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16/09/2022 | FRANCE | N°18/02880

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 16 septembre 2022, 18/02880


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 16 septembre 2022



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02880 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5EGB



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/01650





APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et ju

diciaires

TSA 80028

[Localité 2]

représentée par M. [V] [I] en vertu d'un pouvoir général





INTIMEE

S.A.S. [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Franck DREMAUX, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 16 septembre 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02880 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5EGB

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL RG n° 16/01650

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 2]

représentée par M. [V] [I] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

S.A.S. [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312 substitué par Me Benjamin GEVAERT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0312

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 01 juillet 2022, prorogé au vendredi 16 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'URSSAF Ile-de-France (l'URSSAF) d'un jugement rendu le 18 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne dans un litige l'opposant à la SAS [5] (la société).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la SAS [5], qui appartient au groupe [4], a fait l'objet par l'URSSAF, d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ; qu'au terme du contrôle, l'URSSAF a notifié à la société une lettre d'observations en date du 3 juillet 2015 faisant état d'un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS d'un montant total de 10 258 euros, portant sur 'l'avantage en nature véhicule : principe et évaluation' ; que la société a fait valoir ses observations par lettre en date du 5 août 2015 ; que l'inspecteur a maintenu l'ensemble du redressement par courrier du 16 septembre 2015 ; que par lettre du 21 janvier 2016, la société a été mise en demeure de régler la somme de 11 538 euros au titre des cotisations dues pour la somme de 10 258 euros et des majorations de retard pour la somme de 1 280 euros ; que le 4 février 2016, la société a saisi la commission de recours amiable d'un recours en annulation de la mise en demeure et du chef de redressement opéré ; que le 14 novembre 2016, la commission de recours amiable a rejeté la requête de la société ; que le 26 décembre 2016, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val-de-Marne du litige.

Par jugement en date du 18 janvier 2018 le tribunal a :

- écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ;

- annulé le redressement opérer sur le chef ' avantage en nature véhicule' et les actes de recouvrement en découlant ;

- débouté l'URSSAF de sa demande reconventionnelle en paiement ;

- rappelé que la procédure ne comprend pas les dépens ;

- rejeté toutes les autres prétentions des parties.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que la société a été parfaitement informée de la nature, des causes et des montants du redressement opéré, de sorte qu'elle a pu présenter ses arguments en réponse, que l'absence de visa des textes relatifs au Fonds national d'aide au logement, au versement transport, à des cotisations AGS et des contributions chômage n'entache pas le contrôle d'irrégularité, dès lors que la lettre d'observations renvoie à l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'espèce, qui définit l'assiette des cotisations; qu'il appartient à l'URSSAF d'identifier la nature des économies réalisées par les salariés de la société du fait de la prise en charge de certains frais personnels par leur employeur, qu'il ressort des pièces versées aux débats que les factures reprennent l'identité du salarié, les informations du véhicule ainsi que le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel, que l'URSSAF ne démontre pas que la société prend en charge d'autres dépenses afférentes à l'utilisation des véhicules pour le compte de ses salariés ou que le fonctionnement de l'association des utilisateurs de véhicules (AUV) dispense les salariés de certaines dépenses, que l'URSSAF ne démontre pas que les salariés de la société ont bénéficié d'une prise en charge par leur employeur de l'usage privé de véhicules appartenant à la société.

L'URSSAF a le 22 février 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 22 janvier 2018.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour, de :

- déclarer son appel régulier et bien fondé ;

- réformer le jugement en ce qu'il a annulé le redressement opéré sur le chef ' avantage en nature véhicule' ;

- confirmer en tous ses aspects la procédure de redressement, puis de recouvrement engagée par elle à l'égard de la société ;

- confirmer le chef de redressement au titre de l'avantage en nature véhicule ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 14 novembre 2016 notifiée le 5 décembre 2016 ;

- condamner reconventionnellement la société au paiement des cotisations et majorations non réglées soit 11 538 euros au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 correspondant à 10 258 euros de cotisations et 1 280 euros de majorations de retard provisoires,

sous réserve des majorations de retard restant à courir ;

- condamner la société au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société de toutes ses demandes.

Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, de :

- confirmer le jugement du 18 janvier 2018 en ce qu'il a annulé le chef de redressement relatif à 'l'avantage en nature véhicule' et l'infirmer en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ;

Vu les articles L.244-2, L.244-3 et suivants, R.243-59 et suivants, R.242-5, L.242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les différents textes visés dans chaque chef de redressement, l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, le code des relations entre le public et l'administration :

- infirmer la décision de la commission de recours amiable ;

- juger que ces textes ainsi que les principes du contradictoire, des droits de défense et de loyauté n'ont pas été respectés lors des opérations de contrôle et dans la lettre d'observations ;

- juger également que le contrôleur de l'URSSAF a recouru irrégulièrement à une estimation forfaitaire constitutive en réalité d'une véritable taxation forfaitaire ;

- juger encore que le chef de redressement retenu n'est fondé ni en droit ni en fait ;

en conséquence :

- annuler le contrôle, la mise en demeure litigieuse, et le chef de redressement retenu ;

- débouter l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 17 mai 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

Sur la régularité de la lettre d'observations :

La société invoque en substance que les dispositions de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale n'ont pas été respectées, que la lettre d'observations qui doit permettre au cotisant d'avoir connaissance exacte des erreurs et omission reprochées, ne mentionne pas pour le chef de redressement retenu, tous les textes applicables sur lesquels le contrôleur s'est fondé pour retenir et chiffrer le prétendu avantage en nature, qu'alors que la lettre d'observations réclame des cotisations et contributions au titre notamment de la CSG-CRDS, du FNAL, du versement transport, des cotisations AGS et des contributions d'assurance chômage, seuls les textes relatifs à la CSG et la CRDS sont mentionnés et aucun n'est mentionné pour les autres cotisations et contributions.

L'URSSAF réplique en substance que la jurisprudence de la Cour de cassation n'exige aucune mention particulière ni précision complémentaire en dehors de celles expressément exigées par l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale, mais veille à ce que l'employeur soit parfaitement renseigné sur la nature des redressements opérés afin de pouvoir les contester, qu'en l'espèce, la lettre d'observations adressé le 3 juillet 2015 à la société précise la nature du seul chef de redressement envisagé, son assiette, son montant ainsi que les taux de cotisations appliqué par année, elle comporte bien les seules mentions prescrites par le texte à peine de nullité, que l'entreprise a été régulièrement informée des omissions et erreurs qui lui étaient reprochées ainsi que des bases du redressement et était dès lors, à même de répondre aux observations formulées par les inspecteurs du recouvrement, que les premiers juges ont à juste titre écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure.

Les alinéas 5, 6, 7 et 8 de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au moment de l'envoi de la lettre d'observations, disposent que :

'A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 envisagés. En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, il précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Le constat d'absence de mise en conformité et le constat d'absence de bonne foi sont contresignés par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.

L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse.'

En l'espèce, la lettre d'observations en date du 3 juillet 2015 (pièce n° 2 de la société et 1 de l'URSSAF) fait état de la période contrôlée ( 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014), de la nature du redressement opéré au titre de 'l'avantage en nature véhicule : principe et évaluation-hors cas des constructeurs et concessionnaires', avec mention des articles L.242-1, L.136-1 et L.136-2 du code de la sécurité sociale, de l'article 14 de l'ordonnance 96-50 du 24 janvier 1996, de l'arrêté du 10 décembre 2002, des constatations établies par l'inspecteur du recouvrement, un tableau exposant le calcul dudit redressement qui mentionne l'année, la nature des cotisations et contributions, les bases de calcul, le taux appliqué.

Les mentions prescrites à l'article précité ont été remplies et ces éléments ont permis au cotisant de répondre aux observations du contrôleur.

Ainsi que l'a retenu le tribunal, la lettre d'observations est dépourvue d'irrégularité et la société n'établit aucun manquement de l'URSSAF aux principes du contradictoire, des droits de la défense et de la loyauté, de sorte que le moyen tiré de l'irrégularité de la lettre d'observations et de la procédure de redressement subséquente doit être rejeté, le jugement devant être confirmé de ce chef.

Sur l'avantage en nature véhicule :

L'URSSAF soutient en substance que :

- un avantage en nature doit être pris en compte au titre de la rémunération au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, quand bien même il aurait été versé ou fourni par un tiers, dès lors que cet octroi est fourni en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée ;

- il n'est pas contesté qu'à raison de la mise à disposition permanente du véhicule, les salariés utilisent celui-ci pour un usage privé ; dès lors, c'est à l'employeur de démontrer que les conditions de cette mise à disposition excluent l'évaluation d'un avantage en nature, soit que le règlement de mise à disposition interdit l'usage privé du véhicule soit qu'une redevance suffisante couvrant l'utilisation privative est versée par le salarié ; aucun élément ne démontre que le montant de la redevance acquittée à l'AUV par les salariés suffit à couvrir intégralement leurs déplacements personnels, il n'est pas justifié qu'en plus de la cotisation, les salariés prennent à leur charge les kilomètres parcourus à titre personnel et il est acquis qu'ils ne supportent pas les frais de réparation, ni d'entretien des véhicules utilisés ; aucun justificatif n'est produit par l'employeur permettant de vérifier que les montants versés à l'AUV couvrent exclusivement des frais professionnels ; les inspecteurs ont relevé qu'aucun justificatif probant n'était apporté par la société, permettant de justifier les kilomètres parcourus à titre professionnel par les salariés et donc de vérifier que les montants facturés par l'association des utilisateurs de véhicules à la société couvraient exclusivement ces kilomètres professionnels ; à raison de la mise à disposition permanente de véhicules, il appartient bien à l'employeur de rapporter la preuve de ce que seuls les kilomètres professionnels sont autorisés ou de laisser à la charge des salariés une redevance à ce titre, à défaut l'avantage en nature est constitué ;

- l'unique activité de l'AUV régionale consiste à faire bénéficier ses adhérents de l'avantage constitué par la mise à disposition d'un véhicule de tourisme de façon permanente leur permettant de faire ainsi l'économie de dépenses qu'ils auraient dû normalement supporter, les salariés peuvent donc utiliser tant à des fins professionnelles que personnelles et sans aucune limitation, les véhicules mis à disposition ; le fait que la société démontrerait, ce qui n'est pas le cas, qu'elle ne règle à l'AUV aucune part de l'usage personnel des véhicules est impropre à déjouer la réintégration de l'avantage en nature fondée sur l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 ; c'est à bon droit que l'inspecteur du recouvrement a décidé de réintégrer dans l'assiette des cotisations l'économie de frais réalisée par les salariés bénéficiant de la mise à disposition de façon permanente d'un véhicule fourni par l'AUV ;

- il n'est nullement établi que les déplacements personnels des salariés restent effectivement à leur charge, les factures établies par l'association ne sauraient se substituer aux justificatifs exigés par l'arrêté susvisé ; les éléments produits ne permettent pas de démontrer que les salariés prennent en charge le carburant pour la partie privative et la société est impuissante à démontrer que le nombre de kilomètres a été réellement parcouru à titre professionnel ; l'avantage en nature véhicule ne dépend pas du barème fiscal mais des règles précises fixées par l'article 3 de l'arrêté ministériel du 10 décembre 2002 ; rien ne démontre que les kilomètres retenus par l'AUV pour évaluer le montant des frais kilométriques facturés à l'employeur correspondent aux seuls kilomètres professionnels parcourus par les salariés et constituent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions ; en louant leur véhicule par l'intermédiaire de l'association AUV, les salariés de la société font une économie substantielle constitutive d'un avantage en nature devant être réintégré dans l'assiette des cotisations.

La société réplique en substance que :

- elle ne met aucun véhicule à disposition de ses salariés directement ou indirectement et ne règle que des kilomètres parcourus à titre professionnel comme les pièces versées aux débats le prouvent, l'URSSAF n'a ni constaté, ni démontré le contraire, alors qu'il lui incombe de fonder ses observations et ses redressement sur de véritables constatations, sauf à inverser la charge de la preuve ;

- aucun avantage en nature ne peut être caractérisé, au regard des textes applicables et comme l'a déjà jugé la Cour de cassation à de multiples reprises, suivie par différentes cours d'appel;

- la première condition de l'avantage en nature soit la mise à disposition par l'employeur au bénéfice de salariés de véhicule dont il est propriétaire ou locataire n'est pas satisfaite, dès lors que c'est l'association et non l'employeur qui met les véhicules à disposition de ses adhérents,

par ailleurs salariés de la société, en contrepartie du règlement par leurs soins d'une cotisation annuelle, payée directement par les sociétaires ;

- la deuxième condition soit un avantage résultant pour les salariés de la prise en charge par l'employeur de l'utilisation à usage privé des véhicules mis à leur disposition n'est pas satisfaite, dès lors que l'association émet des factures sur la société pour se faire payer les seuls kilomètres parcourus par ses sociétaires, salariés de la société ; les kilométrages en début et fin de mois des véhicules mis à disposition par l'association sont relevés et conservés par cette dernière, les sociétaires déclarent mensuellement à l'AUV le kilométrage professionnel parcouru dans le mois, à partir de ces éléments, l'association établit la facture en ne retenant que les kilomètres professionnels qui seuls sont facturés à la société, selon un barème conforme à celui de l'administration fiscale ; les factures identifient le salarié par ses nom et prénom et le véhicule par son immatriculation et mentionnent le nombre de kilomètres ainsi que le taux du kilomètre; aucun avantage en nature n'existe ni ne peut être retenu.

Il résulte de la lettre d'observations du 3 juillet 2015, les constatations suivantes :

'Les salariés de la société bénéficient à titre permanent de véhicules de tourisme, par l'intermédiaire de l'association AUV Tulipe.

Il s'agit d'une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 (...).

L'association a pour objet de servir d'intermédiaire entre les utilisateurs de véhicules et les entreprises qui les emploient, de façon à mieux les représenter et à simplifier leurs démarche et tâches administratives.

L'AUV Tulipe adhère à l'association centrale des utilisateurs de véhicules, (...).

Il a été demandé à l'employeur de nous communiquer diverses informations relatives aux indemnités kilométriques versées en comptabilité à l'Association des Utilisateurs de Véhicules.

En retour, l'employeur a souhaité que nous formalisions cette demande par courrier à la société [5].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 mai 2015 à la société [5], nous avons réclamé ces éléments.

La société [5] règle chaque mois des factures à l'AUV Tulipe, à titre de

'redevance kms professionnels'.

Les factures établies par l'association sont censées correspondre à la prise en charge par la société [5] de l'utilisation professionnelle des véhicules de tourisme que l'association met à disposition de certains salariés de l'entreprise.

Ces factures comportent les informations suivantes : l'identité du collaborateur, son n° d'adhérent, l'immatriculation du véhicule, la marque et le type du véhicule, le nombre de kilomètres professionnels mensuels retenus, la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique, et le décompte TTC.

Par ailleurs, les salariés de la société [5] qui adhèrent à l'AUV Tulipe (essentiellement des cadres et des ETAM) bénéficient de la mise à disposition à titre permanent du véhicule par l'association puisqu'ils peuvent l'utiliser tant à des fins professionnelles que personnelles sans aucune limitation (trajets semaine, week-end et vacances).

En contrepartie, certains des salariés concernés par la mise à disposition d'un véhicule règlent une cotisation annuelle, dont le montant est fonction de la catégorie de véhicule mis à leur disposition.

En 2013 et 2014, la redevance est comprise entre 810 euros et 1 656 euros par an pour une année complète d'utilisation.

Les ressources de l'association sont principalement constituées par l'ensemble des indemnités kilométriques versées par les entreprises qui emploient les utilisateurs de véhicules, chaque fois que ces véhicules sont utilisés à des fins professionnelles.

La redevance annuelle acquittée par les utilisateurs contribue au financement de l'association dans une moindre mesure.

A l'aide de ces ressources, l'association règle les factures de location ou d'achat et les différentes factures de carburant, d'huiles, d'entretien et de réparation des véhicules mis à la disposition de ses membres.

Ainsi, l'unique activité de l'AUV Tulipe consiste à faire bénéficier ses adhérents de l'avantage constitué par la mise à disposition d'un véhicule de tourisme de façon permanente, leur permettant de faire ainsi l'économie de dépenses qu'ils auraient dû normalement supporter.

Par ailleurs, sur les années contrôlées, il a été constaté que la société [5] a effectué auprès de l'administration fiscale une déclaration TVS n° 2855 (Taxe due sur les Véhicules de Sociétés) au titre des véhicules de tourisme possédés ou loués par l'AUV Tulipe.

Les informations habituellement portées sur la déclaration pour permettre aux entreprises d'acquitter la taxe sont été renseignées par la société [5].

La mise à disposition de façon permanente d'un véhicule fourni par l'AUV Tulipe constitue un avantage en nature, qui doit être évalué conformément aux règles rappelées ci-dessus.

La redevance annuelle acquittée par les salariés auprès de l'AUV Tulipe, peut être regardée comme une participation au financement de cet avantage et venir en déduction de la valorisation de celui-ci.

Le reliquat constitue une économie réalisée par les salariés que l'employeur aurait dû intégrer dans l'assiette des cotisations sociales et contributions CSG/CRDS.

Les pièces justificatives qui ne font état que d'un cumul mensuel de kilomètres censés avoir été réalisés à titre professionnel par les utilisateurs ne démontrent en aucune façon que les sommes facturées ont été utilisées conformément à leur objet.

En effet, la société n'a pas été en mesure de produire des pièces justificatives probantes (exposant la date et le motif du déplacement, le lieu précis de départ et de destination et le kilométrage réalisé au titre de ce parcours) qui permettraient de constater que les sommes facturées mensuellement 'à titre professionnel', sont effectivement destinées à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi et effectivement opérées par l'utilisateur du véhicule.

Le fait que les véhicules de tourisme soient mis à la disposition des salariés de la société [5] par l'intermédiaire de l'AUV Tulipe importe peu compte-tenu que l'octroi de cet avantage est opéré en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise.

Les informations qui ont été transmises, à savoir :

- la liste nominative des utilisateurs au sein de la société,

- la marque et le type des véhicules mis à disposition,

- le montant de la cotisation annuelle acquittée par chaque utilisateur auprès de l'association,

- le coût d'achat TTC des véhicules,

- la copie des factures mensuelles,

ne permettent pas d'évaluer l'avantage consenti sur la base des dépenses réellement engagées et/ou dans le cadre d'une location de véhicule.

En effet, dans le cadre de l'évaluation sur la base des dépenses réellement engagées, la part des dépenses inhérentes à l'usage privé est déterminée en appliquant à l'ensemble des dépenses engagées la part du kilométrage privé par rapport au kilométrage total du véhicule.

Or, la société, à défaut de démontrer le caractère professionnel des kilomètres qualifiés comme tels sur les factures fournies, ne produit pas les éléments indispensables qui permettraient l'évaluation au réel de l'avantage en nature.

En outre, la société produit le coût d'achat TTC des véhicules mais ne précise pas si cette information correspond au prix d'un véhicule effectivement acheté ou au prix inscrit sur le contrat d'un véhicule de location.

Enfin, les éléments produits ne permettent pas de constater que les salariés prennent en charge le carburant pour la partie privative.

En conséquence, il convient de retenir l'évaluation forfaitaire prévu par l'arrêté du 10 décembre 2002.

Ce calcul n'a pas pour effet de pénaliser la société puisque l'évaluation de l'avantage dans le cadre de la location des véhicules ne peut avoir pour conséquence que de porter le montant de l'avantage en nature à un niveau supérieur à celui qui aurait été calculé sil'employeur avait acheté le véhicule.

L'avantage en nature doit donc être calculé sur la base de 12 % du coût d'achat des véhicules utilisés, à parti des éléments qui ont été transmis.

La cotisation annuelle versée par chaque salarié à l'AUV Tulipe a été déduite, pour le montant qui a été communiqué, de l'évaluation de l'avantage en nature ainsi calculé, au titre de la participation aux frais de voiture. (...)'

L'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale applicable dispose que : ' Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire.'

L'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de Sécurité Sociale précise que « sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises (...) ».

Le caractère professionnel du kilométrage qui est facturé à la société par l'AUV est en l'espèce contesté par l'URSSAF. Du reste en réponse à la lettre de contestation de la société du 5 août 2015 (pièce n°3 de la société), l' inspecteur du recouvrement a expressément mentionné dans son courrier du 16 septembre 2015 (pièce n°4 de la société) en réponse à ce que la société faisait valoir que 'le caractère professionnel du kilométrage facturé à la société n'est pas contesté par L'URSSAF' que 'Je tiens à vous préciser, au contraire que la lettre d'observations qui vous a été adressée, indique précisément que les pièces justificatives censées attester du caractère professionnel des kilomètres réalisés à titre professionnel, ne sont pas probantes, dans la mesure où elles ne font état que d'un cumul mensuel de kilomètres, sans qu'il soit justifié de la date et du motif de déplacement, du lieu précis de départ et de destination, du kilométrage réalisé au titre de chaque parcours'.

Par ses productions (pièces n°10, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 21 ), la société, pourtant tenue à une telle preuve dans le cadre d'une exonération de cotisations constituant une exception au principe d'assujettissement, ne justifie nullement que les sommes qu'elle verse au profit de l'association correspondent uniquement aux kilométrages réalisés par ses salariés au titre de leurs déplacements professionnels, à l'exclusion de toute utilisation privée. En effet la simple facturation de l'AUV, identifiant le salarié et le véhicule, mentionnant le nombre de kilomètres professionnels simplement déclarés par les salariés à l'AUV, les « reporting » établis par l'AUV et les « notes de frais » (d'ailleurs non signées) des sociétaires établies à l'entête de l'AUV sont totalement insuffisantes à rapporter une telle preuve. La société qui ne justifie pas par ses productions, et notamment par ses pièces établies par elle même, salarié par salarié, du détail des trajets réalisés par ceux-ci dans un cadre professionnel et de la correspondance et exactitude desdits kilométrages alors réalisés en comparaison avec ceux indiqués par l'AUV, n'établit pas au cas d'espèce et ce au surplus dans le cadre d'une mise à disposition permanente, notamment à usage personnel sans aucune limitation, d'un véhicule au sociétaire-salarié moyennant une redevance annuelle de 1656 euros maximum que les montants versés à l'AUV couvrent exclusivement des kilomètres professionnels.

Dans ces conditions, la prise en charge par la société d'indemnités kilométriques au titre de l'utilisation par chaque salarié concerné d'un véhicule dont il a la disposition permanente en considération de son appartenance à la société constitue bien un avantage en nature, contrairement à ce que le tribunal a retenu.

L'URSSAF soutient que la valorisation de l'avantage en nature qui a été notifiée n'est pas constitutive d'une fixation forfaitaire des cotisations au sens de l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale mais relève de l'application conforme des dispositions de l'arrêté du 10 décembre 2002, dans la mesure où l'absence de justificatifs exigés par l'arrêté susvisé impose l'évaluation de l'avantage en nature sur une base forfaitaire.

La société conteste l'évaluation réalisée de l'avantage en faisant valoir que l'URSSAF a procédé à une évaluation forfaitaire constitutive d'une véritable taxation forfaitaire, alors que la tenue de la comptabilité de la société n'est pas critiquée par l'URSSAF et qu'une taxation forfaitaire n'aurait pu être fondée que si la société contrôlée avait fait obstacle au contrôle en refusant de fournir à l'URSSAF les pièces justificatives sollicitées, ce qui n'est pas le cas, la société n'ayant pas fait obstacle au contrôle et ayant fourni à l'URSSAF toutes les informations et tous les justificatifs disponibles, et que les conditions d'une taxation forfaitaire fixées par l'article R.242-5 du code de la sécurité sociale n'étaient pas satisfaites.

L'inspecteur du recouvrement n'a pas recouru à la taxation forfaitaire de l'article R 242-5 du code de la sécurité sociale, non visé à la lettre d'observations, mais a évalué l'avantage en nature conformément à l'article 3 de l'arrêté sur la base forfaitaire de 12% du coût d'achat des véhicules utilisés à partir des éléments qui ont été transmis et précisant que la cotisation annuelle versée par chaque salarié à L'AUV Tulipe a été déduite, pour le montant qui a été communiqué, de l'évaluation de l'avantage en nature ainsi calculé, le détail de la régularisation étant joint en annexe de ladite lettre.

Par suite, par infirmation du jugement déféré, il convient de dire fondé le chef de redressement au titre de l'avantage en nature véhicule et de condamner la société au paiement de la somme de 11 538 euros, au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 correspondant à 10 258 euros de cotisations et 1 280 euros de majorations de retard, sous réserve des majorations de retard restant à courir.

Aucune circonstance particulière ne justifie de condamner la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR ,

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a écarté le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ;

INFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

DIT fondé le chef de redressement au titre de l'avantage en nature véhicule ;

CONDAMNE la SAS [5] à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de

11 538 euros au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, correspondant à 10 258 euros de cotisations et 1 280 euros de majorations de retard, sous réserve des majorations de retard restant à courir ;

DÉBOUTE l'URSSAF d'Ile-de-France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS [5] aux dépens d'appel.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/02880
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;18.02880 ?
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