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14/09/2022 | FRANCE | N°19/09359

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 septembre 2022, 19/09359


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 Septembre 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09359 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATBD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09123



APPELANTE



Association FORUM DE [Localité 5] SUR LA PAIX

[Adresse 1]


[Localité 3]

Représentée par Me Audrey GOMEZ DE MIRANDA, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE



Madame [O] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Estelle...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 Septembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09359 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CATBD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09123

APPELANTE

Association FORUM DE [Localité 5] SUR LA PAIX

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey GOMEZ DE MIRANDA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [O] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Estelle BATAILLER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, pour le président empêché et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'association Forum de [Localité 5] sur la Paix a pour objet la réalisation d'événements annuels qui rassemblent Etats, organisations internationales, ONG, Fondations, entreprises, journalistes, syndicats, groupe religieux et citoyens.

Mme [O] [I] a été embauchée en qualité de chargée de mission, non cadre, selon contrat à durée déterminée couvrant la période écoulée du 26 mars 2018 au 31 décembre 2018, au motif d'un accroissement temporaire d'activité.

Par courrier du 11 mai 2018, l'employeur notifiait à la salariée qu'il mettait fin à la période d'essai.

Cette dernière ne travaillait pas au cours du délai de prévenance.

Contestant cette rupture, l'intéressée a saisi le conseil des prud'hommes de Paris, aux fins d'obtenir la condamnation de l'association à lui payer les sommes suivantes :

- 25.000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive ;

- 2.946,50 euros d'indemnité de fin de contrat ;

- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec mise des dépens à sa charge.

Par jugement du 9 septembre 2019, la défenderesse était condamnée à verser à la demanderesse les sommes suivantes :

- 22.344 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat ;

- 2.946,50 euros d'indemnité de fin de contrat.

Les autres prétentions de la salariée étaient rejetées et l'employeur était condamné aux dépens.

Appel a régulièrement été interjeté par l'association Forum de [Localité 5] sur la Paix le 24 septembre 2019.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 18 décembre 2019, l'appelant prie la cour d'infirmer la décision déférée et de rejeter ses demandes.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 11 mars 2020, l'intimée conclut à l'infirmation uniquement sur la demande de dommages-intérêts pour rupture anticipée en ce qu'elle entend voir les dommages-intérêts portés à la somme de 25.000 euros et l'indemnité au titre des frais irrépétibles à la somme de 3.000 euros.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur la rupture de la période d'essai

Mme [O] [I] soutient que la période d'essai était selon l'article L 1242-10 du code du travail limitée à un mois, de sorte que la rupture au-delà de cette durée, fût-ce pendant la période d'essai illégale de deux mois stipulée au contrat, est abusive.

L'association Forum de [Localité 5] sur la Paix répond avoir fixé la période d'essai de bonne foi à deux mois et avoir dû la rompre au vu du niveau insuffisant d'anglais de l'intéressée et de son suivi insuffisamment rigoureux des dossiers.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 1242-10 du code du travail, en matière de contrat à durée déterminée, sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, la période d'essai ne peut excéder un mois, lorsque la durée initialement prévue au contrat est supérieure à six mois.

Le contrat à durée déterminée litigieux conclu pour environ neuf mois avait fixé la durée de la période d'essai à deux mois.

Ainsi, en rompant la période d'essai alors que celle-ci, telle que définie par la loi, était déjà écoulée, et en dehors des cas prévus par l'article L. 1243-1 du code du travail, l'employeur a mis fin à un contrat à durée déterminée avant l'échéance du terme et a procédé à une rupture abusive.

2 : Sur les conséquences financières

2.1 : Sur l'indemnité de rupture abusive

Mme [O] [I] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer des dommages-intérêts qui tiennent compte du minimum fixé par l'article L. 1243-4 du code du travail, soit le total des salaires restant à courir jusqu'au terme stipulé du contrat à durée déterminée, c'est-à-dire la somme de 22 344 euros. Elle demande l'allocation de la somme de 25.000 euros. Elle prétend aussi à l'indemnité de fin de contrat prévue par l'article L 1243-8 du code du travail et égale à 10% des salaires perçus au cours du contrat, soit en l'espèce, la somme de 2.946,50 euros.

L'association Forum de [Localité 5] sur la Paix estime que la sanction légale de l'irrégularité de la rupture doit être écartée pour différents motifs :

- son caractère automatique et forfaitaire est disproportionné, puisque cela conduit pour le salarié à cumuler le montant des salaires et des indemnités de chômage, malgré la bonne foi de l'employeur ;

- l'article L 1243-3 du code du travail est contraire à la jurisprudence qui exige de laisser au juge une marge d'appréciation ;

- ce texte porte aussi atteinte au principe constitutionnel d'égalité, d'une part entre employeur et salarié, puisque le salarié n'est pas soumis à une telle sanction lorsqu'il met fin abusivement au contrat à durée déterminée, et d'autre part, entre salarié sous contrat à durée déterminée et salarié sous contrat à durée indéterminée, l'indemnisation du premier étant supérieure à celle du second.

En tout état de cause, l'association objecte que Mme [O] [I] a déjà perçu la somme de 1.473,22 euros brut au titre de la rémunération du délai de prévenance qui n'a pas été exécuté et qu'elle ne démontre aucun préjudice moral.

Il fait valoir que l'octroi des dommages-intérêts sollicités aurait des conséquences manifestement excessives.

Sur ce

Selon l'article L. 1243-4 du code du travail, la rupture de la période d'essai qui intervient à l'initiative de l'employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure, ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat, sans préjudice de l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article L. 1243-8 du code du travail.

Le principe de proportionnalité impose au juge de contrôler que l'atteinte qui a été portée à un droit fondamental n'est pas disproportionnée. Il doit vérifier d'abord si elle poursuit un but légitime, puis si elle permet d'atteindre ce but, et enfin, si une autre mesure, moins liberticide mais aussi efficace, n'aurait pas pu être prise en ses lieu et place.

Il permet aussi de régler les conflits entre des droits fondamentaux opposés, comme par exemple la liberté d'expression et le droit au respect de la vie privée, en effectuant, au cas par cas, une balance des intérêts en présence pour chercher soit à les concilier, soit à faire prévaloir l'un sur l'autre en fonction des circonstances de l'espèce.

Or l'employeur ne vise aucun principe fondamental.

En tout état de cause, si les dommages-intérêts prévus en cas de rupture anticipée d'un contrat de travail à durée déterminée ne se cumulent pas avec les indemnités de chômage allouées par Pôle Emploi au titre de cette période, ce principe n'a vocation à s'appliquer que dans les rapports entre le salarié et l'organisme d'assurance chômage, la cour ne pouvant déduire les allocations de chômage perçues de la réparation forfaitaire incompressible qui a la nature de dommages-intérêts mise à la charge de l'employeur.

Il sera cependant ordonné la communication du présent arrêt à Pôle Emploi.

Dès lors, en l'espèce, le salarié ne peut arguer d'une réparation excessive, liée au cumul desdits dommages-intérêts et de l'allocation chômage.

Le caractère disproportionné ne peut non plus se déduire du montant de la réparation au regard du préjudice, puisqu'il ne s'agit pas seulement de réparer un préjudice, mais aussi de sanctionner les agissements de l'employeur.

C'est tout aussi vainement, que la société se réfère au principe d'égalité, puisqu'il compare des situations différentes à savoir celle d'un salarié en contrat à durée indéterminée et celle d'un salarié sous contrat précaire.

De même, c'est à tort qu'il compare la situation de l'employeur qui, à la différence du salarié, ne peut obtenir que l'exacte réparation de son préjudice en cas de rupture par le fait du salarié, car les positions économiques du salarié que la loi entend protéger et celle de l'employeur ne sont pas comparables.

Le mois de mai ayant déjà été payé, l'indemnité doit être fixée à 22.344 euros (7 x 3.192).

Mme [O] [I] n'apporte aucune pièce pour prouver son préjudice.

Il sera octroyé le minimum prévu par la loi soit la somme de 22.344 euros.

2.2 : Sur l'indemnité de précarité

Aux termes de l'article L. 1243-8 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de la situation égale à 10% de la rémunération totale brute du salarié.

Compte tenu des termes de l'article 1243-4 du code du travail qui prévoit le cumul de cette indemnité avec l'indemnité de rupture abusive, il sera fait droit à la demande en paiement de ce chef à hauteur de la somme de 2.946,50 euros.

3 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner l'employeur qui succombe au paiement de la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, et de rejeter, comme l'a fait le conseil des prud'hommes, la demande faite sur ce point par Mme [O] [I], au titre des frais irrépétibles de première instance. Les dépens seront mis à la charge de l'employeur qui succombe

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de l'association Forum de [Localité 5] sur la Paix en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'association Forum de [Localité 5] sur la Paix à payer à Mme [O] [I] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne la communication du présent arrêt à Pôle Emploi ;

Condamne l'association Forum de [Localité 5] sur la Paix aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILL'RE

POUR LE PR''SIDENT EMP'CH''


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/09359
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.09359 ?
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