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15/09/2022 | FRANCE | N°22/00211

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 15 septembre 2022, 22/00211


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5C5



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 21/57833





APPELANTE



E.P.I.C. RATP - REGIE AUTONOME DES TRA

NSPORTS PARISIENS - agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité au siège



[Adresse 4]

[Localité 6]



Représentée par Me Vincent RIBAUT de la ...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00211 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE5C5

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 13 Décembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 21/57833

APPELANTE

E.P.I.C. RATP - REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS - agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEE

Mme [K] [O] épouse [I]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Président,

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseiller chargé du rapport,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Président et par Saveria MAUREL, Greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le 15 février 2013, Mme [I] a été victime d'un accident de la circulation au cours duquel son véhicule a été percuté par un bus.

Le compte rendu de l'IRM en date du 19 février 2013 a mis en évidence une fissure postérieure du plateau tibial interne, sans refend articulaire et un petit kyste mucoïde.

Par courrier du 21 octobre 2014, la MACIF, assureur de Mme [I], a adressé un courrier à la RATP afin de lui demander la désignation d'un médecin expert ainsi que l'allocation d'une provision de 5.000 euros.

L'expertise n'a pas eu lieu.

Par exploit du 11 octobre 2021, Mme [I] a fait assigner la Régie Autonome des Transports Parisiens devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire et se voir allouer une provision de 1.500 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 13 décembre 2021, le juge des référés a :

- ordonné une expertise médicale pour déterminer les causes et l'ampleur du préjudice corporel subi par Mme [I] suite à l'accident dont elle a été victime ;

- désigné pour procéder à cette mesure d'instruction :

[Adresse 7]

[Adresse 3]

[Localité 2],

lequel pourra s'adjoindre comme sapiteur, si nécessaire, tout spécialiste d'un domaine de compétence distinct du sien, notamment un sapiteur en psychiatrie, la cour se référant à la décsion rendue quant la description de la mission impartie et son déroulement ;

- fixé à la somme de 1.200 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par Mme [I] à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris au plus tard le 14 février 2022 inclus, sauf prorogation expresse ;

- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

- condamné la Régie Autonome Des Transports Parisiens (RATP) à verser à Mme [I] une indemnité provisionnelle de 1.500 euros à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice corporel ;

- condamné la Régie Autonome Des Transports Parisiens (RATP) aux entiers dépens de l'instance en référé.

Par déclaration du 22 décembre 2021, la RATP a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 21 février 2022, la RATP demande à la cour de :

- la recevoir en ses écritures ;

- infirmer l'ordonnance de référé rendue le 13 décembre 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris ;

Statuant de nouveau,

- donner à l'expert judiciaire la mission habituelle du Tribunal Judiciaire de PARIS suivante :

1/ Se faire communiquer le dossier médical complet du blessé, avec l'accord de celui- ci ou de ses ayants-droit. En tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise, avec l'accord susvisé ;

2/ Déterminer l'état du blessé avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs) ;

3/ Relater les constatations médicales faites après l'accident, ainsi que l'ensemble des

interventions et soins y compris la rééducation ;

4/ Noter les doléances du blessé ;

5/ Examiner le blessé et décrire les constatations ainsi faites (y compris taille et poids) ;

6/ Déterminer, compte tenu de l'état du blessé, ainsi que des lésions initiales et de leur évolution, la, ou les périodes pendant laquelle celui-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'une part d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d'autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d'incapacité partielle préciser le taux et la durée ;

7/ Proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n'est pas acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l'être en l'état ;

8/ Dire si chacune des anomalies constatées est la conséquence de l'accident ou/et d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur ;

Dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser si cet état :

- était révélé avant l'accident,

- a été aggravé ou a été révélé par lui,

- s'il entraînait un déficit fonctionnel avant l'accident, dans l'affirmative, estimer le taux d'incapacité alors existant,

- si, en l'absence de l'accident, il aurait entraîné un déficit fonctionnel, dans l'affirmative, dire dans quel délai et à concurrence de quel taux ;

9/ Décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de l'accident et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel médicalement imputable à l'accident, donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel global actuel du blessé, tous éléments confondus, état antérieur inclus. Si un barème a été utilisé, préciser lequel ;

10/ Se prononcer sur la nécessité pour la victime d'être assistée par une tierce personne avant et/ou après la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale) ; dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et/ou doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé; donner à cet égard toutes précisions utiles ;

11/ Donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité, temporaire ou définitive, pour le blessé de :

a) poursuivre l'exercice de sa scolarité ou de sa profession,

b) opérer une reconversion,

c) continuer à s'adonner aux sports et activités de loisir qu'il déclare avoir pratiqués;

12/ Donner un avis sur l'importance des souffrances (physiques et/ou morales) ;

13/ Donner un avis sur les atteintes esthétiques avant et/ou après la consolidation, en les distinguant;

14/ Dire s'il existe un préjudice sexuel; dans l'affirmative préciser s'il s'agit de difficultés aux relations sexuelles ou d'une impossibilité de telles relations;

15/ Préciser :

- la nécessité de l'intervention d'un personnel spécialisé: médecins, kinésithérapeutes, infirmiers (nombre et durée moyenne de leurs interventions) ;

- la nature et le coût des soins susceptibles de rester à la charge de la victime en moyenne annuelle ;

- les adaptations des lieux de vie de la victime à son nouvel état ;

- le matériel susceptible de lui permettre de s'adapter à son nouveau mode de vie ou de l'améliorer ainsi, s'il ya lieu, que la fréquence de son renouvellement ;

16/ Dire si le blessé est en mesure de conduire et dans cette hypothèse si son véhicule doit comporter des aménagements ; les décrire ;

17/ Dire s'il y a lieu de placer le blessé en milieu spécialisé et dans quelles conditions ;

- dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;

- enjoint aux parties de remettre à l'expert :

- le demandeur : immédiatement, toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l'accomplissement de la mission, en parliculier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, expertises ;

- le(s) défendeur(s) : aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation ;

- dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires l'expert pourra être

autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ; que toutefois il pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayants-droit par tous tiers: médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire ;

- dit que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysées de façon contradictoire lors des réunions d'expertise ; que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif ;

- dit que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin conseil de leur choix ;

- dit que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la

vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise; qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;

- dit que l'expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer ;

- dit que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée aux observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :

la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;

le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour

chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation ;

le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise ;

la date de chacune des réunions tenues ;

les déclarations des tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;

le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que le document qu'il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport) ;

- débouter Mme [I] de sa demande de provision à son égard eu égard à la contestation sérieuse soulevée ;

- débouter Mme [I] de sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par Me [R], de la SCP GRV ASSOCIES, pour ceux la concernant conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Elle soutient notamment que :

- les termes de la mission ordonnée sont contraires aux missions habituelles confiées aux experts par les différentes juridictions et à la jurisprudence habituelle qui se fonde sur la nomenclature Dintilhac et pose une difficulté en ce qu'elle opére une confusion entre les rôles du médecin et du juriste dans l'évaluation des dommages et des postes de préjudices ;

- elle conduit également à l'introduction de nouveaux postes de préjudice ;

- cette mission n'exige pas la communication de l'entier dossier médical préalablement à l'examen, mais impose simplement à la victime de communiquer les seuls documents en lien avec les soins, à charge pour le médecin expert de se prononcer à partir des déclarations de la victime, alors qu'est prohibé pour le demandeur de se préconstituer ses propres preuves ;

- il est demandé que l'expert recueille l'accord de la victime pour la présence des médecins mandatés alors qu'il ne peut lui être accordé le droit de s'opposer à la présence du médecin expert de la partie adverse au risque de violer le principe du contradictoire ;

- l'appréciation de l'atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre spécifique personnelle, conduit in fine à un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes ;

- les termes de la mission, au regard du déficit fonctionnel permanent ne correspond donc ni à la définition du barème du concours médical, ni à celle de la nomenclature Dintilhac des postes de préjudice, ni à celle de la jurisprudence qui réaffirme les composantes de ce poste ;

- elle incite par ailleurs à la présence de l'avocat lors de l'examen clinique de la victime, pratique largement discutée ;

- il n'appartient pas à l'expert d'évaluer les dommages prévisibles pour permettre à la victime de solliciter une éventuelle provision, notion juridique qui n'est pas du ressort de l'expert et qu'il n'a pas la compétence pour l'évaluer ;

- la mission crée un poste spécifique et autonome de l'assistance temporaire par tierce personne, faisant partie du poste "frais divers" qui avait été rejeté lors des travaux de la commission présidée par M. Dintilhac ;

- elle exige que l'expert porte une appréciation sur certains postes, sur des notions purement juridique, alors que cela lui échappe et relève de la seule compétence du juge ;

- sur l'infirmation de l'ordonnance de référé du 13 décembre 2021 concernant les condamnations prononcées à l'encontre de la RATP alors meme qu'une contestation serieuse a été soulevée : elle maintient cette dernière en ce qu'aucune des pathologies invoquées par la partie adverse n'apparaît sérieusement comme étant en lien avec l'accident initial, se limitant à un rétroviseur cassé et ne justifiant pas la somme demandée à titre de provision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 février 2022, Mme [I] demande à la cour de :

I / Sur son appel incident :

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

désigné le Docteur [Y] en qualité d'expert,

condamné la RATP à lui verser une indemnité provisionnelle de de 1. 500 euros.

Statuant à nouveau,

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour assisté d'un co-expert psychiatre exerçant dans le Gard ou l'Hérault ;

- condamner la régie autonome des transports Parisiens (RATP) à lui verser une indemnité provisionnelle de 15.000 euros ;

II/ Sur l'appel de la RATP,

- confirmer pour le surplus, à l'exception des chefs dont il est demandé la réformation, la décision déférée sur la mesure d'expertise ;

Subsidiairement,

- ordonner l'expertise médicale telle que sollicitée ;

- désigner tel expert assisté d'un co-expert psychiatre exerçant dans le Gard ou l'Hérault qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

* préalablement à la réunion d'expertise, recueillir dans la mesure du possible, les convenances des parties et de leurs représentants avant de fixer une date pour le déroulement des opérations d'expertise. Rappeler aux parties qu'elles peuvent se faire assister par un médecin-conseil et un avocat ;

* convoquer les parties et leurs conseils à une réunion contradictoire en les invitant à adresser à l'expert et aux parties, à l'avance, tous les documents relatifs aux soins donnés, * le cas échéant, se faire communiquer tous documents médicaux détenus par tout tiers avec l'accord des requérants,

* entendre les requérants et si nécessaire les personnes ayant eu une implication dans la survenue et dans les suites de l'accident ;

* à partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détails :

- Les circonstances du fait dommageable initial,

- Les lésions initiales,

- Les modalités de traitements en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement, les services concernés et la nature des soins,

Sur les dommages subis :

' recueillir les doléances de la victime et au besoin de leurs proches et les transcrire fidèlement, ou les annexer, les interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

' décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

' procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime le demande et si l'expert y consent, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

' à l'issue de cet examen et, au besoin après avoir recueilli l'avis d'un sapiteur d'une autre spécialité, analyser dans un exposé précis et synthétique ;

' La réalité des lésions initiales,

' La réalité de l'état séquellaire,

' L'imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l'incidence d'un état antérieur

Apprécier les différents postes de préjudices ainsi qu'il suit :

1-Consolidation

Fixer la date de consolidation et en l'absence de consolidation dire à quelle date il conviendra de revoir la victime. Préciser dans ce cas les évaluations prévisionnelles pour chaque poste de préjudice.

2-Déficit fonctionnel :

- Temporaire

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles ;

En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ;

Dire s'il a existé au surplus une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à tout autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite d'un véhicule ou autre...).

- Permanent

Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ;

Dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- L'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,

mentales ou psychiques en chiffrant le taux d'incapacité et en indiquant le barème

médico-légal utilisé;

- Les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur

intensité ;

- L'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant le degré de gravité ;

3- Assistance par tierce personne avant et après consolidation :

Indiquer le cas échéant si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, non seulement élémentaires mais aussi élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ;

Dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire Évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24h, pour quels actes cette assistance est nécessaire et la qualification de la tierce personne ;

4- Dépenses de santé :

Décrire les soins et les aides techniques nécessaires à la victime (prothèse, appareillage spécifique, transport') avant et après consolidation. Préciser pour la période postérieure à la consolidation, leur durée, la fréquence de leur renouvellement ;

5- Frais de logement adapté :

Dire si l'état de la victime, avant ou après consolidation, emporte un besoin temporaire ou définitif de logement adapté ; Le cas échéant, le décrire ; Sur demande d'une des parties, l'avis du médecin pourra être complété par une expertise architecturale et/ou ergothérapique ;

6- Frais de véhicule adapté :

Dire si l'état de la victime, avant ou après consolidation, emporte un besoin temporaire ou définitif de véhicule adapté et/ou de transport particulier ;

Le cas échéant, le décrire ;

7- Préjudice Professionnel (Perte de gains professionnels et incidence professionnelle)

Préjudice professionnel avant consolidation

Indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, avant consolidation, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle ; En cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée ; Préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait générateur ; Si la victime a repris le travail avant consolidation préciser, notamment, si des aménagements ont été nécessaires, s'il a existé une pénibilité accrue ou toute modification liée à l'emploi ;

Préjudice professionnel après consolidation,

Indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entraînent pour la victime notamment :

- une cessation totale ou partielle de son activité professionnelle,

- un changement d'activité professionnelle,

- une impossibilité d'accéder à une activité professionnelle,

- une restriction dans l'accès à une activité professionnelle,

Indiquer si le fait générateur ou les atteintes séquellaires entrainent d'autres répercussions sur l'activité professionnelle actuelle ou future de la victime, telles que :

- une obligation de formation pour un reclassement professionnel

- une pénibilité accrue dans son activité professionnelle,

- une dévalorisation sur le marché du travail,

- une perte ou réduction d'aptitude ou de compétence,

- une perte de chance ou réduction d'opportunités ou de promotion professionnelles.

Dire, notamment, si l'état séquellaire est susceptible de générer des arrêts de travail réguliers et répétés et/ou de limiter la capacité de travail.

8- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Si la victime est scolarisée ou en cours d'études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d'une ou plusieurs année(s) scolaire(s), universitaire(s) ou de formation, et/ou si elle est obligée le cas échéant, de se réorienter ou de renoncer à certaines formations ; Préciser si, en raison du dommage, la victime n'a jamais pu être scolarisée ou si elle ne l'a été qu'en milieu adapté ou de façon partielle ; Préciser si la victime a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (AVS, tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité, etc.)

9- Souffrances endurées

Décrire les souffrances physiques ou psychiques endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation), du fait des atteintes subies ; Évaluer les souffrances endurées sur une échelle de 1 à 7 degrés ;

10- Préjudice esthétique

- Temporaire

Décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue, leur intensité et leur durée depuis le fait dommageable jusqu'à la consolidation.

- Permanent

Décrire les altérations esthétiques de toute nature, leur localisation, leur étendue et leur intensité après consolidation ; Évaluer ce préjudice sur une échelle de 1 à 7 ;

11- Préjudice d'agrément

Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ; Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ; Donner un avis sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir ;

12- Préjudice sexuel

Décrire et donner un avis sur l'existence d'un préjudice sexuel en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altéré séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l'acte sexuel proprement dit (impuissance, frigidité, gêne positionnelle ') et la fertilité (fonction de reproduction)

13- Préjudice d'établissement

Décrire et préciser dans quelle mesure la victime subit dans la réalisation ou la poursuite de son projet de vie familiale :

- une perte d'espoir,

- une perte de chance,

- une perte de toute possibilité,

14- Préjudice évolutif

Indiquer si le fait générateur est à l'origine d'une pathologie susceptible d'évoluer et dont le risque d'évolution est constitutif d'un préjudice distinct.

15- Préjudices permanents exceptionnels

- Dire si la victime subit des atteintes permanentes atypiques qui ne sont prises en compte par aucun autre dommage précédemment décrit ;

- Dire si l'état de la victime est susceptible de modifications en aggravation ;

- Établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission ;

- Adresser un pré rapport aux parties et à leurs Conseils qui dans les 5 semaines de sa réception lui feront connaître leurs éventuelles observations auxquelles l'Expert devra répondre dans son rapport définitif.

En tout état de cause,

- condamner la Régie Autonome des transports Parisiens (RATP) à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) aux entiers dépens.

Elle soutient notamment que :

- la mission ordonnée est adaptée à la nomenclature Dintilhac qui n'est pas exhaustive et a pour vocation de s'affiner au gré de la jurisprudence ;

- cette mission ne donne pas compétence à l'expert d'apprécier la provision mais uniquement d'indiquer ses évaluation prévisionnelles ;

- s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, la mission est conforme et à la nomenclature et à la jurisprudence de la Cour de Cassation qui indique qu'outre les troubles dans les conditions d'existence et les gènes dans les actes de la vie courante les atteintes aux activités s'agrément, de loisirs, sexuelles ou toute activité spécifique personnelle doivent être intégrés et évalués ;

- s'agissant du déficit fonctionnel permanent, le barême du concours médical est antérieur à la nomenclature Dintilhac et n'intégre pas les souffrances endurées ;

- la tierce personne est régulièrement indemnisée comme un poste à part entière et rien n'oblige son intégration dans le poste frais divers ;

- sur l'incidence professionnelle, la partie adverse fait preuve de mauvaise foi en idniquant, à tort, que la mission n'est pas conforme à la nomenclature Dintilhac ;

- l'ancienneté, la gravité de son accident et l'absence de provision versées depuis justifient l'allocation d'une provision.

SUR CE, LA COUR

Sur la mesure d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime c'est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

Il apparait en l'espèce que :

- l'accident dont a été victime Mme [I] le 15 février 2013 n'est pas contesté,

- ne sont pas non plus contestées les circonstances de l'accident et le fait que la voiture de Mme [I] a été percutée par un bus de la RATP à un feu rouge,

- de la sorte, il s'en déduit que Mme [I] dispose d'un motif légitime à voir ordonner une mesure d'expertise à ses frais, peu important à cet égard qu'elle n'ait mentionné aucune blessure dans la déclaration de son dommage matériel.

L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point.

S'agissant de la désignation précise du docteur [Y], Mme [I] indique que celle ci aurait été amenée à l'assister comme "médecin de recours" sans toutefois produire une seule pièce permettant d'accréditer cette affirmation.

L'ordonnance rendue sera confirmée sur ce point également.

Sur le contenu de la mission

En l'espèce, la société appelante soutient en substance que la mission ordonnée par la décision attaquée ne correspond pas à la mission habituelle, la décision ordonnant une réécriture de la nomenclature dit "Dintilhac".

Or, la cour rappelle à cet égard que le juge des référés est libre de choisir la mission donnée à l'expert et n'est pas tenue par les propositions des parties. De même, la nomenclature dite "Dintilhac" n'a pas de valeur normative et les juges ne sont donc pas tenus de s'y référer, pas plus qu'ils ne sont tenus d'utiliser les "trames" ou missions "types" qu'ils ont pu établir par le passé, s'agissant de simples outils d'aide à la décision et à la rédaction.

En outre, il résulte de l'article 246 du code de procédure civile que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien, de sorte que le juge du fond éventuellement saisi ne sera pas lié par les conclusions de l'expert, quels que soient les termes de la mission.

Enfin, en application des articles 232 et 238 du même code, le technicien intervient pour éclairer le juge sur une question de fait qui requiert ses lumières et le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique.

A la lumière de ces éléments, il appartient à la cour d'apprécier en droit et en fait l'opportunité et l'utilité des chefs de mission proposés, la cour rappelant que, nonobstant les propositions de mission formulées dans le dispositif des écritures des parties, elle demeure libre, en application de l'article 145 du code de procédure civile, de choisir les chefs de mission adaptés, étant au surplus observé que certaines propositions formulées au dispositif ne font l'objet d'aucun moyen dans la partie discussion, la cour n'étant tenue à cet égard de n'examiner que les moyens invoqués dans la discussion, ce en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sur le recueil des déclarations de la victime

La RATP critique la mission en ce qu'elle prévoit que l'expert, à partir des déclarations de la victime et au besoin de ses proches ou de tout sachant et des documents médicaux fournis, décrira en détail les lésions initiales constatées à la suite de l'accident et les modalités de traitement.

Force est de relever que, contrairement à ce qu'indique l'appelante, un tel chef de mission n'a pas pour effet de permettre au demandeur à l'expertise de préconstituer ses propres preuves, pas plus qu'il ne saurait conduire le juge du fond à se contenter des seules déclarations de la victime, étant simplement demandé à l'expert, dans la description des lésions et du traitement, de prendre en compte les déclarations de la victime, l'expertise prévoyant aussi la fourniture des documents médicaux, ces éléments ne liant par ailleurs aucunement les juges du fond.

Il n'y a pas lieu à infirmation sur ce point.

Sur l'assentiment de la victime pour la présence des médecins mandatés par les parties

Ce point de la mission est ainsi rédigé :

"Procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime y consent, avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé [...]".

Il est reproché à la mission de prévoir l'assentiment de la victime pour la présence des médecins mandatés, seul point critiqué dans le cadre du présent appel.

S'il résulte de la mission que la présence des avocats nécessite l'assentiment de la victime, subsiste en effet un doute sur l'assentiment de la victime pour la présence des médecins mandatés par les parties, puisqu'après l'incise sur les avocats, il ne peut se déduire de la décision si la mention "avec l'assentiment de la victime" s'applique seulement aux avocats ou aux avocats et médecins mandatés.

La présence de médecins mandatés par les parties, soumis aux mêmes obligations professionnelles que tous les médecins, ne nécessite pourtant pas l'assentiment de la victime et permet le respect du principe de la contradiction, de sorte que, sur ce point, il y a lieu, pour parer à toute ambiguïté, à infirmation de la décision et à modification de la mission dans les termes du dispositif du présent arrêt.

Sur la consolidation

Il est critiqué la circonstance qu'il soit demandé à l'expert de préciser en l'absence de consolidation "les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision", ajout qui violerait les dispositions de l'article 238 dernier alinéa du code de procédure civile.

Cependant, l'objet de ce poste de mission ne concerne que l'allocation d'une éventuelle provision, la circonstance qu'une fourchette soit donnée par l'expert éventuellement remise en cause ensuite important peu, les parties étant à même par la suite de discuter de l'évaluation du dommage en ouverture de rapport.

Il n'est donc pas confié au technicien mission de se prononcer sur une appréciation d'ordre juridique, la mission devant dès lors être confirmée sur cette question.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Est critiquée la mission confiée à l'expert en ce qu'elle demande d'examiner, au titre du déficit fonctionnel temporaire, les périodes pendants lesquelles la victime a été dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et, en cas d'incapacité partielle, de préciser le taux et la durée, de dire s'il a existé une atteinte temporaire aux activités d'agrément, de loisirs, aux activités sexuelles ou à toute autre activité spécifique personnelle (associative, politique, religieuse, conduite ou autres).

Est évoqué le risque d'un éclatement du déficit fonctionnel temporaire en plusieurs composantes, ce qui n'est pas prévu par la nomenclature Dintilhac, ainsi que le fait que la mission mettrait les médecins dans une position d'appréciation subjective et hors du champ de la médecine.

La mission arrêtée par le premier juge est cependant suffisamment claire et précise pour cantonner l'expertise aux chefs envisagés. Elle correspond en outre à une évaluation à caractère médical, in concreto, des besoins de la victime.

Elle ne peut non plus être considérée comme étant de nature à entraîner un risque d'éclatement du déficit fonctionnel temporaire, alors qu'en précisant les diverses composantes, la mission ne conduit pas à une indemnisation multiple de ce préjudice, étant observé que ces diverses composantes sont bien toutes explicitement rattachées au déficit fonctionnel temporaire.

Elle ne méconnaît ainsi pas le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, de sorte que la mesure est légalement admissible, peu important l'application ou non de la nomenclature Dintilhac.

Il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur l'assistance par tierce personne avant et après consolidation

La mission est ainsi formulée dans l'ordonnance entreprise :

"Indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étrangère ou non à la famille) est ou a été nécessaire pour accomplir les actes, notamment élaborés, de la vie quotidienne, pour sécuriser la victime et assurer sa dignité et sa citoyenneté ;

Dans l'affirmative, dire pour quels actes, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne a été ou est nécessaire ;

Evaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant et après consolidation, en précisant en ce cas le nombre d'heures nécessaires, leur répartition sur 24 h et pour quels actes cette assistance est nécessaire".

Outre la non-conformité à la nomenclature "Dintilhac", qui ne saurait être retenue comme un moyen d'infirmation du contenu de la mission, il est indiqué que la mission déconnecterait l'évaluation de la perte d'autonomie de l'environnement de la victime.

Cependant, il est demandé à l'expert d'examiner l'assistance d'un tiers étranger ou non à la famille, pour accomplir les actes de la vie quotidienne, et d'évaluer le besoin d'assistance par une tierce personne, avant ou après consolidation.

Ainsi, la mission confiée à l'expert, à l'évidence relative à la victime supposée des faits, tient compte de la situation d'espèce de la personne faisant l'objet de la mesure, ce sans déconnexion par rapport à son environnement, de sorte qu'il n'y a pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur le déficit fonctionnel permanent

L'ordonnance prévoit sur ce point que l'expert devra :

"Indiquer si, après la consolidation, la victime subit un déficit fonctionnel permanent ;

Dans l'affirmative, évaluer les trois composantes :

- l'altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles mentales ou psychiques en chiffrant son taux ;

- les douleurs subies après la consolidation en précisant leur fréquence et leur intensité en utilisant l'échelle d'intensité de 7 degrés ;

- l'atteinte à la qualité de vie de la victime en précisant son degré de gravité".

C'est ici la RATP qui critique dans sa discussion cette mission, soutenant que la décision entreprise viserait à créer trois nouveaux préjudices et donc les démultiplierait.

Seraient méconnus la juriprudence et le principe de réparation intégrale sans pertes ni profits.

Il est certes exact que le déficit fonctionnel permanent inclut la perte de qualité de vie ainsi que les souffrances endurées.

Cependant, en précisant les trois composantes du déficit fonctionnel permanent, la mission ne conduit pas à une double indemnisation de ce préjudice, soumis par la suite à la discussion contradictoire des parties.

Elle ne méconnaît donc pas le principe de réparation intégrale, se limitant à décomposer, sous un même chef de rubrique, ledit poste, la nomenclature "Dintilhac" ne pouvant être opposée comme normative.

Il n'y a pas lieu à infirmation pour ce poste.

Sur le préjudice d'agrément

La mission demande notamment à l'expert "un avis du médecin sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir".

Pour l'appelante, la perte de chance est une notion juridique et ce chef reviendrait à chercher l'indemnisation d'un risque incertain, ce qui est contraire au droit de la responsabilité.

S'il ne saurait être retenu une supposée contrariété à la nomenclature "Dintilhac", un tel moyen étant inopérant en droit, la cour retiendra toutefois, comme le fait valoir à juste titre la compagnie d'assurance, que l'indemnisation ne saurait être évaluée pour un préjudice hypothétique, en l'absence d'une activité spécifique pratiquée antérieurement, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision sur ce point dans les conditions indiquées ci-après.

Sur le préjudice d'établissement

La mission prévoit notamment de dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale, chef critiqué en appel en ce que cette demande échapperait à l'avis du médecin expert.

Il est indiqué en substance que l'indemnisation de ce chef pourrait se faire au visa des constats et conclusions du médecin relatives à l'importance des séquelles fonctionnelles de tout ordre, de sorte que ce chef de mission échapperait totalement à l'avis du technicien.

Cependant, force est d'abord de constater que l'examen des séquelles fonctionnelles n'invalide pas pour autant un examen, complémentaire, de la perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale.

Ce chef n'aboutit pas non plus à une délégation du pouvoir juridictionnel : la mission confiée à l'expert de donner un avis, par nature uniquement médical, sur une perte d'espoir ou de chance est une mesure légalement admissible et n'empêche pas la discussion juridique ultérieure, dans le cadre du débat contradictoire entre les parties, sur le fond de l'indemnisation.

Ainsi, il n'y a pas lieu à infirmation sur ce point.

Sur les préjudices permanents exceptionnels

Ce chef de mission critiqué est le suivant : "dire si la victime subit des atteintes permanentes atypiques qui ne sont prises en compte par aucun autre dommage précédemment décrit".

Il est soutenu que cette mission aboutirait à confier à l'expert une appréciation d'ordre juridique.

Cependant, la notion d'atteintes permanentes atypiques présente un caractère médical, puisque fondée sur les éventuelles séquelles décrites et évaluées médicalement, l'évaluation de l'expert étant ensuite soumise à la libre discussion des parties devant le juge du fond, étant rappelé que la supposée contrariété à la nomenclature dite "Dintilhac" n'est pas non plus un motif d'infirmation.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, à l'exception despoints invoqués sur l'assentiment de la victime pour la présence des médecins mandatés par les parties et sur le préjudice d'agrément, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise et rejeter les demandes formées en cause d'appel, la mission du premier juge étant conforme aux dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, tant au regard du motif légitime allégué que du caractère légalement admissible des différents chefs de la mission.

Sur la demande de provision

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal statuant en référé peut accorder une provision au créancier.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Il apparait en l'espèce que :

- le droit à réparation de Mme [I] tel que résultant des suites de l'accident n'est pas réellement contesté,

- la RATP conteste en réalité le lien de causalité entre les lésions invoquées et ledit accident,

- or, s'il résulte des pièces fournies que le véhicule de Mme [I] a été heurté au niveau de son rétroviseur et que celle ci a bien souffert de pathologies antérieures, seule l'expertise pourra déterminer s'il y a lieu de prendre en compte cet état antérieur pour fixer le quantum de la réparation des suites de l'accident survenu.

De la sorte l'ordonnance rendue sera confirmée en ce qu'elle a alloué à Mme [I] une provision raisonnablement fixée à la somme de 1.500 euros.

Sur les demandes accessoires

Ce qui est jugé en cause d'appel commande de condamner l'appelante à indemniser Mme [I] des frais non répétibles exposés à hauteur d'appel. La société appelante sera aussi condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ses chefs de dispositif relatifs à l'assentiment de la victime pour la présence des médecins mandatés par les parties et sur le préjudice d'agrément ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la mission de l'expert sera ainsi définie aux points concernés :

Présence des médecins mandatés par les parties :

"Procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime y consent, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime" ;

Préjudice d'agrément :

"Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l'exercice d'activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ;

Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation" ;

Rejette le surplus des demandes des parties ;

Condamne la RATP à verser à Mme [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la RATP aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/00211
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;22.00211 ?
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