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15/09/2022 | FRANCE | N°21/170867

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 15 septembre 2022, 21/170867


Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/17086 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMZJ

Décision déférée à la cour :
Jugement du 16 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80715

APPELANTE

S.A. CREACARD
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Justin BEREST de la SELARL RAVET et ASSOCIES, avocat au barreau de P

ARIS, toque : P209

INTIMÉE

S.A.R.L. MF TEL
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Ci...

Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/17086 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMZJ

Décision déférée à la cour :
Jugement du 16 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80715

APPELANTE

S.A. CREACARD
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Me Justin BEREST de la SELARL RAVET et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P209

INTIMÉE

S.A.R.L. MF TEL
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d'avocats HUVELIN et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285
Plaidant par Me Robert BALLESTRACCI, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Selon ordonnance de référé en date du 12 novembre 2020, qui sera signifiée le 4 décembre 2020, puis confirmée par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 1er juillet 2021, le président du Tribunal judiciaire de Marseille a condamné la SA Creacard à remettre à la SARL MF TEL divers documents, sous astreinte journalière de 1 000 euros devant courir durant un mois, 8 jours après la signification de la décision. Il s'agissait d'une situation comptable certifiée conforme par le commissaire aux comptes pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2020, ou en cas d'impossibilité au 31 mars 2020, du bilan et des comptes de résultat ainsi que de la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2019, certifiés conformes par le commissaire aux comptes.

La SARL MF TEL ayant invoqué le défaut d'exécution de cette ordonnance, le juge de l'exécution de Paris a, suivant jugement en date du 16 septembre 2021, liquidé l'astreinte à 31 000 euros, et institué une nouvelle astreinte de 200 euros par jour devant courir durant 200 jours, 10 jours après la signification du jugement, du chef des obligations :

- à remettre une situation comptable certifiée par le commissaire aux comptes pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2020 ;
- à remettre la certification par le commissaire aux comptes du bilan et de la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2019.

Selon déclaration en date du 28 septembre 2021, la SA Creacard a relevé appel de ce jugement.

En ses conclusions notifiées le 29 octobre 2021, la SA Creacard a exposé :

- qu'elle avait formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 1er juillet 2021 susvisé, si bien qu'un sursis à statuer devait être ordonné ;
- que s'agissant du bilan et des comptes de résultat, et de la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2019 certifiés conformes par le commissaire aux comptes, la SARL MF TEL avait reçu la liasse fiscale le 5 février 2021, laquelle contenait entre autres le bilan et le compte de résultat de la société, et que la certification par le commissaire aux comptes n'était pas encore intervenue car le délai de réunion de l'assemblée générale pour déposer les comptes avait été prorogé par une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris en date du 6 octobre 2020 ;
- que lors de la délivrance de l'assignation, le conseil d'administration de la SA Creacard n'avait pas encore arrêté les comptes sociaux ;
- qu'en tout état de cause, le commissaire aux comptes les avait certifiés le 11 juin 2021 ;
- que s'agissant de la situation comptable certifiée conforme par le commissaire aux comptes sur la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2020, la demande y relative était infondée car elle ne détenait pas un tel document comptable, aucun texte ne lui imposant d'établir des comptes trimestriels ou semestriels ;
- que conformément aux articles L 823-9 et R 823-7 du code de commerce, seuls des comptes annuels, afférents à l'exercice écoulé, devaient être certifiés par le commissaire aux comptes ;
- que d'ailleurs, il n'était pas possible d'établir ces comptes avant que ceux de l'année 2019 ne soient arrêtés par le conseil d'administration et approuvés par l'assemblée générale ;
- que la liasse fiscale de l'année 2020 avait été produite, mais le rapport du commissaire aux comptes n'était pas encore établi, une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris en date du 30 juin 2021 ayant prorogé le délai imparti jusqu'au 30 septembre 2021.

La SA Creacard a demandé à la Cour d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir de la Cour de cassation, d'infirmer le jugement, de rejeter les demandes de la SARL MF TEL, et de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 25 novembre 2021, la SARL MF TEL a soutenu :
- qu'il n'y avait pas lieu de prononcer un sursis à statuer, le pourvoi en cassation formé par la SA Creacard à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence étant dépourvu d'effet suspensif ;
- que le juge de l'exécution ne pouvait pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ;
- qu'il y avait lieu seulement de porter une appréciation sur le comportement de la SA Creacard et sur d'éventuelles difficultés par elle rencontrées ;
- que l'ordonnance de référé n'était toujours pas exécutée ;
- qu'il était loisible à l'appelante de faire certifier les comptes annuels 2019 par un commissaire aux comptes, ces comptes étant déjà établis, peu important que la date de l'assemblée générale destinée à les approuver ait été repoussée ;
- que la production de la liasse fiscale 2020 ne satisfaisait pas aux exigences de l'ordonnance de référé du 12 novembre 2020 ;
- que la liasse fiscale 2019 n'était pas certifiée par le commissaire aux comptes et ne contenait pas le détail des comptes, contrairement au bilan et au compte de résultat ;
- que la situation comptable arrêtée au 31 juillet 2020, certifiée par le commissaire aux comptes, n'a jamais été tranamise avant la date du 26 octobre 2021 ;
- que la liasse fiscale produite le 5 février 2021 mentionnait une date d'arrêté des comptes au 5 février 2021, ce qui démontrait bien qu'il était possible d'arrêter les comptes à une périodicité autre qu'annuelle ;
- que la mission de certification par le commissaire aux comptes instituée par l'ordonnance de référé était ponctuelle et était différente de celle, légale, à laquelle il était soumis ;
- que la SA Creacard ne justifiait ni de la force majeure ni d'une cause étrangère.

La SARL MF TEL a demandé à la Cour de confirmer le jugement, et de lui allouer une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

C'est en vain que l'appelante fait valoir qu'elle a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence fondant les poursuites. En effet cette voie de recours extraordinaire est dépourvue d'effet suspensif ; en outre, l'article L111-11 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le pourvoi en cassation en matière civile n'empêche pas l'exécution de la décision attaquée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer.

L'article L 131-4 du Code des procédures civiles d'exécution énonce que le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

L'ordre judiciaire décerné à la SA Creacard était double, en ce qu'il portait sur la production :
- d'une situation comptable certifiée conforme par le commissaire aux comptes pour la période du 1er janvier au 31 juillet 2020, ou en cas d'impossibilité au 31 mars 2020.
- du bilan, des comptes de résultat et de la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2019, certifiés conformes par le commissaire aux comptes.

S'agissant de la situation comptable certifiée conforme par le commissaire aux comptes pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2020, ou en cas d'impossibilité au 31 mars 2020 : c'est à tort que la SA Creacard fait valoir qu'aucun texte ne lui impose d'établir des comptes trimestriels ou semestriels, et que conformément aux articles L 823-9 et R 823-7 du code de commerce, seuls des comptes annuels, afférents à l'exercice écoulé, devaient être certifiés par le commissaire aux comptes. En effet, selon l'article R 121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d'exécution, le Juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites. Elle est donc tenue de produire des comptes sur la période visée par l'ordonnance de référé. D'ailleurs, conformément à l'article L 820-1-1 alinéa 1er du code de commerce, un commissaire aux comptes peut, en dehors ou dans le cadre d'une mission légale, fournir des services et des attestations, dans le respect des dispositions du présent code, de la règlementation européenne et des principes définis par le code de déontologie de la profession.

La liasse fiscale afférente à l'année 2020 a été produite mais n'était pas certifiée par le commissaire aux comptes.

Si dans la lettre du 17 novembre 2020 dont il sera fait état infra, le commissaire aux comptes avait indiqué qu'il était essentiel d'arrêter les comptes au 31 décembre 2019 avant d'établir une situation intermédiaire au cours de l'exercice 2020, il incombait à la débitrice de l'obligation de faire le nécessaire.

Selon ordonnance en date du 30 juin 2021, le président du Tribunal de commerce de Paris a prorogé au 30 septembre 2021 le délai de réunion de l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes de la SA Creacard au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2020. L'appelante ne saurait se prévaloir de cette circonstance pour justifier de sa tardiveté à produire les comptes certifiés par le commissaire aux comptes, car l'approbation des comptes par l'assemblée générale et leur certification par le commissaire aux comptes sont deux procédures distinctes, même s'il est d'usage que celle-ci intervienne avant celle-là. D'autre part, l'ordre judiciaire décerné à la SA Creacard ne prévoyait nullement que les pièces comptables qu'elle était condamnée à produire devaient, au préalable, être approuvées par son assemblée générale. En outre, les dispositions de l'article R 232-1 du code de commerce selon lesquelles les comptes annuels, le rapport de gestion ainsi que, le cas échéant, les comptes consolidés et le rapport sur la gestion du groupe sont tenus, au siège social, à la disposition des commissaires aux comptes un mois au moins avant la convocation de l'assemblée des associés ou des actionnaires appelés à statuer sur les comptes annuels de la société, ne régissent pas la procédure de certification des comptes.

Le 26 octobre 2021, la SA Creacard a finalement transmis au conseil adverse sa situation comptable pour la période allant du 1er janvier au 31 juillet 2020, accompagnée de la certification du commissaire aux comptes.

S'agissant du bilan, des comptes de résultat et de la liasse fiscale de l'exercice clos le 31 décembre 2019 certifiés conformes par le commissaire aux comptes :
Selon ordonnance en date du 6 octobre 2020, le président du Tribunal de commerce de Paris a prorogé au 30 mai 2021 le délai de réunion de l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes de la SA Creacard au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2019. Le 17 novembre 2020, le commissaire aux comptes a répondu à la SA Creacard qu'il n'avait pas connaissance d'un conseil d'administration de cette société ni même de sa convocation, et que la certification conforme de documents financiers devait être faite par le représentant légal de la société. Il n'a nullement invoqué une impossibilité qu'il y aurait pour lui à certifier conformes les comptes dont s'agit.

Le 20 juillet 2020 ont été établis le bilan et le compte de résultat afférents à l'année 2019. Le 5 février 2021 la SA Creacard a transmis la liasse fiscale de l'année 2019. Le 26 octobre 2021, elle a remis au conseil adverse son bilan clos au 31 décembre 2019 accompagné de la certification du commissaire aux comptes. Là encore, l'appelante s'est exécutée avec retard. Et la certification par le commissaire aux comptes de la liasse fiscale de 1'exercice clos le 31 décembre 2019 reste manquante.

L'astreinte a couru à dater du 13 décembre 2020 (soit huit jours après la signification de l'ordonnance de référé) jusqu'au 13 janvier 2021. Force est de constater que l'ordonnance de référé n'a été -partiellement- exécutée par la SA Creacard que postérieurement à cette date.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a liquidé l'astreinte à 31 000 euros.

Concernant la nouvelle astreinte : l'appelante a produit, au vu de ce qui précède, une situation comptable certifiée conforme par le commissaire aux comptes pour la période allant du 1 er janvier 2020 au 31 juillet 2020. Elle a produit un bilan afférent à l'exercice clos le 31 décembre 2019 certifié conforme par le commissaire aux comptes, mais non pas la liasse fiscale certifiée conforme. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit qu'est assortie d'une nouvelle astreinte de 200 euros par jour, pendant 200 jours, à compter du dixième jour passé la signification dudit jugement, l'obligation faite par le juge des référés à la société Crecard de communiquer à la société M.F. Tel les documents suivants :

- une situation comptable certifiée par le commissaire aux comptes pour la période du ler janvier 2020 au 31 juillet 2020 ;
- la certification par le commissaire aux comptes du bilan et la liasse fiscale de 1'exercice clos le 31 décembre 2019.

Cette astreinte sera instituée uniquement du chef de la communication de la liasse fiscale afférente à 1'exercice clos le 31 décembre 2019, certifiée.

Chacune des parties succombant pour partie, les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

La SA Creacard sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de l'appel,

- INFIRME le jugement en date du 16 septembre 2021 en ce qu'il a dit qu'est assortie d'une nouvelle astreinte de 200 euros par jour, pendant 200 jours, à compter du dixième jour passé la signification dudit jugement, l'obligation faite par le juge des référés à la société Creacard de communiquer à la société M.F. Tel les documents suivants :

* une situation comptable certifiée par le commissaire aux comptes pour la période du ler janvier 2020 au 31 juillet 2020 ;
* la certification par le commissaire aux comptes du bilan et de la liasse fiscale de 1'exercice clos le 31 décembre 2019 ;

et statuant à nouveau :

- DIT qu'est assortie d'une nouvelle astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant 200 jours, à compter du dixième jour passé la signification du présent arrêt, l'obligation faite par le juge des référés à la société Creacard de communiquer à la société M.F. Tel la certification par le commissaire aux comptes de la liasse fiscale de 1'exercice clos le 31 décembre 2019 ;

- CONFIRME le jugement pour le surplus ;

- REJETTE les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SA Creacard aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/170867
Date de la décision : 15/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-15;21.170867 ?
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