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12/09/2022 | FRANCE | N°21/00727

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 12 septembre 2022, 21/00727


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00727 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5BG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/01622





APPELANTS



Monsieur [V] [C] [B]

Domicilié [Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Loca

lité 4]



Représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010



SAS IMMOVENTIS

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 440 241 974
...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRET DU 12 SEPTEMBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00727 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC5BG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/01622

APPELANTS

Monsieur [V] [C] [B]

Domicilié [Adresse 3]

[Adresse 3]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4]

Représenté par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

SAS IMMOVENTIS

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 440 241 974

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEES

E.U.R.L. EUREXPERT ET ASSOCIES

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 400 500 120

Représentée par Me Cécile DUNAND, avocat au barreau de PARIS, toque : E1111

S.E.L.A.R.L. TACHNOFF-TZAROWSKY SELARL TACHNOFF-TZAROWSKY

Représentée par sa gérante, Maître Sonia TACHNOFF-TZAROWSKY

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 800 288 623

Représentée par Me Serge PEREZ de la SCP PEREZ SITBON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0198

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Mme Sylvie CASTERMANS, Conseillère

M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [W] [T] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

La Sas Immoventis, dont le gérant est M. [V] [C] [B], associé majoritaire à 99%, exerce une activité de marchand de biens. Pour son activité professionnelle, la société Immoventis a eu recours aux services d'expertise comptable de la Sarl Eurexpert et Associés (Eurexpert).

La société Immoventis a fait l'objet d'une procédure de vérification fiscale relative aux comptes des exercices 2010, 2011 et 2012.

Constatant la réintégration au titre du rachat de certains lots par M. [V] [C] [B], l'administration fiscale a estimé que le prix de vente de certains biens était très inférieur à leur valeur réelle. Elle a considéré que si la société Immoventis avait cédé ces biens à leur prix réel, elle aurait réalisé un bénéfice de 439.750 euros, qui aurait lui-même donné lieu à une imposition au titre de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 33,3%, outre divers intérêts et pénalités. L'administration fiscale a également considéré que ce bénéfice complémentaire de la société Immoventis était une somme désinvestie, assimilable à des revenus qui auraient été distribués au profit de M. [V] [B]. Le revenu fiscal de ce dernier s'est donc trouvé augmenté et il a été procédé à un redressement de l'impôt sur le revenu de celui-ci.

La société Eurexpert et la Selarl [X], avocat, ont assisté la société Immoventis pour son contrôle fiscal.

La société et son gérant soutiennent qu'ils ont sollicité la mise en place du mécanisme de « la cascade complète », permettant d'éviter en partie une double imposition. Ce mécanisme consiste, pour l'associé bénéficiaire d'une distribution non prise en compte pour calculer son impôt sur le revenu et justifiant une rectification, à payer l'impôt sur les sociétés dû par la société distributrice. Ainsi, l'assiette de calcul de son rappel d'impôt sur le revenu est réduite du montant de l'impôt sur les sociétés qu'il a réglé. Mais cette demande n'a pas été répercutée auprès de l'administration fiscale dans les délais, soit avant le 3 avril 2014.

Au terme du contrôle fiscal et après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes, l'administration fiscale a notifié le 23 février 2015 à la société Immoventis une rectification à hauteur de 146.584 euros pour l'exercice 2011, au titre d'un rappel d'impôt sur les sociétés, outre la somme de 11.727 euros d'intérêts de retard. Après délivrance d'un avis de mise en recouvrement le 15 juillet 2015, la société Immoventis a été mise en demeure de payer ces sommes le 31 juillet 2015.

M. [V] [C] [B] s'est vu notifier le 23 février 2015 par l'administration fiscale un redressement à hauteur de 367.143 euros, soit 293.060 euros de droits simples, outre les intérêts et pénalités de retard et les rappels dus au titre des prélèvements sociaux.

Par actes d'huissier du 31 janvier 2018, la société Immoventis et M. [V] [C] [B] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, les sociétés Eurexpert et [X] pour manquement contractuels leur ayant causé un préjudice.

Par jugement rendu le 16 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- Rejette la fin de non-recevoir opposée à la société Immoventis tenant à l'existence du protocole transactionnel le 24 février 2017,

- Rejette la fin de non-recevoir opposée à M. [B] tenant à l'absence de lien contractuel avec les sociétés Eurexpert et Associés et [X],

- Déclare recevables les demandes de la société Immoventis et de M. [B],

Sur le fond,

- Déboute la société Immoventis et M. [B] de leurs demandes d'indemnisation formées à l'encontre de la société Eurexpert et Associés et de la société [X],

- Déclare sans objet la demande de garantie formée par la société Eurexpert et Associés à l'encontre de la société [X],

- Condamne in solidum la société Immoventis et M. [B] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Cécile Dunand, avocat, pour la part dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Immoventis et M. [B] à verser la somme de 3.000 euros chacune à la société Eurexpert et à la société Tzarowsky au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute les parties de toute autre demande,

- Ordonne l'exécution provisoire.

Par déclaration du 6 janvier 2021, M. [V] [C] [B] et la société Immoventis ont interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 4 octobre 2021, M. [V] [C] [B] et la société Immoventis demandent à la cour de :

Vu les articles 1231 et s. du code civil,

Confirmant le jugement attaqué :

- Rejeter les fins de non-recevoir de la société Eurexpert et juger que l'action des appelants est recevable ;

Infirmant le jugement attaqué sur le fond et statuant à nouveau :

- Juger fautive la société Eurexpert et Associés faute d'avoir exécuté ou de s'être assurée du fait que les instructions des appelants en vue de solliciter le bénéfice de la cascade complète avaient été suivies d'effet ;

- Juger que cette faute a causé un préjudice à la société Immoventis et à M. [V] [C] [B] ;

- Juger que le préjudice de M. [B] s'établit à la somme de 97.952 euros et celui de la société Immoventis à la somme de 146.584 euros ;

- Condamner en conséquence la société Eurexpert et Associés à payer à la société Immoventis la somme de 146.584 euros et à M. [B] celle de 97.952 euros ;

- Débouter la société Eurexpert et Associés et la société [X] de tous leurs moyens, fins et conclusions,

- Condamner la société Eurexpert et Associés aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Vincent Ribaut, Grv Associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- La condamner à payer à chacun des appelants la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ;

Par dernières conclusions signifiées le 24 février 2022, la société Eurexpert et Associés demande à la cour de :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile, 1353, 2044 et suivants et 2052 du code civil,

- Infirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté la société Eurexpert des demandes tendant à dire la société Immoventis et M. [B] irrecevables en leurs actions ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [B] et la société Immoventis de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions et qu'il les a condamnés à payer 3.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens ;

En toute hypothèse,

- Mettre hors de cause la société Eurexpert ;

Si par extraordinaire la cour devait faire droit aux demandes de M. [B] et de la Sarl Immoventis, il conviendrait de condamner Me [X] à la relever et la garantir de toute condamnation ;

- Condamner solidairement M. [B] et la société Immoventis à payer à la société Eurexpert une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Les condamner aux entiers dépens que Me Cécile Dunand pourra recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Par dernières conclusions signifiées le 2 mars 2022, la société [X] demande à la cour de :

- Déclarer que M. [V] [C] [B] et la société Immoventis ne formulent aucune demande à l'encontre de Me [X].

- Confirmer le jugement du 16 novembre 2020 en toutes ses dispositions.

- Débouter la société Eurexpert et Associés de sa demande de garantie à l'encontre de Me [X] ;

- Condamner in solidum la société Immoventis, M. [V] [C] [B] et la société Eurexpert à payer à Me [X] la somme de 8.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité des demandes de la société Immoventis

M. [V] [C] [B] et la société Immoventis font valoir, sur le fondement des articles 2048 et 2049 du code civil, qu'il est possible de solliciter en justice tout ce qui ne figure pas dans la transaction conclue entre les parties le 24 février 2017. Ce protocole n'avait pas pour objet de régler le différend portant sur la responsabilité de la société Eurexpert dans le cadre du contrôle fiscal dont elle a fait l'objet au motif que les fautes commises par la société Eurexpert ne sont pas évoquées. Elle n'a donc pas renoncé à une action au titre des fautes commises. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

La société Eurexpert réplique qu'elle a conclu un protocole transactionnel avec la société Immoventis aux termes duquel elles sont convenues de mettre un terme à tous différends les opposant. Ce protocole, qui vise les prestations contestées, a autorité de la chose jugée entre les parties et met un terme définitif à tout contentieux. M. [B] a signé le protocole transactionnel en qualité de gérant de la société Immoventis. La société Immoventis doit être déclarée irrecevable en son action.

Ceci étant exposé,

Le protocole d'accord conclu le 24 février 2017 entre les sociétés Immoventis et Eurexpert mentionne l'existence d'un litige « suite à la dénonciation par la société Immoventis de son contrat de collaboration le 30 septembre 2015 », portant à la fois sur la rétention des dossiers comptables et sur une facture d'assistance fiscale de 25 234 euros Ht. L'accord transactionnel admet le paiement de la somme de 11 205 euros Ht par la société Immoventis, « à titre de solde de tout compte », et stipule que « les parties renoncent à toute action l'une à l'encontre de l'autre », « ayant le même objet ou le même fondement ».

La société Immoventis fait valoir que le protocole d'accord n'a pas pour objet le différend lié à la responsabilité de la société Eurexpert dans le cadre du contrôle fiscal.

Mais, d'une part, la facturation litigieuse versée aux débats concerne exclusivement l'assistance menée dans le cadre du contrôle fiscal de la société Immoventis. Le document comptable « détail des temps » de la société Eurexpert (pièce 2), daté du 17 décembre 2014 et non contesté, décrit par dossier et par mission les prestations suivantes : « contrôle fiscal », « réception inspecteur CF », « calcul CF », « consultation avo », « demande délais », « procédure fiscale », « rv Tachnof », « note avocat », « réponse Tachnoff », « rv Tachnoff point dossier », « vérification fiscale », « rv avocat », « préparation dossier pour contrôle », « réunion [B] », effectuées par la société Eurexpert au bénéfice de la société Immoventis. La société Immoventis le confirme sans cohérence dans ses écrits en qualifiant ces prestations de « diligences contestées pour partie par les appelants ayant fait l'objet d'un protocole transactionnel en vertu duquel elles ont été payées » (p 12 et 13).

D'autre part, la société Immoventis a réglé la facture relative à cette assistance fiscale selon un chèque bancaire en date du 28 février 2017 d'un montant de 13 500 euros Ttc. La société Immoventis a ainsi accepté ce règlement en toute connaissance de cause, puisque l'option litigieuse de la cascade est antérieure à la signature de la transaction (pièces 18 et 19) et que l'administration fiscale a rejeté les contestations de M. [V] [C] [B] le 1er juillet 2014 (pièce 5).

Par ailleurs, il est constant que la transaction termine une contestation née, prévient une contestation à naître et fait obstacle à l'introduction d'une action en justice ayant le même objet. De ce point de vue, par cette transaction librement conclue entre les parties le 24 février 2017, la société Immoventis a expressément renoncé à toute action ultérieure qui concernerait l'assistance fiscale par la société Eurexpert. Ce renoncement de la société Immoventis est confirmé par le fait que le protocole d'accord a été transmis à la commission de conciliation et d'arbitrage de l'ordre des experts-comptables, avec pour conséquence d'éteindre toute possibilité de saisine de la juridiction ordinale.

C'est en conséquence à tort que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir opposée à la société Immoventis tenant à l'existence du protocole transactionnel le 24 février 2017 et déclaré recevables les demandes de la société Immoventis.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce chef et la société Immoventis doit être déclarée irrecevable en son action à l'encontre de la société Eurexpert.

Sur la recevabilité des demandes de M. [V] [C] [B]

M. [V] [C] [B] soutient, à l'appui des pièces du dossier, l'existence d'un mandat oral envers les sociétés Eurexpert et [X]. M. [V] [C] [B], ès qualité d'associé à 99%, a subi un préjudice en raison de l'absence de mise en 'uvre du mécanisme de « cascade », le privant du bénéfice d'une économie d'impôt au titre des rappels de droits simples et des pénalités. Sur le fondement de l'article 32 du code de procédure civile, il a un intérêt à agir du fait de la faute de la société Eurexpert, lui ayant fait subir une double taxation sur un même revenu. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déclaré recevable en ses demandes.

La société Eurexpert réplique que M. [V] [C] [B] n'a pas qualité pour agir à l'encontre de la société Eurexpert en l'absence de lien contractuel et qu'il n'a subi aucun préjudice personnel en lien avec l'absence de mise en 'uvre du mécanisme de la cascade. Son action doit être déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

La société [X] fait valoir qu'elle n'était pas contractuellement liée à M. [B], qui est personnellement irrecevable en son action à son égard.

Ceci étant exposé,

Il n'est pas contesté que M. [V] [C] [B], associé majoritaire à 99% et représentant légal de la société Immoventis, a mené les différentes procédures auprès de l'administration fiscale au nom de la société Immobilis. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires mentionne ainsi dans son avis du 14 janvier 2015 avoir examiné les observations présentées par M. [C] [B], gérant de l'entreprise.

Mais, d'une part, la société Eurexpert est malfondée à dénier l'existence d'un lien contractuel avec M. [V] [C] [B] dans la mesure où l'application du principe de la cascade est liée à la sous-évaluation de biens immobiliers revendus par la société Immobilis à son propre gérant, M. [V] [C] [B]. Ce dernier a ainsi personnellement revendu ces mêmes biens en réalisant une plus-value de 620 000 euros. De ce point de vue, la société Eurexpert a précisé le 29 janvier 2014 accomplir des diligences dans l'intérêt propre de M. [V] [C] [B] : « M. [V] [B] souhaite bénéficier de la cascade complète dans le cadre de la procédure en cours » (pièce 16) et le 6 juillet 2015 : « en présence de monsieur [B] les démarches en vue d'obtenir la cascade complète » ; « la demande de monsieur [B] et de moi-même était expresse » ; « les conséquences sont importantes pour monsieur [B] » (pièce 24).

D'autre part, la société [X] a elle-même exercé un mandat au bénéfice de M. [V] [C] [B] comme le confirme son courrier du 3 février 2014, signé de Me [D] [X] (pièce 7). L'analyse fiscale réalisée inclut nommément les intérêts de M. [V] [C] [B] : « il me manque pour établir la réponse définitive la déclaration de plus-value de monsieur [B], les justificatifs des travaux réalisés et des démarches effectuées pour transformer un local commercial en local d'habitation ».

Enfin, M. [V] [C] [B] a subi un préjudice en raison de l'absence de mise en 'uvre du mécanisme de la cascade par la société Immoventis, le privant du bénéfice d'une économie d'impôt sur le revenu au titre des rappels de droits simples et des pénalités.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir opposée à M. [B] tenant à l'absence de lien contractuel avec les sociétés Eurexpert et [X] et déclaré recevables les demandes de M. [V] [C] [B].

Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.

Sur la responsabilité des sociétés Eurexpert et [X]

M. [V] [C] [B] fait valoir, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, que l'expert-comptable et l'avocat sont responsables à l'égard de leur client des conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans le cadre de leurs fonctions. La société Eurexpert a représenté les appelants lors du contrôle fiscal et a reçu des instructions en vue d'exercer la cascade à l'issue de la réunion du 29 janvier 2014. Cependant, le mécanisme de la cascade complète n'a pas été sollicité dans le délai, soit avant le 3 avril 2014. La société Eurexpert ne peut se dégager de sa responsabilité en prétendant avoir transmis les instructions à maître [X].

La société Eurexpert réplique que, si elle a reçu un mandat limité au suivi des opérations de vérification et à la négociation d'une compensation technique, elle n'a pas reçu d'instruction. La société Immoventis n'a pas donné d'instruction à maître [X] d'opter dans le délai imparti, malgré une demande expresse en ce sens. Les intimées sont étrangères au redressement fiscal subi par les appelants qui découle d'une opération spéculative de M. [B]. La société Eurexpert conteste les préjudices allégués et sollicite la garantie de la Selarl [X] en cas de condamnation au motif que cette dernière avait la responsabilité de la négociation, la gestion des délais de procédure.

La société [X] fait valoir que sa responsabilité n'est pas engagée. La négociation ne concernait pas la mise en place d'un mécanisme de cascade complète. Les appelants n'apportent pas la preuve des économies d'impôts qu'ils auraient pu réaliser. Il leur appartient d'apporter la preuve qu'ils ont payé la totalité des impôts dont ils réclament le remboursement et qu'aucune action n'a été engagée pour contester l'imposition litigieuse. Ni les appelants, ni la société Eurexpert n'ont manifesté leur volonté de mettre en 'uvre le mécanisme de la cascade complète. Ils étaient informés du mécanisme et n'ont pas pris la décision d'opter dans le délai imparti. La société Eurexpert, mandataire de la société Immoventis, aurait pu informer l'administration fiscale de la décision de sa cliente de recourir à la cascade complète.

Ceci étant exposé,

M. [V] [C] [B] fait valoir la responsabilité contractuelle de l'expert-comptable et de l'avocat à l'égard de leur client pour les conséquences dommageables de fautes et de négligences.

Mais, s'il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution d'établir cette inexécution, M. [V] [C] [B], marchand de biens averti, multiplie sans convaincre les recherches en responsabilité à l'égard de tiers.

D'une part, si nul n'est censé se contredire au détriment d'autrui, M. [V] [C] [B] a de lui-même éteint la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société Eurexpert. Il a en effet formellement circonscrit ses reproches le 14 décembre 2015 à la seule société [X] (pièce 20-2) : « courant janvier 2014, j'ai décidé de confier le dossier fiscal à votre cabinet » ; « mon expert-comptable et moi-même avons utilement rappelé l'intérêt de mettre en place » ; « il était évident que votre cabinet avait procédé aux démarches nécessaires » ; « il vous appartenait de prendre toutes les mesures avant le 6 avril 2014 » ; « vous vous êtes complètement désintéressée du dossier il en résulte un préjudice pour la société Immobilis et moi-même ». De ce point de vue, M. [V] [C] [B] ne produit aucun élément complémentaire et l'ensemble de ses allégations à l'encontre de la société Eurexpert, dépourvues de tout caractère probant, doivent être rejetées.

D'autre part, en ce qui concerne la société [X], les premiers juges ont relevé à juste titre que le mécanisme de la cascade et sa date limite ont été clairement expliqués à M. [V] [C] [B] et qu'aucune instruction n'avait été donnée de sa part avant le 3 avril 2014. Le tribunal administratif de Melun a également rappelé le 31 décembre 2018 que la société Immobilis a été parfaitement informée de la faculté de demander cette imputation et du délai dont elle bénéficiait pour formuler sa demande dans les 30 jours à compter de la réception de la réponse à ses observations.

La faute contractuelle invoquée à l'encontre de la société [X] n'étant pas établie, les allégations de M. [V] [C] [B] doivent être rejetées.

Il se déduit de ce qui précède que les autres demandes, portant notamment sur des dommages et intérêts et une demande en garantie, doivent être rejetées.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [B] de ses demandes d'indemnisation formées à l'encontre des sociétés Eurexpert et [X] et déclaré sans objet la demande de garantie formée par la société Eurexpert à l'encontre de la société [X].

Le jugement déféré sera confirmé sur tous ces chefs, y compris en ce qui concerne la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La solution du litige conduira à rejeter toutes les autres demandes.

PAR CES MOTIFS

La cour

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir opposée à la société Immoventis tenant à l'existence du protocole transactionnel le 24 février 2017 et déclaré recevables les demandes de la société Immoventis ;

Statuant à nouveau de ce chef,

PRONONCE l'irrecevabilité de l'action de la société Immoventis à l'encontre de la société Eurexpert et Associés ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE solidairement M. [V] [C] [B] et la société Immoventis à payer à la société Eurexpert et Associés la somme de 3 500 euros et à la société [X] la somme de 3 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE solidairement M. [V] [C] [B] et la société Immoventis aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/00727
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;21.00727 ?
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