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15/09/2022 | FRANCE | N°21/040667

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 15 septembre 2022, 21/040667


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/04066 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDGRD

Décision déférée à la cour :
Jugement du 12 février 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81462

APPELANTE

SCCV GUSTAVE EIFFEL
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Me Camille MESNIL, avocat au barreau de PARIS, toque :

D0754
Plaidant par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS

Monsieur [T] [I]
...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/04066 - No Portalis 35L7-V-B7F-CDGRD

Décision déférée à la cour :
Jugement du 12 février 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 20/81462

APPELANTE

SCCV GUSTAVE EIFFEL
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représentée par Me Camille MESNIL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0754
Plaidant par Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉS

Monsieur [T] [I]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Madame [M] [C] épouse [I]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentés par Me Nathalie PELARDIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0888 et par Me Yann DEBRAY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0888

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié du 11 décembre 2014, M. [T] [I] et Mme [M] [C] épouse [I] ont acquis de la SCCV Gustave Eiffel plusieurs lots d'un immeuble situé à [Adresse 5].

Se prévalant de cet acte, la SCCV Gustave Eiffel a, suivant procès-verbal du 17 août 2020, fait pratiquer une saisie-attribution de loyers entre les mains de la Sarl Gestpessac au préjudice de M. et Mme [I], pour avoir paiement de la somme totale de 81.061 euros. La saisie a été dénoncée à M. et Mme [I] par acte d'huissier en date du 24 août 2020.

Par acte d'huissier en date du 24 septembre 2020, les époux [I] ont fait assigner la SCCV Gustave Eiffel devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de nullité et mainlevée de la saisie.

Par jugement en date du 12 février 2021, le juge de l'exécution a notamment :
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 17 août 2020,
- condamné la SCCV Gustave Eiffel au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que l'acte du 11 décembre 2014 versé aux débats n'était ni signé par les parties, ni revêtu du sceau démontrant l'apposition de la formule exécutoire, de sorte qu'il ne constituait pas un titre exécutoire au sens de l'article L.111-3 du code des procédures civiles d'exécution et ne pouvait donc pas servir de fondement à la saisie-attribution en application de l'article L.111-2 du même code.

Par déclaration du 2 mars 2021, la SCCV Gustave Eiffel a fait appel de ce jugement. Cet appel a été enregistré sous le numéro RG 21/4066.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2021.

Le 11 mars 2021, la SCCV Gustave Eiffel, a fait pratiquer une seconde saisie-attribution de loyers à l'encontre de M. et Mme [I] entre les mains de la société Gestpessac, pour avoir paiement de la somme totale de 62.442,55 euros, en exécution de l'acte notarié du 11 décembre 2014. La saisie leur a été dénoncée par acte d'huissier du 17 mars 2021.

Par acte d'huissier en date du 8 avril 2021, les époux [I] ont fait assigner la SCCV Gustave Eiffel devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de nullité et mainlevée de la saisie.

Par jugement en date du 20 juillet 2021, le juge de l'exécution a notamment :
- rejeté la demande des époux [I] de mainlevée totale de la saisie-attribution pratiquée le 11 mars 2021,
- cantonné la saisie-attribution à la somme totale de 37.597,52 euros se décomposant comme suit :
principal : 36.800 euros
frais d'exécution de l'étude : 295,50 euros
droit proportionnel : 295,50 euros
provision sur dénonciation : 90,68 euros
coût de l'acte : 116,19 euros
- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 11 mars 2021 pour le surplus,
- rejeté la demande de dommages-intérêts de M. et Mme [I],
- condamné solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré qu'il appartenait aux époux [I] de procéder à leur obligation contractuelle d'option sur la TVA et qu'en l'absence d'exécution de cette obligation, ils ne pouvaient prétendre au remboursement du crédit de TVA et restaient donc tenus au paiement de l'intégralité du prix de vente, soit 220.800 euros, de sorte que la SCCV Gustave Eiffel disposait bien d'une créance liquide et exigible constatée par un titre exécutoire à l'encontre des époux [I] à hauteur de 36.800 euros correspondant à la TVA. Sur le cantonnement, il a retenu que l'acte notarié ne stipulait pas d'intérêts pour le solde du prix lié au remboursement de la TVA, de sorte que la SCCV Gustave Eiffel ne pouvait prétendre aux intérêts contractuels de 1 % par mois.
Par déclaration du 10 août 2021, M. et Mme [I] ont fait appel de ce jugement. Cet appel a été enrôlé sous le numéro RG 21/15455.

Les deux dossiers ont été joints par ordonnance du 13 janvier 2022, sous le numéro RG 21/4066.

Par conclusions récapitulatives après jonction no2 du 19 mai 2022, la SCCV Gustave Eiffel demande à la cour de :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture rendue le 18 novembre 2021,
Sur le jugement du 12 février 2021,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la saisie-attribution pratiquée le 17 août 2020 était régulière et fondée sur un titre exécutoire valable,
- débouter M. et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes,
Sur le jugement du 20 juillet 2021,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée, rejeté la demande de dommages-intérêts, rejeté la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. et Mme [I] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- réformer le jugement en ce qu'il a cantonné la saisie-attribution à la somme de 37.957,52 euros et ordonné la mainlevée de ladite saisie pour le surplus,
- dire que la saisie-attribution produira ses entiers effets pour le montant pour lequel elle a été pratiquée en principal, intérêts et frais,
- débouter M. et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner M. et Mme [I] à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts,
En toute hypothèse,
- condamner solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions no4 du 3 novembre 2021 (dossier RG 21/4066), les époux [I] demandent à la cour de :
Sur la nullité de la mesure de saisie-attribution
- constater que l'acte de saisie-attribution ne contient pas le décompte détaillé au sens de l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution,
En conséquence,
- dire et juger nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée par la SCCV Gustave Eiffel entre les mains de la Sarl Gestpessac le 17 août 2020,
Sur la mainlevée de la saisie-attribution
- constater que la SCCV Gustave Eiffel ne dispose pas d'une créance certaine liquide et exigible lui permettant de procéder à une mesure d'exécution forcée à leur encontre sur le fondement de l'acte authentique de vente du 11 décembre 2014,
En conséquence,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la SCCV Gustave Eiffel entre les mains de la Sarl Gestpessac le 17 août 2020,
- débouter la SCCV Gustave Eiffel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- dire et juger, pour le cas où la saisie-attribution serait considérée comme régulière et fondée, qu'elle ne pouvait être exécutée qu'en recouvrement d'une somme totale de 36.800 euros et à titre encore plus subsidiaire d'une somme totale de 59.349 euros,
En tout état de cause,
- condamner la SCCV Gustave Eiffel à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 19 mai 2022 (déposées dans le dossier RG 21/4066 anciennement 21/15455), M. et Mme [I] demandent à la cour de :
A titre liminaire, sur la demande de rejet des conclusions et pièces notifiées par la SCCV Gustave Eiffel le 12 avril 2022,
- dire et juger qu'une ordonnance de clôture a été prise le 18 novembre 2021 dans l'instance no21/04066 et qu'aucun motif grave ne justifie qu'elle soit révoquée,
En conséquence,
- débouter la SCCV Gustave Eiffel de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives après jonction, communes aux instances 21/04066 et 21/15455 déposées le 12 avril 2022 et le 19 mai 2022 par la SCCV Gustave Eiffel ainsi que les pièces no2,3,8 et 9 listées et visées pour la première fois dans ces écritures,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- rejeté leur demande de mainlevée totale de la saisie-attribution du 11 mars 2021 et seulement cantonné cette saisie-attribution à la somme totale de 37.597,52 euros,
- rejeté leur demande de dommages-intérêts,
- rejeté leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné solidairement M. et Mme [I] au paiement de la somme de 2.000 euros et aux dépens,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- constater que la SCCV Gustave Eiffel ne dispose pas d'une créance liquide et exigible sur le fondement de l'acte authentique du 11 décembre 2014 lui permettant de procéder à une mesure d'exécution forcée à leur encontre,
- constater que la SCCV Gustave Eiffel ne rapporte pas la preuve du règlement initial de la TVA se rapportant aux biens acquis par eux au trésor public,
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la SCCV Gustave Eiffel le 11 mars 2021,
- débouter la SCCV Gustave Eiffel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCCV Gustave Eiffel à leur payer une indemnité de 10.000 euros chacun à titre de dommages-intérêts,
A titre subsidiaire,
- cantonner la saisie-attribution à la somme totale de 36.800 euros et ordonner la mainlevée pour le surplus,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnés à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- débouter la SCCV Gustave Eiffel de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance et d'appel,
- condamner la SCCV Gustave Eiffel au paiement de la somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance,
- condamner la SCCV Gustave Eiffel au paiement de la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel, outre les entiers dépens de l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la demande de rejet des conclusions

La SCCV Gustave Eiffel demande la révocation de l'ordonnance de clôture en raison de la jonction ordonnée qui a selon elle anéanti le calendrier de fixation.

M. et Mme [I] s'opposent à la révocation de l'ordonnance de clôture estimant que la jonction n'est pas un motif grave et demandent le rejet des conclusions récapitulatives de la SCCV Gustave Eiffel.

Il est constant que la jonction a été ordonnée, le 13 janvier 2022, alors que la clôture était déjà ordonnée dans le premier dossier noRG 21/4066, et qu'elle ne l'était pas dans le second dossier RG 21/15455 absorbé.

Cette situation, qui ne permet pas aux parties de prendre des conclusions récapitulatives pour les deux procédures, a abouti à créer une confusion, et il est toujours préférable que la cour statue au vu de conclusions récapitulatives pour l'entier litige.

Dès lors, il convient d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture afin d'admettre les conclusions récapitulatives de la société Gustave Eiffel qui portent sur les deux saisies. Afin de ne pas pénaliser les époux [I] qui, respectant l'ordonnance de clôture, n'ont pas pris de conclusions récapitulatives pour les deux contestations, il convient de prendre en compte les dernières conclusions qu'ils ont notifiées tant pour le premier dossier que pour le second.

II. Sur les contestations relatives à la saisie-attribution du 17 août 2020 (jugement du 12 février 2021)

1) Sur la nullité de la saisie-attribution

a) Sur l'absence de décompte

M. et Mme [I] invoquent l'absence de décompte conforme aux dispositions de l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'il n'est pas suffisamment détaillé et est erroné sur les intérêts à tel point qu'il est incohérent.

La SCCV Gustave Eiffel fait valoir que le décompte est exact, y compris sur les intérêts, et qu'en tout état de cause, seule l'absence de décompte est susceptible d'entraîner l'annulation de l'acte, l'erreur étant seulement susceptible d'en affecter sa portée, de sorte qu'en l'espèce le décompte est conforme aux dispositions de l'article R.211-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il résulte de l'article R.211-1, 3o du code des procédures civiles d'exécution que l'acte de saisie-attribution contient, à peine de nullité, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.

En l'espèce, le procès-verbal de saisie-attribution du 17 août 2020 contient un décompte des sommes réclamées distinguant le principal, les intérêts, la provision d'intérêts et les frais. Il est donc conforme aux dispositions précitées, étant rappelé que l'erreur éventuelle sur le montant de la créance n'affecte pas la validité de l'acte mais en affecte seulement sa portée.

Il convient donc de rejeter la demande de nullité de la saisie-attribution pour absence de décompte régulier.

b) Sur l'absence de titre exécutoire

La SCCV Gustave Eiffel demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie. Elle soutient que le procès-verbal de saisie-attribution mentionnait que la mesure était pratiquée en vertu de l'expédition en la forme dûment exécutoire d'un acte notarié en date du 11 décembre 2014 et rappelle que l'huissier n'avait pas à délivrer cette copie exécutoire aux époux [I]. Elle reproche au juge de l'exécution d'avoir remis en cause les affirmations de l'officier public ministériel qui ne peuvent l'être que par une procédure d'inscription de faux. Elle conclut que l'acte notarié du 11 décembre 2014 constitue bien un titre exécutoire pouvant servir de fondement à la saisie-attribution litigieuse en application de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Les époux [I] indiquent que la SCCV Gustave Eiffel a produit son titre en appel, de sorte qu'ils s'en rapportent sur cette demande.

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

A hauteur d'appel, il n'est pas contesté que la SCCV Gustave Eiffel justifie être munie d'un titre exécutoire à l'encontre des époux [I] puisqu'elle produit l'acte notarié du 11 décembre 2014 revêtu de la formule exécutoire.

La saisie-attribution est donc valable et le motif ayant conduit le premier juge à ordonner la mainlevée n'est plus justifié.

2) Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution

Les époux [I] font valoir que la SCCV Gustave Eiffel n'est titulaire d'aucune créance puisqu'ils ont payé l'intégralité du prix de vente. Ils soutiennent que la somme de 36.800 euros correspondant à la TVA a été payée au moyen d'une cession de créance matérialisée par un mécanisme contractuel de mandat et de délégations donnés par eux, permettant à la SCCV, après s'être acquittée du paiement de la TVA, de la récupérer. Ils précisent que les clés leur ont d'ailleurs été remises en octobre 2015, après paiement total du prix de vente. Ils estiment que la SCCV ne peut réclamer une deuxième fois le paiement du prix sous prétexte qu'elle n'a pas effectué les démarches qui lui aurait permis de percevoir la créance cédée.
Ils estiment en outre que la saisie-attribution n'a pas pour objet d'obtenir le paiement du solde du prix de vente, mais d'obtenir la réparation d'une faute alléguée, qui aurait empêché la SCCV Gustave Eiffel de percevoir les remboursements de TVA cédés, alors même qu'elle ne dispose d'aucun titre exécutoire pour cette prétendue créance de dommages-intérêts et qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur l'existence d'une faute de leur part.
Ils soutiennent en outre que la SCCV Gustave Eiffel se prévaut d'une créance de remboursement de TVA qu'elle prétend avoir avancée, mais n'apporte pas la preuve qu'elle s'est bien acquittée de la TVA auprès du trésor public. Ils soulignent qu'ils n'ont jamais perçu la somme de 36.800 euros.
La SCCV Gustave Eiffel fait valoir que les époux [I] restent redevables du solde du prix de vente pour 36.800 euros qu'ils n'ont jamais payé. Elle soutient qu'elle a bien payé la TVA à l'administration fiscale au fur et à mesure des règlements opérés par les acquéreurs, lesquels rejettent la faute sur elle alors qu'il leur appartenait d'accomplir des démarches pour la récupération de la TVA, ce qu'ils n'ont pas fait, étant rappelé que l'acte notarié mettait à leur charge l'obligation de se soumettre au régime d'option volontaire à la TVA et au régime simplifié d'imposition. Elle précise que le mandat qui lui a été donné était strictement circonscrit à la demande de remboursement du crédit de TVA et non à l'obligation d'effectuer les formalités fiscales ci-dessus. Elle souligne que les époux [I] n'ont jamais précisé s'ils avaient ou non récupéré les fonds litigieux, et ce, en dépit de la sommation qui leur a été faite le 31 décembre 2021, de communiquer les déclarations de TVA qu'ils ont établies depuis leur acquisition, les pièces comptables et les déclarations fiscales afférentes à la gestion des appartements litigieux, de sorte qu'il y a tout lieu de penser qu'ils ont bien perçu cette somme. Elle précise que la somme de 36.800 euros a été portée au crédit des époux [I] à la date de signature de la vente, ce qui démontre que ce crédit ne correspond pas à la récupération de la TVA, et que cette écriture comptable montre seulement qu'elle leur a avancé le paiement de la TVA.

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

En espèce, la SCCV Gustave Eiffel se prévaut d'un acte notarié de vente en l'état futur d'achèvement en date du 11 décembre 2014 dont il ressort que le prix de vente s'élève à 220.800 euros TTC. Il n'est pas contesté que les époux [I] ont versé la somme totale de 184.000 euros correspondant au prix HT. La SCCV Gustave Eiffel entend recouvrer, par la saisie-attribution litigieuse, la somme de 36.800 euros correspondant à la TVA.

Aux termes de cet acte, le vendeur déclare que la TVA sera acquittée par lui lors de chaque versement des sommes correspondant aux différentes échéances prévues en fonction de l'avancement des travaux conformément à l'article 269 2 a bis du code général des impôts.

Quant aux acquéreurs, ils ont déclaré financer le solde du prix correspondant à la TVA au moyen de la récupération de cette taxe auprès de l'administration fiscale.

Ainsi, les acquéreurs se sont engagés à remplir les conditions leur incombant pour parvenir à ce remboursement et à effectuer les formalités :
- d'option volontaire à la TVA conformément à l'article 293F du code général des impôts, et au régime simplifié d'imposition, et de renonciation à la franchise de base prévue par la loi de finances pour 2003,
- de demande de remboursement du crédit de la TVA et faire pendant cette période les déclarations nécessaires.

Il ressort également de cet acte de vente que les acquéreurs ont donné mandat irrévocable à la SCCV Gustave Eiffel, avec faculté de subdélégation, pour procéder aux formalités de demande de remboursement du crédit de TVA et faire les déclarations nécessaires pour parvenir à ce remboursement, recevoir et répondre aux demandes de renseignements de l'administration. Ils lui ont également donné mandat irrévocable de recevoir les fonds provenant du remboursement de la TVA et lui ont délégué ces fonds.

Ainsi, s'il incombait à la SCCV Gustave Eiffel d'accomplir, en vertu du mandat qui lui a été confié, les démarches nécessaires au remboursement de la TVA, il appartenait aux époux [I] d'effectuer au préalable des diligences auprès de l'administration fiscale notamment lui déclarer l'option de paiement de la TVA en application de l'article 293 F du code général des impôts. En effet, le mandat donné à la SCCV ne portait pas sur cette démarche.

Il est par ailleurs stipulé que :
- l'exigibilité du solde du prix de vente est liée au remboursement de la TVA grevant la vente et qu'en conséquence, le paiement s'effectuera au fur et à mesure des remboursements effectués par l'administration fiscale et à hauteur de ceux-ci.
- si le remboursement de la TVA était refusé par l'administration, par suite de la faute ou de la négligence de l'acquéreur à remplir l'une des conditions, ou d'une impossibilité tenant à lui ou de toute autre cause, le solde du prix de vente deviendrait immédiatement exigible et l'acquéreur serait alors tenu de s'acquitter personnellement et directement de l'intégralité du solde du prix dans les quinze jours de la constatation par le vendeur du refus de paiement par l'administration pour les motifs sus-exposés, et au plus tard dans un délai de dix mois après l'achèvement. Dans ce cas, il appartiendra à l'acquéreur de récupérer par lui-même le montant de la TVA auprès de l'administration, sans qu'il puisse aucunement conditionner le paiement immédiat du solde du prix d'acquisition à la décision de l'administration.

Il en résulte que la SCCV Gustave Eiffel ne peut recouvrer le solde du prix correspondant à la TVA auprès des acquéreurs qu'en cas de refus de remboursement de la TVA par l'administration fiscale.

C'est donc en vain qu'elle soutient que M. et Mme [I] ne justifient pas avoir accompli la formalité administrative relative à l'option volontaire à la TVA, dès lors qu'elle ne justifie pas d'un refus de remboursement par l'administration fiscale. Même dans son courrier recommandé du 21 novembre 2018 demandant aux époux [I] d'accomplir des démarches auprès de l'administration fiscale pour récupérer la TVA et la lui reverser, la SCCV Gustave Eiffel ne fait pas état d'un refus de l'administration fiscale, alors qu'il lui incombait, en vertu du mandat confié par les acquéreurs, de procéder à la demande de remboursement de la TVA.

D'après les termes de l'acte de vente, il est vain pour la SCCV Gustave Eiffel de se prévaloir de l'éventuel manquement des acquéreurs dans l'accomplissement des formalités relatives aux choix des régimes d'imposition, puisque seul le refus de l'administration fiscale de rembourser la TVA est susceptible de rendre exigible le solde du prix correspondant à la TVA.

Par conséquent, la SCCV Gustave Eiffel ne justifie pas d'une créance liquide et exigible à l'égard de M. et Mme [I] en vertu de l'acte notarié du 11 décembre 2014, lequel ne permet pas, en état, le recouvrement du solde du prix.

Il convient donc de confirmer le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution.

III. Sur les contestations relatives à la saisie-attribution du 11 mars 2021 (jugement du 20 juillet 2021)

1) Sur la demande de mainlevée de la saisie-attribution

Les époux [I] développent les mêmes moyens que pour la première saisie-attribution.

La SCCV Gustave Eiffel renvoie à son argumentation concernant la première saisie. Elle souligne qu'il ne s'agit pas d'une créance de dommages-intérêts, mais d'une créance de solde de prix de vente, et que l'acte notarié de vente est le titre exécutoire fondant les poursuites.

Pour les motifs précédemment exposés, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [I] de leur demande de mainlevée totale de la saisie-attribution et cantonné la saisie à la somme de 37.597,52 euros, et statuant à nouveau, d'en ordonner la mainlevée, faute pour la SCCV Gustave Eiffel de justifier d'une créance liquide et exigible à l'encontre des époux [I].

2) Sur les demandes de dommages-intérêts

Les époux [I] fondent leur demande de dommages-intérêt sur l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution et font valoir que les saisies-attributions sont aussi inutiles que dramatiques en ce qu'ils sont privés de leurs loyers depuis août 2020 et ne peuvent donc plus honorer leurs échéances de prêt. Ils sollicitent donc une indemnité de 10.000 euros chacun pour saisies abusives.

La SCCV Gustave Eiffel conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [I] de leur demande de dommages-intérêts, le non accomplissement des démarches pour récupérer la TVA ne pouvant lui être reproché. Elle ajoute qu'elle subit un préjudice du fait de l'absence de paiement du solde du prix de vente, ce que justifie l'allocation d'une somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts.

Au vu de l'issue du litige, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts de la SCCV Gustave Eiffel.

Aux termes de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Il est incontestable que la saisie-attribution, portant sur des loyers, a empêché les époux [I] de les percevoir. Comme ils le soutiennent, ils sont privés de ces revenus depuis la première saisie du 17 août 2020, puisqu'aussitôt après la mainlevée de cette saisie, la SCCV Gustave Eiffel a pratiqué une seconde saisie le 11 mars 2021.

Les époux [I] apportent la preuve de leurs difficultés financières depuis janvier 2021 puisqu'ils ne peuvent plus honorer leurs échéances de prêt et sont régulièrement relancés par leur banque, la société Axa Banque (de janvier à avril 2021 selon les justificatifs produits).

La SSCV Gustave Eiffel, professionnelle de la vente en l'état futur d'achèvement, ne pouvait ignorer le mécanisme contractuel et l'absence de créance liquide et exigible envers les acquéreurs.

Dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. et Mme [I] et de condamner la SCCV Gustave Eiffel à payer à ces derniers, en réparation de leur préjudice, la juste somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.

IV. Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de :
- confirmer la condamnation de la SCCV Gustave Eiffel, partie perdante, aux dépens et au paiement d'une somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile résultant du jugement du 12 février 2021,
- infirmer le jugement du 20 juillet 2021 en ce qu'il a rejeté la demande des époux [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et condamné solidairement ces derniers au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- statuant à nouveau, condamner la SCCV Gustave Eiffel aux dépens de première instance relatifs à cette procédure, ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au profit des époux [I] en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
- condamner la SCCV Gustave Eiffel aux entiers dépens d'appel,
- la condamner à payer à M. et Mme [I] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 février 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire Paris,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 juillet 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris,

Statuant à nouveau,

ORDONNE la mainlevée totale de la saisie-attribution du 11 mars 2021,

CONDAMNE la SCCV Gustave Eiffel à payer à M. [T] [I] et Mme [M] [C] épouse [I] la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE la SCCV Gustave Eiffel à payer à M. [T] [I] et Mme [M] [C] épouse [I] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en compensation de leurs frais irrépétibles de première instance,

CONDAMNE la SCCV Gustave Eiffel aux dépens de première instance relative à la procédure ayant donné lieu au jugement du 20 juillet 2021,

Ajoutant aux deux jugements,

REJETTE la demande de nullité pour vice de forme de la saisie-attribution du 17 août 2020,

REJETTE la demande de dommages-intérêts de la SCCV Gustave Eiffel,

CONDAMNE la SCCV Gustave Eiffel à payer à M. [T] [I] et Mme [M] [C] épouse [I] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en compensation de leurs frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la SCCV Gustave Eiffel aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/040667
Date de la décision : 15/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-15;21.040667 ?
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