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13/09/2022 | FRANCE | N°19/05392

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 13 septembre 2022, 19/05392


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05392 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QAI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/09038





APPELANTES



Madame [I] [G]

Née le [Date naissance 4] 1948 à [Loca

lité 8] (Bruxelles)

[Adresse 7]

[Localité 2] BELGIQUE



et



Société MC2, actuellement placée en liquidation, agissant poursuites et diligences de toute personne habilitée à ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05392 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QAI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/09038

APPELANTES

Madame [I] [G]

Née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 8] (Bruxelles)

[Adresse 7]

[Localité 2] BELGIQUE

et

Société MC2, actuellement placée en liquidation, agissant poursuites et diligences de toute personne habilitée à la représenter

[Adresse 7]

[Localité 1] BELGIQUE

Représentées par Me Virginie DOMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C2440

Ayant pour avocat plaidant Me Yaël SCEMAMA, avocat au barreau de PARIS, toque : 1627

INTIMÉ

Maître [X] [P]

Née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Louis VERMOT de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Estelle MOREAU, Conseillère faisant fonction de présidente

Mme Monique CHAULET, Conseillère

Mme Claire David, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Séphora LOUIS-FERDINAND

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Estelle MOREAU, Conseillère, pour la présidente empêchée et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

* * * * *

La société EFE, spécialisée dans les activités de formation et d'édition au profit des entreprises, s'est intéressée en janvier 2017 aux appels d'offres lancés par la Commission européenne. Pour y répondre, elle s'est rapprochée de la société de droit belge MC2, fondée et dirigée par Mme [I] [G] et spécialisée dans la gestion des ressources humaines, la communication, l'égalité professionnelle et la formation.

La société EFE a répondu en qualité de chef de file à un consortium réunissant autour d'elle les sociétés MC2 et CFPJ ainsi que l'école ESC-EAP. Après avoir signé avec ces sociétés un accord de consortium le 6 décembre 2007 définissant notamment les conditions dans lesquelles le chef de file coordonne le projet et les partenaires interviennent dans sa mise en oeuvre, elle a conclu, le 28 janvier 2008, avec la société MC2 une convention de partenariat reprenant le contenu de l'accord de consortium, complété de dispositions spécifiques négociées avec la société MC2.

Par un jugement du 17 mai 2013, le tribunal de commerce de Paris a dit la société EFE bien fondée à rompre la convention de partenariat conclue avec la société de droit belge MC2 dirigée par Mme [G] et a débouté ces dernières de leurs demandes de dommages-intérêts.

Mme [G] et la société MC2, représentées par Mme [X] [P], avocate, ont interjeté appel de ce jugement le 28 mai 2013.

Cet appel a été déclaré caduc par ordonnance sur incident rendue le 13 février 2014, confirmée par un arrêt de la cour du 5 juin 2014, dont le pourvoi en cassation a fait l'objet d'un rejet non spécialement motivé.

C'est dans ces circonstances que par acte du 12 juin 2017, la société MC2 et Mme [G] ont fait assigner Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité civile professionnelle.

Par jugement du 9 janvier 2019, le tribunal, rejetant toutes prétentions plus amples ou contraires des parties,

- a débouté la société MC2 et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes,

- les a condamnées aux dépens et à payer à Mme [P] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11 mars 2019, la société MC2 et Mme [G] ont interjeté appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions notifiées et déposées le 30 juillet 2020, Mme [I] [G] et la société de droit belge SPRL MC2 (ci-après, la société MC2) demandent à la cour de :

- dire leur appel recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

- dire et juger que Mme [P] a commis une faute engageant sa responsabilité civile professionnelle,

- dire et juger qu'elles ont perdu une chance de voir le jugement du 17 août 2013 réformé en appel,

- condamner Mme [P] à payer à la société MC2, en réparation du préjudice résultant de cette perte de chance, les sommes de :

- 600 000 euros en réparation du gain manqué pour inexécution contractuelle,

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale,

- 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- 45 000 euros en réparation du préjudice matériel,

- condamner Mme [P] à payer à Mme [G] en réparation du préjudice résultant de cette perte de chance, la somme de 50 000 euros à titre de préjudice moral,

- déclarer irrecevables et mal fondées toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 4 décembre 2020, Mme [X] [P] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dans l'hypothèse où la cour réformerait le jugement, constater que la signification des conclusions d'appel à l'avocat constitué en première instance, dont les circonstances ont été décrites, ne caractérise pas une faute de l'avocat,

subsidiairement,

- constater qu'il n'est pas démontré que si l'appel avait été jugé recevable, la cour aurait infirmé le jugement déboutant les requérantes de l'ensemble de leurs demandes et rendu un arrêt condamnant la société EFE au paiement des sommes réclamées,

- constater que ce jugement n'est pas sérieusement critiqué par les demanderesses (sic),

- dire que l'appel de la société MC2 et de Mme [G] à l'encontre du jugement était voué à l'échec,

- en tout cas, constater que les préjudices, dont la réparation est réclamée par les requérantes (sic), ne sont pas justifiés, ni dans leur réalité ni dans leur quantum,

- par conséquent, débouter la société MC2 et de Mme [G] de toutes leurs prétentions,

- les condamner à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la responsabilité :

Sur la faute :

Le tribunal a jugé que Mme [P] avait commis une faute en ne procédant pas à la notification de ses conclusions au conseil de la partie adverse et en ne vérifiant pas que les diligences entreprises avaient été effectivement et utilement accomplies dans les délais prescrits.

Les appelantes demandent la confirmation du jugement sur ce point.

Mme [P] répond qu'elle n'a pas commis de faute en ce qu'elle a bien signifié ses conclusions avant les délais prescrits à Mme [V], avocate de la société EFE en première instance, laquelle a gardé le silence et s'est abstenue de l'informer du fait que ses écritures n'avaient pas été signifiées au nouvel avocat de la société EFE.

Par ordonnance sur incident du 13 février 2014, le conseiller de la mise en état de la cour a prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée par la société MC2 et Mme [G] en application des dispositions des articles 908 et 911-1 du code de procédure civile aux motifs que leurs écritures n'avaient pas été signifiées à l'avocat de la société EFE constitué devant la cour, mais à Mme [V], ancienne avocate en première instance et dominus litis, tout en écartant l'exception de déloyauté procédurale soulevée par la société MC2 et Mme [G] compte tenu de l'attestation de Mme [V] faisant état du dysfonctionnement de sa clé e-barreau. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt de la cour du 5 juin 2014 ayant jugé que les éléments faisant débat en ce qui concerne les règles de loyauté et de confraternité sont inopérants sur les règles de procédure imposant à peine de caducité la signification par l'appelant, dans le délai de quatre mois, des conclusions à l'avocat postulant régulièrement constitué au soutien des intérêts de l'intimé.

La faute de Mme [P] est donc caractérisée.

Sur le préjudice et le lien de causalité :

Le tribunal a jugé que :

- la faculté de résiliation était prévue dans la convention litigieuse et c'est en application de ces dispositions que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que la société EFE a entendu exercer ce droit en raison de retards sur l'exécution des obligations de sa partenaire, considérés par le tribunal de commerce comme des manquements sérieux,

- la société MC2 ne produit aucun élément sérieux de nature à combattre les constatations opérées par le tribunal de commerce,

- il importe peu que l'exécution du contrat de partenariat n'ait commencé que 9 mois avant la résiliation, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'un délai de préavis de 3 mois a été respecté,

- la société MC2 échoue ainsi à démontrer l'existence de la moindre chance de succès du recours qui n'a pas pu être normalement exercé.

Les appelantes font valoir que :

- le tribunal a commis des erreurs d'appréciation majeures en adoptant 'en bloc' la motivation du tribunal de commerce,

- les contrats à durée déterminée ne peuvent, en principe, faire l'objet d'une résiliation anticipée,

- la faculté de résiliation unilatérale prévue par les contrats-cadres est offerte aux seules institutions européennes, et octroyer une telle faculté au chef de file dérogerait à la sélection opérée par les institutions européennes et à leurs règles d'attribution des marchés publics,

- au vu des dispositions de l'article 2.4 de l'accord de consortium et de l'article II.15.1 des contrats-cadres, la règle d'interprétation stricte commande d'écarter l'application de l'article 13 de l'accord de consortium,

- la société EFE a abusivement résilié la convention de partenariat en lui adressant une lettre de rupture sans lui faire respecter le délai de 8 jours prévu à l'article 13.2, ni procéder à une forme de tentative de règlement amiable conformément aux dispositions de l'article 14,

- la société EFE s'est contredite en décidant d'une rupture sans motif respectueuse d'un préavis de trois mois, tout en arguant de griefs rendant impossible un tel préavis,

- le tribunal de commerce, sans tenir compte du fondement de la résiliation invoquée (article 13.1), a retenu une résiliation pour manquements contractuels, se substituant ainsi à la société EFE,

- surabondamment, les griefs allégués dans la lettre de résiliation sont vains, artificiels et nullement établis et ne justifient pas la résiliation du contrat,

- si la société EFE n'a pas mis en oeuvre la procédure de résiliation pour faute mais fondé sa résiliation sur une disposition contractuelle visant une absence de motif, c'est parce qu'elle savait les motifs allégués sans fondement,

- par courriel du 13 octobre 2008, postérieur à la lettre de résiliation, la société EFE s'est d'ailleurs montrée favorable à la poursuite d'une éventuelle collaboration avec la société MC2 en dehors des contraintes du consortium,

- la société EFE a manqué à son obligation de loyauté et d'exécution de bonne foi en :

- résiliant unilatéralement et abusivement la convention de partenariat,

- commettant des actes de concurrence déloyale par le pillage organisé de leur savoir-faire pédagogique sous couvert de la promesse d'un partenariat à venir avec sa filiale, la société de droit belge IFE,

- ne procédant pas à la promotion de la société MC2 auprès des institutions européennes en violation des articles 3.1.1 et 3.1.2 de la convention de partenariat,

- ne respectant pas ses engagements au titre de l'annexe 1 de l'accord du consortium, en refusant de donner et d'inscrire l'exclusivité de la société MC2 en matière de genre et de diversité pour les formations à venir auprès des institutions européennes et en ne transmettant aucun bon de commandes lié aux formations de l'annexe 1,

- s'accaparant leurs données et savoir-faire pour tromper la Commission européenne et obtenir la prorogation pour un an des contrats-cadres tout en réalisant un important profit compte tenu de l'éviction de la société MC2, étant souligné que dès le 26 septembre 2008, la société EFE a fait régulariser son 'nouveau consortium' qu'elle a envoyé pour validation à la Commission européenne le 7 novembre 2008, alors que la lettre de résiliation date du 1er octobre 2008,

- ne respectant pas ses obligations durant le préavis, en gelant les formations revenant à la société MC2 et en s'attribuant à son insu la formation 'Interculturel',

- les préjudices afférents à la résiliation anticipée et abusive de la convention de partenariat et aux actes de concurrence déloyale commis par la société EFE, auraient été indemnisés par la cour statuant sur appel du jugement du tribunal de commerce.

Mme [P] répond que :

- les appelantes ne versent qu'une sélection de pièces tirées des écritures de la société EFE et ne démontrent pas que la cour aurait fait droit à leurs réclamations,

- la société EFE disposait bien de la faculté de résiliation unilatérale sans griefs de la convention de partenariat en application de l'article 13.1 librement négocié par les parties et susceptible d'être mise en oeuvre par chacune d'elles, et a fait ce choix pour faire bénéficier à la société MC2 d'un préavis, peu important le détail des manquements graves de la société MC2 dans la lettre de résiliation,

- l'article II.15.1 des conditions générales des contrats-cadres invoqué par les appelantes pour souligner que seules les institutions européennes ont la faculté de résiliation unilatérale, ne concerne que les rapports entre la Communauté européenne et le consortium, non le fonctionnement interne du consortium,

- l'article I.10.1 des conditions générales des contrats-cadres prévoit la faculté pour chaque partie de résilier le contrat de son propre gré,

- les manquements graves de la société MC2 et de sa dirigeante sont avérés,

- les retards de la société MC2, multiples et retenus par le tribunal de commerce, justifient la résiliation du contrat, et les autres manquements répétés de la société MC2 à ses obligations contractuelles issues des articles 3.1.1, 3.2.1 et 3.2.2 sont également caractérisés,

- la société MC2 ne pouvait exiger un certain volume de travail de la part de la société EFE alors que les contrats excluaient tout engagement de volume,

- la prétendue mauvaise foi de la société EFE n'est pas justifiée par la production de pièces incomplètes et ne remet pas en cause la résiliation unilatérale sans motif régulièrement mise en 'uvre,

- le jugement du tribunal de commerce, qui a apprécié l'application des clauses de résiliation à la lumière des pièces produites par la société EFE, n'encourt aucune critique et aurait été confirmé nonobstant les pièces nouvelles présentées par les appelantes,

- la société EFE avait formé une demande reconventionnelle et une demande d'indemnisation du préjudice lié au comportement délictuel de la société MC2, qui auraient pu prospérer devant la cour.

Il appartient aux appelantes d'apporter la preuve que la perte de chance est réelle et sérieuse et si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance. La réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

A titre liminaire, la cour observe qu'alors que la réalité de la perte de chance doit être appréciée en reconstituant le procès d'appel qui n'a pu avoir lieu en raison de la faute de l'avocat, il n'est produit aux débats que le jeu de conclusions de la société EFE en date du 6 mai 2011 devant le tribunal de commerce dont l'audience s'est tenue le 4 avril 2013, sans qu'il soit établi qu'il s'agit de ses dernières écritures, et seulement 13 des 69 pièces jointes à son bordereau, et aucunement les conclusions des appelantes devant le tribunal de commerce.

La 'convention de partenariat relative aux contrats-cadres de 'prestations de services concernant la formation professionnelle du personnel, des institutions, organes et agences de l'Union européenne' conclue entre la société EFE et la société MC2 a été librement négociée entre les parties, la société MC2 ayant pu y faire intégrer des dispositions spécifiques la concernant en complément de l'accord de consortium. Elle reprend à l'identique l'article 12 de l'accord de consortium, selon lequel celui-ci est d'une durée de 36 mois renouvelable une fois pour une période d'un an, ainsi que l'article 13 définissant les modalités de résiliation anticipée du contrat, soit :

- d'une part, une résiliation par lettre recommandée avec accusé de réception moyennant le respect d'un préavis de trois mois (article 13.1),

- d'autre part, la résiliation immédiate par le chef de file et aux torts et griefs du partenaire en raison de 'tout manquement sérieux aux obligations mises à charge du partenaire dans le cadre de la présente convention', après une mise en demeure du partenaire de rémedier aux problèmes constatés et non suivie d'effet dans les huit jours de son envoi, étant précisé que 'Par manquement sérieux, il faut entendre, à titre d'exemple, le non-respect des délais prévus par le client final, la violation des obligations de confidentialité, le non respect de la propriété intellectuelle etc... (article 13.2)'.

Ces dispositions contractuelles étant claires et autonomes en ce qu'elles ont trait à la résiliation de la convention de partenariat conclue entre les sociétés EFE et MC2, ne sont pas sujettes à interprétation.

Il n'y a pas lieu de les écarter au vu des dispositions de l'article 2.4 de l'accord de consortium, repris dans la convention de partenariat, selon lequel 'les contrats-cadres ainsi que le cahier des charges prévalent sur l'interprétation de la présente convention. En cas de contradiction entre une stipulation du présent accord de consortium et une des clauses des contrats-cadre principaux, cette dernière prévaut', en l'absence de contradiction entre ces modalités de résiliation de la convention de partenariat conclue entre la société EFE et la société MC2, propres aux rapports contractuels entre ces deux sociétés, et celles définies à l'article II.15.1 des conditions générales des contrats-cadres régissant les relations contractuelles entre le consortium et les institutions européennes.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 1er octobre 2008 ayant pour objet 'résiliation accord de partenariat EFE-MC2", la société EFE a notifié à la société MC2 la résiliation en faisant valoir divers manquements de celle-ci, soit :

- des retards dans la signature des contrats devant être régularisés dans le cadre de l'exécution du contrat-cadre du 16 juillet 2007, tels que notamment les contrats-cadres du lot n°4 pour la Commission européenne qui auraient dû être remis le 25 mars 2008 et ne l'ont été que le 28 avril 2008, et ceux du Parlement européen qui n'ont pu être signés que le 17 septembre 2008 au lieu du 15 juillet 2008,

- le retard dans la signature de l'accord de consortium initial devant être fourni à la Commission comme préalable à la mise en oeuvre des contrats,

- des retards importants dans la communication des dates d'intervention pour les formations 'equal opportunités' confiées à la société MC2, qui ont entraîné relance et insatisfaction de la part du client la DG ADMIN,

- des délais très importants dans la livraison des supports de la formation 'Femme Manager', remis le 14 juillet 2008 alors que la date butoir était fixée au 2 juin 2008,

- le non respect des obligations contractuelles relatives à la fourniture de 100 exemplaires du catalogue officiel par le partenaire,

- le non respect des prérogatives du chef de file en sa qualité d'interlocuteur unique des institutions européennes,

Ce courrier précise que :

- l'ensemble de ces manquements constitue un frein incontestable au bon fonctionnement du consortium et ce alors même qu'ils se sont déroulés dans les six premiers mois de son fonctionnement, l'équipe de Bruxelles ayant dû faire face aux légitimes interrogations des institutions européennes quant au bon avancement des projets et à leurs relances incessantes et ayant à plusieurs reprises alerté la société MC2 sur les manquements observés, sans que cela soit suivi d'effet,

- nombre de retards observés ont été occasionnés par la volonté de la société MC2 de promouvoir ses intérêts, en subordonnant l'exécution de ses obligations à la signature, par la société EFE, d'un accord de non-concurrence de sa filiale EFE Belgique (la société IFE Benelux) sur le territoire belge, dans les domaines d'intervention de la société MC2, alors qu'un accord de partenariat entre MC2 et IFE Benelux ne peut être que le prolongement du bon fonctionnement du consortium et non pas la condition préalable à la bonne exécution par la société MC2 des engagements pris envers les institutions européennes, la société IFE Benelux n'étant pas membre du consortium,

- en violation de son obligation d'exécution de bonne foi, la société MC2 a à plusieurs reprises refusé de respecter ses engagements envers les institutions européennes dès lors que la société EFE n'accédait pas à son exigence d'exclusivité, ce qui a notamment entraîné des retards dans la signature de l'accord de consortium ainsi que des contrats-cadres, conclus avec les institutions européennes le 17 septembre 2008 alors qu'ils auraient dû l'être en juillet 2008.

Il est enfin indiqué que 'Sans pour autant renoncer à nous prévaloir de la gravité des faits susvisés justifiant une résiliation immédiate de l'accord qui nous lie, nous vous informons que cette résiliation prendra effet à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la date d'envoi de la présente conformément aux dispositions de l'article 13.1 de cet accord'.

Il ressort de ces éléments que nonobstant la longue liste des griefs invoqués, la société EFE a fait le choix d'user de la faculté de résiliation unilatérale et anticipée du contrat moyennant le respect d'un délai de préavis de trois mois, conformément à l'article 13.1 de la convention de partenariat, lequel n'exige pas le respect d'un délai de huit jours passé la mise en demeure infructueuse et à l'issue duquel la résiliation est effective, ce délai étant uniquement prévu à l'article 13.2, ni la démonstration de griefs.

L'article 14.1 de la convention de partenariat ayant trait au 'Règlement des différends et juridiction compétente', prévoyant que 'Les parties s'efforceront de résoudre à l'amiable les contestations qui pourraient surgir de l'interprétation ou de l'exécution des clauses du présent accord de consortium', sans mentionner les conséquences de son non-respect, ne fait pas échec à l'application de l'article 13.1 de ladite convention.

Dès lors que le délai de préavis prévu à l'article 13.1 a été respecté, les débats sur le bien fondé des griefs mentionnés dans la lettre de résiliation sont inopérants.

Au surplus, même à considérer que la société EFE ait souhaité résilier le contrat selon les modalités de l'article 13.2 tout en faisant bénéficier à la société MC2 du délai de préavis prévu à l'article 13.1, le tribunal de commerce a retenu que 'les retards avaient été plusieurs fois notifiés à la société MC2 sans résultat (pièces 12, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 22 et 24 EFE)', et qu'en qualité de chef de file 'EFE a dû gérer de nombreux rappels des institutions clientes du consortium sur des retards de MC2 dans les réponses à apporter à leurs demandes (pièces 30, 31, 32 de EFE) ou des insuffisances de MC2 par rapport aux exigences des communautés européennes (courriels des 1er et 2 juillet 2008)'. Les quelques pièces de la société EFE produites aux débats (pièces 158 et 159), parmi lesquelles ne figurent pas les courriels visés par le tribunal de commerce, et qui établissent des retards volontaires de la société MC2 dans la signature des contrats-cadres avec les institutions européennes afin d'obtenir un engagement de volume de formations et une exclusivité sur certains thèmes mais également un 'pacte de non-concurrence' avec une société tierce, la société IFE Benelux, ainsi que des retards dans les réponses apportées aux demandes formulées par les institutions europénnes, ayant donné lieu à divers rappels de celles-ci adressés à la société EFE, suffisent à caractériser des manquements sérieux de la société MC2 tels que définis dans l'accord de consortium et repris dans la convention de partenariat, visant expressément 'le non-respect des délais prévus par le client final', et justifient la résiliation à ses torts de la convention de partenariat.

La mauvaise foi de la société EFE dans la résiliation du contrat n'est pas caractérisée, celle-ci ayant régulièrement usé de la faculté de résiliation anticipée du contrat. La circonstance que la société EFE ait adressé aux institutions européennes, le 7 novembre 2008, le nouveau contrat de consortium conclu avec les mêmes partenaires à l'exclusion de la société MC2 et que celui-ci soit daté du 26 septembre 2008 (pièce 156 appelantes) alors que la lettre de résiliation date du 1er octobre 2008 ne suffit pas à établir un abus de la société EFE dans l'exercice de sa faculté de résiliation du contrat. En effet, la société EFE a organisé une réunion le 24 septembre 2008 avec la société MC2 à propos de la société IFE Benelux, à l'issue de laquelle elle a informé oralement la société MC2 de la résiliation du contrat, et il n'est pas démontré que le délai de préavis n'ait pas été respecté, ni que la société MC2 ait été évincée par ses anciens partenaires durant ledit délai. Il n'est pas davantage justifié par les pièces produites aux débats que la société EFE n'aurait pas respecté ses obligations durant le préavis en gelant les formations revenant à la société MC2 et en s'attribuant à son insu la formation 'Interculturel'.

Tant les griefs allégués par les appelantes, tirés des manquements contractuels de la société EFE et n'ayant fait l'objet d'aucune mise en demeure préalablement à la résiliation de la convention de partenariat, que l'offre de la société EFE de poursuivre sa collaboration avec la société MC2 dans un cadre moins exigeant que celui de l'accord de consortium, sont inopérants à remettre en cause le bien fondé de la résiliation anticipée de ladite convention à l'initiative de la société EFE.

Les actes de concurrence déloyale (démarcharge de Mme [N], formatrice recrutée par la société MC2 et appropriation du savoir-faire de la société MC2 par l'intermédiaire de sa société-mère la société EFE) allégués à l'encontre de la société de droit belge IFE Benelux, personne morale distincte de la société EFE, non partie à l'instance, ne pouvaient être retenus envers la société EFE, cette demande étant irrecevable à son égard. Le tribunal de commerce qui a eu à connaître de l'intégralité du dossier de la société EFE et de la société MC2 a par ailleurs retenu qu'aucune tentative de désorganisation de la société MC2 par la société EFE n'était démontrée, et les pièces versées aux débats par les appelantes et sur lesquelles elles fondent leurs prétentions (pièces 37, 69, 74, 120 à 123) n'établissent pas que la société EFE se soit appropriée sans bourse délier et à des fins personnelles du savoir-faire et de la liste de formateurs de la société MC2 dont elle a eu à connaître en exécution de l'accord de consortium ni qu'elle aurait détourné des commandes des institutions européennes destinées à la société MC2.

Les échanges de courriels le 3 avril 2008 entre les parties (pièce 20 appelantes) ne suffisent pas à démontrer que la société EFE aurait, ainsi que le font valoir les appelantes, de manière délibérée et répétée, violé ses obligations du chef de file résultant de l'article 3.1.1 et 3.1.2 de la convention de partenariat aux termes desquels 'Le chef de file s'engage à promouvoir les savoir-faire des partenaires auprès des services de formation des Institutions et à lui donner une réelle visibilité sur ses métiers (genre, diversité, égalité hommes-femmes, non-discrimination)'.

De même, les appelantes sont infondées à faire valoir le défaut de respect par la société EFE de l'exclusivité des formations listées en annexe 1, ainsi que toutes les formations similaires et celles liées aux thèmes genre, égalité femmes-hommes, diversité et interculturel, alors qu'une telle exclusivité ne figure pas dans les dispositions contractuelles les liant. Elles ne peuvent davantage faire grief à la société EFE de ne pas avoir confié à la société MC2 un volume d'affaires suffisant, en l'absence d'engagement de volume de la part de la société EFE.

Au vu de ces éléments, les appelantes échouent à démontrer une quelconque chance, même minime, d'infirmation du jugement rendu par le tribunal de commerce, et ont été pertinemment déboutées de l'ensemble de leurs demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

Les appelantes échouant en leurs prétentions doivent être condamnées aux dépens d'appel. La faute de Mme [P] étant caractérisée, aucune considération d'équité ne justifie la condamnation des appelantes au paiement d'une indemnité de procédure en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

DÉBOUTE Mme [X] [P] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [I] [G] et la société de droit belge SPRL MC2 aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/05392
Date de la décision : 13/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-13;19.05392 ?
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