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14/09/2022 | FRANCE | N°18/05191

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 14 septembre 2022, 18/05191


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05191 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PKO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/09709



APPELANTE



SARL MERCI JEROME SAINT HONORE

[Adresse 2]

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Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012



INTIMEE



Madame [Z] [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Véronique WEISB...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/05191 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5PKO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/09709

APPELANTE

SARL MERCI JEROME SAINT HONORE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sandrine GENOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R012

INTIMEE

Madame [Z] [C] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Véronique WEISBERG, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 289

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er janvier 2015, Mme [Z] [C] [P] a été engagée par la SARL ESTAELLE dite boulangerie-pâtisserie de la mairie en qualité de femme de ménage polyvalente et aide cuisine, coefficient 155. A compter du 26 décembre 2016, son contrat de travail a été transféré à la SARL Merci Jérôme Saint Honoré

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à convention collective de la boulangerie pâtisserie, entreprises artisanales. La société Merci Jérôme Saint Honoré emploie moins de onze salariés. En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [C] [P] s'élevait à 1.487,88 euros.

Par lettre du 10 avril 2017,

Mme [C] [P] a été licenciée pour faute grave au motif qu'elle aurait été absente sans en justifier du 7 au 20 mars 2017, que le justificatif produit par la suite aurait été en langue étrangère et que cette situation aurait désorganisé l'entreprise.

Le 28 avril 2017, contestant son licenciement, Mme [C] [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 18 janvier 2018, a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Merci Jérôme Saint Honoré au paiement de 2.975,76 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 297,57 euros de congés payés afférents, 8.927,28 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif, 371,96 euros d'indemnité légale de licenciement, outre 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 10 avril 2018, la société Merci Jérôme Saint Honoré a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 26 mars précédent.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 mai 2020, la société Merci Jérôme Saint Honoré demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :

- juger que le licenciement repose sur une faute grave ;

- débouter Mme [C] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [C] [P] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 octobre 2020, les conclusions de Mme [C] [P] ont été déclarées irrecevables.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, l'intimée, dont les conclusions sont irrecevables, est réputée adopter les motifs de la décision de première instance, sans pouvoir se référer à ses conclusions ou pièces déposées devant le conseil. Ainsi, la cour qui n'est pas saisie de conclusions de l'intimée doit uniquement examiner les motifs du jugement du conseil ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

1 : Sur la faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L.1232-1, L.1232-6, L.1234-1 et L.1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 10 avril 2017, qui fixe les limites du litige, Mme [C] [P] a été licenciée pour faute grave au motif qu'elle aurait été en absence injustifiée du 7 au 20 mars 2017, que le justificatif produit par la suite aurait été en langue étrangère et que cette situation aurait désorganisé l'entreprise.

Au soutien de la démonstration de la faute, dont l'employeur a la charge exclusive tant en ce qui concerne la matérialité des faits invoqués que leur gravité, ce dernier produit uniquement, d'une part, un courrier de mise en demeure du 15 mars 2017 qui ne porte pas l'adresse exacte de la salariée telle qu'elle figure notamment sur ses bulletins de paie antérieurs ou sur la lettre de licenciement et, d'autre part, une attestation d'un salarié qui fait état de remplacement sur des tâches de ménage courant mars 2017.

Aux termes du jugement, dont l'intimée est réputée adopter les motifs, le conseil de prud'hommes a considéré que ces éléments de preuve étaient insuffisants, la salariée ayant expliqué son absence par le décès de sa soeur qui s'occupait seule de sa mère au Cap-Vert à la suite de la mort, deux mois plus tôt, de leur père et ayant soutenu avoir, de ce fait, bénéficié d'une autorisation orale d'absence avant son départ et n'avoir eu aucune remarque avant son licenciement malgré son retour à son poste.

Or, en effet, s'il n'est pas contesté que la salariée a été absente du 7 au 20 mars 2017, il n'est pas davantage discuté que cette dernière a justifié, au moins à son retour, du décès de sa soeur, peu important que le justificatif produit ait été en langue étrangère, la réalité du motif invoqué n'ayant jamais été mise en cause.

Dès lors, alors que le courrier de mise en demeure n'a pas été envoyé à l'adresse exacte de la salariée, que le courrier produit la convoquant à un entretien préalable mentionne cette même adresse erronée sans qu'il soit établi qu'il a été remis en main propre, rien ne permet de considérer que l'employeur ait formellement reproché son absence à sa salariée avant la rupture.

Ainsi, alors qu'une autorisation orale est invoquée et insuffisamment contredite par la seule mise en demeure susmentionnée, la matérialité de l'absence injustifiée est insuffisamment établie. Au surplus, la situation personnelle particulièrement difficile de la salariée justifiait en tout état de cause que l'employeur fasse preuve de compréhension. Enfin, la seule attestation produite qui n'incrimine aucunement Mme [C] [P] mais évoque des remplacements sur la période litigieuse ne saurait établir que cette absence a eu des conséquences importantes sur le bon fonctionnement de la société.

En conséquence, comme l'a, à juste titre, considéré le conseil, la faute grave est insuffisamment démontrée et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement devant être confirmé sur ce point.

2 : Sur les conséquences de la rupture

2.1 : Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. L'article L.1234-5 dispose par ailleurs que, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

Au cas présent, la salariée est donc en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire soit une somme de 2.975,76 euros (1 487,88 x 2), majorée des congés payés afférents soit 297,57 euros.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne la société au paiement de ces sommes.

2.2 : Sur l'indemnité de licenciement

L'article L.1234-9 du code du travail dans sa version applicable au présent litige dispose que le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

Au titre de l'article R.1234-2 du même code dans sa version applicable au litige, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Au cas présent, préavis intégré, l'ancienneté de la salariée était de 2 ans 5 mois et 10 jours soit 2,42 années

La société Merci Saint Jérôme était donc redevable de 720 euros (1.487,88 x 2,42 x 1/5) à titre d'indemnité de licenciement.

Ramenée à hauteur de demande, la salariée, qui ne sollicite pas l'infirmation de la décision sur ce point, étant réputée s'approprier le montant accueilli par le jugement de première instance, il convient de condamner l'employeur au paiement de 371,96 euros à ce titre, le jugement devant être confirmé de ce chef.

2.3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable, l'appelante employant habituellement moins de onze salariés, la salariée pouvait prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En première instance, le conseil a considéré au regard du préjudice moral résultant notamment des documents médicaux produits par la salariée qu'il convenait de lui allouer la somme de 8.927,28 euros.

Au regard des circonstances de la rupture et de la situation personnelle et familiale de la salariée, il convient de confirmer le jugement sur ce point.

3 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation, le 4 mai 2017, de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement de première instance du 18 janvier 2018.

4 : Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, l'employeur supportera également les éventuels dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 18 janvier 2018 ;

Y ajoutant :

- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter du 4 mai 2017 et sur les créances indemnitaires confirmées à compter du 18 janvier 2018 ;

- Condamne la SARL Merci Jérôme Saint Honoré aux dépens.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/05191
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;18.05191 ?
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