REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
(n° ,9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/09378 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCBIL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février 2020 -Tribunal de Commerce d'Evry RG n°
APPELANT
Monsieur [G] [U]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, avocat postulant
Ayant pour avocat plaidant Me Sabrine VACRATE
INTIMES
Monsieur [L] [T]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
S.A. SOCIETE GENERALE
N° SIRET : 552 12 0 2 22, Société Anonyme représentée par son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Samuel GUEDJ de la SELARL CABINET D'AVOCATS GUEDJ HAAS-B IRI, avocat au barreau d'ESSONNE, toque : L 233
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M.Marc BAILLY, Président de chambre
Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Mme Florence BUTIN, Conseillère
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l'audience par Mme Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M.Marc BAILLY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 juillet 2020, monsieur [G] [U] a interjeté appel du jugement du 25 février 2020 (et du jugement rectificatif d'erreur matérielle en date du 16 juin 2020) rendu par le tribunal de commerce d'Evry, dans l'instance l'opposant, aux côtés de monsieur [L] [T], à la banque SOCIETE GENERALE :
'Dit recevables les demandes de la SOCIETE GENERALE,
Dit que la SOCIETE GENERALE ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement concernant M. [T] et la déboute de ses demandes le concernant ;
Condamne M. [U] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 102 394 euros;
Ordonne l'exécution provisoire, déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
Déboute les parties de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [U] aux dépens (...)'
****
À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 12 avril 2022 les moyens et prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.
Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 2 février 2022 l'appelant monsieur [U] et l'intimé monsieur [T]
faisant en définitive défense commune, pour l'essentiel concluent à la disproportion de leurs engagements, monsieur [T] pour demander confirmation du jugement déféré, et monsieur [U] pour en solliciter l'infirmation. Ils concluent leurs écritures par un dispositif rédigé en ces termes :
'Vu les articles L. 343- 4, L. 332-1, L. 341-6 et L. 341-1 du code de la consommation,
Vu l'article 1315 alinéa 2 du code civil,
Vu L. 313-22 du code monétaire et financier,
Vu les pièces versées aux débats,'
Il est demandé à la cour de bien vouloir :
A titre principal,
Infirmer les jugements du 25 février 2020 et du 16 juin 2020 mais seulement en ce qu'ils ont condamné monsieur [U] au paiement de 102 294 euros au titre du cautionnement litigieux ;
Constater conformément au jugement rectificatif rendu le 16 juin 2020 par le tribunal de commerce d'Evry, que le montant du compte-courant de monsieur [U] est bien de 20 000 euros et non de 80 000 euros ;
Confirmer le jugement du 25 février 2020 mais seulement en ce qu'il a constaté la disproportion du cautionnement souscrit par monsieur [T] et en conséquence, a prononcé sa déchéance ;
Constater que les cautionnements souscrits par messieurs [U] et [T] sont manifestement disproportionnés tant au moment de leur souscription en 2015, qu'au moment de l'appel de la banque en 2019 ;
En conséquence,
Prononcer la déchéance des cautionnements souscrits par messieurs [U] et [T] auprès de la SOCIETE GENERALE ;
Décharger messieurs [U] et [T] de la totalité de leurs engagements de caution;
A titre subsidiaire,
Confirmer le jugement du 25 février 2020 en ce qu'il a déchu la SOCIETE GENERALE des intérêts et pénalités de retard échus ;
Constater le défaut d'information annuelle et du dernier incident de paiement non régularisé des cautions par la SOCIETE GENERALE ;
Prononcer en conséquence, la déchéance au droit aux intérêts et pénalités pour la SOCIETE GENERALE à l'égard de messieurs [U] et [T] ;
En toute hypothèse,
Débouter la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
Condamner la SOCIETE GENERALE à payer à messieurs [U] et [T] la somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques BELLICHACH conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'
Par uniques conclusions communiquées par voie électronique le 10 décembre 2020, la SOCIETE GENERALE, intimé et appelant incident,
demande à la cour :
'Vu les articles 2288 et suivants du code civil,
Confirmer les jugements en ce qu'ils ont :
Condamné monsieur [U], ès-qualités de caution, à payer les sommes de 102 394 euros en vertu du solde restant dû au titre du prêt du 28 décembre 2015 ;
Infirmer les jugements en ce qu'ils ont :
- débouté la SOCIETE GENERALE à l'encontre de M. [T],
- ordonné la rectification du jugement 2019F235,
- refusé de condamner au paiement d'intérêts au taux majoré de 5,75 %,
- refusé d'ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
En conséquence, statuant de nouveau,
Condamner solidairement monsieur [T] et monsieur [U], ès-qualités de caution, à payer les sommes de 102 394 euros due en vertu du solde restant dû au titre du prêt du 28 décembre 2015 et de l'engagement de caution y afférent, majorée d'intérêts au taux de 5,75 % et ce, à compter du 4 juin 2019 et jusqu'à parfait paiement ;
Ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Condamner monsieur [T] et monsieur [U], à verser chacun à la SOCIETE
GENERALE la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Samuel GUEDJ en application de l'article 699 du code de procédure civile.'
Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La société CDO DEVELOPPEMENT, spécialisée dans l'exploitation de salles de sports, a souscrit le 28 décembre 2015 un prêt professionnel d'un montant de 157 555 euros d'une durée de 4 années, au taux dintérêts fixe de 1,75 % l'an, auprès de la banque SOCIETE GENERALE, destiné au 'rachat de prêts professionnels'. Ce prêt était notamment garanti par le cautionnement solidaire de messieurs [L] [T] et [G] [U], par actes séparés, chacun à hauteur de la somme de 102 394 euros et pour la durée de 6 ans, avec renonciation au bénéfice de discussion.
Monsieur [U] et monsieur [T], assignés par la banque en leur qualité de cautions, suite à la liquidation judiciaire de la société CDO DEVELOPPEMENT, arguent l'un et l'autre de la disproportion de leur propre engagement.
SUR L'ENGAGEMENT DE CAUTION DE MONSIEUR [U]
En droit, selon les dispositions de l'article L. 341-4 devenu L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée ne lui permette de faire face à son obligation.
Contrairement à ce que prétend la banque critiquant la position de la Cour de cassation appliquée par les juges du fond depuis plusieurs années, ces dispositions bénéficient à toutes les cautions personnes physiques, y compris aux cautions dirigeantes.
L'endettement s'appréciera donc, en premier lieu, au jour de l'engagement de caution, soit en l'espèce au 12 décembre 2015, date du cautionnement solidaire de monsieur [U] en garantie du prêt consenti le 28 décembre 2015 à la société CDO par la banque SOCIETE GENERALE.
Il est de principe que la charge de la preuve de la disproportion incombe alors à la caution et non pas à la banque.
À cette fin en particulier monsieur [U] produit ses avis d'imposition portant sur les revenus des années précédentes, 2013, 2014, et sur l'année 2015, ainsi que les pièces relatives aux cautionnements antérieurement souscrits - pièces 15 et 16, 42, 17 et 18.
La banque produit au débat ' en pièce 7 ' un document pré-imprimé dénommé: 'RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS SUR UNE PERSONNE PHYSIQUE ACCEPTANT DE SE PORTER CAUTION', daté du 15 septembre 2015, que monsieur [U] a rempli et signé, après avoir reporté manuscritement la phrase suivante :'Je certifie l'exactitude des renseignements ci-dessus'.
La banque est en droit de se fier aux éléments recueillis sans être tenue de faire de vérification complémentaire dès lors que la fiche de renseignement patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et monsieur [U] ne serait pas fondé à se prévaloir de revenus qui seraient d'une autre réalité, ou de charges qu'il n'aurait pas déclarées.
Monsieur [U] précise qu'il a fait appel en raison d'une erreur de lecture du tribunal sur un élément d'actif, qui a ensuite été corrigée en tant qu'erreur matérielle. En effet il avait été lu par les premiers juges, porté sur la fiche de renseignements, le montant de
80 000 euros au lieu de 20 000 euros au titre de la valorisation d'un compte courant associés, ce qui a conduit le tribunal à considérer que le cautionnement n'était pas disproportionné.
La banque considère que la rectification opérée selon jugement du 16 juin 2020, dont il est fait appel, est discutable, et qu'il appartient donc à monsieur [U] de démontrer que son compte courant associés n'était que de 20 000 euros.
L'examen attentif de la fiche de renseignements permet de constater que l'écriture plutôt ronde de monsieur [U] produit des '2' rebouclés sur eux-mêmes, comme cela apparaît en de nombreux endroits du document, de sorte que le premier juge a pu se méprendre, trompé par la trace verticale qui barre la photocopie de la page en son entier et referme inopportunément le '2' du chiffre écrit au titre du compte courant associés. En outre, il apparaît, au recto du document, que monsieur [U] par deux fois a écrit un '8' qui en rien ne peut se confondre avec les '2' posant question.
La rectification d'erreur matérielle était fondée et les prétentions contraires de la SOCIETE GENERALE doivent être rejetées. Dès lors il y a lieu de s'en tenir à cette somme de
20 000 euros résultant de la déclaration certifiée exacte par son auteur.
Il ressort donc de ce document, uniquement, que monsieur [U] au jour de son engagement, perçoit alors des revenus annuels de 36 000 euros en sa qualité de dirigeant de société, est propriétaire en propre d'un appartement d'une valeur estimée à
250 000 euros acquis par le moyen d'un prêt dont le capital restant dû est de 240 000 euros, est titulaire d'une assurance-vie évaluée à 12 000 euros, d'un compte courant associés de 20 000 euros, et au rang de ses charges, qu'il supporte les mensualités de ce prêt immobilier à hauteur de 1 250 euros, jusqu'en 2040, outre celles d'un montant de 200 euros en remboursement d'un prêt à la consommation. La rubrique relative aux cautions et sûretés consenties n'est pas renseignée.
Monsieur [U] dans ses écritures fait valoir que la fiche patrimoniale ne fait pas figurer les cautionnements antérieurement souscrits, pour un montant de 3 900 euros au profit de la SOCIETE GENERALE, le 16 avril 2011, pour un montant de 74 750 euros au profit de la BNP, le 14 septembre 2015, et pour un montant de 11 500 euros au profit de la BNP, le 3 novembre 2015.
Comme jugé par le tribunal, en l'absence de mention dans la fiche patrimoniale la SOCIETE GENERALE ne pouvait pas avoir connaissance, au moment de la souscription du cautionnement querellé le 12 décembre 2015, des deux cautionnements donnés au profit d'une autre banque, à l'inverse de celui de 3 900 euros, dont il faudra tenir compte pour l'appréciation de la disproportion.
Comme jugé par le tribunal, également, rien n'indique que les valeurs de parts sociales détenues par monsieur [U] - non mentionnées dans la fiche et évoquées par la SOCIETE GENERALE dans ses écritures, faisaient partie des éléments qui ont permis au prêteur d'évaluer le patrimoine de monsieur [U] à la signature de l'acte de cautionnement, le 12 décembre 2015.
Il sera rappelé que la banque évoque, tout d'abord, une SCI 'CDO LES VENELLES BOISEES', au capital social de 20 000 euros (constitué de 20 000 parts de 1 euro chacune). Monsieur [U] est titulaire de 2 550 parts de cette SCI constituée le 29 novembre 2013. Il indique, sans qu'il n'ait été répliqué sur ce point, que la SCI a été constituée à des fins d'acquisition d'un immeuble et que l'opération ayant avorté pour se réaliser en vente directe, dès lors la SCI n'a aucun actif, pour n'être propriétaire d'aucun bien. Par ailleurs, la SOCIETE GENERALE fait état de la participation de monsieur [U] à hauteur de 20 %, au capital social de la société CDO HOLDING qui est de 278 167,50 euros. Il s'avère que monsieur [U] est titulaire de 200 actions de 150 euros chacune, soit un montant total de 30 000 euros. Il souligne que cette société qui n'est qu'une holding a réalisé en 2015 des bénéfices qui ont été d'à peine plus de 1 000 euros.
En définitive, pour faire face à cet engagement de caution d'un montant de
102 394 euros, auquel s'ajoutait le cautionnement antérieurement consenti pour un montant de 3 900 euros, monsieur [U] au jour de sa signature disposait d'un actif immobilier de 10 000 euros, de valeurs mobilières pour 12 000 euros, de valeurs sous la forme de participations sociales pour 20 000 euros, soit au total 42 000 euros. Le reste à vivre dégagé de ses revenus une fois déduits les remboursements des prêts en cours ne permettent manifestement pas de combler la différence, et la situation serait inchangée même à prendre en considération ces valeurs.
Au vu de ces éléments connus de la banque, la disproportion est manifeste.
En conséquence de ce qui précède le jugement doit être infirmé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la disproportion au jour de la signature de l'acte de cautionnement.
2- Il ne ressort pas des conclusions de la SOCIETE GENERALE que cette dernière entend se prévaloir des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, qui exclut de décharger la caution dans la mesure où le patrimoine de cette dernière au moment où celle-ci est appelée lui permet de faire face à ses obligations. Dans cette hypothèse il reviendrait au créancier de démontrer que la caution était au jour de l'assignation délivrée le 20 mars 2019 en capacité de s'acquitter de la somme réclamée, de 102 394 euros.
Par suite, la banque SOCIETE GENERALE ne peut se prévaloir de l'engaement de caution donné par monsieur [U].
SUR L'ENGAGEMENT DE CAUTION DE MONSIEUR [T]
Comme pour monsieur [U] l'endettement s'appréciera en premier lieu, au jour de l'engagement de caution, soit en l'espèce au 12 décembre 2015, date du cautionnement solidaire de monsieur [T] en garantie du prêt consenti le 28 décembre 2015 à la société CDO par la banque SOCIETE GENERALE ; ce cautionnement a lui aussi été donné dans la limite de la somme de 102 394 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard, et pour la durée de 6 ans.
Monsieur [T] à fins probatoire produit ses avis d'imposition portant sur les revenus des années précédentes, 2013, 2014, et de l'année 2015, ainsi que les pièces relatives aux cautionnements antérieurement souscrits - pièces 17, 18, 42, 43, 44, et ses prêts immobiliers -pièce 48.
La banque produit au débat ' en pièce 8 ' un document pré-imprimé intitulé : 'RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS SUR UNE PERSONNE PHYSIQUE ACCEPTANT DE SE PORTER CAUTION', daté du 15 décembre 2015, que monsieur [T] a rempli et signé, après avoir reporté manuscritement la phrase suivante :'Je certifie l'exactitude des renseignements ci-dessus'.
Il reproche à la banque de ne pas avoir réactualisé la fiche et s'être contentée d'un document ancien de trois mois, mais il n'est pas démontré que ces renseignements seraient dans l'intervalle devenus obsolètes.
Il ressort de ce document, uniquement, que monsieur [T] perçoit alors des revenus annuels de 36 000 euros, est propriétaire (60%) d'un appartement d'une valeur de 280 000 euros environ financé par le moyen de prêts consentis par le LCL dont le capital restant dû est de ce même montant, et qu'au rang des charges il supporte le remboursement du prêt immobilier pour 1 500 euros par mois jusqu'en 2040.
Comme rappelé ci-avant, il est de principe que la banque est en droit de se fier aux éléments recueillis sans être tenue de faire de vérification complémentaire dès lors que la fiche de renseignements patrimoniale ne révèle en soi aucune anomalie ou incohérence, et monsieur [T] ne serait pas fondé à se prévaloir de revenus qui seraient d'une autre réalité ou de charges qu'il n'a pas déclarées.
Toutefois monsieur [T] dans ses écritures fait valoir que la fiche patrimoniale ne fait pas figurer les cautionnements antérieurement souscrits, qui sont :
- de 42 600 euros, au profit de la BANQUE POPULAIRE, le 14 mai 2012,
-de 128 786euros, au profit du CIC, somme totale correspondant à plusieurs cautionnements entre 2013 et 2014,
- de 45 600 euros, au profit de la BANQUE POPULAIRE, le 27 février 2013,
- de 74 750 euros, au profit de la BNP, le 14 septembre 2015,
- de 11 500 euros, au profit de la BNP, le 3 novembre 2015,
- de 32 500 euros, au profit de la SOCIETE GENERALE, le 12 décembre 2015.
Comme jugé par le tribunal, en l'absence de mention dans la fiche patrimoniale la SOCIETE GENERALE ne pouvait pas avoir connaissance, au moment de la souscription du cautionnement querellé le 12 décembre 2012, des cautionnements au profit d'une autre banque, à l'inverse de celui de 32 500 euros dont elle a été la bénéficiaire et dont il faudra tenir compte pour l'appréciation de la disproportion.
Comme jugé par le tribunal, également, rien n'indique que les valeurs de parts sociales détenues par monsieur [T] dans la société CDO HOLDING pour 30 000 euros - non mentionnées dans la fiche et évoquées par la SOCIETE GENERALE dans ses écritures, [SCI CDO LES VENELLES BOISEES au capital de 20 000 euros dont monsieur [T] détient 20 %, CDO HOLDING au capital de 278 167,50 euros dont monsieur [T] détient 20%, JP CONSEILS au capital de 1 euro dont monsieur [T] est associé unique] - faisaient partie des éléments qui ont permis à la SOCIETE GENERALE d'évaluer le patrimoine de monsieur [T] à la signature de l'acte de caution.
En définitive, pour faire face à cet engagement de caution d'un montant de 102 394 euros, auquel s'ajoutait au passif le cautionnement concomitamment consenti pour un montant de 32 500 euros, monsieur [T] au jour de sa signature ne disposait d'aucun actif immobilier (la valeur nette de son bien étant nulle) ni valeurs mobilières et le reste-à-vivre dégagé de ses revenus une fois déduit le remboursement du prêt en cours, ne permettait manifestement pas de faire face à ce nouvel engagement de caution. De toute évidence, même la prise en considération des avoirs sociaux tels que chiffrés par la SOCIETE GENERALE dans ses écritures, serait insuffisante à effacer la disproportion manifeste qui se trouve caractérisée au vu des éléments connus de la banque.
Le jugement déféré est donc à confirmer en ce qu'il a été retenu le moyen de la disproportion au moment de la signature du cautionnement.
2- Toutefois, l'article L. 341-4 du code de la consommation exclut de décharger la caution dans la mesure où le patrimoine de la caution au moment où celle-ci est appelée lui permet de faire face à ses obligations.
L'assignation étant en date du 20 mars 2019 c'est à cette date qu'il convient de se placer pour se livrer à cette appréciation. Il convient de rappeler que la somme réclamée est de 102 394 euros outre intérêts.
C'est alors au prêteur qu'il revient de faire la démonstration de ce que la caution est présentement en capacité de faire face à son obligation en s'acquittant de la dite somme.
La banque fait valoir qu'au moment de l'appel en paiement, monsieur [T] est toujours propriétaire et dispose de 60 % du bien immobilier dont il a remboursé davantage d'encours, pour une valeur estimée à un peu moins de 45 000 euros, qu'en outre il perçoit 10 000 euros de revenus annuels et dispose d'un patrimoine constitué de la valeur des parts sociales des sociétés précédemment énumérées, et la SCI étant encore in bonis.
Le tribunal a exactement relevé, qu'au moment où elle est appelée la caution avait des engagements en cours, mais aussi qu'elle avait été condamnée au titre d'un cautionnement au paiement d'une somme de 61 416,34 euros, et qu'elle disposait d'un revenu net mensuel de 2 558,99 euros. Le premier juge a pu logiquement en conclure qu'au jour où la caution a été appelée son patrimoine ne lui permettait pas de faire face à son obligation. Il convient de préciser que les sociétés CDO HOLDING, JP CONSEILS, CDO DEVELOPPEMENT, dans lesquelles monsieur [T] avait une participation ont fait l'objet de liquidation judiciaire antérieurement à l'assignation du 20 mars 2019.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SOCIETE GENERALE ne peut se prévaloir du cautionnement de monsieur [T] en date du 12 décembre 2015.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La SOCIETE GENERALE qui échoue dans toutes ses demandes, supportera la charge des dépens et ne peut prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de monsieur [U] d'une part, et de monsieur [T] d'autre part, formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 3 000 euros chacun.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré du 16 juin 2020 portant rectification d'erreur matérielle ;
CONFIRME en toutes ses dispositions concernant monsieur [L] [T] le jugement déféré du 25 février 2020 ;
INFIRME en toutes ses dispositions concernant monsieur [G] [U], le jugement déféré du 25 février 2020,
et statuant à nouveau,
DIT que la société SOCIETE GENERALE ne peut se prévaloir de l'engagement de caution de monsieur [G] [U] donné à son profit le 12 décembre 2015 en garantie du prêt consenti à la société CDO DEVELOPPEMENT, pour cause de disproportion manifeste eu égard au patrimoine, revenus, et charges, de la caution ;
CONDAMNE la SOCIETE GENERALE à payer à monsieur [G] [U] et à monsieur [L] [T], chacun, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE la SOCIETE GENERALE de sa propre demande formulée sur ce même fondement ;
CONDAMNE la SOCIETE GENERALE aux entiers dépens d'appel et admet Maître Jacques BELLICHACH, avocat au Barreau de Paris, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,