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15/09/2022 | FRANCE | N°21/168197

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 15 septembre 2022, 21/168197


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16819 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMBD

Décision déférée à la cour :
Jugement du 07 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80798

APPELANTE

S.A. COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentée par Me Patrick GERMANAZ, avo

cat au barreau de PARIS, toque : D1321

INTIMÉ

Monsieur [O] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représenté par Me Olivier BURETH de la SARL MAJOR...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16819 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEMBD

Décision déférée à la cour :
Jugement du 07 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/80798

APPELANTE

S.A. COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D'EQUIPEMENTS
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentée par Me Patrick GERMANAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D1321

INTIMÉ

Monsieur [O] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représenté par Me Olivier BURETH de la SARL MAJORIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G 047

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La S.A. Compagnie Générale de Location d'équipements (ci-après CGL) a fait pratiquer le 10 mars 2021 une saisie-attribution à l'encontre de M. [O] [C] pour avoir paiement de la somme de 12.492,55 euros entre les mains de la Société Générale, en vertu d'une ordonnance portant injonction de payer rendue le 14 février 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Caen. Cette saisie lui a été dénoncée le 17 mars 2021.

Par acte d'huissier du 16 avril 2021, M. [C] a fait assigner la société CGL devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de lui déclarer inopposable l'ordonnance du 14 février 2020, annuler la saisie-attribution pratiquée, et ordonner la mainlevée de cette mesure.

Par jugement en date du 7 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
– prononcé la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 10 mars 2021 par la CGL à l'encontre de M. [C] entre les mains de la Société Générale pour la somme de 12.492,55 euros ;
– ordonné la mainlevée de cette saisie-attribution ;
– rejeté la demande de M. [C] tendant à voir déclarer l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 14 février 2020 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Caen inopposable ;
– condamné la CGL à payer à M. [C] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté la demande de la CGL formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la CGL aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que M. [C] justifiait par un courrier daté du 27 mars 2020, réceptionné le 3 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Caen, avoir formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, ce qui remettait alors en cause le caractère exécutoire du titre fondant la saisie-attribution, qui n'était plus définitif, de sorte que la saisie-attribution était nulle ; qu'en revanche, il n'appartenait pas au juge de l'exécution de déclarer inopposable l'ordonnance d'injonction de payer, ni de statuer sur la recevabilité ou le bien fondé de cette opposition.

Selon déclaration du 23 septembre 2021, la CGL a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions no2 signifiées le 5 janvier 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :
- a prononcé la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 10 mars 2021 par elle à l'encontre de M. [C] entre les mains de la Société Générale pour la somme de 12.492,55 euros ;
- a ordonné la mainlevée de cette attribution ;
- l'a condamnée à payer à M. [C] la somme de 2.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- a rejeté sa demande formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- l'a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau,
– dire la saisie-attribution pratiquée le 10 mars 2021 par elle au détriment de M. [C] régulière et valable ;
– débouter corrélativement M. [C] de toutes les prétentions qu'il avait initialement formées devant le juge de l'exécution ;
– condamner M. [C] à lui payer la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la procédure de première instance et la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés à l'occasion de la procédure d'appel, le tout au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

À cet effet, elle fait valoir :
que selon la Cour de cassation, l'opposition à une ordonnance d'injonction de payer servant de fondement à une saisie-attribution a seulement pour effet de rendre indisponibles les sommes saisies en attendant la décision sur le fond, de sorte que la saisie-attribution ne peut être nulle, mais simplement suspendue ;
que le tribunal de Caen étant bien compétent pour la procédure d'injonction de payer, l'ordonnance avec formule exécutoire était régulière et légitimait la saisie-attribution ;
qu'elle a reçu du greffe du tribunal judiciaire de Caen un certificat de non-opposition le 1er octobre 2021, et a donc légitimement mis en oeuvre la saisie-attribution sur la base d'une ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire.

Par conclusions du 29 novembre 2021, M. [C] demande à la cour de :
– débouter la société CGL de son appel ;
– condamner la société CGL à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

À cet effet l'intimée fait valoir :
- que l'avis de la Cour de cassation invoqué a été rendu dans une espèce différente où l'opposition n'avait pas été formée dans le délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance, mais après la saisie-attribution ;
- que la validité de l'acte de saisie-attribution s'apprécie au moment de la signification ;
- qu'en l'espèce, il a formé opposition par courrier recommandé du 27 mars 2020, soit dans le délai d'un mois après la signification de l'ordonnance d'injonction de payer, de sorte qu'il n'était pas possible d'apposer la formule exécutoire ;
- que l'huissier ayant été informé le 10 juin 2020 de cette opposition, il ne pouvait signifier l'ordonnance exécutoire le 19 juin 2020, et qu'ayant reçu notification une seconde fois de l'existence de son opposition par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 juin 2020, il a pratiqué la saisie-attribution le 17 mars 2021 sur la base d'un titre rendu exécutoire en violation de ses droits, et ce en connaissance de cause de la CGL ;
- que le certificat de non-opposition produit par la CGL devant la cour est postérieur au jugement entrepris, et qu'il ne peut subir les conséquences du dysfonctionnement du greffe puisqu'il produit des preuves de l'envoi et de la réception de son opposition par le greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la saisie-attribution

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

La validité d'une saisie-attribution s'apprécie au jour où elle est pratiquée : c'est à la date de la saisie que le créancier doit être muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

L'article 1416 du code de procédure civile, relatif à l'opposition à une ordonnance portant injonction de payer, dispose :
« L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur. »

Il résulte de l'article 1422 du même code, dans sa version applicable au litige, qu'en l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. L'ordonnance produit alors tous les effets d'un jugement contradictoire.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'opposition à une ordonnance d'injonction de payer qui sert de fondement à une saisie-attribution a seulement pour effet de rendre indisponibles les sommes saisies dans l'attente de la décision sur le fond, de sorte qu'aucune mainlevée ne saurait être ordonnée, la mesure d'exécution étant seulement suspendue.

Toutefois, cette règle, invoquée par l'appelante, ne s'applique que lorsque l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer, a été formée après la saisie-attribution.

En l'espèce, M. [C] apporte la preuve que, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe du tribunal judiciaire de Caen le 27 mars 2020 et réceptionnée le 3 avril 2020, il avait formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 14 février 2020 par le juge des contentieux de la protection de Caen qui lui avait été signifiée (à étude) le 28 février 2020. Il justifie donc avoir formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer dans le délai d'un mois prescrit par l'article 1416 du code de procédure civile.

L'opposition aurait dû conduire le greffe du tribunal judiciaire de Caen à convoquer les parties à l'audience et à ne pas apposer la formule exécutoire.

Or M. [C] a reçu ensuite, le 19 juin 2020, signification de l'ordonnance exécutoire, l'ordonnance signifiée étant cette fois revêtue de la formule exécutoire, avec la mention du greffe « vu, sans opposition le 05/06/2020 ». La société CGL produit en outre un certificat de non-opposition en date du 1er octobre 2021 (postérieur au jugement entrepris) indiquant que l'ordonnance portant injonction de payer en date du 14 février 2020, signifiée le 28 février 2020 par dépôt à l'étude d'huissier, revêtue de la formule exécutoire le 5 juin 2020, n'a fait l'objet d'aucune opposition à ce jour.

Pour autant, en dépit de la carence, qui ne saurait profiter au créancier, du greffe du tribunal judiciaire de Caen qui n'a pas pris en considération l'opposition formée par le débiteur, la cour ne peut que constater qu'au jour de la saisie-attribution du 10 mars 2021, le créancier n'était pas muni d'un titre exécutoire compte tenu de cette opposition formée dans le délai légal faisant obstacle au caractère exécutoire de l'ordonnance d'injonction de payer.

Il convient de souligner que M. [C] justifie avoir informé l'huissier de justice, par courriel du 10 juin 2020, de ce qu'il a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer que celui-ci lui avait signifiée le 28 février 2020. Il n'a manifestement reçu comme seule réponse la signification de l'ordonnance exécutoire quelques jours après. M. [C] apporte la preuve qu'il a alors, le 22 juin 2020, adressé une lettre recommandée à l'huissier pour contester cette signification, lui rappelant l'historique du dossier et lui transmettant notamment son courrier d'opposition.

Il résulte de ces éléments que le juge de l'exécution a à bon droit estimé nulle la saisie-attribution. Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

Succombant en son appel, la société CGL sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA Compagnie Générale de Location d'Equipements à payer à M. [O] [C] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Compagnie Générale de Location d'Equipements aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/168197
Date de la décision : 15/09/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-15;21.168197 ?
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