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13/09/2022 | FRANCE | N°19/16490

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 13 septembre 2022, 19/16490


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16490 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASAB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/06274





APPELANTE



FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SAUVETAGE ET DE SECOURISME

(FFSS)

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Pierre ECHARD-JEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1562





INTIMÉE



UNITÉ MOBILE DE PREMIERS SECOURS DE [Localité...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16490 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CASAB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/06274

APPELANTE

FÉDÉRATION FRANÇAISE DE SAUVETAGE ET DE SECOURISME (FFSS)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre ECHARD-JEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1562

INTIMÉE

UNITÉ MOBILE DE PREMIERS SECOURS DE [Localité 3] (UMPS 75)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et assistée de Me Vincent SENEJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nicole COCHET, Première présidente

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente, pour Mme Nicole COCHET, première présidente empêchée, et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

L'association des sauveteurs et secouristes de [Localité 3] (ci-après l'ASSP ) est une association régie par la loi du 1er juillet 1901 créée en 2010 et qui est désormais dénommée l'Unité mobile de premiers secours de Paris (ci-après l'UMPS 75) .

Elle a pour objet d'intervenir en France ou à l'étranger, dans les domaines des missions de sécurité civile (catégories A, B, C et D définies par l'article R.725-1 du code de la sécurité intérieure), des missions d'urgence et de secourisme, de l'enseignement du secourisme, des missions humanitaires, de la solidarité internationale et de l'urgence sociale.

Depuis sa création en 2010 et jusqu'au 24 avril 2017, l'ASSP était affiliée à la Fédération française de sauvetage et de secourisme (ci-après la FFSS).

La FFSS, fondée en 1899, également régie par la loi du 1er juillet 1901 et reconnue d'utilité publique par décret du 25 février 1927, regroupe des associations ayant leur siège en France métropolitaine et dans les départements et territoires d'outre-mer et ayant pour objet l'organisation et la promotion du sauvetage et du secourisme, moyen d'éducation et de culture, moyen d'intégration et de participation à la vie sociale et citoyenne.

Les statuts de la FFSS du 31 mars 2007 sont complétés par un règlement intérieur, un règlement disciplinaire ainsi qu'un règlement en matière de lutte contre le dopage.

La FFSS est titulaire d'un agrément national de sécurité civile, dont elle fait bénéficier les associations qui lui sont affiliées, comme c'était le cas de l'ASSP, en application de l'article R.725-7 du code de la sécurité intérieure, dans sa version antérieure au 1er juillet 2017.

En qualité d'association affiliée à une fédération agréée au niveau national, l'ASSP pouvait participer aux dispositifs de sécurité locaux, et notamment aux missions relevant de l'agrément D, lesquelles représentaient 70% des ressources de l'association.

Par ailleurs, par arrêté du 2 mai 2016, le préfet de police de [Localité 3] a agréé le comité départemental de [Localité 3] de la FFSS composé notamment de l'ASSP pour les formations aux premiers secours dans le département de [Localité 3], conformément aux dispositions des décrets n° 91-834 du 30 août 1991, n° 92-514 du 12 juin 1992, n° 92-1195 du 5 novembre 1992 et n° 97-48 du 20 janvier 1997.

Cet agrément est distinct de l'agrément de sécurité civile visé à l'article R 725-1 du code de la sécurité intérieure.

Faisant suite à un échange de courriers à compter du 12 décembre 2016, le comité directeur de la FFSS a décidé d'une mesure administrative conservatoire de suspension des agréments 'formatifs et opérationnels' de l'ASSP lors de sa réunion du 24 mars 2017 et le président de la fédération a notifié par lettre du 28 mars suivant à l'ASSP qu'il procédait immédiatement à cette mesure en indiquant :

' Des dysfonctionnements graves par rapport aux règles étatiques et fédérales ont été constatées dans la conduite de formations et de missions de sécurité civile :

- subdélégation d'agrément,

- faux diplômes,

- refus de conformité dans l'établissement de conventions.

Il s'agit de dysfonctionnements graves, délibérés, avérés'.

Une copie de cette lettre était transmise au préfet de police de [Localité 3], ainsi qu'aux services de la DGSCGC du ministère de l'intérieur, autorités de tutelle des activités de sécurité civile et de formation de secourisme.

Cette décision a conduit l'ASSP à cesser immédiatement toutes ses activités de formation et de missions de sécurité civile.

Lors de son assemblée générale du 18 avril 2017, elle a décidé de se désaffilier de la FFSS et de s'affilier à l'Institut national des unités mobiles des premiers secours (IN-UMPS).

Afin de poursuivre ses activités, notamment en matière de dispositifs prévisionnels de sécurité, l'ASSP nouvellement désignée UMPS 75 a constitué un dossier et a saisi la préfecture de police de [Localité 3], le 4 mai 2017, d'une demande d'agrément portant sur les missions de sécurité civile A, B, C et D, conformément aux dispositions de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004.

Par décision du 25 septembre 2017, le préfet de police de [Localité 3] a rejeté sa demande.

Par ordonnance de référé du 9 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris a suspendu cette décision de refus d'agrément et a enjoint au préfet de police de Paris de réexaminer la demande d'agrément de l'association dans un délai de deux mois, considérant notamment que 'le préfet de police a entaché sa décision d'erreurs matérielles et d'erreurs d'appréciation sur l'existence, la nature des dysfonctionnements ou irrégularités qui lui avaient été signalés sur fond de querelles internes à la fédération française de sauvetage et de secourisme'.

Par arrêté du 4 avril 2018, le préfet de police de [Localité 3] a accordé à l'UMPS75 l'agrément sollicité pour exécuter des missions de sécurité civile de catégorie A, B, C et D sur le département de [Localité 3].

Par acte du 29 mai 2018, l'UMPS75 a fait assigner la FFSS devant le tribunal de grande instance de Paris en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 9 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

- annulé la décision de suspension d'agrément du 24 mars 2017 notifiée le 28 mars 2017,

- condamné la FFSS à verser à l'UMPS 75 les sommes suivantes :

8 000 euros en réparation du préjudice moral,

90 000 euros en réparation du préjudice financier,

- débouté l'UMPS 75 pour le surplus et autres demandes à ce titre,

- ordonné à la FFSS de permettre à l'ensemble de ses adhérents la lecture de l'intégralité du jugement par le moyen d'un lien hypertexte devant figurer sur la page d'accueil de son site internet ainsi que sur celles de ses applications sur tablettes et téléphones pendant une durée de deux mois, ce lien hypertexte devant être mis en place et activable sur ces pages d'accueil,

- dit que la mesure qui précède devra être mise en place dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 1 500 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai, cette mesure d'astreinte ne pouvant courir que pendant trois mois consécutifs,

- condamné la FFSS à verser à l'UMPS 75 la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus et autres demandes,

- condamnée la FFSS aux entiers dépens.

Par déclaration du 9 août 2019, la FFSS a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 21 janvier 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a :

- ordonné la consignation entre les mains du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3] de la somme de 52 740,58 euros saisie par l'UMPS 75 sur un compte bancaire de la FFSS,

- condamné la FFSS à payer à l'UMPS 75 la somme de 135 000 euros en liquidation de l'astriente fixée apr le jugement du 9 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 1er octobre 2021, la FFSS demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

à titre principal

- dire et juger irrecevable l'action de l'UMPS 75,

en conséquence,

- la condamner à rembourser les sommes perçues suite à la décision de première instance (51 740,58 euros) et à celle du juge de l'exécution de Paris (136 500 euros),

- autoriser le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3], désigné comme séquestre par le juge de l'exécution et déjà en possession de la somme de 51 740,58 euros, à lui restituer cette somme,

à titre subsidiaire

- débouter l'UMPS 75 de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'UMPS 75 à rembourser les sommes perçues suite à la décision de première instance (51 740,58 euros) et du juge de l'exécution de Paris (136 500 euros),

- autoriser le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3], désigné comme séquestre par le juge de l'exécution et déjà en possession de la somme de 51 740,58 euros, à lui restituer cette somme,

à titre très subsidiaire,

- fixer le montant des dommages et intérêts à de plus justes raisons,

- condamner l'UMPS 75 à lui verser la somme de10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 5 janvier 2022, l'UMPS 75 demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes, et l'y déclarant bien fondée,

à titre principal,

- débouter la FFSS de la fin de non-recevoir opposée à ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nulle la décision de suspension d'agrément du 24 mars 2017, condamné la FFSS à indemniser les préjudices subis par la FFSS et ordonné la publication du jugement de première instance dans un délai d'un mois et sous astreinte de 1500 euros par jour de retard au-delà pour une durée maximale de trois mois,

en tant que de besoin et ajoutant à la décision de première instance,

- déclarer nulle la décision de suspension d'agrément du 24 mars 2017 en tant qu'elle constitue une sanction ou, à défaut, une mesure conservatoire, et dès lors qu'elle n'est fondée sur aucun motif sérieux,

par voie de conséquence,

- débouter la FFSS de ses demandes, fins et conclusions,

sur l'appel incident,

- condamner la FFSS à lui verser la somme de 283 175,35 euros à titre de dommage et intérêts en réparation de l'ensemble des préjudices subis, ajoutant au dispositif du jugement de première instance,

- ordonner à la FFSS, à ses frais, dans un délai de 15 jours à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard au-delà de ce délai, de :

publier l'intégralité de l'arrêt de condamnation à intervenir sur la page d'accueil de son site internet pour une durée de 60 jours,

publier le dispositif de l'arrêt de condamnation dans trois journaux ou magazines diffusés au minimum dans l'ensemble du département de [Localité 3], sur un format d'au moins un quart de page,

à titre subsidiaire,

- débouter la FFSS de la fin de non-recevoir opposée à ses demandes,

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

déclaré nulle la décision de suspension d'agrément du 24 mars 2017,

fixé les préjudices qu'elle a subis à la somme de 98 000 euros,

ordonné la publication du jugement sur la page d'accueil du site internet de la FFSS pour une durée de deux mois, sous une astreinte de 1500 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement,

condamné la FFSS à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens,

en tout état de cause,

- autoriser le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3], en qualité de séquestre désigné par le juge de l'exécution dans son jugement du 21 janvier 2020, à verser la somme de 51 740,48 euros à son profit, ladite somme devant venir en déduction des condamnations prononcées par ailleurs à l'encontre de la FFSS,

- condamner la FFSS à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- condamner la FFSS en tous les dépens de première instance et d'appel.

Selon avis notifié le 30 septembre 2021, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il annule la sanction prise par la FFSS et octroie des dommages et intérêts à l'UMPS 75.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 mars 2022.

Par avis en cours de délibéré du 13 juillet 2022, la cour a :

- soulevé d'office le moyen de nullité de la mesure conservatoire de suspension des agréments formatifs et opérationnels de l'ASSP devenue UMPS 75 prise par le comité directeur de la FFSS tiré d'un excès de pouvoir dudit comité directeur, en application de l'article 4.2 la circulaire, visée par la FFSS, du 12 mai 2006 relative à la procédure d'agrément de sécurité civile au bénéfice des associations prévue aux articles R.725-1 et suivants du code de la sécurité intérieure et de l'article 17 de l'arrêté du 8 juillet 1992 relatif aux conditions d'habilitation ou d'agrément pour les formations aux premiers secours et s'appliquant aux habilitations départementales telle celle donnée au profit de l'ASSP le 2 mai 2016, réservant au seul préfet de police de [Localité 3] le pouvoir de prendre une mesure conservatoire en cas d'insuffisances graves dans les activités d'une association départementale affiliée à une fédération,

- invité les parties à formuler leurs observations sur ce moyen de nullité au plus tard le 2 septembre 2022,

- dit que le délibéré prorogé au 13 juillet 2022 est de nouveau prorogé au 13 septembre 2022.

L'UMPS 75 et le Ministère public ont répondu par note en délibéré du 4 août 2022 et la FFSS par note du 24 août suivant.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

La FFSS soulève une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action introduite par l'UMPS 75 aux motifs que :

- son contrat d'association prévoit qu'elle est régie par les lois et règlements régissant les fédérations sportives, lesquelles sont organisées par le code du sport, peu important la nature du contentieux,

- elle doit être rapprochée des fédérations sportives dans sa mission relative au sauvetage sportif puisqu'elle a émis le règlement des compétitions de sauvetage sportif, lequel constitue une discipline sportive à part entière avec des épreuves précises, de sorte que le caractère de fédération sportive ne peut lui être dénié et que, par voie de conséquence, l'application du code du sport s'impose,

- l'article S.3 de ses statuts précise qu'elle est composée d'associations sportives constituées dans les conditions prévues à l'article L.121-1 du code du sport et en adhérant à la FFSS, l'UMPS 75 a donc acquis le statut d'association sportive, peu important que ses statuts ne prévoient pas de pratique sportive, ce qui n'est pas le cas au demeurant, et par conséquent, le litige concerne une association sportive et une fédération sportive agréée au sens de l'article L.141-4 du code du sport,

- l'article R.141-5 de code du sport qui prévoit que préalablement à tout recours contentieux, le comité national olympique doit être obligatoirement saisi pour une mission de conciliation, est d'ordre public,

- à défaut de cette conciliation prélable, le recours de l'UMPS 75 est irrecevable.

L'intimée soulève que le code du sport n'a pas lieu à s'appliquer et que le comité national olympique et sportif français (CNOSF) n'avait pas à être saisi aux motifs que :

- il s'agit d'un contentieux qui ne présente aucun lien avec la pratique d'une activité sportive et le litige s'inscrit dans le cadre des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives aux agréments de sécurité civile,

- l'article L.141-4 du code du sport précise que le CNOSF est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées,

- l'UMPS 75 dont la seule activité est l'exercice de missions de sécurité civile et de formations en la matière n'a aucun lien avec le ministère des sports,

- sa nature est définie par ses statuts et non par ceux de la FFSS et ceux-ci ne se réfèrent pas au code du sport,

- le litige ne s'inscrit aucunement dans le cadre des prérogatives de puissance publique exercées par une fédération sportive,

- aucune saisine préalable du CNOSF ne pouvait être exigée concernant le litige opposant une association et une fédération qui n'ont plus aucun lien de droit, l'UMPS 75 étant désaffiliée de la FFSS depuis plusieurs années.

Le ministère public est d'avis que la recevabilité de l'appel ne peut être contestée en ce que :

- en vertu des articles R.141-5 et L.141-4 du code du sport, le litige doit concerner deux parties ayant un lien certain avec une pratique sportive,

- en l'espèce, si la FFSS est affiliée au ministère des sports, il n'en est rien pour l'association UMPS 75 dont la seule activité est l'exercice de missions de sécurité civile et de formation en la matière,

- par conséquent, le litige ne concerne pas une fédération sportive et une association sportive et le CNOSF n'est pas compétent pour intervenir et aucune conciliation préalable n'est obligatoire.

L'article L.141-4 du code des sports dispose que :

Le Comité national olympique et sportif français est chargé d'une mission de conciliation dans les conflits opposant les licenciés, les agents sportifs, les associations et sociétés sportives et les fédérations sportives agréées, à l'exception des conflits mettant en cause des faits de dopage.

L'article R.141-5 du même code précise que :

La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts.

L'agrément visé par l'article L.141-4 du code des sports est celui donné par le ministère chargé des sports prévu à l'article L.131-8 du même code lequel est subordonné à la capacité de la fédération à participer à la mise en oeuvre de la politique publique du sport.

Toutefois, la décision prise par la FFSS de suspension provisoire de l'agrément donné à l'ASSP qui lui était affiliée a été prise en sa qualité de fédération agréée non pas au titre de l'article L.131-8 du code des sports mais au titre des articles R.725-1 et suivant du code de la sécurité intérieure prévoyant un agrément de sécurité civile délivré par le ministre chargé de la sécurité civile, et notamment, l'article R.725-7 relatif à l'agrément national, lequel permet aux fédérations d'associations agréées au niveau national de dresser la liste des associations membres aptes à participer aux missions ayant fait l'objet des agréments.

Elle se prévaut d'ailleurs de l'agrément national qui a été renouvelé par arrêté du ministre de l'intérieur du 12 novembre 2015 pour justifier la mesure conservatoire prise qui est contestée.

En conséquence, la FFSS soutient à tort que le comité national olympique aurait dû être obligatoirement saisi pour une mission de conciliation avant tout recours contentieux de l'UMPS 75 et la fin de non-recevoir qu'elle soulève doit être rejetée.

Sur la nullité de la décision du 24 mars 2017

Le tribunal a annulé la décision conservatoire de suspension d'agrément prononcée le 24 mars 2017 aux motifs que :

- jusqu'au 24 avril 2017, l'UMPS 75 était affiliée à la FFSS et liée par le contrat d'association de la fédération,

- la décision litigieuse prise par le comité directeur de la FFSS le 24 mars 2017 et notifiée par lettre du président de la FFSS à l'ASSP le 28 mars suivant, fait indiscutablement grief puisqu'elle a pour objet et pour effet d'interdire à l'ASSP de poursuivre ses activités de formation et d'opérations de sécurité civile et s'analyse comme une sanction,

- la qualification donnée par la FFSS de mesure de suspension conservatoire administrative ne saurait être retenue, dans la mesure où cette décision, censée être provisoire dans l'attente d'une décision définitive, n'est assortie d'aucun délai et qu'aucune procédure disciplinaire n'a été engagée après son prononcé,

- la sanction n'a pas été prise par l'instance désignée par les statuts et les règlements intérieurs et disciplinaires de la FFSS, qui font la loi des parties, et notamment l'article 2 du règlement disciplinaire,

- l'échange de lettres précédant la sanction invoqué par la FFSS pour tenter de justifier du respect d'une procédure contradictoire, n'est conforme ni à la procédure prévue par les statuts et le règlement disciplinaire ni aux principes généraux qui encadrent les droits de la défense, ces lettres étant des demandes de renseignements, de justification ou de précisions qui ne s'apparentent pas au préalable d'une procédure de sanction,

- la FFSS ne démontre ni la réalité ni la gravité des griefs reprochés à l'ASSP au moment du prononcé de la sanction,

- il se déduit directement des motifs de l'ordonnance de référé du président du tribunal administratif du 9 janvier 2018 que les motifs ayant présidé à la suspension d'agrément n'étaient fondés ni en fait, ni en droit et que ces motifs reposaient soit sur des faits qui avaient été résolus par l'association suite aux interrogations et demandes de la fédération, soit sur de simples difficultés pratiques en cours de résolution et sans gravité s'agissant notamment de l'usage du système Eos, de sorte qu'ils étaient devenus sans objet au moment de la prise de sanction.

La FFSS soutient que :

- la qualification de sanction disciplinaire est erronée,

- en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation, dans le silence des statuts, une mesure conservatoire pouvait être prise par le comité directeur de la FFSS qui aux termes de l'article 11 de son règlement intérieur a pour mission de veiller au respect des statuts, lesquels prévoient en leur article S 9 alinéa 2 que la fédération puisse contrôler les associations départementales, sans aucune condition d'urgence,

- le procès-verbal de la réunion du comité directeur fait état d'une mesure conservatoire administrative de suspension des agréments, soit une mesure de protection des intérêts fédéraux et en aucun cas d'une mesure de sanction,,

- elle dispose d'un agrément national qui a été renouvelé par arrêté du ministre de l'intérieur du 12 novembre 2015 et elle risque elle-même une suspension ou un retrait d'agrément en cas de 'fonctionnement non conforme aux conditions, aux critères et aux pratiques définis dans les textes réglementaires' de l'une des associations la composant, de sorte qu'il lui était impossible de prendre le risque d'une suspension ou d'un retrait de son agrément national pour les seuls actes réalisés par l'une de ses associations membres,

- il était reproché la délivrance de faux diplômes et une subdélégation d'agrément et au regard de la jurisprudence, la suspension de l'agrément d'une association de sécurité civile, lorsqu'elle ne présente plus les garanties exigées des organismes participant aux dispositifs de sécurité locaux est fondée,

- son comité directeur se devait de prendre une mesure conservatoire pour protéger l'agrément dont bénéficient toutes les autres associations membres et pour faire assurer un bon respect des statuts,

- le préfet de police a par la suite refusé un agrément direct de l'UMPS 75 en relevant que celle-ci ne présentait pas les garanties exigées des organismes participant aux dispositifs de sécurité locaux,

- le principe du contradictoire a été respecté car au fil des échanges épistolaires entre les parties, tous les éléments sources de la suspension ont été abordés et développés et l'UMPS a ainsi pu faire valoir ses arguments,

- le but de la décision de suspension n'était pas un préalable à une procédure disciplinaire mais une mesure préventive de protection de la FFSS prise dans l'urgence afin de mettre fin aux agissements contraires aux lois, règlements et statuts,

- la FFSS pouvait espérer un retour à une position admissible de l'UMPS 75 dans un délai raisonnable, et si cela avait été le cas, il n'y aurait pas eu lieu à des poursuites disciplinaires,

- les manquements reprochés sont avérés, la présidente de l'UMPS 75 ayant reconnu 'une erreur somme toute importante', Mme [U] formatrice ne bénéficiant d'aucun agrément pour délivrer des attestations de réussite aux formations aux premiers secours, surtout au nom de la FFSS, les ' anomalies' de fonctionnement reprochées n'ayant pas disparu au jour de la suspension.

Répondant au moyen soulevé d'office par la cour, elle fait valoir que s'il n'est pas discuté que le préfet de police bénéficie du pouvoir de prendre une mesure conservatoire en cas d'insuffisances graves dans les activités d'une association départementale affiliée à une fédération,un tel pouvoir ne lui est pas réservé de manière exclusive et elle a pris dans mesure querellée en vertu de l'article 10 de l'arrêté du 8 juillet 1992 qui lui fait obligation de veiller au respect des conditions d'agrément des associations départementales affiliées, de sorte qu'elle n'a pas commis d'excès de pouvoir.

L'UMPS 75 demande la nullité des décisions prises les 24 et 28 mars 2017 en arguant que :

- aucune disposition des statuts de la FFSS ne prévoit la possibilité pour le comité directeur de la FFSS ou pour son président de prendre une mesure administrative conservatoire de suspension d'agrément,

- les décisions de suspension de ses agréments normatifs et opérationnels l'ont privée du droit d'exercer ses activités et constituent une sanction disciplinaire au sens de l'article 18 du règlement disciplinaire de la FFSS,

- la sanction a été prise au mépris de la procédure fixée par le règlement disciplinaire applicable au sein de la FFSS, ainsi que des droits de la défense puisqu'à aucun moment le représentant statutaire de l'association n'a été convoqué devant l'organe disciplinaire, n'a pu être représenté, n'a pu consulter le rapport et l'intégralité du dossier et n'a été informé des modalités d'exécution de la décision,

- les échanges épistolaires ne sauraient constituer une véritable procédure contradictoire,

- elle a été informée de la suspension de ses agréments formatifs et opérationnels sans qu'aucune indication quant à la durée de cette suspension ne soit mentionnée,

- une mesure conservatoire ne saurait être prise que si elle est nécessaire, dans l'attente d'une décision de l'organe compétent de l'association et en cas d'urgence mais les décisions contestées ne remplissent aucune de ces conditions et revêtent manifestement la nature d'une sanction disciplinaire,

en tout état de cause,

-si les décisions litigieuses venaient à être qualifiées de mesures conservatoires, elles ne pourraient

qu'être déclarées nulles en ce que les mesures administratives conservatoires ne sont pas, au titre des mesures prévues par les statuts et les règlements en vigueur au sein de la FFSS, elles ont été prises sans aucune indication de durée et aucune procédure disciplinaire n'a été engagée en parallèle,

au surplus,

- qu'elles soient qualifiées de sanction disciplinaire ou de mesure conservatoire, les décisions litigieuses ont été prises en l'absence de tout motif sérieux prouvé, tant la réalité des dysfonctionnements allégués que la violation de dispositions légales ou réglementaires impératives n'étant pas démontrés,

- si d'éventuelles erreurs ou approximations ont pu être commises, elles ont été régularisées avant le prononcé de la mesure de suspension conservatoire,

- un retrait d'agrément ne saurait être encouru pour la moindre irrégularité dans les pratiques d'une association agissant dans le cadre de la sécurité civile mais seulement si elle n'est manifestement plus en mesure de réaliser les missions auxquelles elle est susceptible de participer.

En réponse au moyen soulevé par la cour, elle observe que les dispositions réglementaires visées par la cour confirment que ni le comité directeur ni le président de la fédération n'étaient 'compétents' pour suspendre les agréments dont elle bénéficiait.

Le ministère public demande que soit confirmé le jugement en ce qu'il a annulé la sanction prononcée pour non-respect de la procédure prévue par le règlement disciplinaire de la FFSS et fait valoir que :

- une mesure administrative est conservatoire lorsqu'elle revêt un caractère provisoire alors que par opposition, une sanction a un caractère définitif et punitif, ce qui implique le respect du contradictoire et des droits de la défense,

- la mesure prononcée a entraîné des conséquences importantes et revêt le caractère d'une sanction en ce que les preuves de l'urgence, du caractère provisoire de la décision et de la mise en place d'une procédure disciplinaire ultérieure ne sont pas rapportées,

- la procédure devant être mis en place en cas de sanction n'a pas été respectée puisque l'UMPS a été informée du retrait de son agrément par la voie d'un simple message électronique, sans aucune convocation préalable, ni possibilité de consulter le dossier, ce qui emporte nécessairement la nullité de la mesure.

Il s'en rapporte à justice sur le moyen soulevé d'office par la cour.

La décision litigieuse a été prise par le comité directeur de la FFSS le 24 mars 2017 et notifiée par lettre du président de la FFSS à l'ASSP le 28 mars suivant, de sorte qu'une seule décision est en litige.

Au titre de l'article S 9 des statuts de la FFSS :

' la Fédération est constituée d'associations déclarées. La Fédération peut, pour exercer ses missions, confier une partie de ses attributions à des organes régionaux et/ou départementaux, constitués sous forme d'associations de la loi de 1901.

L'exécution des missions de ces organes est contrôlée par la Fédération qui dispose notamment d'un droit d'accès à la gestion et à la comptabilité des ligues régionales et des comités départementaux'.

L'article S 11 des statuts prévoit que :

'L'assemblée générale définit, oriente et contrôle la politique générale de la fédération.

Elle approuve les comptes de l'exercice clos et vote le budget de l'exercice suivant. Elle délibère sur les questions mises à l'ordre du jour.... Elle est seule compétente pour se prononcer sur les acquisitions, les échanges et les aliénations des biens immobiliers.... Elle décide seule des emprunts excédant la gestion courante'.

L'article S 12 mentionne que :

'La fédération est administrée par un comité directeur de 21 membres qui exerce l'ensemble des attributions que les présents statuts n'attribuent pas à l'assemblée générale ou à un autre organe de la Fédération'.

L'article S 16 précise enfin que :

'Le président de la fédération est choisi parmi les membres du comité directeur et élu par l'assemblée générale'.

Selon l'article R.11 du règlement intérieur de la FFSS :

'Le comité directeur a pour mission de veiller au respect des statuts, d'assurer une bonne administration de la FFSS du règlement et de l'application des décisions de l'assemblée générale, contrôler le fonctionnement des ligues régionales et des comités départementaux, faire appliquer les calendriers sportifs, promouvoir les actions de la FFSS, assurer la communication avec les ministères de tutelle et avec les fédérations Internationales, adopter les règlements sportifs.'

Selon l'article R.17 du règlement intérieur de la FFSS :

' Le président de la FFSS est chargé de l'application des statuts, du règlement intérieur, du règlement disciplinaire, du règlement disciplinaire de lutte contre le dopage, du règlement de contrôle des opérations électorales, du règlement financier, ainsi que des décisions du comité directeur'.

Les premiers juges ont considéré à bon droit que la convention d'association qui liait l'ASSP à la FFSS se formalise au sein de la FFSS par les statuts de la fédération, son règlement intérieur, son règlement disciplinaire et son règlement disciplinaire relatif à la lutte contre le dopage.

La décision critiquée a été prise le 24 mars 2017 par le comité directeur et seulement notifiée le

28 mai suivant par son président, chargé de son application.

La FFSS a pris une mesure conservatoire de suspension des agréments formatifs et opérationnels et les premiers juges ont dénaturé les termes clairs de ladite mesure en estimant qu'elle devait s'analyser en une mesure disciplinaire aux motifs qu'elle faisait grief, qu'elle n'était assortie d'aucun délai et qu'aucune procédure disciplinaire n'avait été engagée après son prononcé.

En effet, une mesure conservatoire peut porter grief et si elle n'est pas autonome et ne peut être prise que dans l'attente d'une mesure définitive, le non respect de ces conditions est susceptible de justifier son caractère infondé sans avoir pour effet de la transformer en mesure disciplinaire.

Si l'article R 17 du règlement intérieur de la fédération prévoit que son président est chargé de l'application des décisions du comité directeur, ni les statuts ni le règlement intérieur ne précisent que le comité directeur a le pouvoir de prendre des mesures conservatoires.

Toutefois, la FFSS se prévaut à bon droit de la jurisprudence telle qu'établie par l'arrêt publié de la 1ère chambre de la Cour de cassation du 3 mai 2006 (pourvoi n° 03-18.229) visant l'article L.225-56 du code de commerce, aux termes duquel :

'Dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d'une association, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom et dans l'intérêt de celle-ci, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration statutairement habilité ou de l'assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances ; en effet les dispositions du code civil, et à défaut du code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application ; en se référant à de telles dispositions, en l'espèce celles de l'alinéa 1er de l'article L.225-56 du code de commerce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision'.

Il s'en déduit que le comité directeur de la FFSS, organe de décision, qui exerce l'ensemble des attributions que les présents statuts n'attribuent pas à l'assemblée générale ou à un autre organe de la fédération, avait le pouvoir de prendre une mesure conservatoire dans l'attente de la décision de l'assemblée générale ou d'un autre organe de la fédération.

Cependant, il ressort de l'article 4.2 de la circulaire du 12 mai 2006, visée par la FFSS et relative à la procédure d'agrément de sécurité civile au bénéfice des associations prévue aux articles R.725-1 et suivants du code de la sécurité intérieure que :

'Lorsque l'association ne se conforme pas à ses obligations ou ne remplit plus les conditions qui ont permis son agrément, celui-ci est retiré par l'autorité qui l'a délivré. La décision de retrait, prise après avoir invité l'association à présenter ses observations, est publiée dans les mêmes conditions que la décision d'agrément.

Si les circonstances l'imposent, l'autorité de délivrance peut, par décision motivée, prononcer une suspension immédiate de la validité de l'agrément durant la procédure de retrait.

S'il est constaté ou signalé des insuffisances graves dans les activités d'une délégation ou d'une association départementale affiliée à une fédération ou à une association nationale ou interdépartementale agréée, notamment un fonctionnement non conforme aux conditions, aux critères et aux pratiques définis dans les textes réglementaires, le préfet de département peut suspendre, à titre conservatoire, les activités d'une délégation ou d'une association départementale affiliée, dans l'attente d'une décision au plan national.'

De même, en vertu de l'article 17 de l'arrêté du 8 juillet 1992 relatif aux conditions d'habilitation ou d'agrément pour les formations aux premiers secours et s'appliquant aux habilitations départementales comme celle donnée au profit de l'ASSP le 2 mai 2016 :

' S'il est constaté des insuffisances graves dans les activités de l'association ou de la délégation, notamment un fonctionnement non conforme aux conditions décrites dans le dossier ou aux dispositions organisant les premiers secours et leur enseignement, le préfet peut :

a) Suspendre les sessions de formation ;

b) Refuser l'inscription des auditeurs aux examens des différentes formations aux premiers secours ;

c) Suspendre l'autorisation d'enseigner des formateurs et éventuellement retirer leurs cartes officielles ;

d) Retirer l'agrément.

En cas de retrait de l'agrément, l'association ou la délégation ne peut demander de nouvel agrément avant l'expiration d'un délai de six mois'.

Il s'en déduit que le comité directeur de la FFSS a commis un excès de pouvoir en prenant la mesure conservatoire de suspension des agréments formatifs et opérationnels de l'ASSP devenue UMPS 75, alors que toute mesure provisoire de suspension des agréments ne pouvait émaner, en l'espèce, que du préfet de police de [Localité 3], l'obligation faite à la fédération de veiller au respect des conditions d'agrément lui permetant de saisir le préfet de police à cette fin et non de procéder elle-même à cette suspension provisoire.

En conséquence, la mesure conservatoire de suspension des agréments dont bénéficiait l'ASSP doit être annulée en confirmation du jugement mais par substitution de motifs.

Sur les préjudices et le lien de causalité

Le tribunal a :

- considéré que la décision de suspension d'agrément prononcée de manière imprévisible, immédiate et sans délai a empêché l'UMPS 75 de poursuivre ses activités et l'a contrainte à se désaffilier de la FFSS compte tenu de l'échange de courriers ayant précédé cette décision ne laissant pas présager de régularisation possible à brève échéance,

- évalué à 8 000 euros la réparation du préjudice moral et de l'atteinte à son image auprès de ses clients, de ses partenaires et des pouvoirs publics du fait de la cessation de ses activités et de la publicité donnée à cette mesure par la FFSS,

- ordonné la publicité de la décision sur le site Internet de la fédération et ses applications sur tablettes et téléphones mobiles,

- relevé que 70 % des ressources de l'association provenaient des dispositifs prévisionnels de secours relevant de l'agrément D en 2015 et 2016 et qu'elle a enregistré un résultat net comptable en déficit de 114 701 euros en 2017,

- fixé son préjudice financier à 90 000 euros en retenant que l'impossibilité de réaliser les missions relevant des agréments de sécurité civile a affecté sa situation financière, que les frais de désaffiliation sont la conséquence directe de la décision prise par la FFSS et que la procédure de licenciement de la secrétaire et les frais de modification des logos étaient justifiés, à l'inverse des frais de résiliation de la location d'un hangar de stockage des véhicules utilitaires et de déménagement dans un nouveau local.

L'UMPS 75 fait valoir que :

- elle est en droit de réclamer la réparation des conséquences de l'inexécution par la FFSS de ses obligations,

- la suspension de ses agréments a entraîné une impossibilité immédiate d'exercer ses activités en matière de dispositifs prévisonnels de secours et en matière de formation et l'a contrainte à se désaffilier, ce qui lui a occasionné un préjudice moral, une atteinte à son image et un préjudice financier,

- la FFSS ne peut s'exonérer de sa responsabilité en estimant que le préfet de police a tardé à délivrer un nouvel agrément alors que le délai de traitement de la demande est uniquement la conséquence des reproches adressés par la fédération qui ont par la suite été reconnus comme infondés,

- l'arrêt de l'ensemble de ses missions de sécurité civile qui constitue son objet social même et la perte subséquente des 3/4 de ses bénévoles lui a causé un préjudice moral qui a été insuffisamment réparé,

- son préjudice financier est la conséquence directe des fautes de la FFSS car la suspension des agréments de l'association a été prononcée avec un effet immédiat et pour une période illimitée le 28 mars 2017, sans qu'il soit possible d'envisager un prochain rétablissement de l'agrément puisque la fédération n'avait engagé aucune procédure disciplinaire,

- au regard des chiffres des années précédentes ainsi que des dispositifs et formations qui étaient programmés sur l'année 2017 et qu'elle a dû annuler, le préjudice résultant de la perte de chiffre d'affaires pendant 12 mois et 10 jours, calculé sur le montant moyen des recettes de l'association en 2015 et 2016 s'élève à 231 592,00 euros après déduction du chiffre d'affaires réalisé en 2017 et subsidiairement à la somme de 144 599 euros,

- elle a également été contrainte de licencier sa secrétaire et d'engager des frais de déménagement et d'emménagement des véhicules dans un nouveau hangar et des frais de modification de logos et de protection de ses intérêts,

- la saisine de la préfecture de police d'une demande d'agrément a contraint ses dirigeants bénévoles à passer du temps pour préparer le dossier,

- la transmission par la FFSS ou certains de ses membres de documents ou d'informations en vue de lui nuire dans sa demande d'agrément lui a causé un préjudice d'image vis à vis des autorités administratives, de ses clients et partenaires, lequel n'a pas été suffisamment indemnisé par les premiers juges,

- les diverses publications du jugement sous astreinte en complément de la réparation de ce préjudice doivent être confirmées et la publication de nouveau sous astreinte de l'intégralité de l'arrêt sur le site internet de la FFSS et du dispositif de l'arrêt dans trois journaux doit être ordonnnée,

-subsidiairement , le jugement doit être confirmé.

La FFSS répond que :

- l'UMPS 75 ne peut solliciter une indemnité au titre d'un préjudice moral du fait de l'arrêt ses activités et du licenciement de la secrétaire car cette situation n'est que le résultat de ses propres agissements, celle-ci ayant continué d'agir en sous-traitance d'autres associations, ce que lui a d'ailleurs reproché le préfet de police pour lui refuser l'agrément,

- le retrait d'agrément n'a pas été soudain puisqu'il avait été précédé de nombreuses lettres et n'avait aucune vocation à perdurer,

- le délai de traitement de la demande d'agrément et la décision de refus du préfet de police ne relèvent pas de sa responsabilité,

- le refus d'agrément du préfet de police était fondé sur des motifs non liés à d'éventuels propos ou démarches de sa part,

- le lien de causalité entre la décision de suspension et le préjudice financier n'est pas établi puisque les causes en sont la décision de l'UMPS 75 de se désaffilier et la durée d'obtention de l'agrément sollicité,

- l'UMPS 75 confond chiffre d'affaires et résultat d'exploitation et son préjudice ne peut qu'être calculé sur la base de ses résultats d'exploitation de 2015 et 2016 à la somme de 58 144,52 euros, chiffre encore biaisé puisqu'elle ne peut être responsable des délais d'instruction de la préfecture et que l'UMPS affirme, sans en justifier, qu'elle a annulé des dispositifs prévisionnels de sécurité et des formations en 2017 et qu'il convient de rappeler qu'elle a déjà perçu la somme de 136 500 euros au titre de la liquidation de l'astreinte,

- le jugement a déjà été publié sur internet et la demande de publication de l'arrêt doit être rejetée.

La mesure conservatoire de suspension des agréments de l'UMPS 75 prise par la FFSS en commettant un excès de pouvoir dans ses relations contractuelles avec l'association affiliée est constitutive d'une faute de sa part dont elle lui doit réparation.

Préjudice financier

L'UMPS 75 a été privée de ses agréments sans préavis et sans limitation de durée, ce qui l'empêchait d'exercer l'ensemble de ses activités et il ne peut lui être reproché, compte-tenu de ses relations difficiles avec la FFSS, ni d'avoir cherché à obtenir un nouvel agrément au plus tôt, ce qui entraînait pour elle la nécessité de se désaffilier de la FFSS, ni d'avoir travaillé en sous-traitance pour d'autres associations et sous leur responsabilité.

Sa perte de revenus est en lien de causalité directe avec cette rupture brutale du 28 mars 2017 et jusqu'au 9 janvier 2018, date de la décision du tribunal administratif qui a jugé que la décision de rejet du préfet de police était entâchée d'erreurs matérielles et d'erreurs d'appréciation sur l'existence et la nature des dysfonctionnements et irrégularités dénoncés par la FFSS.

En effet, la durée postérieure de traitement par le préfet de police de la demande d'agrément ne relève plus de la faute de la FFSS.

La somme perçue par l'UMPS 75 au titre de la liquidation de l'astreinte ordonnée en première instance ne peut venir en déduction de la somme octroyée au titre de la réparation de son préjudice financier.

La FFSS soutient à bon droit que ce préjudice ne peut pas être calculé sur la base de son chiffre d'affaires mais doit l'être sur la base de son résultat net d'exploitation moyen des années 2015-2016 et l'indemnité allouée est fixée à la somme de 44 616 euros ( 56 742/365 x 287 jours).

Les préjudices liés à la nécessité d'engager non seulement des frais pour modifier les logos figurant sur les vêtements des bénévoles et les véhicules et des frais administratifs ( achat d'un nouveau domaine et protection du nom) mais aussi du temps pour présenter un dossier à l'appui de la demande d'obtention d'un agrément et celle de licencier l'unique salariée en octobre 2017, en raison du refus initial du préfet de police d'accorder un agrément sur le fondement erronné de faits dénoncés par la FFSS sont en lien de causalité avec la faute retenue à l'encontre de la FFSS.

Le préjudice lié au temps passé est évalué à 2 500 euros et les deux autres préjudices sont justifiés pour des montants respectifs de 8 007,31 euros et 3 576,04 euros.

L'UMPS 75 se prévaut d'un préjudice lié à la nécessité de déménager ses véhicules et son matériel d'un local à un autre mais ne forme aucune demande chiffrée à ce titre.

En conséquence, le préjudice financier de l'UMPS 75 est fixé à la somme totale de 58 699,35 euros en infirmation du jugement.

Préjudice moral

L'UMPS 75 a subi un préjudice moral lié à la privation de l'activité correspondant à son objet social et à la perte de nombreux bénévoles lequel est en lien de causalité avec la faute de la FFSS et est indemnisé par l'octroi de la somme de 4 000 euros.

Préjudice d'image

Enfin, les premiers juges ont estimé de manière pertinente que l'UMPS 75 a subi une atteinte à son image auprès de ses clients, de ses partenaires et des autorités administratives du fait de la suspension de ses agréments et de la publicité donnée à cette mesure par la FFSS et de l'arrêt brutal de ses activités qui en a été la conséquence.

Ce préjudice justifie l'octroi d'une somme de 4 000 euros en supplément des publications du jugement ordonnées en première instance et qui doivent être confirmées.

En revanche, les publications de l'arrêt sollicitées n'apparaissent pas utiles alors que la mesure contestée date de plus de cinq ans et que l'UMPSS 75 bénéficie de nouveau d'agréments. Cette demande est donc rejetée.

Le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3], en qualité de séquestre désigné par le juge de l'exécution dans son jugement du 21 janvier 2020, est autorisé à verser à l'Unité mobile de premiers secours de [Localité 3] la somme de 51 740,48 euros séquestrée, ladite somme devant venir en déduction des condamnations prononcées à l'encontre de la FFSS.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la FFSS

La FFSS ne vise aucune pièce de nature à établir que l'UMPS 75 se répandrait en propos désobligeants à son égard sur les réseaux sociaux et sa demande de dommages et intérêts à ce titre est rejetée, en confirmation du jugement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens et frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la Fédération française de sauvetage et de secourisme,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la FFSS à verser à l'UMPS 75 les sommes de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à son image et 90 000 euros en réparation du préjudice financier,

Statuant à nouveau, dans cette limite,

Condamne la Fédération française de sauvetage et de secourisme à payer à l'Unité mobile de premiers secours de [Localité 3] les sommes suivantes :

- la somme de 58 699,35 euros en réparation de son préjudice matériel,

- la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- la somme de 4 000 euros en réparation de l'atteinte à son image,

Y ajoutant,

Autorise le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 3], en qualité de séquestre désigné par le juge de l'exécution dans son jugement du 21 janvier 2020, à verser à l'Unité mobile de premiers secours de [Localité 3] la somme séquestrée de 51 740,48 euros, ladite somme devant venir en déduction des condamnations prononcées à l'encontre de la FFSS,

Rejette la demande de publication de l'arrêt,

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/16490
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.16490 ?
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