Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 13 SEPTEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10303 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYY7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 17/00235
APPELANTE
Société BH CATERING SERVICES représentée par son mandataire ad hoc M. [E] [J]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Thierry BENKIMOUN, avocat au barreau de MEAUX, toque : 38
INTIMEE
Madame [S] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Manuella METOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1137
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Mme [S] [O], née en 1955, a été engagée par la société Val d'Oise Services plus, en qualité de conditionneuse polyvalente, notamment selon deux contrats de travail à durée déterminée successifs dont le terme était fixé au 30 octobre 2005. La relation contractuelle s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée qui a été repris par la société BH Catering.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des services dans le domaine tertiaire.
Par lettre datée du 20 juillet 2016, Mme [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 29 juillet 2016 avec mise à pied conservatoire .
Mme [O] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 29 août 2016 motifs pris d'une acte d'insubordination en date du 24 juin 2016 et d'un abandon de poste depuis cette date.
A la date du licenciement, Mme [O] avait une ancienneté de 13 ans et la société Catering Services occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [S] [O] a saisi le 27 mars 2017 le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 30 septembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit:
- Joint l'incident au fond,
- Dit que le licenciement de Mme [O], n'est ni fondé sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,
- Dit que les faits n'étaient pas prescrits au moment de l'envoi de la lettre de licenciement,
- Dit que le préjudice moral n'est pas démontré,
- Condamne la SARL BH Catering Services à régler à Mme [S] [O] les sommes suivantes :
* Rappel de salaire brut du 1 er au 24 juillet 2016 1.193,35 euros
* Congés payés afférents 119,33 euros
* Rappel de salaire brut du 22 au 29 août 2016 397,78 euros
* Congés payés y afférents 39,78 euros
* Préavis de deux mois brut 3.082,82 euros
* Congés payés y afférents 308,28 euros
* Indemnité légale de licenciement 3.990,53 euros
Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, soit le 19 avril 2017,
* Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois) 13.873,00 euros
* Article 700 du CPC 1.000,00 euros
Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- Ordonne la capitalisation des intérêts par périodes annuelles,
- Ordonne à la société BH Catering Services de remettre à Mme [S] [O] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte et un bulletin de paie récapitulatif, conformes au présent jugement, sous astreinte de 15 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents à compter d'un mois après la notification du jugement,
- Se réserve le droit de liquider l'astreinte et rappelle que dans ce cas une autre décision définitive pourra être ordonnée,
- Déboute Mme [S] [O] du surplus de ses demandes,
- Ordonne à la SARL BH Catering Services de rembourser aux organismes concernés l'équivalent d'un mois d'allocation chômage versés à Mme [S] [O], (article L 1235-4 du code du travail)
- Déboute la SARL BH Catering Services de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Dit avoir lieu à exécution provisoire de droit selon l'article R 1454-28 du code du travail et l'exécution provisoire visée à l'article 515 du Code de Procédure Civile limitée à 5.000 euros pour le surplus,
- Condamne la SARL BH Catering Services aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente décision.
Par déclaration du 11 octobre 2019, la société BH Catering Services a interjeté appel de cette décision, notifiée aux parties le 7 octobre 2019.
Selon l'extrait Kbis produit à la procédure, la société BH Catering a en date du 16 avril 2021 fait l'objet d'une dissolution et a été radiée le 11 juin 2021 avec effet au 31 mars 2021, à la suite de la clôture des opérations de liquidation amiable au 17 mai 2021.
A la requête de Mme [O], le tribunal de commerce de Meaux, a par ordonnance du 21 septembre 2021, désigné M. [E] [J] ès qualités de mandataire d'hoc afin de représenter la société BH Catering.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 avril 2022, la société BH Catering Services représentée par M. [E] [J] ès qualités de mandataire d'hoc demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Meaux le 30 septembre 2019,
Et en conséquence,
- débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes
A titre principal,
- dire que le licenciement pour faute grave de Mme [O] est fondé ;
A titre subsidiaire,
- dire que le licenciement de Mme [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
A titre infiniment subsidiaire,
- réduire le montant de son indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à ses six derniers mois de salaire ;
En tout état de cause,
- débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
- condamner Mme [O], sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, au règlement de la somme de 2.500 euros au bénéfice de la société BH Catering ainsi qu'aux entiers dépens liés à la présente instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 avril 2022, Mme [O] demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondée la société BH Catering Services représentée par son mandataire ad hoc M. [J] [E] en son appel du jugement sus énoncé,
- la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux du 30 septembre 2019, en ce qu'il a dit le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [O] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
- condamner la société BH Catering Services représentée par son mandataire ad hoc M. [J] [E] à payer à Mme [O], les sommes suivantes :
* Indemnité compensatrice de préavis 3.082,82 euros
* Congés payés y afférents 308,28 euros
* Indemnité légale de licenciement 3.990,53 euros
Outre les intérêts au taux légal, à compter de la convocation devant le bureau de conciliation.
Et statuant à nouveau,
- recevoir Mme [O] en son appel incident du jugement sus énoncé et sus daté,
- la déclarer bien fondée en son appel incident,
En conséquence,
- condamner la société BH Catering Services représentée par son mandataire ad hoc M. [J] [E] à payer à Mme [O], les sommes suivantes :
* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois) 27.745,38 euros
* Salaires des mois de juillet et août 2016 3.082,82 euros
* Congés payés sur salaires 308,28 euros
* Dommages et intérêts pour préjudice moral 5.000,00 euros
Outre les intérêts au taux légal, à compter du jugement du Conseil de Prud'hommes.
En tout état de cause,
- ordonner la remise des documents de rupture, notamment de l'attestation Pole Emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte, conformes.
- condamner la société BH Catering Services représentée par son mandataire ad hoc M. [J] [E] à payer à Mme [O] la somme de 5.000 euros
sur le fondement de l'article 700 C.P.C.
- la condamner enfin aux entiers dépens de la présente instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
Sur le licenciement pour faute grave et ses conséquences
La lettre de licenciement datée du 29 août 2016 qui fixe les limites du litige est ainsi libellée :
« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.
En effet, le 24 juin dernier, vous avez refusé d'obtempérer aux ordres qui vous étaient adressés par votre supérieur hiérarchique lequel vous invitait à regagner le service « Tri du linge » et ce en raison d'un manque d'effectif.
Cet acte d'insubordination en présence de vos collègues de travail constitue une violation de notre règlement intérieur et d'une manière générale des règles qui régissent les relations de travail et porte atteinte au bon fonctionnement de notre entreprise.
Par ailleurs, à la suite de cet incident force est de constater que depuis le 24 juin dernier, vous vous êtes abstenue de vous présenter sur votre lieu de travail sans aucune forme d'explication pour votre employeur.
Cet abandon de poste porte gravement atteinte au bon fonctionnement de notre entreprise, raison pour laquelle nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave, de plus vous n'avez pas donné suite à votre convocation à l'entretien préalable de licenciement le 29 juillet 2016 puis reporté à votre demande au 23 août 2016.
Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 29 août 216, sans indemnité de préavis ni de licenciement.(...) ».
En application de l'article L.1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments produits par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations contractuelles d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite de la relation contractuelle, la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
Il résulte de la lettre précitée que Mme [O] a été licenciée pour insubordination à l'égard de son supérieur hiérarchique lui ayant intimé l'ordre de regagner le service « tri du linge » et pour abandon de poste à compter du 24 juin 2016.
Il n'est pas contesté par Mme [O], qu'elle a notamment en date du 24 juin 2016, refusé de rejoindre le service « tri du linge » au motif qu'elle était conditionneuse et non repasseuse, fonction qu'elle ne pouvait au demeurant pas faire en raison de douleurs aux bras.
En considération d'un engagement de poursuites disciplinaires par l'envoi d'une convocation à un entretien préalable en date du 20 juillet 2016, point de départ du délai de prescription de deux mois, ce fait reproché ne saurait être considéré comme prescrit.
Il n'est pas plus contesté que Mme [O], embauchée en qualité de conditionneuse polyvalente était affectée aux fonctions de préparation des repas et plus particulièrement des couverts. Même si cette affectation n'était pas contractualisée, c'est sans être utilement contredite, que Mme [O] explique son refus d'être affectée au tri du linge en expliquant que cela consistait à effectuer du repassage ce qui, sauf preuve contraire, ne relève pas d'une conditionneuse fut-elle polyvalente. La cour retient à l'instar des premiers juges que s'agissant de ce grief, le doute devant profiter à la salariée, il ne doit pas être retenu.
Concernant l'abandon de poste reproché à Mme [O], la cour relève que si celle-ci reconnaît ne pas s'être présentée au travail après l'incident du 24 juin 2016, elle explique toutefois avoir fait l'objet d'une mise à pied verbale de la part de l'employeur lequel suite à son refus de rejoindre le service tri du linge, et de colère, lui aurait intimé de quitter les lieux et de ne plus se représenter. Cette version bien que contestée par l'employeur est toutefois accréditée par le courrier qu'elle a adressé à ce dernier le 13 juillet 2016 s'étonnant de ne pas recevoir de convocation de sa part.
La cour relève, ainsi que le fait justement observer, la salariée que l'employeur qui reproche à la salariée un abandon de poste, lequel de surcroît selon lui a pénalisé le fonctionnement de l'entreprise, ne justifie d'aucune mise en demeure adressée à la salariée de justifier à tout le moins de son absence et à défaut de reprendre son poste. La cour retient que là encore le doute doit profiter à la salariée et que ce grief ne peut être retenu.
Il résulte de ce qui précède, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que le licenciement ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré est confirmé.
Le licenciement ne reposant pas sur une faute grave, c'est à bon droit que les premiers juges ont accordé les rappels de salaires pour les mois de juillet et août 2016 afférents à la période de mise à pied conservatoire, en tenant compte des congés payés pris qui ont été réglés pendante cette période (fiche de paye du mois d'août 2016), ils seront confirmés.
En raison de l'absence de cause réelle et sérieuse, le licenciement injustifié ouvre droit aux indemnités de rupture.
C'est à bon droit que les premiers juges ont accordé une indemnité compensatrice de préavis de 3.082,82 euros majorée de 308,28 euros de congés payés afférents et de 3.990, 53 euros d'indemnité légale de licenciement, non contestées dans leur quantum.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, applicable au présent litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
A la date du licenciement, Mme [O], âgée de 61 ans, a perçu les 6 derniers mois avant la rupture, une rémunération totale brute de 9.455,48 euros et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 11 ans. Elle réclame sur appel incident une indemnité de 27.745,38 euros sans l'expliciter. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient d'estimer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, et par confirmation du jugement déféré, que son préjudice a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 13.873,00 euros, accordée à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Faute de justifier de circonstances vexatoires de licenciement ou de la tentative de l'employeur d'éluder ses responsabilités par la dissolution de la société, c'est à juste titre qu'elle a été déboutée de sa demande de préjudice moral, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les autres dispositions
Le jugement est confirmé en ce qu'il a ordonné à la société BH Catering représentée par son mandataire ad hoc la remise à Mme [O] d'une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un reçu de solde de tout compte conformes à la décision déférée.
Partie perdante, la SARL BH Catering représentée par son mandataire ad hoc, M. [E] [J], est condamnée aux dépens d'instance et d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point et à verser à Mme [S] [O] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions et sauf à préciser que la SARL BH Catering est désormais représentée par son mandataire ad hoc M. [E] [J].
CONDAMNE la SARL BH Catering représentée par son mandataire ad hoc M. [E] [J] à payer à Mme [S] [O] le somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la société BH Catering représentée par son mandataire ad hoc M. [E] [J] aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente.