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14/09/2022 | FRANCE | N°21/16436

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 septembre 2022, 21/16436


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022



(n° 130/2022, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16436 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEK7T



Décision déférée à la Cour : Décision du 15 Juin 2021 -Institut National de la Propriété Industrielle - RG n° OPP20-4623





DÉCLARANTE AU RECOURS



Société LOUISIANA SPIRITS LLC

Société de droit améri

cain constituée selon les lois de l'état de Louisiane

Forme juridique : Limited Liability Company

Company number : 40524252K

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domic...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° 130/2022, 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/16436 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEK7T

Décision déférée à la Cour : Décision du 15 Juin 2021 -Institut National de la Propriété Industrielle - RG n° OPP20-4623

DÉCLARANTE AU RECOURS

Société LOUISIANA SPIRITS LLC

Société de droit américain constituée selon les lois de l'état de Louisiane

Forme juridique : Limited Liability Company

Company number : 40524252K

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Représentée par Me Marc-Roger HIRSCH de la SELARL HIRSCH et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : W03

Assistée de Me Charles de HAAS, avocat au barreau de Paris, toque D1166 substituant Me Marc-Roger HIRSCH de la SELARL HIRSCH et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : W03

EN PRESENCE DE :

MONSIEUR LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Mme [B] [M], chargée de mission, munie d'un pouvoir général

APPELÉ EN CAUSE

Monsieur [H] [G]

Né le 19 Février 1987 à [Localité 5]

De nationalité française

Agriculteur

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté et assisté de Me Virginie GUIOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l'affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Monica d'ONOFRIO, avocat général, qui a fait connaître son avis,

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu la décision du 15 juin 2021 par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a rejeté l'opposition n°20-4623 formée le 9 décembre 2020 par la société Louisiana Spirits à la demande d'enregistrement en date du 17 septembre 2020 de la marque verbale Baïo n° 20 4 683 192 déposée par M. [H] [G] ;

Vu le recours formé le 13 septembre 2021 par la société Louisiana Spirits ;

Vu les dernières conclusions numérotées 3 de la société Louisiana Spirits notifiées par RPVA en date du 19 mai 2022, soutenues oralement à l'audience ;

Vu les dernières conclusions de M. [H] [G] numérotées 2 notifiées par RPVA en date du 16 mai 2022, soutenues oralement à l'audience ;

Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées au greffe le 26 janvier 2022 et soutenues oralement à l'audience ;

Le ministère public entendu en ses observations orales ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé à la décision précitée ainsi qu'aux écritures et observations susvisées.

La demande d'enregistrement déposée le 17 septembre 2020 par M. [H] [G] concerne la marque verbale 'Baïo' n° 20 4 683 192 déposée pour divers produits et services des classes 29, 30, 31, 32, 33 et 43.

La société Louisiana Spirits oppose sa marque verbale 'Bayou' déposée le 20 septembre 2016 en classe 33 pour les produits suivants : 'Spiritueux distillés, produits à boire alcoolisés à l'exception de bières.'

L'opposition a été formée à l'encontre des produits et services suivants de la demande d'enregistrement : 'Bières ; apéritifs sans alcool ; Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée ; Services de restauration (alimentation) ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers'.

La décision contestée de l'INPI a relevé que les produits et services en cause étaient pour partie identiques ou similaires, mais que le signe contesté ne constituait pas l'imitation de la marque antérieure.

Sur la recevabilité des pièces nouvelles

La cour rappelle que le recours exercé contre une décision de l'INPI se prononçant sur une opposition formée à l'encontre d'une marque est dépourvu d'effet dévolutif, et qu'il ne porte que sur l'appréciation de la validité de la décision au regard des éléments qui ont été soumis dans le cadre de la procédure d'opposition et sur le fondement desquels cette décision a été prise.

En conséquence, la requérante n'est pas recevable à produire au soutien de son recours des pièces qu'elle s'est abstenue de soumettre à l'appréciation du directeur général de l'INPI à l'appui de son opposition, le fait que le déposant ne soit pas intervenu dans la procédure d'opposition étant sans conséquence de ce chef. Les pièces 8 à 10 de la société Louisiana Spirits seront donc écartées des débats tout comme les pièces produites par M. [G], lesquelles n'ont pas été produites pendant l'opposition, M. [G] n'étant pas intervenu à ladite procédure.

Sur la comparaison des produits et des services

La cour constate que le directeur de l'INPI a considéré identiques ou similaires divers produits et services des signes en cause, et que la société requérante ne conteste pas cette appréciation relativement aux produits et services suivants de la demande d'enregistrement : 'Bières ; apéritifs sans alcool ; Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée ; Services de restauration (alimentation) ; services de bars ; services de traiteurs'.

La société Louisiana Spirits conteste la décision de l'INPI en ce qu'elle a considéré que les 'services hôteliers' de la demande d'enregistrement contestée ne présentent pas de lien de complémentarité étroit et obligatoire avec les 'Spiritueux distillés, produits à boire alcoolisés à l'exception de bières' de la marque antérieure.

La société Louisiana Spirits demande de dire que ces produits et services sont similaires par complémentarité. Elle soutient que les produits et services complémentaires sont ceux entre lesquels il existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise ; que l'INPI a interprété la complémentarité dans un sens très restrictif ; que les services hôteliers recouvrent l'ensemble des services offerts à la clientèle à titre principal mais aussi accessoire, et notamment les services de bar restaurant et de mini-bar dans les chambres ; que les exploitations viticoles proposent de plus en plus des prestations hôtelières ; que l'INPI a d'ailleurs déjà reconnu cette complémentarité.

M. [G] s'associe pour l'essentiel à la motivation de la décision de l'INPI sur ce point.

La cour rappelle qu'afin de déterminer si les produits ou services sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. La similarité par complémentarité entre des produits et services suppose l'existence entre eux d'un lien étroit et obligatoire, de seuls rapprochements occasionnels et aléatoires étant insuffisants à la caractériser.

En l'espèce, ainsi que l'a pertinemment retenu le directeur de l'INPI, les 'services hôteliers' de la demande d'enregistrement, qui concernent principalement des prestations d'hébergement, ne comprennent pas nécessairement une offre de 'Spiritueux distillés, produits à boire alcoolisés à l'exception de bières', lesquels peuvent être consommés dans de multiples autres circonstances et en particulier dans des bars, restaurants ou bien à domicile, de sorte que ces derniers n'ont un lien ni obligatoire ni même important avec les services hôteliers, le public visé ne pouvant penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise.

En outre, la circonstance que des produits alcoolisés sont proposés dans des services de bar et de restauration est insuffisante à établir une complémentarité avec les services hôteliers qui sont différents des services de bar/restaurant, la plupart des hôtels ne proposant aucun service de restauration autre qu'un simple petit-déjeuner dans lequel aucune boisson alcoolisée n'est proposée, et les mini-bars, qui ne sont pas présents dans les chambres de tous les hôtels, contenant le plus souvent des boissons non alcoolisées.

Enfin, la société Louisiana Spirits invoque vainement deux décisions antérieures de l'INPI, dans lesquelles l'INPI a pris en compte, dans le cadre d'une appréciation globale tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, pour l'une, la notoriété de la marque, pour l'autre, la quasi-identité entre les signes.

L'INPI doit donc être approuvé d'avoir retenu que ces produits et ces services ne sont ni similaires, ni complémentaires, le consommateur n'étant pas fondé à leur attribuer une origine commune.

Sur la comparaison des signes

La société Louisiana Spirits fait valoir que visuellement les signes en cause sont proches, les ressemblances l'emportant sur les différences, et la lettre ï faisant partie de nombreux mots du langage courant ; que phonétiquement les signes litigieux ont une prononciation très proche et un même rythme, cette forte similitude phonétique étant d'autant plus importante que les boissons alcoolisées sont commandées oralement dans des cafés ; que conceptuellement aucun des deux signes n'a une signification claire et déterminée pour le public visé ; que la similitude visuelle et phonétique prépondérante entre les signes et la similarité des produits visés entraînent un risque de confusion justifiant l'annulation de la décision entreprise.

M. [G] conclut à l'absence de tout risque de confusion entre les signes en cause.

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, le risque étant d'autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits ou services en cause. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

Il convient donc de comparer les signes en litige avant de procéder à l'appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.

Visuellement, les deux signes sont de quatre et cinq lettres, de sorte que comme l'a rappelé justement le directeur de l'INPI s'agissant de signes courts, toute différence peut s'avérer déterminante.

En l'espèce, visuellement les signes ont en commun la succession des lettres B et A en position d'attaque, mais présentent des différences de syllabes finales, 'YOU' pour la marque antérieure et 'ÏO' pour la demande de marque contestée, la terminaison étant tout aussi importante que l'accroche pour le consommateur dans un signe court. L'INPI a retenu à juste titre que cette différence de finale marque d'autant plus l'esprit du consommateur que la syllabe 'ÏO' présente dans la demande contestée, tout comme le terme 'YOU' de la marque antérieure, sont rares dans la langue française, la société Louisiana, qui indique que la lettre Ï fait partie de nombreux mots du langage courant, n'ayant trouvé que le mot baïonnette associant ainsi un Ï suivi d'un O. Enfin la présence commune de la lettre O ne sera pas perçue par le consommateur dès lors que dans la marque antérieure elle forme une unité avec la lettre U, créant le graphème OU. Il résulte de ces éléments que les signes en cause sont visuellement distincts.

Phonétiquement, les signes ont la même attaque et un rythme proche mais se distinguent, par leurs sonorités finales : la sonorité courte [yo] dans le signe contesté et la sonorité plus longue et douce [you] dans la marque antérieure, cette différence sonore de finale étant déterminante s'agissant d'un signe court.

Conceptuellement, enfin, il n'est pas démontré que le terme BAYOU soit connu du public visé comme renvoyant aux étendues d'eau formées dans les bras du fleuve Mississipi, pas plus que le terme BAÏO fasse référence pour le consommateur ciblé à la ville de [Localité 4], de sorte que les signes en présence n'ont pas une signification claire et déterminée pour le public visé, et qu'ils ne peuvent dès lors être comparés sur un plan intellectuel.

Globalement, les fortes dissemblances entre les signes sur un plan visuel, cette comparaison visuelle étant importante en ce que les marques sont apposées sur des produits achetés par le consommateur, et non seulement prononcées à l'oral, ainsi que leur différence de finale sur le plan phonétique produisent une impression d'ensemble distincte.

Il n'est en outre ni allégué ni démontré une particulière distinctivité de la marque antérieure de nature à remettre en cause cette analyse.

Il s'en suit que, malgré l'identité ou la similarité des services en cause, le consommateur concerné ne pourra se méprendre sur leurs origines respectives, et ne sera pas conduit, au vu des différences relevées, à penser que ces signes proviennent d'une même entreprise ou d'entreprises liées économiquement.

Le recours contre la décision du directeur de l'INPI doit en conséquence être rejeté.

La société Louisiana Spirits, qui succombe, verra rejeter sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire droit à la demande formée par M. [H] [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de condamner de ce chef la société Louisiana Spirits à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette le recours formé par la société Louisiana Spirits à l'encontre de la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 15 juin 2021 ;

Condamne la société Louisiana Spirits à payer à M. [H] [G] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Louisiana Spirits de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/16436
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;21.16436 ?
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