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14/09/2022 | FRANCE | N°20/07875

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 14 septembre 2022, 20/07875


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022



(n° 125/2022, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 20/07875 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5KE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 2ème section - RG n° 18/04377





APPELANTE



S.A.S.U. ADOPT'

Immatriculée au Registre du Commerce et des

Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 351 837 406

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° 125/2022, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 20/07875 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5KE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2020 - Tribunal Judiciaire de PARIS - 3ème chambre - 2ème section - RG n° 18/04377

APPELANTE

S.A.S.U. ADOPT'

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BORDEAUX sous le numéro 351 837 406

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marc SYLBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : J024

INTIMÉE

S.A.S.U. FDG GROUP venant aux droit de la SAS FDG SYSTEM, elle-même venant aux droits de la société DELSOL

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de CRETEIL sous le numéro 493.439.905

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société FDG GROUP, venant aux droits de la société FDG SYSTEM, elle-même venant aux droits de la société DELSOL à la suite d'une opération de fusion-absorption, se présente comme fabriquant et commercialisant depuis plus de soixante ans, sur l'ensemble du territoire français, des barrettes et accessoires pour la coiffure, le vêtement et la chaussure, ainsi que des articles de bijouterie.

Parmi ces produits figure un modèle de type pince à cheveux dénommé « OCTOPUS » qui a fait l'objet, le 10 juillet 2003, d'un dépôt à titre de dessin et modèle communautaire sous le n°000053574-0002, publié le 11 novembre 2003, comportant les représentations suivantes et sur lequel la société FDG GROP revendique également des droits d'auteur :

Avisée de la commercialisation dans les magasins à l'enseigne RESERVE NATURELLE exploités sous franchise par la société FOLIES DOUCES devenue ADOPT', ainsi que de la vente en ligne sur le site marchand internet www.reserve-naturelle.com, d'un produit qu'elle a considéré comme la copie servile de cet article, la société FDG GROUP a fait procéder, le 4 février 2014, à l'acquisition de trois exemplaires dits « pince noire strass », au prix unitaire TTC de 3,95 euros, puis a obtenu par ordonnance rendue le 16 juillet 2015 par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon qui ont été réalisées le 22 juillet 2015.

Par décision au fond rendue le 9 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a dit que la société ADOPT' (FOLIES DOUCES) avait commis des actes de contrefaçon de droit d'auteur au préjudice de la société FDG GROUP mais que cette dernière n'établissait pas son préjudice à ce titre. Il s'est par ailleurs déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour statuer sur l'action en contrefaçon du modèle communautaire n° 000053574-0002, ainsi que sur les demandes connexes en concurrence déloyale et parasitaire.

C'est ainsi que par jugement rendu le 12 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

- écarté le moyen d'irrecevabilité soulevé en défense et tiré de l'estoppel,

- dit que la pince à cheveux dite « pince noire strass » commercialisée par la société ADOPT'constitue une contrefaçon du modèle communautaire 'OCTOPUS' appartenant à la société FDG GROUP enregistré sous le n° 000053574-0002,

- condamné la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP une somme de 40 000 euros au titre du préjudice économique résultant de la contrefaçon,

- condamné la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP une somme de 10 000 euros au titre du préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale du modèle,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes subsidiaires au titre de la copie servile,

- débouté la société FDG GROUP du surplus de ses demandes indemnitaires,

- rejeté les demandes fondées sur le parasitisme,

- rejeté les demandes de publication,

- rejeté les demandes au titre du remboursement des frais de saisie-contrefaçon,

- condamné la société ADOPT aux dépens et au paiement à la société FDG GROUP de la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Le 24 juin 2020, la société ADOPT' a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses uniques conclusions transmises le 16 septembre 2020, la société ADOPT'demande à la cour :

- à titre principal :

- de réformer le jugement en ce qu'il a écarté le moyen d'irrecevabilité tiré de l'estoppel au motif que l'examen des conclusions responsives n° 2 de la société FDG GROUP devant le tribunal de grande instance de BORDEAUX permet de vérifier que nonobstant l'imprécision de son dispositif, celle-ci fondait ses demandes notamment sur l'enregistrement invoqué dans la présente instance, ce qui a donné lieu au jugement d'incompétence partielle de cette juridiction,

- de juger qu'en vertu du principe de l'estoppel, la société FDG GROUP qui se contredit au détriment de la société ADOPT' dans le cadre de la présente procédure doit être déclarée irrecevable en ses demandes,

- à titre subsidiaire :

- de constater que le tribunal de grande instance de Bordeaux a définitivement tranché sur la question de la contrefaçon de droit d'auteur portant sur le modèle de pince à cheveux revendiqué par FDG GROUP, par un jugement définitif en date du 9 janvier 2018 et qu'en conséquence aucune demande nouvelle ne peut être présentée par la société FDG GROUP de ce chef, devant le tribunal de grande instance de Paris et la cour d'appel de Paris,

- de juger que la cour d'appel de Paris ne peut se prononcer sur la question de la contrefaçon du modèle communautaire OCTOPUS n° 000053574-0002, dans la mesure où la société FDG GROUP elle-même, refuse de fonder son action sur la contrefaçon de modèle communautaire, FDG GROUP considérant que son action ressort de la contrefaçon de droit d'auteur,

- en conséquence :

- de débouter la société FDG GROUP de l'intégralité de ses demandes,

- à titre très subsidiaire :

- de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a considéré que le président du tribunal de grande instance de Bordeaux était compétent pour autoriser la saisie-contrefaçon litigieuse dans la mesure où l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon était rendue au visa de l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle,

- de juger que dans la mesure où l'on se place sur le terrain de la protection d'un modèle communautaire, les dispositions de l'article R.716-2 du code de la propriété intellectuelle trouvent à s'appliquer nonobstant les mentions figurant sur l'ordonnance, et qu'en conséquence, le procès-verbal de saisie-contrefaçon sur lequel repose l'action initiée par la société FDG GROUP est nul et de nul effet,

- de juger que l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon emporte son anéantissement rétroactif,

- de juger que la société FDG GROUP ne pouvant démontrer l'existence d'une quelconque contrefaçon du fait de l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon, dans la mesure où son action repose quasi-exclusivement sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon, ses demandes doivent être rejetées,

- à titre infiniment subsidiaire :

- de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a considéré que la société ADOPT' a commis un acte de contrefaçon des droits au préjudice de FDG GROUP, relativement au modèle communautaire revendiqué par cette dernière et enregistré sous le n° 000053574-0002,

- de juger que la société FDG GROUP ne saurait revendiquer une quelconque protection concernant le modèle déposé, dans la mesure où la forme du modèle est dictée par son usage,

- de juger que la société FDG GROUP ne démontre pas le caractère de nouveauté du modèle qu'elle revendique,

- de juger que la société ADOPT' n'a commis aucun acte de contrefaçon des droits au préjudice de FDG GROUP, relativement au modèle communautaire revendiqué par cette dernière et enregistré sous le n° 000053574-0002,

- à titre infiniment infiniment subsidiaire :

- de juger que préjudice financier allégué par FDG GROUP ne sauraient excéder une indemnisation fixée à 2.000 €,

- sur les actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme commercial :

- de juger que les prétendus actes de concurrence déloyale et de parasitisme ne constituent pas des actes distincts de la prétendue contrefaçon,

- de débouter FDG GROUP de l'intégralité de ses demandes,

- en tout état de cause :

- de réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a rejeté la demande de la société ADOPT' tendant à voir condamner la société FDG GROUP au paiement de la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et partant, a condamné ADOPT' à verser à FDG GROUP la somme de 7.000 euros, outre condamnation aux dépens,

- de condamner FDG GROUP au paiement d'une somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre condamnation aux entiers dépens de première instance, toutes taxes comprises,

- de condamner FDG GROUP au paiement d'une somme de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel, outre condamnation aux entiers dépens d'appel, toutes taxes comprises.

Dans ses uniques conclusions transmises le 15 décembre 2020, la société FDG GROUP demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- écarté le moyen d'irrecevabilité soulevé en défense et tiré de l'estoppel,

- rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon soulevée en défense,

- dit que la pince à cheveux dite 'pince noire strass' commercialisée par la société ADOPT' constitue une contrefacon du modele communautaires OCTOPUS appartenant a la société FDG GROUP enregistré sous le numéro 000053574-0002,

- subsidiairement, de juger que le produit commercialisé par la société ADOPT' constitue une copie servile de la pince OCTOPUS appartenant à la société FDG GROUP, avec mêmes condamnations,

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société FDG GROUP la somme de 40.000 € au titre du préjudice économique et, statuant à nouveau, de condamner la société ADOPT' à verser à ce titre à la société FDG GROUP la somme de 98.181,72 € 'sur le fondement de l'article 1240 du code civil',

- y ajoutant, de juger que les articles contrefaisants ou copies serviles, à raison de leur piètre fabrication, ont nui à l'image de qualité du modèle OCTOPUS de la société FDG GROUP,

- de condamner en conséquence la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- y ajoutant, de juger que la commercialisation par la société FOLIES DOUCES des articles contrefaisants ou copies serviles est constitutive d'un parasitisme commercial destiné a promouvoir les autres articles qu'elle commercialise,

- de condamner en conséquence la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- y ajoutant, de constater que l'importance de la masse contrefaisante ou de la masse de copies serviles a banalisé le modèle OCTOPUS appartenant à la société FDG GROUP,

- en conséquence, de condamner la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- y ajoutant, de juger que le fruit de la contrefaçon ou des copies serviles a procuré à la société ADOPT' des revenus lui ayant permis de développer son activité, notamment au travers de ses établissements secondaires,

- en conséquence, de condamner la société ADOPT à verser à la société FDG GROUP la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- y ajoutant, d'ordonner à titre de mesure de réparation la publication du dispositif de la décision à intervenir dans deux revues professionnelles, en l'occurrence LSA et LINEAIRE, aux frais de la société ADOPT et dans la limite de 8.000 euros HT par publication,

- y ajoutant, de condamner la société ADOPT' à rembourser à la société FDG GROUP les frais de la saisie contrefaçon sur production de la facture de 1'huissier instrumentaire et de M. [P] [M], informaticien, l'ayant assisté,

- de condamner également la société ADOPT' en tous les frais de l'instance,

- de condamner la société ADOPT' à verser à la société FDG GROUP la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 18 janvier 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la recevabilité des demandes de la société FDG GROUP au regard du principe de l'estoppel

La société soutient que la société FDG GROUP n'a eu de cesse d'affirmer devant le tribunal de grande instance de Bordeaux que son action était fondée exclusivement sur la contrefaçon de droit d'auteur alors qu'elle a invoqué devant le tribunal judiciaire de Paris la contrefaçon de modèle communautaire, et qu'un tel changement de position a été de nature à induire son adversaire en erreur. Elle fait valoir que si la société FDG GROUP avait entendu invoquer la contrefaçon de dessin et modèle communautaire, elle n'aurait pas manqué de saisir directement le tribunal judiciaire de Paris, seul compétent pour connaître de sa demande. Elle ajoute que contrairement à ce qu'a retenu le jugement dont appel, la société FDG GROUP n'a pas sollicité la protection au titre du modèle communautaire devant le tribunal de Bordeaux et que si la cour devait écarter l'irrecevabilité des demandes fondée sur l'estoppel, elle devrait au moins rejeter l'intégralité de ses demandes en raison de l'aveu judiciaire résultant de l'attitude procédurale de la société FDG GROUP.

La société FDG GROUP répond qu'en vertu de la théorie de l'unité de l'art, il n'y a pas de contradiction à invoquer à la fois le droit d'auteur et le droit des modèles communautaires et que c'est la société ADOPT' qui a invoqué la première devant le tribunal de Bordeaux l'enregistrement en tant que modèle communautaire de son produit.

Le jugement rendu par le tribunal de Bordeaux et les conclusions déposées par la société FDG GROUP devant cette juridiction n'étant pas produits en appel, la cour n'est pas en mesure de vérifier que, comme le retient le jugement déféré, les conclusions n° 2 déposées par la société FDG GROUP devant la juridiction bordelaise contenaient une demande au titre de la protection des dessins et modèles communautaires. Elle relève cependant que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non recevoir (Cour de cassation, Assemblée plénière 27 février 2009, pourvoi n° M 07-19.841) et qu'en l'espèce, alors que la question de la protection du produit en cause par le dessin et modèle communautaire est dans les débats depuis l'instance suivie devant le tribunal de Bordeaux, ce qui ressort du sens de la décision d'incompétence rendue par cette juridiction et des propres écritures de l'appelante devant cette cour (page 15), la société ADOPT' ne démontre pas qu'elle aurait été empêchée de se défendre utilement devant le tribunal judiciaire de Paris sur ce fondement. De même, aucun aveu judiciaire n'est démontré selon lequel la société FDG GROUP aurait cantonné ses demandes au droit d'auteur.

Pour ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société ADOPT' et tiré de l'estoppel.

Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon

La société ADOPT' soutient que le tribunal judiciaire de Paris étant seul compétent pour connaître de l'action relative à la contrefaçon de modèle communautaire, seul le président de ce tribunal était compétent pour autoriser la saisie-contrefaçon, et ce en application de l'article R. 716-2 du code de la propriété intellectuelle ; que le procès-verbal de la saisie-contrefaçon autorisée par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, incompétent, est donc nul, son annulation emportant son anéantissement rétroactif ; et que la société FDG GROUP, qui ne peut démontrer l'existence d'une quelconque contrefaçon, doit donc être déboutée de ses demandes.

La société FDG GROUP oppose que le procès-verbal de saisie-contrefaçon, établi au visa du titre 1 du code de la propriété intellectuelle, est valable et peut, en tout état de cause, constituer le soutien probatoire d'un grief de contrefaçon de dessin et modèle ; que cette contrefaçon est en tout état de cause établie par d'autres pièces au dossier (procès-verbal d'achat et procès-verbal de constat sur le site internet reserve-naturelle.com).

C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal, sans toutefois l'indiquer dans son dispositif, a rejeté la demande de nullité de la société ADOPT' en relevant notamment que l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon a été valablement établie, au visa de l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux compétent pour ce faire, et que la société FDG GROUP était fondée à se prévaloir des éléments recueillis dans le cadre de cette mesure au soutien de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de dessin et modèle communautaire.

Sur les demandes en contrefaçon du modèle communautaire enregistré n°000053574-0002 de la société FDG GROUP

Sur la validité du modèle

La société ADOPT' soutient que le modèle revendiqué par la société FDG GROUP ne présente aucune 'originalité' ou nouveauté, la forme du modèle étant dictée par son usage.

La société FDG GROUP répond que la société ADOPT', sur laquelle pèse la charge de la preuve de l'absence de validité de son modèle, n'évoque aucune antériorité qui détruirait la nouveauté dudit modèle ; que dans son jugement précité du 9 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a reconnu l'originalité de la pince 'OCTOPUS' au titre du droit d'auteur, ce qui correspond au critère de nouveauté du modèle ; que la forme du modèle n'est pas exclusivement imposée par la fonction technique du produit mais présente des caractéristiques purement esthétiques, non rattachables à la fonction, alors que dans le domaine considéré, la liberté du créateur est très grande.

Ceci étant exposé, conformément à l'article 4 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel. L'article 5 prévoit que '1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public : b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants'.

Par ailleurs, le paragraphe 1 de l'article 8 du même règlement dispose : 'Un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique'.

En l'espèce, la multiplicité des formes de pinces à cheveux, illustrée par les photographies insérées dans les écritures de la société FDG GROUP (pages 16 et 17), établit que le modèle revendiqué ne répond pas exclusivement à la recherche de la fonction technique remplie par une pince à cheveux mais que le concepteur a procédé à des choix esthétiques visant à évoquer la forme d'une pieuvre, laquelle donne son nom au modèle ('OCTOPUS').

Par ailleurs, comme le relève la société intimée, la société ADOPT'à laquelle il incombe de démontrer l'absence de validité du modèle enregistré, lequel est présumé valide, ne fournit aucune représentation de pince à cheveux susceptible de détruire la nouveauté du modèle revendiqué.

La demande en nullité du dessin et modèle 'OCTOPUS' de la société FDG GROUP sera en conséquence rejetée.

Sur la matérialité de la contrefaçon

La société FDG GROUP soutient que le dessin de l'entrelacs des broches de la pince de la société ADOPT' est exactement identique au modèle 'OCTOPUS' et que les deux pinces présentent le même dessin d'entrecroisement des arcatures.

La société ADOPT'oppose que l'absence de démonstration du caractère de nouveauté du modèle revendiqué ne peut que conduire au rejet des demandes rattachées au caractère prétendument contrefaisant de la pince à cheveux litigieuse.

L'article 10 du règlement n° 6/2002 du 12 décembre 2001 dispose que 'La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente'. L'article 19 prévoit : '1. Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.

Alors que la société ADOPT' ne conteste pas utilement la matérialité de la contrefaçon, l'examen auquel s'est livrée la cour de la 'pince noire strass' commercialisée par la société FOLIES DOUCES, devenue ADOPT', objet du constat d'achat du 4 février 2014, a montré que cette pince, constituée de huit branches curvilignes évoquant les tentacules d'une pieuvre, produit sur l'utilisateur averti la même impression visuelle globale que la pince 'OCTOPUS' de la société intimée. La contrefaçon est ainsi établie.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de la société FDG GROUP pour 'copie servile' sur le fondement de 1240 code civil

La société FDG GROUP voyant reconnaître l'existence d'actes de contrefaçon de son dessin et modèle enregistré, il n'y a pas lieu à examen de sa demande formée à titre subsidiaire sur le fondement de la 'copie servile' et de l'article 1240 du code civil.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les demandes de la société FDG GROUP au titre d'actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme

La société FDG GROUP sollicite la somme de 170 000 € au titre d'actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme. Elle argue du 'caractère dénigrant' de la fabrication du produit contrefaisant, faisant valoir qu'il semble avoir été réalisé par surmoulage du produit authentique tant les broches sont grossières, que la piètre qualité de la matière plastique confère au produit contrefaisant un caractère médiocre et cassant, que la quantité importante de la masse contrefaisante a pour conséquence de lui causer un préjudice en terme d'image de qualité (50 000 €). Elle dénonce par ailleurs le comportement parasitaire de la société appelante qui a fait l'économie de tout effort de création en profitant indûment de sa notoriété et de la 'pertinence commerciale' du modèle 'OCTOPUS' (50 000 €). Elle invoque enfin la banalisation de son modèle du fait de l'importance de la masse contrefaisante et de la présence du produit litigieux dans l'ensemble du réseau de la société ADOPT' (20 000 €) et le fait que le fruit de la contrefaçon a contribué au développement économique de la société FOLIES DOUCES (ADOPT') (50 000 €).

La Société ADOPT'oppose que la société FDG GROUP ne consacre aucun développement aux prétendus faits de concurrence déloyale, que les actes allégués découlent uniquement de la contrefaçon prétendue et ne constituent aucunement des actes distincts de ceux de contrefaçon, que le parasitisme n'est pas davantage établi.

La concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d`un savoir-faire, d`un travail intellectuel et d`investissements.

En l'espèce, les faits dénoncés relatifs au 'caractère dénigrant' de la fabrication du produit contrefaisant, à la banalisation du modèle et à l'enrichissement du contrefacteur ne constituent pas des faits distincts de ceux de contrefaçon mais relèvent des conséquences de ces derniers et ne peuvent être invoqués qu'au soutien des demandes visant à la réparation de ces actes.

En ce qui concerne le parasitisme allégué, la société FDG GROUP affirme mais sans le démontrer que sa pince 'OCTOPUS' est 'une référence en matière de pinces à cheveux' et ne fournit aucun élément, notamment comptable, permettant d'établir que cette pince constituerait une valeur économique individualisée dont l'appropriation par la société ADOPT' pourrait donner lieu à réparation.

Les demandes au titre d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées.

Sur les mesures réparatrices de la contrefaçon

Sur les demandes indemnitaires

La société FDG GROUP réclame réparation de son préjudice financier à hauteur de 98 181,72 €, faisant valoir que la société FOLIES DOUCES / ADOPT' commercialise les articles contrefaisants via 33 franchises et 64 établissements secondaires sur l'ensemble du territoire français, tant métropolitain qu'outre-marin, que depuis le 12 janvier 2009, elle a acquis auprès du fournisseur chinois 34 020 pièces, que sa marge brute par produit est de 2,886 euros (34 020 x 2,886 € = 98 181,72 € ).

La société ADOPT' objecte que la méthode de calcul est erronée en ce qu'elle repose sur des commandes et non des ventes effectives, certaines effectuées en 2009 soit au-delà du délai de prescription, que le calcul doit être effectué à partir de la marge nette pour déterminer l'éventuel manque à gagner, que le calcul doit également prendre en compte le fait que les acquéreurs des articles litigieux n'auraient pas nécessairement reporté leur acte d'achat sur la pince 'OCTOPUS', de sorte que le préjudice financier de la société FDG GROUP ne saurait excéder 2.000 euros.

L'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, applicable aux dessins et modèles communautaires, dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées.

En l'espèce, la société FDG GROUP invoque un préjudice financier résultant des gains réalisés par le contrefacteur, à l'exclusion de tout préjudice moral.

Les éléments communiqués dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon établissent que 34 020 pièces ont été commandées entre 2009 et 2015 pour un prix d'achat unitaire de 0,274 euros, que le stock à la date de la saisie était d'au moins 77 unités, que le prix de base aux franchisés était de 1,25 euros HT et le prix de vente au public de 3,95 euros.

Comme le souligne la société intimée, la contrefaçon est constituée non seulement par la revente des articles contrefaisants, mais également par leur détention, l'argument relatif à la prescription étant par conséquent inopérant.

Les faits de contrefaçon ont nécessairement entraîné une banalisation du modèle de la société FDG GROUP et ainsi porté atteinte à la valeur patrimoniale de ce modèle.

Sur la base de ces éléments, la cour estime que les premiers juges ont procédé à une juste appréciation du préjudice économique subi du fait de la contrefaçon en allouant à la société FDG GROUP la somme globale de 50 000 €.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la publication

Comme l'a retenu le tribunal, compte tenu de l'ancienneté des faits et de l'indemnité allouée, les mesures de publication sollicitées à titre de réparation complémentaire ne sont pas justifiées.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société ADOPT', partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société ADOPT' au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société FDG GROUP peut être équitablement fixée à 5 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

C'est à juste raison que le tribunal a rejeté la demande de la société FDG GROUP relative au remboursement de la saisie-contrefaçon, cette mesure ayant été ordonnée sur le fondement du droit d'auteur qui ne fait l'objet d'aucune demande dans le cadre de la présente instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la société ADOPT' en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon et en nullité du dessin et modèle communautaire n°000053574-0002 'OCTOPUS' de la société FDG GROUP,

Déboute la société FDG GROUP de ses demandes au titre d'actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société ADOPT' aux dépens d'appel et au paiement à la société FDG GROUP de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/07875
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;20.07875 ?
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