente et par Nora BENDERRADJ, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
* * * * *
[R] [H] épouse [I] était propriétaire d'un appartement à [Localité 6], qu'elle louait à M. [P] et Mme [D]. Au mois de septembre 2004, la Scp Cazenave-Sourville, huissiers de justice, a été mandatée aux fins de délivrer, à la requête de [R] [I], des congés avec offre de vente pour plusieurs appartements dont elle était propriétaire, dont celui loué aux consorts [P]-[D].
Par acte du 13 octobre 2004, la Scp d'huissiers a délivré à ces derniers un congé avec offre de vente pour la somme de 149 484 euros. Se rendant compte d'une erreur portant sur le prix de vente, la Scp Cazenave-Sourville a délivré le 26 octobre suivant un nouveau congé pour vente 'sur et aux fins du précédent congé délivré en date du 13 octobre 2004 comportant une erreur matérielle et comme nouvel acte', en mentionnant cette fois-ci le prix réel sollicité soit la somme de 203 964 euros, avec un effet du congé au 31 octobre 2005 à minuit.
Par lettre du 24 juin 2005, les consorts [P]-[D] ont fait part de leur souhait de se porter acquéreurs aux conditions du premier congé, soit pour le prix de 149 484 euros, ce que [R] [I] a refusé.
Par jugement du 1er décembre 2005, le tribunal d'instance de Vincennes a validé le second congé au prix de 203 964 euros, ordonné l'expulsion de M. [P] et Mme [D]. Cette décision a été confirmée par la cour d'appel de Paris le 15 mars 2007.
Les consorts [P]-[D], qui avaient formé un pourvoi contre cette décision, ont été expulsés du logement litigieux le 4 juillet 2007.
Par arrêt du 10 décembre 2008, la Cour de cassation a cassé cet arrêt de la cour d'appel de Paris.
[R] [I] est décédée le [Date décès 2] 2009, l'appartement litigieux étant légué à la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.
Statuant sur renvoi, la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 22 mai 2012, infirmé le jugement du 1er décembre 2005, dit que [R] [I] était tenue par son offre de vente contenue dans le congé délivré le 13 octobre 2004 jusqu'au 30 juin 2005, prononcé la nullité du premier congé en raison du vice du consentement de [R] [I] et débouté les consorts [P]- [D] de leur demande tendant à voir déclarer leur offre d'achat valable et la vente parfaite. Ces derniers ont alors formé un nouveau pourvoi, dont la déchéance a été constatée par arrêt du 28 février 2013.
Les consorts [P]-[D] ont engagé une nouvelle procédure devant le tribunal d'instance de Nogent-sur-Marne en vue d'obtenir leur réintégration dans les lieux litigieux. Par arrêt en date du 10 novembre 2015, la cour d'appel de Paris, considérant qu'en l'absence de demande de validation du second congé tant devant la cour de renvoi ayant statué en 2013 que devant elle, il ne pouvait être constaté qu'il avait été valablement mis fin au bail et qu'ils étaient occupants sans droit ni titre, a fait droit à leur demande de réintégration dans les lieux.
Suivant protocole d'accord en date du 17 mai 2016, les locataires ont renoncé à leurs droits sur l'immeuble et les légataires ont versé aux consorts [P]-[D] une indemnité de 50 000 euros et pris en charge les frais d'huissier d'un montant de 1 890, 51 euros.
Par acte du 27 octobre 2016, la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France ont fait assigner la Scp Cazenave venant aux droits de la Scp Cazenave-Sourville en responsabilité professionnelle devant le tribunal de grande instance de Créteil.
Par jugement du 26 août 2019, le tribunal a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action engagée,
- condamné in solidum les demandeurs aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 17 octobre 2019, la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France ont interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 29 juin 2020, la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, agissant en qualité d'héritiers de [R] [I], demandent à la cour de :
- les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel,
- réformer le jugement,
statuant à nouveau,
- les dire et juger recevables et bien fondés en leurs demandes,
- dire et juger que la Scp Cazenave, en sa qualité de mandataire de [R] [I], a manqué à ses obligations contractuelles dans la délivrance des congés pour vente,
- condamner la Scp Cazenave à leur payer la somme de 210 891, 59 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêt légal à compter de l'assignation,
- condamner la Scp Cazenave à leur payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la Scp Cazenave de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la Scp Cazenave en tous les dépens, avec distraction au profit de Me Laberibe.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 avril 2021, la Scp Cazenave demande à la cour de :
- déclarer mal fondés les appelants en leur appel,
- déclarer prescrite leur action à son encontre en application de l'article 2224 du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite leur action et le confirmer en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
- débouter les appelants de toutes leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, avec distraction au profit de Me Honnet.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 avril 2022.
SUR CE,
Sur la prescription
Le tribunal a jugé l'action engagée le 27 octobre 2016 prescrite aux motifs que :
- en vertu de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription quinquennale est la date à laquelle [R] [I], aux droits de laquelle viennent ses légataires, a eu connaissance de l'erreur commise par l'étude d'huissier et conscience du préjudice qui pouvait en découler,
- elle a eu conscience que l'erreur de l'huissier était de nature à lui porter préjudice par l'assignation devant le tribunal d'instance de Vincennes qui lui a été délivrée en novembre 2004 par les consorts [P]-[D], ceux-ci sollicitant le bénéfice du premier congé de nature à la contraindre à vendre son appartement à un prix inférieur à celui du marché,
- le point de départ ne peut être fixé au-delà de la date de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 décembre 2008 qui a cassé l'arrêt de la cour d'appel ayant validé le second congé,
- le dommage a commencé à se réaliser au mois de juillet 2007, date de l'expulsion, puisque le préjudice allégué, à savoir l'immobilisation du bien pendant 12 ans, a commencé à ce moment, l'appartement étant alors vacant et il importe peu que le préjudice ait été évolutif, puisque ce n'est que dans le cas d'une action en responsabilité fondée sur une condamnation que la jurisprudence fixe comme point de départ la décision de condamnation, moment où le préjudice est déterminé.
Les appelants font valoir que :
- le point de départ du délai de prescription se situe à la date de réalisation du dommage, - le délai court au jour où une condamnation définitive a été prononcée à leur encontre du fait de la délivrance erronée du congé,
- leur dommage ne s'est pas réalisé au jour de l'arrêt de la Cour de cassation, lequel n'a fait que casser l'arrêt de la cour d'appel de Paris et renvoyer les parties devant la même cour autrement composée de sorte qu'il s'agissait d'une décision non définitive, qui en outre n'a prononcé aucune condamnation contre [R] [I],
- de même, la cour d'appel de Paris, saisie sur renvoi n'a prononcé aucune condamnation à leur encontre, puisqu'au contraire, elle a fait droit à leurs demandes en prononçant la nullité du premier congé pour erreur sur le prix de vente et débouté les locataires de l'ensemble de leurs demandes,
- leur préjudice ne s'est réalisé que par l'arrêt de condamnation de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 2015, statuant sur l'appel des locataires à l'encontre du jugement du 19 novembre 2013, qui a ordonné leur réintégration dans les lieux et leur condamnation au paiement de dommages et intérêts,
- leur demande d'indemnisation ne résulte pas uniquement de l'immobilisation du bien pendant 12 années, mais consiste à réparer l'ensemble des préjudices résultant des actions judiciaires intentées par les locataires du fait de l'erreur de la Scp Cazenave,
- c'est donc bien l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 novembre 2015, décision de condamnation définitive à leur encontre qui fixe le point de départ de la prescription de sorte que leur action n'est pas prescrite.
La Scp Cazenave répond que :
- lors de la procédure initiée le 20 octobre 2005 devant le tribunal d'instance de Vincennes, [R] [I] avait à la fois connaissance de la faute de l'huissier et du préjudice qui en résulterait dès lors que les locataires sollicitaient le bénéfice du premier congé de nature à la contraindre à vendre son appartement à un prix inférieur au prix du marché,
- le point de départ de la prescription a pour origine la date de délivrance de l'assignation ayant pour objet de contester la validité de l'acte d'huissier,
- [R] [I], en possession du congé de vente erroné, en a bien décelé l'erreur susceptible de lui préjudicier puisqu'elle a fait délivrer un nouveau congé,
- il ressort de la lettre de son conseil du 10 octobre 2005 qu'elle avait connaissance du fait dommageable et avait pu en mesurer les conséquences,
- en tout état de cause, le point de départ de la prescription ne peut être fixé au-delà de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2008 qui a cassé l'arrêt qui avait validé le second congé,
- au demeurant, le dommage a commencé à se réaliser dès le 7 juillet 2007, par l'expulsion des locataires par Mme [I].
L'engagement de la responsabilité des huissiers de justice devenus commissaires de justice relève de la prescription prévue à l'article 2224 du code civil selon lequel 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.
En application de cet article, l'action en responsabilité du commissaire de justice court à compter, non pas du jour où [R] [I] a eu connaissance de l'erreur sur le prix de l'immeuble offert à la vente dans le congé du 13 octobre 2004, mais du jour où son dommage s'est réalisé.
Les appelants font valoir qu'en raison de l'erreur fautive de la Scp Cazenave, ils ont subi un préjudice du fait de l'immobilisation forcée de leur bien immobilier, ne pouvant ni le vendre ni le louer pendant la durée des deux procédures judiciaires intentées par les locataires aux fins de voir déclarer leur offre d'achat pour le prix mentionné dans le premier congé parfaite puis aux fins de réintégration dans les locaux loués.
Ce dommage n'a pu se réaliser qu'à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Paris statuant comme cour de renvoi du 12 mai 2012 ayant acquis force de chose jugée lequel a dit que [R] [I] était tenue par son offre de vente contenue dans le congé délivré le 13 octobre 2004 jusqu'au 30 juin 2005 mais a annulé ce congé et débouté les locataires de leurs demandes tendant à voir dire la vente parfaite et obtenir des dommages et intérêts.
L'action en responsabilité contre la Scp Cazenave intentée par acte du 27 octobre 2016 est donc recevable puisqu'intentée dans le délai de cinq ans qui a couru à compter du 12 mai 2012.
Sur la responsabilité de la Scp Cazenave
La responsabilité de l'huissier de justice en sa qualité de rédacteur d'acte peut être engagée sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, à charge pour celui qui l'invoque d'établir une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Sur la faute
Les appelants font valoir que :
- la Scp Cazenave ne conteste pas avoir commis une erreur dans la délivrance du congé de vente, puisqu'elle a délivré un nouveau congé de vente au motif d'une ' erreur matérielle' sur le prix de vente, de sorte que sa responsabilité contractuelle est établie.
La Scp Cazenave n'a pas conclu sur la faute.
En droit, en sa qualité d'officier ministériel, l'huissier de justice devenu commissaire de justice est tenu d'assurer l'efficacité et la sécurité des actes qu'il instrumente.
En l'espèce, la Scp Cazenave a commis une faute en délivrant un congé avec offre de vente pour un montant inférieur à celui que son propriétaire lui avait demandé de mentionner sur le congé ainsi qu'il ressort de la lettre d'instruction de la société Olt gérant les biens de [R] [I].
Sur les préjudices et le lien de causalité
Les appelants font valoir que :
- l'impossibilité de vendre ou de louer le bien tant qu'une décision définitive n'était pas rendue sur la validité du congé pour vendre est en relation directe avec l'erreur commise par la Scp Cazenave,
- cette erreur est à l'origine de l'ensemble des procédures diligentées par les locataires,
- ils ont été condamnés à procéder à la réintégration dans les lieux des locataires, huit ans après leur expulsion de sorte qu'ils sont bien fondés à voir condamner la Scp Cazenave à les indemniser des préjudices subis de ce fait,
- ce préjudice a un caractère actuel et certain au regard des décisions judiciaires définitives prononcées qui ont donné lieu in fine à l'arrêt du 10 novembre 2015 ayant jugé qu'aucun des congés n'était valable et ordonné la réintégration des locataires, lesquelles ont trouvé un terme dans le protocole d'accord du 17 mai 2016 et son exécution par le règlement de la somme de 50 000 euros aux locataires,
- contrairement aux allégations de la Scp Cazenave, il ne s'agit pas d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de vendre le bien mais du préjudice réel et certain du fait de l'immobilisation forcée du bien sans possibilité d'en disposer librement pendant toutes les procédures judiciaires relatives à la validité du congé, soit pendant 12 ans (2005 à 2017),
- il n'est pas sérieux de soutenir que leur préjudice n'est pas établi au motif qu'ils auraient pu louer le bien pendant les procédures alors que l'établissement d'un bail provisoire aurait été contraire aux dispositions légales d'ordre public, que le droit au bail était revendiqué par les consorts [P]-[D] et qu'ils restaient titulaires du bail tant qu'une décision définitive sur la validité du congé n'était pas rendue,
- à partir de la décision définitive faisant droit à la demande de réintégration des locataires, louer le bien aurait violé les droits des locataires initiaux et méconnu les décisions judiciaires,
- [R] [I] disposait d'un droit d'engager une procédure d'expulsion en exécution de l'arrêt du 15 mars 2007 confirmant le jugement du 1er décembre 2005 qui a validé le congé, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir pris le risque de ne plus percevoir les loyers.
Ils ajoutent que leur préjudice correspond à :
- une perte de loyers de juillet 2007, date de l'expulsion, jusqu' à la vente effective de l'immeuble le 13 juin 2017, pour un montant de 83 468,14 euros,
- le paiement d'une indemnité transactionnelle de 50 000 euros,
- le paiement d'impôts et de taxes s'élevant à 13 340 euros,
- le paiement de charges de copropriété s'élevant à 17 388,10 euros,
- le coût de la sécurisation de l'appartement resté vide s'élevant à 4 784,20 euros,
- des frais de procédures et honoraires de leur conseil s'élevant à 41 911,15 euros.
La Scp Cazenave répond que :
- l'éventuel préjudice des appelants consiste non pas dans l'impossibilité de louer l'appartement mais dans la perte de chance de n'avoir pu levvendre fin 2005 et en tout été de cause en 2006 pour un prix de 203 964 euros,
- ils n'ont pas perdu cette chance mais profité d'une plus-value de 66 036 euros puisque l'appartement a été vendu 270 000 euros, somme qui devra, en tout état de cause, être prise en compte au titre des éventuels préjudices qui pourraient être retenus,
- l'absence de location de l'appartement n'est que le fruit des décisions des appelants et non la conséquence directe de l'erreur portée sur le congé,
- [R] [I] a fait le choix et pris le risque d'expulser ses locataires sans attendre le résultat du pourvoi formé, de sorte que les appelants, qui viennent aux droits de celle-ci, ont pris la responsabilité d'exploiter l'effet exécutoire attaché à l'arrêt alors que s'ils n'avaient pas fait ce choix, ils auraient continué à percevoir les loyers,
- ils se sont ensuite volontairement abstenus de louer l'appartement pendant le cours des procédures, n'ayant pas la volonté de le louer mais de réaliser sa vente,
- elle ne peut être tenue d'indemniser les loyers de juillet 2007 au 30 juin 2017, alors que l'arrêt a été rendu le 15 novembre 2015 et qu'ils ont attendu 6 mois pour signer un protocole le 17 mai 2016, date à laquelle ils ont repris la libre disposition du bien,
- elle n'est pas plus responsable du choix des appelants de vendre l'appartement en deux lots, impliquant des travaux nécessitant l'accord des copropriétaires, ni des délais d'obtention du prêt des acquéreurs sans lien avec la faute alléguée,
- en tout état de cause, leurs préjudices ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance ne pouvant être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance,
- elle n'est pas tenue de les indemniser au titre des impôts et taxes, dont il n'est pas d'ailleurs justifié qu'ils aient été réglés et qui pour certains incluent des pénalités de retard,
- si les appelants avaient reloué l'appartement pendant les procédures, les charges locatives auraient été prises en charge par les locataires et les pièces fournies ne permettent pas de distinguer les charges récupérables sur les locataires et celles sur les propriétaires,
- sur le coût de sécurisation de l'appartement, les factures produites n'ont jamais été réglées,
- sur l'indemnité transactionnelle, la transaction lui est inopposable, et l'indemnité est sans rapport avec le congé pour vente puisqu'elle concerne un litige qui opposait la bailleresse et ses locataires à propos de leur compte locatif,
- les frais et honoraires des conseils relèvent du libre choix entre le client et son avocat et n'ont pas de lien direct avec le congé ; ils ne démontrent pas que si le congé vente avait été régulier, ils n'auraient pas eu à exposer ces frais et certaines factures ne comportent ni le détail du temps passé, ni le coût horaire et font référence à un honoraire de résultat sans qu'une convention afférente soit produite .
Contrairement aux allégations de la Scp Cazenave, les appelants ne se prévalent pas d'un préjudice lié à la perte de chance de n'avoir pu vendre l'immeuble fin 2005 ou en 2006 pour un prix de 203 964 euros mais d'un préjudice lié à l'immobilisation forcée de l'immeuble pendant la durée des procédures judiciaires relatives à la validité des congés.
Seul est en lien de causalité avec la faute retenue contre la Scp Cazenave le préjudice lié à l'immobilisation forcée de l'immeuble que sa propriétaire souhaitait vendre à compter du 4 juillet 2007, date de l'expulsion des locataires, jusqu'au 28 février 2013 date de l'arrêt de la Cour de cassation constatant la déchéance du pourvoi formé contre l'arrêt de la cour de renvoi du 22 mai 2012, lequel a prononcé la nullité du premier congé en raison du vice du consentement de [R] [I], débouté les consorts [P]-[D] de leurs demandes tendant à voir déclarer leur offre d'achat valable et la vente parfaite et obtenir des dommages et intérêts.
En effet, cet arrêt a infirmé le jugement du 1er décembre 2005 qui avait validé le second congé délivré le 26 octobre 2004, constaté la résiliation du bail et prononcé l'expulsion des consorts [P]-[D] après avoir relevé que la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France, intimés, ne formaient plus de demande à ce titre.
Dès lors, le préjudice découlant de l'immobilisation du bien consécutive à l'action en réintégration dans les lieux intentée par les locataires expulsés sans titre n'est pas en lien de causalité avec la faute de l'huissier de justice ayant commis une erreur dans la rédaction du premier congé mais lié au fait que les propriétaires de l'immeuble ont omis de solliciter la validation du second congé au titre duquel aucune faute n'est reprochée à l'huissier de justice, la constatation de la résiliation du bail et l'expulsion qui en étaient les conséquences directes, demandes qui n'ont pas plus été formulées dans cette seconde procédure.
Pour la même raison, seuls sont en lien de causalité avec la faute retenue les frais de conseil engagée dans la procédure contentieuse ayant pris fin le 28 février 2013.
La demande de remboursement de l'indemnité transactionnelle payée par les appelants dans le cadre de l'accord mettant fin à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel du 10 novembre 2015 ayant ordonné la réintégration dans les lieux des anciens locataires n'est pas en lien de causalité avec la faute retenue à l'encontre de la Scp Cazenave.
Le préjudice d'immobilisation retenu pour la période du 4 juillet 2007 au 28 février 2013 est un préjudice direct et certain et ne doit pas être indemnisé au titre d'une perte de chance comme le soutient à tort la Scp Cazenave.
Il ne peut être fait grief à [R] [I] d'avoir procédé à l'expulsion de ses locataires alors qu'elle disposait d'une décision ordonnant l'expulsion passée en force de chose jugée et qu'elle avait donné un congé pour vendre validé, ni à ses ayants droit de s'être volontairement abstenus de louer de nouveau l'immeuble alors que leur volonté était de le vendre au plus tôt et qu'ils ne pouvaient le louer à titre précaire au mépris des dispositions d'ordre public de la loi sur les baux d'habitation.
Au titre de leur préjudice d'immobilisation, la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France réclament l'indemnisation de la perte de loyers, le remboursement des impôts, taxes et charges de copropriété afférentes à l'immeuble ainsi que le coût de sécurisation de l'appartement.
La demande au titre de la perte de loyers n'est pas fondée puisqu'ils voulaient vendre l'immeuble.
En revanche, les autres demandes sont fondées en leur principe puisque les appelants n'auraient pas eu à supporter ses divers frais s'ils n'avaient pas été tenus de conserver le bien tant que la demande des locataires tendant à voir déclarer valable l'offre de vente pour le prix figurant dans le premier congé litigieux et parfaite la vente n'a pas été définitivement rejetée.
La demande au titre des taxes foncières, d'habitation et sur les locaux vacants est justifiée, après déduction des pénalités de retard sans lien avec la faute du commissaire de justice, pour un montant de 7 184 euros au titre de la période du 4 juillet 2007 au 28 février 2013.
La demande au titre des charges de copropriété est justifiée pour un montant de 12 185,05 euros au titre des charges de copropriétés dues et réglées pour la même période, ainsi qu'il ressort des décomptes définitifs mentionnant un trop perçu à titre provisionnel.
Enfin, la demande de sécurisation de l'appartement laissé vacant est justifiée à hauteur de 2 518,62 euros ( 64,58 euros x 39 mois) au vu des factures produites à compter du mois de novembre 2009 et prises en compte jusqu'en février 2013 compris.
Le préjudice lié à l'immobilisation de l'immeuble est dont fixé à la somme totale de 21 887,67 euros (7 184 + 12 185,05 + 2 518,62).
Enfin, les frais d'avocats relatifs à la procédure contentieuse ayant trouvé son terme le 28 février 2013 sont établis pour un montant de 27 523,42 euros, au vu des factures produites, les appelants n'ayant pas à justifier de la convention d'honoraires signée avec leur avocat.
La Scp Cazenave est condamnée à payer ces indemnités aux appelants avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, la demande de déduction de la plus-value perçue au titre du prix de vente de l'immeuble en 2017 en comparaison du prix mentionné en 2004 dans le congé avec offre de vente formée par elle étant infondée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont infirmées.
Les dépens de première instance et d'appel doivent incomber à la Scp Cazenave, partie perdante, laquelle est également condamnée à payer à la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Déclare recevable comme non prescrite l'action de la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France,
Condamne la Scp Cazenave à payer à la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France :
- la somme de 21 887,67 euros au titre du préjudice d'immobilisation,
- la somme de 27 523,42 euros au titre des frais d'avocats relatifs à la procédure contentieuse ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de renvoi du 22 mai 2012 et à l'arrêt ayant constaté la déchéance du pourvoi du 28 février 2013,
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne la Scp Cazenave aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Laberibe,
Condamne la Scp Cazenave à payer à la fondation [5], l'institut [7] et la fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président de chambre