Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04328 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5LP2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/07232
APPELANTE
Me SELARL ETUDE BOUVET & GUYONNET - Mandataire liquidateur de Société BVDC CONSEILS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Gilles BONLARRON de la SELARL MRB, avocat au barreau de PARIS, toque : L0303
INTIME
Monsieur [M] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Stéphanie GINESTAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1673
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/021464 du 10/07/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
PARTIE INTERVENANTE :
Association AGS CGEA D'ANNECY
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Hélène NEGRO-DUVAL de la SAS DUVAL LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0197
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS :
Par contrat de travail à durée indéterminée, M. [M] [I] a été engagé à compter du 12 mai 2014 en qualité de directeur d'exploitation, statut cadre
par la société Thaï Délice Groupe aux droits de laquelle vient désormais la société BVCD Conseils qui avait pour activité la restauration rapide, la vente sur place et à emporter par l'intermédiaire de trois points de vente distincts.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la restauration rapide. L'entreprise employait habituellement moins de onze salariés.
M. [I] a été licencié pour motif économique le 19 janvier 2015.
Le 15 juin suivant, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 25 janvier 2018, a fait droit à ses demandes en jugeant son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en condamnant l'employeur aux sommes subséquentes.
Par déclaration du 19 mars 2018, la société BVCD Conseils a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 5 précédent.
La société BVCD Conseils a été placée en liquidation judiciaire le 11 février 2019, la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet étant désignée en qualité de liquidateur.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 août 2020, la société BVCD Conseils représentée par son liquidateur demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il fixe le salaire de M. [I] à 3.133,55 euros et la condamne à lui payer 6.630,76 euros d'indemnité compensatrice de préavis, 663,07 euros de congés payés sur préavis, 1.446,17 euros d'indemnité compensatrice de congés payés, 18.891,30 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive, 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les intérêts légaux et la remise des documents sociaux conformes, de l'infirmer sur ces différents points et statuant à nouveau et y ajoutant, de :
- fixer le salaire de référence de M. [I] à la somme de 2.210 euros ;
- débouter M. [I] de toutes ses demandes, de condamnation ou de fixation au passif de la liquidation, ou, subsidiairement, lui allouer une indemnisation symbolique au titre du licenciement abusif ;
- le condamner à lui payer 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 août 2020, l'association AGS CGEA d'Annecy demande à la cour de :
- lui donner acte des conditions et limites de l'intervention et de la garantie de l'AGS ;
- dire que la décision à intervenir ne lui sera opposable que dans les conditions, limites et plafonds de sa garantie ;
- débouter M. [I] de ses demandes, fins et conclusions ;
- rejeter les demandes de fixation de créances qui ne sont ni fondées dans leur principe ni justifiées dans leur montant ;
- en tout état de cause, réduire aux seuls montants dûment justifiés les créances susceptibles d'être fixées, notamment à titre de salaires et à titre d'indemnités.
Dans ses dernières conclusions remises à la cour par le réseau privé virtuel des avocats le 25 septembre 2020, M. [I] demande la confirmation du jugement.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1 : Sur le licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L.1233-3 du même code dans sa rédaction applicable au litige dispose que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Par ailleurs, en application de l'article L1234-4 du même code dans sa version également applicable au litige, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 19 janvier 2015, qui fixe les limites du litige, M. [I] a été licencié pour motif économique. Aux termes du courrier de rupture, les difficultés économiques étaient caractérisées par trois années d'exercice déficitaire en 2012, 2013 et 2014, et présentées comme ayant entraîné la fermeture de deux établissements le 31 décembre 2014 et la suppression du poste de directeur d'exploitation correspondant.
Cependant, il ressort d'un courrier de l'employeur du 10 février 2015 qui mentionne 'nous voulions à l'origine vous licencier pour faute grave et (...) après étude de vos arguments lors de notre entretien préalable, nous avons décidé pour vous êtes agréables de changer le motif en licenciement économique'que le véritable motif du licenciement est de nature disciplinaire. Au surplus, alors que le salarié souligne n'avoir fait l'objet d'aucune démarche en vue de son reclassement au sein des effectifs de l'entreprise, l'employeur ne démontre pas s'être acquitté de son obligation à ce titre aucune recherche en ce sens n'étant même alléguée alors qu'il n'est pas démontré qu'aucun poste n'était disponible au sein de la société.
Dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point.
2 : Sur les conséquences de la rupture
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [I] s'élevait à 3.133,55 euros.
2.1 : Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents
En application de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois. L'article L.1234-5 dispose par ailleurs que, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.
Par ailleurs, le contrat de travail de M. [I] prévoyait, sauf faute grave, un préavis de trois mois.
Cependant, le salarié peut renoncer au préavis.
Or, au cas présent, M. [I] a expressément accepter de voir porter la durée de son préavis de trois à un mois dans le courriel du 6 février 2015 dont l'authenticité ne saurait être remise en question par le simple fait qu'il a été écrit à partir de l'adresse électronique professionnelle du salarié à une période où ce dernier n'aurait plus fait plus partie des effectifs alors que, à cette date précisément, il était en cours d'exécution de son préavis d'un mois.
Cependant, au regard du salaire que M. [I] aurait dû percevoir pour la durée du préavis soit 3.133,55 euros et de la somme effectivement payée dans le cadre du solde de tout compte soit 2.106, 82 euros, une somme de 1.026,73 euros, outre 102 euros de congés payés, reste due Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il alloue à M. [I] un complément au titre du préavis mais de l'infirmer sur le montant à ce titre.
Compte tenu de la liquidation judiciaire de la société, le montant alloué sera fixé au passif de la société.
2.2 : Sur l'indemnité de congés payés
Aux termes de l'articles L.3141-26 dans sa version applicable au litige, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé.
Cependant, au cas présent, il ressort des bulletins de paye de décembre 2014 et janvier 2015 que le salarié, à qui il restait 6, 5 jours de congés payés pour 2014, a pris 11 jours à ce titre en janvier 2015 ce qui est confirmé dans le courriel du 6 février 2015 en sorte qu'aucune somme ne lui restait due lors de la rupture.
Dès lors, ce dernier verra sa demande au titre de l'indemnité de congés payés rejetée et le jugement sera infirmé sur ce point.
2.3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement abusif
Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version alors applicable, l'appelante employant habituellement moins de onze salariés, le salarié pouvait prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
En première instance, le conseil a alloué au salarié la somme de 18.891,30 euros à ce titre.
Au regard des circonstances de la rupture et des ressources postérieures du salarié qui perçoit le revenu de solidarité active, cette somme sera confirmée en cause d'appel.
Le montant ainsi alloué sera fixé au passif de la société.
2.4 : Sur l'indemnité pour procédure irrégulière
L'article L.1232-2 du code du travail prévoit que l''entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.
Il résulte par ailleurs du rapprochement des articles L.1235-2 et L.1235-5 du code du travail que, lorsque le licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté ou intervenu dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés survient sans que la procédure requise ait été observée, le salarié ne peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, sauf en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller. Dans ce cas le salarié peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, qu'il s'agisse ou non d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, alors que la convocation effective du salarié à un entretien préalable est suffisamment établie, il apparaît que l'irrégularité alléguée, à savoir le non-respect du délai de cinq jours prévu par l'article L.1232-2 susmentionné n'est pas une méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller. Il s'en suit que M. [I] n'a droit à aucune indemnité à ce titre.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.
3 : Sur les intérêts
La décision de liquidation judiciaire du 11 février 2019 a arrêté le cours des intérêts.
Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation, le 30 juin 2014, de l'employeur devant le bureau de conciliation jusqu'au 11 février 2019 et, sur les créances indemnitaires confirmées à compter du jugement de première instance du 25 janvier 2018 jusqu'à cette même date.
4 : Sur la garantie des AGS
Le présent arrêt est nécessairement opposable à l'association AGS dans les limites de sa garantie.
Le jugement sera complété en ce sens
5 : Sur les demandes accessoires
Au regard du sens de la décision, le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, le liquidateur ès qualité supportera également les éventuels dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour :
- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 25 janvier 2018 sauf sur le montant de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents et sur le principe de l'indemnité de congés payés ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Fixe au passif de la société BVCD Conseils la somme de 1.026,73 euros, outre 102 euros de congés payés au titre du préavis ;
- Rejette le surplus de la demande à ce titre ;
- Rejette la demande d'indemnité de congés payés ;
- Fixe le montant confirmé des dommages-intérêts pour licenciement abusif soit 18.891,30 euros au passif de la société BVCD Conseils ;
- Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales du 30 juin 2014 au 11 février 2019 et sur les créances indemnitaires confirmées à compter du 25 janvier 2018 jusqu'à cette même date ;
- Dit que le présent arrêt est nécessairement opposable à l'association AGS CGEA d'Annecy dans les limites de sa garantie ;
- Condamne la SELARL Etude Bouvet et Guyonnet en sa qualité de liquidateur aux dépens.
LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT