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14/09/2022 | FRANCE | N°15/17522

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 14 septembre 2022, 15/17522


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022



(n° ,12pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/17522 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW7ZM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 13/01653





APPELANTE



SCP [Localité 9] INDUSTRIE dite EPINDUS

N° RCS: 489 407 353, agissant poursuites et diligen

ces de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au ba...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022

(n° ,12pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 15/17522 - N° Portalis 35L7-V-B67-BW7ZM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juillet 2015 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL RG n° 13/01653

APPELANTE

SCP [Localité 9] INDUSTRIE dite EPINDUS

N° RCS: 489 407 353, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

INTIMEE

SCI CENTRE D'ACTIVITES D'EPINAY dite CEDADE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

assistée de Me Hervé ITTA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0655

Maître Bertrand JEANNE, Mandataire judiciaire

Pris en son nom personnel

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représenté par Me Christophe BERARD de l'ASSOCIATION Association FABRE GUEUGNOT et associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0911

INTERVENANT

Maître [B] [F], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SNC [Localité 9] IMMOBILIER

Représenté par Me Alain MAURY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Gilles BALAY, Président de chambre

Madame Sandrine GIL, Conseillère

Madame Emmanuelle LEBEE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [U] [I] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Claudia CHRISTOPHE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Gilles BALAY, Président de chambre et par Anaïs DECEBAL, Greffière présente lors du prononcé.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

La S.N.C. [Localité 9] Immobilier venant aux droits de la S.C.I. d'[Localité 9] Montmagny et de la S.C.P. [Localité 9] Mont Saint Denis est devenue propriétaire d'un ensemble immobilier situé à [Adresse 8].

Ces locaux étaient loués à la société civile particulière [Localité 9] Industrie dite Epindus, aux termes d'un bail du 17 novembre 1975 consenti par la société [Localité 9] Montmagny et la société [Localité 9] Mont Saint Denis.

La société Epindus est une société civile dont l'objet social est la prise à bail, la rénovation, l'administration et l'exploitation par la sous location d'un ensemble immobilier à usage industriel et commercial situé à [Localité 9], propriété de la société [Localité 9] Immobilier, objet du bail du 17 novembre 1975, assorti de deux avenants des 13 novembre 1992 et 28 mars 1994.

Le bail prévoit la sous location des locaux par le locataire.

La S.N.C. [Localité 9] Immobilier a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire, par jugements du tribunal de commerce de Bobigny en date respectivement des 8 juin 1999 et 8 février 2000.

Compte tenu de loyers restant impayés, Me [F], en qualité de mandataire liquidateur de la société [Localité 9] Immobilier a fait délivrer le 20 juin 2002 à la société Epindus un commandement de payer visant la clause résolutoire.

Par jugement du 12 juillet 2005, le tribunal d'instance de Saint-Ouen a rejeté la demande d'annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire, constaté la résiliation du bail à effet du 20 juillet 2002, ordonné l'expulsion de la société Epindus et condamné celle ci au paiement d'une indemnité d'occupation, le tout avec exécution provisoire.

La société Epindus a fait appel de cette décision.

Elle a été expulsée le 4 novembre 2005.

Par jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny en date du 31 janvier 2006, la société Centre d'activités d'Epinay (Cedade) est devenue adjudicataire de l'ensemble immobilier mis en vente à la barre du tribunal à la demande d'un créancier de la société [Localité 9] Immobilier.

Par arrêt du 7 octobre 2008, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du TI de Saint Ouen du 12 juillet 2005 et a :

- prononcé la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à la société Epindus le 20 juin 2002;

- débouté Maître [F], ès qualité, de ses demandes d'acquisition de la clause résolutoire et de la résiliation judiciaire du bail du 17 novembre 1975, de ses demandes d'expulsion et de paiement d'une indemnité d'occupation;

- sursis à statuer pour le surplus et désigné un expert avec pour mission de faire les comptes entre les parties.

La société Epindus, par lettre officielle du 16 octobre 2008 adressée au conseil de la société Cedade, lui a notifié qu'elle était, par l'effet de cette décision, rétablie dans ses droits de locataire principal et que les loyers et charges des sous locataires devraient, en conséquence, être payés entre ses mains.

Le 3 novembre 2008, la société Epindus a fait signifier aux 26 occupants des lieux, l'arrêt du 7 octobre 2008 et leur a fait sommation de produire une copie de leur baux, ainsi que du dernier avis d'échéance et de s'acquitter entre ses mains des loyers à venir.

La société Cedade a assigné la société Epindus devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Bobigny pour trouble manifestement illicite résultant de l'absence de décision de réintégration ordonnée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 octobre 2008.

Par ordonnance du 20 février 2009, le juge des référés a jugé qu'en l'absence de décision de réintégration, la société Epindus ne pouvait, ni réclamer le montant des loyers auprès des locataires et occupants de l'ensemble immobilier, ni obtenir des pièces sur la situation locative.

Par arrêt du 14 octobre 2009, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du 20 février 2009, constaté que la société Epindus était rétablie dans ses droits de preneuse, dit que la société Cedade devait cesser de percevoir directement les loyers des sous locataires et qu'elle devait remettre la totalité des documents concernant la gestion de l'ensemble immobilier à la société Epindus.

Parallèlement, la société Epindus a saisi le juge de l'exécution d'une demande de réintégration au visa de l'arrêt du 7 octobre 2008, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de Saint-Ouen, par jugement du 1er juillet 2009.

Par jugement du 13 avril 2010, le tribunal d'instance de Saint Ouen a dit que la société Epindus devait être considérée comme le locataire de la société Cedade, dans les termes et conditions du bail initial du 17 novembre 1975 et de ses avenants successifs.

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 21 septembre 2010, la société Epindus a assigné la société Cedade devant le tribunal d'instance de Saint-Ouen, au visa de l'article 31 de la loi du 9 juillet 1991, pour la voir condamnée à réparer le préjudice lié à la perte de loyers des sous locataires pendant son éviction, de novembre 2005 à octobre 2009, estimant qu'elle avait accepté, en sa qualité d'adjudicataire, d'être subrogée tant activement que passivement dans les droits et actions de la société [Localité 9] Immobilier.

Par jugement du 8 février 2009, le tribunal d'instance de Saint-Ouen s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Bobigny à qui le dossier a été transmis.

Par acte d'huissier du 26 octobre 2011, la société Cedade a elle même assigné Maître [C] [F] à titre personnel et en sa qualité de liquidateur de la société [Localité 9] Immobilier, devant le Tribunal de grande instance de Bobigny.

Ces deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état de Bobigny qui, par ordonnance du 9 janvier 2013 et sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile a renvoyé l'affaire après jonction devant le Tribunal de grande instance de Créteil.

La société Cedade a adressé un congé à la société Epindus pour le 27 novembre 2012.

Par arrêt du 1er avril 2014, la cour d'appel de Paris (Pôle 4 chambre 4) , statuant à la suite de l'arrêt du 7 octobre 2008 et après dépôt du rapport d'expertise de M. [L] a notamment:

- confirmé le jugement déféré en ses points non déjà jugés par la Cour, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation au paiement des loyers prononcé par le tribunal,

- statuant du chef infirmé et y ajoutant,

- condamné la société Epindus à payer à Me [B] [F], ès qualités de liquidateur de la SNC [Localité 9] Immobilier et de M. [X] la somme de 481.272,97€ au titre des sommes restant dues pour la période du mois de janvier 2000 au 4 novembre 2005, cette somme portant intérêt au taux légal à compter du 11 septembre 2006.

Par arrêt du 25 mars 2015, la cour d'appel de Paris, (Pôle 5 chambre 3) statuant sur un appel interjeté par la société Cedade à l'encontre d'un jugement en date du 9 janvier 2013 du tribunal de grande instance de Bobigny , a prononcé la résolution du bail liant les sociétés Cedade et Epindus à la date du 27 décembre 2012 et a condamné la société Epindus à payer à la société Cedade la somme de 127.266, 38€, au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés à la date du 1er octobre 2013, déduction faite de la créance de la société Epindus au titre du nettoyage des lieux, du règlement de la facture d'eau et de sa propre créance de loyer.

Un incendie s'étant déclaré le 24 juin 2006, dans les locaux donnés en sous-location par la société Epindus à la société Garage auto mille, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 1er avril 2015, a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 30 janvier 2013 qui avait :

- constaté que la société Garage Auto Mille n'a plus payé aucun loyer depuis le 24 juin 2006 et qu'elle ne saurait être recherchée pour le paiement des loyers pour la période postérieure à cette date (...)

- dit y avoir lieu de réduire après le sinistre le loyer dû par la société Epindus à la société Cedade au prorata de la surface intégralement détruite, soit 349m² ce qui permet de fixer la diminution de loyer à la somme de 1882,78€ par trimestre soit 32.757,10€/6072 m² x 349m²

- dit que cette réduction s'appliquera jusqu'à la remise en état éventuelle des locaux, à laquelle la société Cedade ne saurait être contrainte.

Par jugement en date du 20 juillet 2015, le Tribunal de grande instance de Créteil a :

- Donné acte à la S.E.L.A.R.L. [S] et Associés représentée par Maître [D] [S] de sa constitution aux lieux et place de Maître [M] [K] dans l'intérêt de la société Epindus;

- Condamné la société Cedade à payer à la société Epindus la somme de 21.983€ à titre de dommages et intérêts augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision;

- Dit que les intérêts dus pour une année entière seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

- Condamné la société Cedade à payer à la société Epindus la somme de 1.500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamné la société Cedade à payer la somme de 800€ à Maître [F] pris à titre personnel et celle de 800€ en sa qualité de mandataire liquidateur de la société [Localité 9] Immobilier;

- Débouté la société Cedade de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et de ses appels en garantie;

- Ordonné l'exécution provisoire;

- Condamné la société Cedade aux dépens et autorisé les avocats qui le demandent à recouvrer directement ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision et ce en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 août 2015, la société Epindus a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Cedade; cette dernière a formé un appel provoqué à l'encontre de maître [F] à titre personnel et en sa qualité de mandataire liquidateur de la SNC [Localité 9] Immobilier.

Par arrêt en date du 3 octobre 2018 la cour d'appel de Paris (5-3) a:

- Infirmé le jugement entrepris,

Statuant à nouveau

- Constaté que la société Cedade , subrogée dans les droits de la société [Localité 9] Immobilier, est responsable du préjudice subi par la société Epindus en raison de l'exécution forcée du jugement du tribunal d'instance Saint Ouen du 12 juillet 2005, infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 octobre 2008, pour la période écoulée entre le 4 novembre 2005, date de l'expulsion des lieux pris à bail et le 14 octobre 2009, date de la reprise,

- Dit que ce préjudice est égal à la perte du bénéfice de la société Epindus correspondant au montant de l'ensemble des sous loyers qu'elle aurait pu encaisser pendant cette période, déduction faite d'un abattement de 30% pour tenir compte du taux de rotation des sous locataire et des impayés des sous-loyers et des charges, diminué du montant des loyers et des charges dont elle aurait dû s'acquitter envers son bailleur ;

- Dit que pour la période écoulée entre le 4 novembre 2005, date de l'expulsion et le 7 octobre 2008, date de l'arrêt infirmatif, Me [B] [F], en son nom personnel est tenu de garantir la société Cedade des condamnations mises à sa charge ;

- Rejeté les demandes présentées par la société Cedade à l'encontre de Me [B] [F], pris en qualité de mandataire liquidateur de la société [Localité 9] Immobilier ;

- Institué une mesure d'expertise pour faire un compte entre les parties et commet pour y procéder

Mme [W] [J], [Adresse 2], en lui donnant pour mission de proposer à la cour un calcul des bénéfices perdus par la société Epindus;

- Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du nouveau code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la juridiction avant le 30 juin 2019,

- Fixé à la somme de 2.500€ la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la société Epindus à la Régie de la cour d'appel de Paris avant le 10 novembre 2018,

- Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,

- Dit que l'affaire sera appelée à l'audience du jeudi 15 novembre 2018 à 13 heures pour vérification du versement de la consignation et qu'à défaut de versement elle sera radiée;

- Sursis à statuer sur le surplus des demandes ;

- Réservé les dépens et l'éventuelle application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 juin 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu ses dernières conclusions déposées le 10 juin 2022, par lesquelles la société Epindus, appelante, demande à la Cour de :

- Fixer le montant de la perte de bénéfice subie par la société Epindus au cours de la période pendant laquelle elle a été illicitement privée de la gestion du site, soit du 4 novembre 2005 au 14 octobre 2009, après déduction des sommes par elle encaissées à titre de sous loyer sur cette même période, à la somme de 492.034,72 €;

- Condamner la société Cedade, à payer à la société Epindus, en réparation du préjudice par elle subi, la somme de 492.034,72 € assortie des intérêts au taux légal majoré de 0,5 points à compter de l'assignation introductive d'instance en date du 21 septembre 2010, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code Civil;

A titre subsidiaire

- Condamner la société Cedade, à payer à la société Epindus, en réparation du préjudice par elle subi, la somme de 391.247,37 € assortie des intérêts au taux légal majoré de 0,5 points à compter de l'assignation introductive d'instance en date du 21 septembre 2010, outre capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code Civil;

En tout état de cause

- Juger la société Cedade tant irrecevable que mal fondée en sa demande d'allocation de dommages et intérêts;

- Débouter la société Cedade de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner la société Cedade à payer à la société Epindus la somme de 69.720 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamner la société Cedade aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de l'expertise de Mme [J] d'un montant de 33.639,62 €, dont distraction, pour ceux la concernant, au profit de la société [S] &Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu ses dernières conclusions déposées le 9 juin 2022, par lesquelles la société d'activité d'[Localité 9], intimée, demande à la Cour de :

- Réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil du 20 juillet 2015 en toutes les dispositions qui n'ont pas fait l'objet d'une décision par la cour d'appel de Paris le 3 octobre 2018;

- Fixer le montant de la perte de bénéfice de la société Epindus aux sommes suivantes:

- 294.180,13€ pour la période du 4 novembre 2005 au 7 octobre 2008,

- 35.104,76€ pour la période du 8 octobre 2008 au 14 octobre 2009;

- Débouter la société Epindus de toutes ses autres demandes;

- Condamner Maître [B] [F] pris en son nom personnel, à garantir la société Cedade de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre pour la période du 4 novembre 2005 au 7 octobre 2008 sur la base des anciens articles 1382 et suivants du Code Civil devenues les articles 1240 et suivants du code civil;

- Condamner in solidum Maître [B] [F] pris en son nom personnel, et la société Epindus au paiement de la somme de 150.000€ à titre de dommages et intérêts sur la base des anciens articles 1382 et suivants du code civil devenus les articles 1240 et suivants du code civil;

- Condamner in solidum Maître [B] [F] pris personnellement et la société Epindus au paiement de la somme de 50.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu ses dernières conclusions déposées le 14 juin 2022, par lesquelles Maître Bertrand Jeanne, intimé à titre personnel sur appel provoqué, demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions non affectées par l'arrêt du 03 octobre 2018,

- Rejeter comme irrecevable, comme nouvelle en appel subsidiairement comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée et très subsidiairement comme prescrite, la demande de la SCI Centre d'activité d'Epinay (CE.DA.DE) tendant à la condamnation de Maître [F], in solidum avec la société [Localité 9] Industrie, à lui payer 150.000 € à titre de dommages-intérêts,

- Limiter à une perte de chance s'appliquant sur une base hors taxe et sur la somme maximale de 294.190,13 € toute condamnation de Maître [B] [F] personnellement, spécialement à garantir la société Cedade,

- Rejeter toutes prétentions plus amples ou contraires,

- Condamner la société Cedade

- à payer au concluant 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux entiers dépens d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Jeanne Baechlin avocat.

Vu ses dernières conclusions déposées le 7 mars 2016 et à nouveau signifiées le 17 mai 2017, par lesquelles Maître [B] [F], intimé sur appel provoqué es qualités de mandataire liquidateur de la SNC [Localité 9] Immobilier, demande à la Cour de débouter la société Cedade de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris, de condamner la société Cedade à lui payer la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de maître Alain Maury.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la recevabilité de la demande de la SCI Centre d'activité d'Epinay (CE.DA.DE) tendant à la condamnation de Maître [F], in solidum avec la société [Localité 9] Industrie, à lui payer 150.000 € à titre de dommages-intérêts

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile : A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La demande en dommages-intérêts contre maître [C] [F] n'avait pas été présentée en première instance et constitue une demande nouvelle, comme le reconnaît la société Cedade. Le rejet d'une partie de ses prétentions par l'arrêt du 3 octobre 2018 ne constitue pas un fait nouveau au sens du texte précité, et rien n'empêchait la société Cedade de former la demande de dommages-intérêts en première instance, à titre principal ou subsidiaire.

Cette demande est irrecevable en ce qu'elle est formée à l'encontre de maître [F].

En revanche, la demande formée contre la société Epindus est recevable, n'étant pas nouvelle mais seulement augmentée dans son quantum, même si les moyens invoqués à l'appui de cette prétention sont nouveaux. La demande ne se heurte pas davantage à l'autorité de la chose jugée dès lors que, au moins pour partie, elle se rapporte au caractère abusif prétendu de la présente procédure.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Epindus

Par son arrêt du 3 octobre 2018 avant dire droit sur le préjudice, la cour a déjà jugé que la société Cedade est responsable du préjudice subi par la société Epindus en raison de l'exécution forcée du jugement du instance de Saint-Ouen du 12 juillet 2005 qui a été infirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 octobre 2008, pour la période écoulée entre le 4 novembre 2005, date de l'expulsion des lieux, et le 14 octobre 2009, date de la reprise.

La Cour a déjà défini le préjudice, jugeant qu'il est égal à la perte du bénéfice de la société Epindus correspondant au montant de l'ensemble des sous loyers qu'elle aurait pu encaisser pendant cette période, déduction faite d'un abattement de 30 % pour tenir compte du taux de rotation des sous-locataires et des impayés des sous loyers et charges, diminuée du montant des loyers et les charges dont elle aurait dû s'acquitter envers son bailleur.

Madame [W] [J] a déposé son rapport ; elle a estimé la perte de bénéfices au montant de 326.761,05 € pour la période du 4 novembre 2005 au 7 octobre 2008 et au montant de 97'057,24 € pour la période du 8 octobre 2008 au 14 octobre 2009, soit au total un montant de 423'818,29 €, selon le tableau suivant, sans tenir compte des arrondis:

pertes de recettessommes dues au bailleur par Epinduspréjudice

recetteschargestaxe FTotalloyerschargestaxe Fassurancetotal

du 4/11/05 au 31/12/05 (57 jours)46825,647027,40

2006321569,6845000,00

2007327000,0045000,00

du 01/01/08 au 6/1O/08 (279 jours)270166,2634397,26

sous total brut965561,58131424,66

sous total 70% au 6/10/08675893,1191997,26107288,39875178,76325131,5144596,99173281,865407,64548418,00326760,76

du 07/10/2008 au 31/12/08 (86 jours)83277,0610602,74

du 01/01/2009 au 14/10/09 (287 jours)282739,7835383,56

sous total brut366016,8445986,30

sous total 70% du 7/10/08 au 14/10/09256211,7932190,4144552,58332954,78128989,6023910,7674634,868362,28235897,5097057,28

total 932104,89124187,67151840,971208133,54454121,1168507,75247916,7213769,92784315,50423818,04

L'expert a évalué les sommes encaissées par la société Epindus sur la période du 4e trimestre 2005 au 2e trimestre 2006 au montant de 32'570,92 €. Elle en déduit que l'indemnité à verser à la société Epindus, par différence, peut être évaluée au montant de 391'247,37 €.

Pour établir ces montants, l'expert a évalué les sous loyers théoriques en tenant compte l'évolution des loyers sur la période suivant la variation de l'indice du coût de la construction, diminués d'un abattement de 30 %; puis les charges théoriques en se référant aux clauses des sous baux, en tenant compte des dépenses justifiées par des factures, de la taxe foncière, en déterminant le montant des factures non récupérables sur les sous locataires.

L'expert s'est ensuite attaché à évaluer le montant des loyers et charges que la société Epindus aurait dû payer pour la même période, tenant compte des clauses contractuelles, de la réglementation applicable, des factures produites, de l'impôt foncier et des assurances.

Maître [F] ne conteste pas les données chiffrées du rapport d'expertise, sauf à ce que le montant perçu, soit 32'570,92 €, soit déduit de la somme qu'il doit garantir, puisque cette somme a été perçue au cours de la période concernée.

La société Epindus maintient pour le principe de sa demande de dommages-intérêts pour le montant de 524'605,64 €, se référant à ses réclamations antérieures au cours de l'expertise ; mais elle ne développe dans ses conclusions aucune critique du rapport.

La société Cedade prétend que l'expert n'a pas répondu à son dire du 12 mai 2021 par lequel elle soutenait que la société Epindus aurait reconnu avoir reçu en 2009 la somme de 115'742 €; elle propose un calcul tendant à établir que celle-ci n'aurait dû percevoir qu'un loyer théorique qu'elle évalue à 53'789,52 € de sorte que la différence d'un montant de 61'952,48 € devrait venir en déduction du montant de l'indemnisation.

À l'inverse de ce qui est prétendu, le rapport d'expertise, en page 63, comporte une réponse au dire du 12 mai 2021, reprenant dans un tableau le chiffre litigieux des encaissements 2009, et se référant au rapport de Monsieur [Z] qui avait été communiqué à l'expert en annexe au dire susvisé. L'expert a répondu que pour vérifier les chiffres qui avaient été avancés par la société Epindus, Monsieur [Z] avait tenté d'effectuer un rapprochement avec les encaissements théoriques calculés à partir de la TVA collectée comptabilisée au titre des déclarations mensuelles des années 2002 à 2005, et 2010, pour en déduire qu'aucun contrôle n'avait en conséquence été réalisé sur la période 2006/2009.

Cette réponse suffit à établir que le chiffre de 115'742 € qui avait été avancé dans le cadre de l'expertise de Monsieur [Z] n'avait pas pu être vérifié ni validé d'une quelconque façon. Il résulte de cette constatation de l'expert judiciaire que ce chiffre ne peut pas être pris en compte, ne pouvant pas être imputé précisément à des loyers et charges, et qu'il pourrait en conséquence se rapporter, si toutefois il était avéré, à d'autres créances que les éléments comptables produits ne permettent pas de vérifier.

En conclusion, les évaluations de la perte du bénéfice théorique, et les encaissements sur la période litigieuse, sont établis par les données et avis du rapport d'expertise qui doivent être adoptés.

Dans l'arrêt du 3 octobre 2018, la cour d'appel avait défini la méthode de calcul du préjudice subi par la société Epindus. Il est cependant certain qu'en application de cette méthode, le préjudice ainsi établi ne tient pas compte de l'érosion monétaire, puisqu'il repose sur une perte de la trésorerie correspondant au bénéfice non perçu en temps utile, sous déduction des sommes dues au bailleur venant en compensation.

Il en résulte que la réparation intégrale du préjudice suppose une actualisation de ces chiffres au jour de la condamnation qui intervient plus de 13 ans après la fin de la période concernée. La somme de 391'247,37 €, soit plus précisément les sommes de 294'180,13 € pour la période du 4 novembre 2005 au 7 octobre 2008 et 97'057,24 € pour la période du 8 octobre 2008 au 14 octobre 2009, seront augmentées à titre de dommages et intérêts compensatoires, des intérêts sur ces sommes calculées au taux légal depuis la date de l'assignation introductive d'instance du 21 septembre 2010, mais ils ne seront capitalisés qu'à compter du présent arrêt, s'ils sont dus pour une année entière, en application des dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

Sur l'appel en garantie de la société Cedade à l'encontre de maître [F]

la Cour a déjà statué sur le principe de l'obligation de garantie de Maître [F] en son nom personnel, pour le préjudice subi correspondant à la période écoulée entre le 4 novembre 2005, date de l'expulsion, et le 7 octobre 2008, date de l'arrêt infirmatif.

Il doit en conséquence être condamné à garantir la société Cedade de la condamnation pour un montant de 294'180,13 € pour la période du 4 novembre 2005 au 7 octobre 2008 , cette somme étend augmentée à titre de dommages et intérêts compensatoires, des intérêts calculées au taux légal depuis la date de l'assignation introductive d'instance du 21 septembre 2010, capitalisés à compter du présent arrêt, s'ils sont dus pour une année entière, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Maître [F] n'est pas fondé à demander que sa condamnation soit limitée pour n'indemniser qu'une perte de chance alors que d'une part la somme précitée correspond au préjudice réellement subi par la société Cedade, imputable à sa faute, du fait de la condamnation de cette dernière à titre principal ; et que d'autre part la méthode de calcul du préjudice tient déjà indirectement compte, par un abattement de 30% sur les bénéfices théoriques, du caractère aléatoire du préjudice financier ne pouvant pas égaler le préjudice théoriquement défini.

Sur la demande de dommages-intérêts de la société Cedade

La demande de 150.000 € de dommages-intérêts à l'encontre de la société Epindus n'a pas dégénéré en abus de droit du seul fait de son caractère excessif, comme le prétend à tort la société Cedade.

Par ailleurs, il n'est pas établi que la société Cedade a subi un préjudice, que d'ailleurs elle entend fixer forfaitairement pour de multiples causes de reproche, se contentant finalement d'affirmer qu'il serait hors de doute que le comportement de la société Epindus aurait affecté durablement les relations entre la société Cedade et les sous locataires après son départ des lieux.

En l'absence de preuve d'un préjudice précis, imputable à des fautes matériellement établies, la demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Epindus n'est pas fondée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Par l'arrêt du 3 octobre 2018, la Cour a infirmé le jugement déféré, n'en laissant subsister aucune disposition.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Cedade et maître [C] [F] à titre personnel, compte tenu des condamnations prononcées à leur encontre, devront supporter les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, chacun pour moitié. Leur distraction sera ordonnée en application de l'article 699 du même code.

Maître [B] [F], es qualités de mandataire liquidateur de la SNC [Localité 9] Immobilier, doit être débouté, en équité, de sa demande de condamnation pour frais irrépétibles.

La société Epindus justifie de frais non compris dans les dépens, qu'elle a exposés pour faire valoir ses droits depuis l'introduction de l'instance devant le tribunal, soit:

- 31.320 € de frais d'expertise comptable selon 4 factures (pièces n° 124 ' 125 et 185)

- 38.400 € de frais d'avocat selon 11 factures (pièces n° 186, 206, 211)

En équité, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Cedade doit être condamnée à l'indemniser de ces frais à concurrence de la somme de 30'000€.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe,

par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt 3 octobre 2018,

DÉCLARE irrecevable la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) en sa demande de dommages intérêts à l'encontre de Maître [C] [F],

REJETTE la fin de non-recevoir de la société civile particulière [Localité 9] Industries (Epindus),

CONDAMNE la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) à payer à la société civile particulière [Localité 9] Industries (Epindus) à titre de dommages et intérêts la somme de 391'247,37 €, avec intérêts au taux légal depuis la date de l'assignation introductive d'instance du 21 septembre 2010, capitalisés à compter du présent arrêt, s'ils sont dus pour une année entière,

CONDAMNE Maître [C] [F] personnel à garantir la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) de cette condamnation dans la limite de la somme de 294'180,13 € avec intérêts au taux légal depuis la date de l'assignation introductive d'instance du 21 septembre 2010, capitalisés à compter du présent arrêt, s'ils sont dus pour une année entière,

DÉBOUTE la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société civile particulière [Localité 9] Industries (Epindus),

CONDAMNE la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) à payer à la société civile particulière [Localité 9] Industries (Epindus) la somme de 30'000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles d'instance,

DÉBOUTE maître [B] [F] et la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) de leurs demandes à ce titre,

FAIT masse des dépens de première instance et d'appel, et condamne maître [B] [F] à titre personnel et la SCI centre d'activité d'[Localité 9] (Cedade) aux dépens, chacun pour moitié ; autorise Maître [T] [A] AARPI M & J et la SELARL [S] & ASSOCIES représentée par Maître [G] [S], à recouvrer directement les dépens dont ils ont fait l'avance sans recevoir de provision.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 15/17522
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;15.17522 ?
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