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15/09/2022 | FRANCE | N°21/152237

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 15 septembre 2022, 21/152237


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15223 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEH3T

Décision déférée à la cour : jugement du 15 juillet 2021-juge de l'exécution de Sens-RG no 20/00818

APPELANTS

Monsieur [F] [G]
[Adresse 7]
[Localité 10]

Madame [P] [E] épouse [G]
[Adresse 7]
[Localité 10]

Représentés

par Me Roda FERARU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1150

INTIMÉS

Madame [I] [T] épouse [L]
[Adresse 5]
[Localité 11]

Monsieur [M] [L]
[Adresse...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/15223 - No Portalis 35L7-V-B7F-CEH3T

Décision déférée à la cour : jugement du 15 juillet 2021-juge de l'exécution de Sens-RG no 20/00818

APPELANTS

Monsieur [F] [G]
[Adresse 7]
[Localité 10]

Madame [P] [E] épouse [G]
[Adresse 7]
[Localité 10]

Représentés par Me Roda FERARU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1150

INTIMÉS

Madame [I] [T] épouse [L]
[Adresse 5]
[Localité 11]

Monsieur [M] [L]
[Adresse 5]
[Localité 11]

Madame [J] [B] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 11]

Monsieur [Z] [D]
[Adresse 3]
[Localité 11]

Représentés par Me Isabelle GODARD de la SCP REGNIER-SERRE-FLEURIER-FELLAH-GODARD, avocat au barreau de SENS

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

***** Par jugement du 19 octobre 2018, confirmé sur les dispositions aujourd'hui litigieuses par arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 février 2021, le tribunal de grande instance de Sens a, notamment :
– dit que M. [Z] [D] et Mme [J] [B] épouse [D], M. [M] [L] et Mme [I] [T] épouse [L] disposent d'un droit indivis sur la cour commune située à [Localité 11], cadastrée section BT no [Cadastre 8] ;
– « dit que la parcelle cadastrée BT no5 appartenant à M. [F] [G] et Mme [P] [E] épouse [G] ne détient aucun droit indivis sur la parcelle BT no6 » ;
– dit que la parcelle cadastrée BT no5 est grevée d'une servitude de passage au profit des parcelles BT no2, [Cadastre 4] et [Cadastre 2], enclavées ;
– condamné les propriétaires de la parcelle cadastrée BT no5 à :
– donner aux propriétaires des parcelles cadastrées section BT no2, [Cadastre 4] et [Cadastre 2] une clé du portail à deux ventaux situé [Adresse 9] pour leur permettre l'ouverture de ce dernier et ce sous astreinte de 150 euros par jour à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la signification de son jugement ;
– obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée BT no6 sur laquelle ils ne disposent d'aucun droit, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard commençant à courir un mois après la signification de son jugement.

Par acte d'huissier du 21 décembre 2018, ce jugement a été signifié aux époux [G].

Par jugement du 10 mars 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Sens a :
– liquidé l'astreinte provisoire dont est assortie l'obligation de remise d'une clé du portail à deux ventaux, pour la période ayant couru entre les [Cadastre 6] janvier 2019 et 10 février 2020, à la somme de 1 euro, a condamné les époux [G] à payer cette somme et a prononcé à leur encontre une nouvelle astreinte provisoire assortissant l'obligation de remise d'une clé d'un montant de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois et commençant à courir à l'issue d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement ;
– liquidé l'astreinte provisoire dont est assortie l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune, pour la période ayant couru entre le [Cadastre 6] janvier 2019 et le 10 février 2020, à la somme de 9.000 euros, a condamné les époux [G] à payer cette somme et a prononcé à leur encontre une nouvelle astreinte provisoire assortissant l'obligation d'obstruction d'un montant de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois et commençant à courir à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement.

Par acte d'huissier du 18 mai 2020, ledit jugement a été signifié aux époux [G].

Par jugement du 15 juillet 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Sens a :
– déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles des époux [G] tendant au remboursement des dommages et intérêts versés en exécution du jugement du 19 octobre 2018, de l'astreinte liquidée et des frais engagés ou à venir au titre de la remise en état de l'appentis, et ce en l'absence de mesure d'exécution ;
– liquidé pour la période du 18 juin 2020 au 18 août 2020 à la somme de 9.150 euros l'astreinte provisoire fixée par le jugement du juge de l'exécution du 10 mars 2020 et assortissant l'obligation de donner aux propriétaires des parcelles cadastrées sections BT no[Cadastre 1], BT no[Cadastre 4] et BT no [Cadastre 2] une clé du portail à deux ventaux situé [Adresse 9], mise à la charge des propriétaires de la parcelle cadastrée section BT no5 par jugement du 19 octobre 2018, confirmé par arrêt du 19 février 2021 ;
– condamné solidairement les époux [G], propriétaires de la parcelle cadastrée section BT no5, à payer la somme de 9.150 euros aux époux [L] et [D] au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de remise d'une clé du portail à deux vantaux ;
– liquidé pour la période du 18 juin 2020 au 18 août 2020 à la somme de 9.150 euros l'astreinte provisoire fixée par jugement du juge de l'exécution du 10 mars 2020 et assortissant l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée section BT no6, mise à la charge des propriétaires de la parcelle cadastrée section BT no [Cadastre 6] par jugement du 19 octobre 2018 confirmé par arrêt du 19 février 2021 ;
– condamné solidairement les époux [G] à payer la somme de 9.150 euros aux époux [L] et [D] au titre de la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée section BT no6 ;
– dit qu'à défaut pour les époux [G], propriétaires de la parcelle cadastrée section BT no5, d'exécuter l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée section BT no6, mise à leur charge par jugement du 19 octobre 2018 confirmé par l'arrêt du 19 février 2021, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, ils seront redevables, passé ce délai, d'une astreinte d'un montant de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois ;
– condamné solidairement les époux [G] à payer la somme de 600 euros aux époux [L] et 600 euros aux époux [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamné solidairement les époux [G] aux entiers dépens de l'instance ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu que, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 460 du code de procédure civile, il ne pouvait faire droit à la demande de nullité des astreintes ordonnées par jugement du 10 mars 2020, non frappé d'appel ; que, concernant l'obligation de remettre la clé du portail à deux ventaux situé [Adresse 9], faute pour les époux [G] d'avoir justifié le retard dans son exécution, l'astreinte devait être liquidée, sans toutefois qu'il soit besoin d'en prononcer une nouvelle ; que, concernant l'obligation d'obstruer les portes donnant accès à la cour commune, les défendeurs avaient délibérément refusé d'exécuter l'obligation mise à leur charge sans démontrer l'existence d'une cause étrangère ni d'une difficulté d'exécution ; que s'ils alléguaient avoir acquis la parcelle BT no6 en janvier 2021, cette acquisition était postérieure et contredisait les titres exécutoires dont le dispositif s'imposait à lui.

Par déclaration du 3 août 2021, les époux [G] ont interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 24 septembre 2021, les époux [G] demandent à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté les époux [L] et [D] de leur demande visant à la fixation d'une nouvelle astreinte assortissant l'obligation de remise d'une clé du portail à deux vantaux situé [Adresse 9] ;
statuant à nouveau,
– dire nulles et de nul effet les nouvelles astreintes provisoires ordonnées par le jugement du juge de l'exécution du 10 mars 2020 ;
– subsidiairement, constater qu'ils ne sauraient être tenus d'obligations initialement prononcées à l'encontre des propriétaires de la parcelle cadastrée BT no5 et débouter les intimés de leurs demandes de liquidation d'astreinte à leur encontre ;
– plus subsidiairement, ramener les astreintes liquidées à 1 euro symbolique ou à de plus justes proportions, en raison des difficultés rencontrées ;
en tout état de cause,
– débouter les époux [L] et [D] de leur demande visant à la fixation d'une nouvelle astreinte assortissant l'obligation d'obstruer les accès à la cour BT no6 ;
– infirmer le jugement en ce qu'il les a :
. condamnés solidairement à payer la somme de 600 euros aux époux [L] et 600 euros aux époux [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
. condamnés solidairement aux entiers dépens de l'instance ;
statuant à nouveau,
– condamner solidairement les époux [L] et [D] à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner les époux [L] et [D] aux entiers dépens de l'instance.

Ils font valoir que :
– les astreintes prononcées à leur encontre par le juge de l'exécution dans son jugement du 10 mars 2020 sont nulles en ce qu'il a excédé ses pouvoirs en modifiant les débiteurs des obligations initialement fixées à la charge des propriétaires de la parcelle cadastrée BT no5 par le jugement du tribunal de grande instance du 19 octobre 2018, confirmé sur ce point par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 février 2021 ; c'est le syndicat des copropriétaires et non pas eux, qui est propriétaire de la parcelle cadastrée BT no5 ;
– concernant l'astreinte assortissant l'obligation de remise d'une clé du portail à deux ventaux, s'ils sont effectivement propriétaires du lot no2 comprenant le porche de l'immeuble, le portail de l'immeuble demeure une partie commune et, partant, appartient au syndicat des copropriétaires lequel seul pouvait remettre la clé aux créanciers de l'astreinte ; la réunion d'une assemblée générale des copropriétaires ayant été rendue impossible par l'épidémie de Covid 19, la clé n'a été adressée aux intimés que le 25 novembre 2020 ;
– concernant l'astreinte assortissant l'obligation d'obstruer les portes donnant accès à la cour commune, les portes litigieuses ont été verrouillées et, selon procès-verbal de bornage du 29 octobre 2014, il avait été reconnu à leur profit la pleine propriété d'une enclave dans la parcelle BT no6, aménagée par eux à usage de terrasse, ce qui constitue une difficulté d'exécution ; en cas de réalisation des travaux d'obstruction ordonnés, ce sont les appartements du rez-de-chaussée qui se trouveraient eux-mêmes sans accès ;
– c'est à tort que le juge de l'exécution a considéré qu'il n'avait pas le pouvoir de faire droit à leur demande en nullité des astreintes prononcées à leur encontre au motif qu'elle n'avait pas été soulevée dans le cadre d'un appel alors que, s'agissant d'une nullité de fond pour défaut de capacité à défendre en justice, elle peut être présentée en tout état de cause ;

– subsidiairement, les astreintes devraient être ramenées à 1 euro symbolique ou à de plus justes proportions, dès lors que les intimés, qui n'ont pas été empêchés d'user du portail, n'établissent aucun grief, que l'obligation ne pesait pas sur eux-mêmes mais sur le syndicat des copropriétaires et que l'obstruction exigée se heurte à de vraies difficultés d'exécution.

Par dernières conclusions du 15 octobre 2021, les consorts [L]-[D] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– condamner solidairement les époux [G] à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
. aux époux [D] une somme de 2.000 euros ;
. aux époux [L] une somme de [Cadastre 1].000 euros ;
– condamner les époux [G] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils soutiennent que :
– la demande des époux [G] tendant à la nullité des astreintes prononcées à leur encontre par le jugement du 10 mars 2020 est irrecevable, faute pour eux d'avoir interjeté appel conformément à l'article 460 du code de procédure civile, et alors que la cour d'appel de Paris a, dans son arrêt du 19 février 2021, déclaré recevable l'action dirigée contre eux et rejeté l'argument selon lequel ils n'étaient pas propriétaires du lot no2 et ne pouvaient remettre la clé d'une partie commune ;
– il n'y a pas lieu de réduire le montant desdites astreintes, les appelants ne justifiant d'aucune difficulté faisant obstacle à l'exécution de leurs obligations ;
– les appelants ne justifient toujours pas avoir procédé à l'obstruction des portes alors que, d'une part, il n'en résulterait aucune enclave, puisqu'ils ont eux-mêmes affirmé que des travaux étaient prévus pour permettre aux occupants du lot no1, dont ils sont propriétaires, d'accéder à la rue sans passer par ladite parcelle, d'autre part, ces portes permettent l'accès à la parcelle BT no6 sur laquelle ils ne disposent d'aucun droit, comme jugé par le jugement du 19 octobre 2018 et confirmé par l'arrêt du 19 février 2021 ; l'acte authentique d'acquisition de la parcelle BT no6 du 9 janvier 2021, dont ils se prévalent, leur est inopposable comme n'ayant pas été enregistré.

A l'audience de plaidoirie du 23 juin 2022, les appelants ont fait connaître que l'acte d'acquisition du 9 janvier 2021 avait été enregistré.

Par message RPVA du 24 juin 2022, en application des dispositions des articles 442 et 445 du code de procédure civile, la cour a invité les appelants à produire au plus tard pour le 28 juin suivant l'acte d'acquisition de la parcelle BT no6 et la preuve de son enregistrement.

Les époux [G] ont produit l'acte d'acquisition du 9 janvier 2021, revêtu des mentions d'enregistrement et de publication ainsi qu'un acte rectificatif du 26 mai 2021.

Par message RPVA du 29 juin 2022, en application de l'article 444 du même code, la cour a ordonné la réouverture des débats (sans révoquer l'ordonnance de clôture) et autorisé les parties à faire des observations sur les pièces no12 et 13 produites par les appelants à la demande de la cour, ce avant le 28 juillet suivant au plus tard.

Par message du 26 juillet 2022, les appelants font valoir qu'il résulte de leurs pièces no12 et 13, produites à la demande de la cour, qu'ils sont propriétaires uniques de la parcelle BT [Cadastre 8] depuis le 9 janvier 2021, qu'ils avaient tenté de s'en prévaloir devant la cour d'appel de Paris pour justifier leur demande de rabat de l'ordonnance de clôture, en vain, la cour ne l'ayant pas admise et ayant rendu son arrêt le 19 février 2021, alors que ces éléments, déterminants pour la solution du litige, sont constitutifs de difficultés d'exécution justifiant la réduction de la liquidation de l'astreinte à un euro symbolique et la suppression de toute nouvelle astreinte.
Par message du même jour, les intimés soulignent que l'acte de vente et l'acte rectificatif produits ne peuvent être pris en compte, comme ayant été publiés le 21 octobre 2021 soit bien avant la clôture des débats du 19 mai 2022 ; qu'en tout état de cause ils ne sont d'aucune incidence sur la liquidation des astreintes sur la période du 18 juin au 18 août 2020 ; que l'infirmation du jugement entrepris du chef de la fixation d'une nouvelle astreinte pour l'obstruction des portes donnant accès à la parcelle BT 6 reviendrait à reconnaître la validité de l'acte rectificatif du 26 mai 2021 alors que celui-ci contrevient au jugement du tribunal de grande instance de Sens et à l'arrêt de la cour d'appel de Paris.

MOTIFS

Sur la demande tendant à voir prononcer la nullité des nouvelles astreintes ordonnées par le jugement du juge de l'exécution en date du 10 mars 2020

Les époux [G], soutenant être dépourvus de capacité pour défendre en justice concernant le prononcé des nouvelles astreintes au motif qu'il ne seraient pas propriétaires de la parcelle BT no5, soulèvent la nullité des astreintes prononcées à leur encontre par le jugement du 10 mars 2020 pour irrégularité de fond au sens de l'article 117 du code de procédure civile qui peut, selon l'article 118 du même code, être soulevée en tout état de cause. Mais les époux [G] n'alléguent ni ne justifient être frappés d'une incapacité d'ester en justice par suite d'une mesure de protection ni que l'un d'entre eux serait mineur ou décédé. Le moyen soulevé par les appelants s'analyse en réalité comme un défaut de qualité pour défendre à l'action devant le juge de l'exécution ayant statué le 10 mars 2020 et, partant comme une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du même code, qui peut certes être proposée en tout état de cause, mais qui se heurte ici à l'autorité de la chose jugée et au principe de l'intangibilité du titre exécutoire. En tout état de cause, il ne peut entraîner le prononcé de la nullité des astreintes.

C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a rejeté la demande tendant à voir prononcer la nullité des astreintes prononcées par le jugement du 10 mars 2020, qui est passé en force de chose jugée faute d'exercice des voies de recours légales. Et c'est à bon droit qu'il a ajouté que, contrairement à ce que soutiennent les époux [G], la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 19 février 2021, a bien statué sur la fin de non-recevoir soulevée par ceux-ci pour défaut de qualité pour défendre parce qu'ils ne seraient pas propriétaires du lot no2, en la rejetant au motif qu'il résulte du règlement de copropriété de l'immeuble que ce lot, indissociable du lot no1, était privatif.

Sur les demandes de liquidation des astreintes

Aux termes de l'article L. 131-4 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, la liquidation de l'astreinte tient compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Lorsque la décision d'origine a fixé clairement les obligations assorties d'astreinte, le juge de l'exécution ne peut modifier lesdites obligations. En effet s'il appartient au juge de l'exécution d'interpréter le titre exécuté, il ne peut cependant pas le modifier.

La liquidation des deux astreintes litigieuses ordonnées par le jugement du 10 mars 2020, chacune pour une durée de deux mois suivant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa signification, intervenue le 18 mai 2020, s'étend du 18 juin au 18 août 2020.
– Sur la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation de remise d'une clé du portail à deux vantaux situé [Adresse 9]

Comme il ressort du dispositif du jugement du 19 octobre 2018, confirmé sur ce point par l'arrêt du 19 février 2021, les époux [G] ont été désignés comme étant les propriétaires de la parcelle cadastrée section BT no5, et non pas le syndicat des copropriétaires comme prétendu par les appelants. Par suite c'est à eux que le dispositif du même jugement a fait injonction de donner aux propriétaires des parcelles cadastrées BT no2, [Cadastre 4] et [Cadastre 2] une clé du portail situé [Adresse 9].
Certes préalablement à la fixation d'une nouvelle astreinte par jugement du 10 mars 2020, le juge de l'exécution avait retenu la bonne volonté des époux [G], qui avaient laissé le libre accès par ce portail, pour liquider l'astreinte pour la période du [Cadastre 6] janvier 2019 au 10 février 2020 à la somme symbolique d'un euro. Mais le juge de l'exécution avait, dans le même temps, pris soin de rappeler aux époux [G] que leur obligation de ce chef perdurait pour l'avenir.

Or ceux-ci l'ont remplie avec un retard certain, n'adressant la clé litigieuse aux intimés que par courrier recommandé du 25 novembre 2020, prétextant que l'obligation ne leur incombait pas mais au syndicat des copropriétaires, qu'ils estimaient seul propriétaire de la parcelle no5, ce qui ne saurait être constitutif d'une difficulté d'exécution alors que, comme indiqué précédemment, les décisions de justice précitées les ont expressément désignés débiteurs de l'injonction de remise de cette clé. L'argument tiré de l'impossibilité de tenir une assemblée générale du fait du confinement est donc inopérant.

Par suite, en l'absence de démonstration de toute difficulté d'exécution, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, qui a procédé à la liquidation de cette astreinte au taux plein sur deux mois, soit la somme de 150 x 61 = 9150 euros.

– Sur la liquidation de l'astreinte assortissant l'obligation d'obstruer les portes donnant accès à la cour cadastrée BT no6

Aujourd'hui, les époux [G] justifient devant la cour de ce qu'ils ont acquis la parcelle BT no6 selon acte notarié du 9 janvier 2021, enregistré le 8 février 2021 et publié au service de la publicité foncière de [Localité 11] le 21 octobre 2021. Ils prétendent en outre qu'il résulte de l'acte rectificatif du 26 mai 2021 que cette parcelle n'a jamais fait l'objet d'une indivision mais appartenait précédemment à leur vendeur, M. [V] [S]. Cette contradiction avec le jugement du 19 octobre 2021, confirmé par arrêt du 19 février 2021, ne représente pas une difficulté au sens de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution et, durant la période de liquidation de l'astreinte en litige aujourd'hui, soit du 18 juin au 18 août 2020, ils ne disposaient d'aucun droit sur la parcelle BT no6 et ont été désignés débiteurs de l'obligation d'obstruer les portes donnant accès à cette parcelle en qualité de propriétaires de la parcelle BT no5, tant par le jugement du 19 octobre 2018 que par l'arrêt du 19 février 2021 le confirmant sur ce point. Et comme l'a rappelé le premier juge, selon l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif du jugement qui sert de fondement aux poursuites.

Or ils se sont incontestablement abstenus d'y procéder du 18 juin au 18 août 2020, se prévalant d'un procès-verbal de bornage du 29 octobre 2014, qui leur aurait reconnu la propriété d'une enclave dans cette parcelle BT [Cadastre 8], ainsi que d'une attestation délivrée par M. [V] [S] selon laquelle celui-ci leur aurait reconnu un droit d'usage sur la même parcelle dès le 28 avril 2020. Mais, outre que le procès-verbal de bornage ne comporte aucune indication sur la propriété de la parcelle litigieuse, ces pièces ne caractérisent aucune difficulté d'exécution. Les appelants allèguent qu'il avait été retenu en première instance qu'ils avaient verrouillé les portes d'accès litigieuses. Mais, outre qu'il ne s'agit pas de l'obligation judiciaire impartie, ils n'en justifient pas davantage à hauteur de cour que devant le premier juge.

Enfin, l'acquisition de la pleine propriété de la parcelle BT 6 par acte notarié du 9 janvier 2021, postérieure à la période de liquidation de l'astreinte considérée, est sans incidence sur celle-ci.

En l'absence de démonstration de la réalité de difficultés d'exécution, le jugement entrepris sera donc confirmé également du chef de la liquidation de cette astreinte à hauteur de 9150 euros.

Sur le prononcé d'une nouvelle astreinte assortissant l'obligation d'obstruer les portes donnant accès à la parcelle BT no6

Comme dit précédemment, les époux [G] justifient devant la cour de ce qu'ils ont acquis la parcelle BT no6 selon acte notarié du 9 janvier 2021. Certes ils auraient dû en justifier avant le prononcé de la clôture de la présente procédure d'appel intervenue le 19 mai 2022. Il demeure que la cour doit tenir compte de cette nouvelle situation juridique, dès lors qu'il est désormais justifié de l'enregistrement et de la publication de cet acte de vente. Dans ces conditions et alors même qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la propriété de la parcelle BT no6, il n'y a pas lieu de prononcer une nouvelle astreinte de ce chef pour l'avenir.

Le jugement entrepris sera réformé de ce seul chef.

Sur les demandes accessoires

Le jugement critiqué étant pour majeure partie confirmé, il y a lieu de condamner solidairement les époux [G] aux dépens d'appel ainsi qu'à payer aux époux [L] comme aux époux [D] une indemnité de 1000 euros en compensation des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a assorti l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée section BT no6, mise à la charge de M. [F] [G] et Mme [P] [E] épouse [G] par jugement du 19 octobre 2018 confirmé par l'arrêt du 19 février 2021, d'une nouvelle astreinte d'un montant de 150 euros par jour de retard pendant un délai de deux mois ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit n'y avoir lieu d'assortir l'obligation d'obstruer la ou les portes donnant accès à la cour commune cadastrée section BT no[Cadastre 8], mise à la charge M. [F] [G] et Mme [P] [E] épouse [G] par jugement du 19 octobre 2018 confirmé par l'arrêt du 19 février 2021, d'une nouvelle astreinte ;

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. [F] [G] et Mme [P] [E] épouse [G] à payer à M. [Z] [D] et Mme [J] [B] épouse [D] la somme de 1000 euros et à M. [M] [L] et Mme [I] [T] épouse [L] la somme de 1000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [F] [G] et Mme [P] [E] épouse [G] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/152237
Date de la décision : 15/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-15;21.152237 ?
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