Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2022
(n° /2022, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21439 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBA3J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Août 2019 -Tribunal de Grande Instance d'evry - RG n° 16/08589
APPELANTES
Compagnie d'assurances MMA IARD en sa qualité d'assureur RCD de la Sté Babeau Séguin et assureur Dommage ouvrage, agissant en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau d'ESSONNE
Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES en leur qualité d'assureur RCD de la société Babeau Seguin et dommage ouvrage, agissant en la personne de leur représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentée par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMES
Monsieur [L] [Z] [U] [R]
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représenté par Me Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau d'ESSONNE
Madame [P] [H] épouse [Z] [U] [R]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau d'ESSONNE
SA BABEAU SEGUIN
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentée par Me Laurence CHASSAING de la SCP SAID-LEHOT-WATREMEZ-CHASSAING, avocat au barreau d'ESSONNE
Société QBE EUROPE SA/ NV société de droit étranger, avec pour siège [Adresse 4], venant aux droits de QBE INSURANCE EUROPE LIMITED, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux y domiciliés
[Adresse 6]
[D]/ BELGIQUE
Représentée par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président, chargée du rapport et Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président
Valérie GEORGET, Conseillère
Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré inialement prévu au 1er juillet 2022 puis prorogé au 02 septembre 2022 et au 09 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 25 avril 2008, M. et Mme [Z] [U] [R] ont conclu avec la société Maisons Babeau Seguin un contrat de construction d'une maison individuelle avec fourniture de plans à [Localité 11] pour un prix de 163 500 euros, les travaux de dallage du sous- sol d'un montant de 3168 euros restant à la charge des maîtres d'ouvrage.
Une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la société MMA Iard.
Le lot gros oeuvre maçonnerie a été sous-traité par la société Maisons Babeau Seguin à la société MRPI, assurée auprès de la société QBE Insurance europe limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV.
La réception des travaux a été prononcée le 23 février 2011.
Ayant constaté des désordres dans le sous-sol, M. et Mme [Z] [U] [R] ont sollicité la désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance du 2 décembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evry a ordonné une expertise.
Par ordonnance de référé en date du 24 juillet 2012, les opérations d'expertise ont été rendues communes à la société MMA Iard et à société MMA Iard Assurances mutuelles, prises en leur qualité d'assureur décennal de la société Maisons Babeau Seguin et aux mêmes en qualité d'assureur dommages-ouvrage.
Par ordonnance de référé en date du 1er mars 2013, les opérations d'expertise ont été déclarées communes à la société QBE.
Par actes des 28 et 29 novembre 2013, M. et Mme [Z] [U] [R] ont assigné les sociétés Maisons Babeau Seguin et MMA Iard et MMA assurances mutuelles devant le tribunal de grande instance d'Evry en réparation de leurs préjudices.
Les sociétés MMA ont appelé en garantie la société QBE Insurance europe limited.
L'expert a déposé son rapport le 15 mars 2016.
Par jugement du 29 août 2019, le tribunal de grande instance d'Évry a :
'Condamné in solidum la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin, à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 197 049,31 euros HT, outre la TVA applicable au jour de la présente décision, au titre des travaux de reprise, avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
'Dit que cette somme sera actualisée en fonction de l'indice BT01 du coût de la construction de la date du dépôt du rapport d'expertise à la date de la décision;
'Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil ;
'Condamné in solidum la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances Mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
'condamné in solidum la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances Mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;
'dit que la société QBE Insurance europe limited est fondée à opposer les plafonds de garantie et de franchise de sa police d'assurance ;
'fait droit aux appels en garantie réciproques des parties ;
'condamné la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances Mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
'condamné la compagnie QBE Insurance europe limited à payer à la SA MMA Iard assurances la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
'Condamné la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin, et la compagnie QBE Insurance europe limited aux dépens, en ce compris les dépens de référé, les frais d'expertise judiciaire et les frais d'étude de sol, avec distraction au profit de l'avocat qui en fait la demande.
'Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 20 novembre 2019, les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour d'appel de Paris les sociétés Maisons Babeau Seguin, QBE Insurance europe limited et M. et Mme [Z] [U] [R].
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 juillet 2020, les sociétés MMA Iard demandent à la cour de :
'Réformer les dispositions du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Évry le 29 août 2019 en ce qui concerne l'évaluation des divers postes de préjudice réclamés par les maîtres de l'ouvrage,
'Chiffrer le montant des travaux de réparation de l'ouvrage à la somme de 105 846 € HT majorée du taux de TVA de 5,5 %,
'Rejeter toute autre demande complémentaire,
'Confirmer le jugement rendu en ce qu'il a accueilli l'appel en garantie formulé par les MMA Iard à l'encontre de la société QBE Insurance europe limited,
'Réformer le jugement rendu en ce qu'il a fait droit à l'appel en garantie formulé par la société QBE Insurance europe limited à l'encontre des MMA Iard,
'Déclarer cet appel en garantie mal fondé,
'Condamner la société QBE Insurance europe limited à payer aux MMA Iard la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
'Condamner la société QBE Insurance europe limited en tous les dépens lesquels comprendront le coût des opérations d'expertise,
'Débouter M. et Mme [Z] [U] [R] de leur appel incident et les déclarer mal fondés.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2020, la société Babeau Seguin, demande à la cour de :
'Recevoir la société Babeau Seguin en ses conclusions et en son appel incident,
'Dire et juger que les consorts [Z] [U] [R] ne pouvaient prétendre, au titre des travaux réparatoires de la seule façade arrière affectée de désordres, au paiement d'une somme de 189 397,65 euros hors taxe, outre une TVA à 20%, soit 227 27,18 euros TTC, montant avalisé par l'expert sans débat, et sur la base d'un devis prenant en considération la réalisation d'ouvrages et autres prestations qui n'ont strictement aucun lien avec les problèmes de structure en cause,
'Dire et juger, par ailleurs, que les consorts [Z] [U] [R] ne pouvaient et ne peuvent prétendre à l'indemnisation de préjudices inexistants, et à cet égard non retenus par l'expert,
'En conséquence réformer le jugement dont appel, en tous ses points relatifs à l'évaluation des préjudices de tous ordres allégués par les consorts [Z] [U] [R],
'Dire et juger que le montant des travaux réparatoires auxquels peuvent prétendre les consorts [Z] [U] [R] doit être arrêté à la somme de 105 846 euros hors taxe, en considération du devis Aras du 9 avril 2014, somme sur laquelle doit être appliqué, s'agissant de reprises de fondations et de travaux de structure, un taux de TVA réduit de 5,50 %.
'Dire et juger que les consorts [Z] [U] [R] ne peuvent prétendre se voir indemniser des frais de souscription d'une assurance dommages ouvrage, et autre frais de mission de contrôle technique, que rien n'impose en la circonstance,
'Débouter de la même manière M. et Mme [Z] [U] [R] de leur demande formulée à titre de préjudice moral, cette demande étant injustifiée et ne reposant sur aucun élément sérieux,
'Les débouter de la même manière de leur demande portant sur le préjudice de jouissance lié aux prétendues infiltrations qui généreraient l'impossibilité d'occuper le sous sol, préjudice inexistant ne reposant sur aucun constat objectif,
'Réduire, par ailleurs, à de justes proportions, la demande fondée sur des prétextes fantaisistes et tendant à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance lié aux nuisances que pourraient générer les travaux de reprise des désordres,
'Débouter les consorts [Z] [U] [R] de leurs plus amples demandes en ce qu'elles ne reposent sur aucune justification objective, savoir notamment les dépenses de photocopies et de location d'un container,
'En tout état de cause , confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit au recours en garantie formé par la société Babeau Seguin, à l'encontre de son assureur responsabilité civile décennale, la société MMA Iard, et de l'assureur dommages ouvrages, la société MMA Iard assurance mutuelle, et ce en application pleine et entière des polices souscrites,
'Condamner Monsieur et Madame [Z] [U] [R] solidairement à verser à la concluante la somme de 8 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
'Les condamner aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2020, la société QBE europe SANV, venant aux droits de la société QBE Insurance europe limited, demande à la cour de :
A titre liminaire :
'Donner acte à la société QBE europe SA/NV de ce qu'elle vient aux droits de la société QBE Insurance europe limited,
A titre principal :
'Infirmer le jugement en ce qu'il a arrêté à la somme de 197 049,31 € HT le montant des travaux de reprise,
'Chiffrer le montant des travaux de réparation de l'ouvrage à la somme de 105 840 € HT,
'Infirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à l'appel en garantie des MMA Iard à l'encontre de la société QBE Insurance europe limited,
'Débouter les MMA Iard de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société QBE europe SA/NV, venant aux droits de la société QBE Insurance europe limited,
A titre subsidiaire :
'Confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à l'appel en garantie de la société QBE Insurance europe limited à l'encontre des MMA, assureur décennal de la société Babeau Seguin,
En conséquence,
'Condamner les MMA à relever et garantir la société QBE à hauteur de 85 % de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
'Donner acte à la société QBE des termes et limites de son contrat d'assurance,
'Dire et juger que la société QBE ne peut être tenue de relever et garantir les MMA que des condamnations prononcées au titre de travaux de reprise, à l'exclusion de celles prononcées au titre du préjudice moral et du préjudice de jouissance,
'Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société QBE à payer aux MMA une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 de code de procédure civile,
'Condamner les MMA à payer à la société QBE Europe une indemnité de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile,
'Débouter toutes les parties du surplus de leur demande dirigée à l'encontre de la société QBE,
'Condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2020, M. et Mme [Z] [U] [R], demandent à la cour de :
'Déclarer les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles recevables, mais mal fondées en leur appel, les en débouter,
'Déclarer en revanche les époux [Z] [U] recevables et fondés en leur appel incident,
'Réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
'Condamner in solidum la société Babeau Seguin, à titre principal sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à titre subsidiaire sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil, et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, sur le fondement des articles L. 241-1 et L. 242-1 du code des assurances, à payer aux époux [Z] [U] [R] :
'une somme de 172 179,68 euros HT, outre TVA à 20%, soit 206 615,61 euros TTC, au titre de l'ensemble des travaux de reprise,
'une somme de 17 217,97 euros, outre TVA à 20 %, soit 20 661,56 euros TTC, au titre des honoraires de maîtrise d''uvre,
'une somme de 3 787,95 euros HT, outre TVA à 20%, soit 4 545,54 euros TTC, au titre des honoraires du contrôleur technique,
'une somme de 9 272,90 euros au titre de la prime d'assurance dommages-ouvrage.
'Condamner in solidum la société Babeau Seguin, à titre principal sur le fondement de l'article 1792 du code civil, à titre subsidiaire sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil, et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, sur le fondement de leur extension de garantie aux dommages immatériels, à payer aux époux [Z] [U] [R] :
'une somme de 10 000 euros, en réparation de leur préjudice moral,
'une somme de 16 682 euros, à parfaire, en réparation de leur trouble de jouissance,
'une somme de 907 euros, en réparation de leur préjudice financier,
'Dire que les sommes dues par la société Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles au titre des travaux de reprise des désordres de nature décennale seront actualisées en fonction de l'indice BT 01 à compter du 20 juillet 2015, date de la note de synthèse de l'expert judiciaire chiffrant les travaux de reprise,
'Dire que, compte tenu de l'offre tardive proposée par les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles, les sommes actualisées TTC dues au titre des travaux de reprise seront majorées d'un intérêt légal au double du taux de l'intérêt légal, conformément à l'article L. 242-1 alinéa 5 du code des assurances, à compter du 12 juin 2012, date de l'assignation en référé valant mise en demeure signifiée à l'assureur dommages-ouvrage,
'Dire que les intérêts de l'ensemble des sommes dues porteront eux-mêmes intérêts, en application de l'article 1154, devenu 1343-2 du code civil,
'Confirmer pour le surplus le jugement entrepris,
'Condamner in solidum la société Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles à verser aux époux [Z] [U] une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
'Condamner in solidum la société Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard et MMA Iard assurances mutuelles aux entiers dépens de référé et de la présente instance, y compris les frais d'expertise judiciaire et les frais d'étude de sol, dépens qui seront recouvrés directement par la SELARL Nabonne-Bemmer-Jean, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mars 2022.
MOTIFS
Sur les désordres et les responsabilités
Moyens des parties :
La société Maisons Babeau Seguin soutient que les fissures de la dalle du garage et les traces d'infiltration ne peuvent lui être imputées car elle n'a pas réalisé l'ouvrage.
Selon M. et Mme [Z] [U] [R], les désordres sont de nature décennale puisqu'ils affectent les fondations du pavillon et compromettent sa solidité, il importe peu que la dalle du garage ait été exclue du CCMI puisque les fissures sur celle-ci sont la conséquence des désordres affectant les fondations, il n'a jamais été soulevé au cours des opérations d'expertise que les infiltrations seraient dues à une malfaçon de la dalle et la responsabilité décennale de la société Maisons Babeau Seguin est engagée.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
En l'espèce, l'expert judiciaire a constaté des fissures en façade et au sol du garage, un décalage de 5cm d'aplomb des parois entre le sous-sol et le rez-de-chaussée et des traces d'infiltrations dans le garage.
Il a conclu que la fissuration horizontale du mur de façade ouest était due à la conjonction de deux phénomènes, la présence d'un sol argileux particulièrement sensible aux variations hydriques et des erreurs de réalisation constituées par l'absence de ferraillage de la fondation et de raidisseur dans le mur en parpaing.
L'expert judiciaire a précisé que les défauts d'exécution des fondations et mur de la façade sur jardin compromettaient la solidité de la maison et pouvaient, à terme, en l'absence de travaux réparatoires, mettre en cause la conformité à destination.
En conséquence, les fissurations constatées, qui compromettent la solidité de la maison, ont bien un caractère décennal, étant observé qu'aucune partie ne le conteste.
La responsabilité de plein droit de la société Maisons Babeau Seguin, constructeur du pavillon, est donc engagée, le fait que les maîtres de l'ouvrage aient confié la réalisation de la dalle du garage à un tiers étant manifestement inopérant, l'expert judiciaire n'ayant établi aucun lien entre les désordres et celle-ci et conclu sans ambiguïté que le phénomène de fissuration avait pour origine une erreur de conception du système de fondation et les défauts de réalisation des fondations et structures qui avaient accéléré la formation des désordres.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Maisons Babeau Seguin et MMA Iard à indemniser les préjudices subis par M. et Mme [Z] [U] [R].
Sur le montant des travaux réparatoires
Moyens des parties
La société Maisons Babeau Seguin soutient que les premiers juges ne pouvaient entériner le rapport de l'expert en ce qu'il a arrêté sans commentaire ni débat le montant des travaux à la somme de 197 049, 31 euros qui prend en compte des prestations sans lien avec le litige et les désordres, qu'elle a été empêchée par les maîtres d'ouvrage d'accéder au bâtiment avec une entreprise de maçonnerie et que c'est sur la base des constatations faites lors des réunions d'expertise et des notes aux parties diffusées par l'expert judiciaire qu'elle a produit un devis d'un montant de 105 846 euros HT dont le montant doit être retenu, que le taux de TVA doit être réduit à 5, 5 %, que la souscription d'une police dommages-ouvrage n'est pas une obligation et que la demande portant sur les honoraires du contrôleur technique doit être rejetée.
Selon les sociétés MMA Iard, le montant retenu par le tribunal n'est pas justifié, la société Maisons Babeau Seguin a produit des éléments de chiffrage alternatifs reposant sur des solutions techniques pertinentes pour lesquelles l'expert judiciaire n'a pas formé de critique sérieuse et certains éléments de reprise chiffrés dans l'expertise sont sans rapport avec les désordres initiaux qui n'affectaient que la reprise en sous-oeuvre.
La société QBE Europe SANV fait valoir que le chiffrage des époux [Z] [U] [R] comporte des postes qui ne relevaient pas du marché initial ainsi que des prestations ne concernant pas la société MRPI et des réparations concernant des désordres non retenus par l'expert car visibles à la réception, que leur devis doit être écarté car de nature à entraîner un enrichissement sans cause, que le taux de TVA applicable est, conformément à la jurisprudence, de 5, 5 % et que la souscription d'une police dommages-ouvrage n'était pas obligatoire pour les travaux de reprise et l'intervention du contrôleur technique pas nécessaire.
Selon M. et Mme [Z] [U] [R], le taux de TVA applicable aux travaux de reprise en sous oeuvre rendant à l'état neuf la majorité des fondations est le taux normal de 20 % et pas un taux réduit, la prime dommages ouvrage doit être calculée en appliquant un taux de 4 % du coût TTC des travaux de reprise, la société Maisons Babeau Seguin s'est abstenue au cours des opérations d'expertise de critiquer les postes retenus par l'expert judiciaire et elle a bien été en mesure de présenter un devis alternatif, même si celui-ci est techniquement erroné.
Réponse de la cour
Selon l'expert judiciaire, l'étude chiffrée qui lui a été communiquée par les maîtres d'ouvrage correspondant au devis de la SARL Batibel reprend la totalité des travaux et frais induits par la situation et correspond au coût réel des travaux nécessaires à la suppression de l'origine des désordres et de la remise en état des lieux, y compris la réfection de la protection verticale avec drainage. (pages 50 et 51 du rapport d'expertise)
L'expert a écarté le devis présenté par la société Maisons Babeau Seguin car il concernait les seuls micro pieux, sans descriptif ni étude béton et qu'il n'était pas prévu les terrassements pour la tranchée permettant de mettre en oeuvre les micro pieux selon les règles de l'art. Il a également estimé que le devis de la société QBE ne pouvait être retenu car la solution préconisée n'était étayée par aucune note technique et ne concernait qu'une partie du pavillon.
Les premiers juges ont donc retenu à juste titre que le seul devis pouvant être pris en considération était celui de la société Batibel.
Cependant, la cour constate que celui-ci comporte plusieurs prestations qui sont sans lien avec les désordres décennaux retenus dans le cadre du présent litige puisqu'il s'agit de travaux aux fins de réparer des non-conformités ou désordres apparents à la réception dont il n'est pas soutenu qu'ils auraient fait l'objet de réserves.
Ainsi, les travaux de 'dépose des rives d'angle et repose des tuiles plates' car les tuiles de rives devaient-être 'à la Normande' sans débords (5510 euros HT), la dépose d'une fenêtre et dormants sur la façade Est car la fenêtre est construite 'trop haut' (3700 euros HT) et la reprise du décalage des cloisons (2800 euros) ne peuvent être retenus, le fait que ces postes de préjudice n'aient pas été contestés au cours des opérations d'expertise étant inopérant.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que le montant des travaux de reprise était de 172 179, 68 euros HT et celui-ci sera fixé à la somme de 160 169, 68 euros HT (172 179, 68 - 5510-3700-2800).
Le jugement sera confirmé en qu'il a estimé que devaient être ajoutés les honoraires d'architecte et du contrôleur technique ainsi que le montant de l'assurance dommages-ouvrage qui sont indispensables pour la mise en oeuvre de ces travaux réparatoires de grande ampleur et qui ont été validés par l'expert judiciaire, le montant des taux retenus, qui n'est pas utilement contesté par les époux [Z] [U] [R], étant également confirmé.
En conséquence, la société Maisons Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard seront condamnées in solidum à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme totale de 183 304, 57 euros HT (160 169, 68 +16016, 96 + 3523, 73 + 3594, 20 ) au titre des travaux réparatoires.
Contrairement à ce que soutiennent les époux [Z] [U] [R], le coût des travaux réparatoires est soumis à la TVA au taux réduit de 10 % prévu par l'article 279-0 bis du code général des impôts, conformément à ce qui est mentionné dans le devis Batibel, puisqu'ils ont pour objet la reprise et la stabilisation des fondations de la maison et pas de rendre à l'état neuf des éléments du gros oeuvre.
Le jugement, qui n'a pas statué sur ce point, sera complété en ce sens.
Sur le préjudice moral
Moyens des parties
M. et Mme [Z] [U] [R] soutiennent qu'ils subissent un préjudice moral car ils ont dû effectuer de multiples démarches ce qui a entraîné une perte de temps considérable et subi l'anxiété et les contrariétés résultant des désordres, préjudice aggravé du fait de la longueur de la procédure.
La société Maisons Babeau Seguin fait valoir que l'expert s'est montré réservé sur ce préjudice en rappelant que la gravité des désordres devait être relativisée, que la demeure n'avait jamais été en péril et que le préjudice moral ne repose sur aucune réalité objective.
Réponse de la cour :
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le préjudice moral de M. et Mme [Z] [U] [R] à la somme de 5 000 euros, pour les mêmes motifs que ceux des premiers juges, que la cour adopte.
Sur le préjudice de jouissance
Moyens des parties :
M. et Mme [Z] [U] [R] soutiennent qu'ils ne peuvent jouir normalement de leur sous-sol compte-tenu des infiltrations à répétition qui se produisent lors des épisodes pluvieux, que la perte de jouissance peut être évaluée à 7 % de la valeur locative de la maison et que le trouble de jouissance sera aggravé lors des travaux de reprise.
La société Maisons Babeau Seguin fait valoir que les motifs invoqués par les maîtres de l'ouvrage ne sont pas sérieux et que ce préjudice doit être réduit à sa juste valeur.
Réponse de la cour :
Il résulte des éléments versés aux débats et notamment du rapport d'expertise qu'il a été constaté des infiltrations d'eau dans le garage.
M. et Mme [Z] [U] [R] ont donc subi un préjudice de jouissance puisqu'ils n'ont pu disposer complètement de leur garage pendant plusieurs années et que celui-ci sera également indisponible pendant la durée des travaux, c'est-à-dire environ 6 mois selon l'expert judiciaire.
La valeur locative de la maison à hauteur de 1400 euros n'est pas contestée.
En conséquence, le préjudice sera fixé à la somme de 8050 euros correspondant à 5% de la valeur locative de la maison sur la période d'avril 2011 à avril 2020, à laquelle sera ajoutée les 6 mois de travaux et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé ce préjudice à la somme forfaitaire de 10 000 euros.
Sur le préjudice financier
M. et Mme [Z] [U] [R] soutiennent qu'ils ont dû supporter les frais de constat d'huissier d'un montant de 300 euros et qu'ils vont devoir évacuer leurs effets personnels durant les travaux et louer un container de chantier pour un montant de 607 euros TTC.
Cependant, ils ne justifient pas de ce que ces frais étaient ou seraient indispensables.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes, pour ces seuls motifs, substitués à ceux des premiers juges.
Sur les recours en garantie
Moyens des parties
Les sociétés MMA Iard font valoir que la société MRPI n'a pas attiré l'attention du constructeur sur les spécificités du terrain et commis des manquements aux règles de l'art alors qu'aucune faute n'est imputable à la société Maisons Babeau Seguin.
La société QBE Europe SANV soutient que les premiers juges n'ont pas motivé leur décision, que la société MRPI, simple sous-traitante dont la mission était exclusive de toute activité de conception, a réalisé des fondations sur la base d'étude de sol et calcul qui lui ont été fournis par la société Maisons Babeau Seguin et qui ne faisaient pas apparaître la nécessité de mettre en oeuvre des fondations renforcées, que seule l'expertise judiciaire a révélé cette nécessité, que les insuffisances dans la réalisation de la fondation étant dues aux carences de la société Maisons Babeau Seguin, la responsabilité de la société MRPI ne saurait être engagée et la garantie de son assureur recherchée et qu'il n'existe aucune obligation de conseil du sous-traitant à l'égard d'un maître d'oeuvre notoirement compétent. A titre subsidiaire, elle fait valoir que si la responsabilité de la société MRPI était retenue, celle-ci ne pourrait excéder 15 % du montant total des travaux de réparation. Enfin, elle soutient que la police d'assurance souscrite par la société MRPI ne couvre pas les préjudices moral et de jouissance et qu'elle est fondée à opposer au tiers lésé son plafond de garantie puisqu'il s'agit d'une police facultative.
Réponse de la cour
Il résulte de l'expertise judiciaire que la responsabilité de la société Maisons Babeau Seguin dans les désordres est prépondérante puisqu'elle avait un rôle de concepteur et de maître d'oeuvre d'exécution et qu'elle n'a pas respecté les prescriptions du rapport d'étude de sol de la société Géolia en ne faisant pas réaliser l'étude de sol préconisée par celle-ci et qu'elle n'a pas contrôlé l'erreur d'exécution des travaux.
La responsabilité de la société MRPI est également engagée puisque ses travaux ne sont pas conformes aux règles de l'art, qu'elle a mal exécuté une partie de ceux-ci notamment en omettant l'acier dans la fondation du mur ouest et n'a pas signalé le fait que le terrain était inadapté aux fondations.
En conséquence, le partage de responsabilité sera fixé comme suit :
- la société Maisons Babeau Seguin : 60 %
- la société MRPI : 40 %
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit aux appels en garantie réciproques des sociétés MMA Iard et QBE Insurance europe limited, la cour y ajoutant, les premiers juges n'ayant pas statué sur ce point, que ce recours s'exercera dans les limites du partage de responsabilité tel que fixé précédemment.
Les conditions particulières du contrat d'assurance signé par la société MRPI auprès de la société QBE le 2 décembre 2009 (pièce n°2 de la société QBE) mentionnent que sont garantis au titre de la responsabilité civile les dommages matériels et immatériels consécutifs.
Les conditions générales du contrat (pièce n°1 de la société QBE) précisent que les dommages immatériels consécutifs sont 'les préjudices économiques, tels que perte d'usage, interruption d'un service, cessation d'activité, perte d'un bénéfice ou perte de clientèle, qui sont consécutifs à des dommages matériels garantis.'
En conséquence, il résulte des clauses de ce contrat que la société QBE ne garantit pas le préjudice de jouissance et le préjudice moral, étant précisé qu'aucune partie n'a formulé d'observations sur ce point.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que la garantie de la société QBE était due pour les préjudices de jouissance et moral des époux [Z] [U] [R].
La cour constate que les premiers juges n'ont pas statué sur la demande de la société Maisons Babeau Seguin d'être garantie par son assureur, la société MMA Iard, des condamnations prononcées à son encontre.
Il convient d'ajouter au jugement cette condamnation à garantie qui n'est pas contestée par les sociétés MMA Iard.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés MMA Iard et Maisons Babeau Seguin à payer aux époux [Z] [U] [R] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnées, ainsi que la société QBE Insurance Limited, aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et d'étude de sol.
Les recours en garantie réciproques entre les sociétés MMA Iard et QBE Insurance Limited s'exerceront pour les dépens également dans les limites du partage de responsabilité tel que fixé précédemment.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société QBE à payer à la société MMA Iard la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et cette demande sera rejetée.
En cause d'appel, les sociétés MMA Iard, Maisons Babeau Seguin et QBE Insurance limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV, seront condamnées in solidum aux dépens et toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il :
- condamne in solidum la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin, à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 197 049,31 euros HT,
- condamne in solidum la SA Maisons Babeau Seguin, la SA MMA Iard assurances Mutuelles et la MMA Iard, assureur décennal de la société Babeau Seguin à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- condamne la compagnie QBE Insurance europe limited à payer à la SA MMA Iard la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société QBE Insurance limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV, à garantir la société MMA Iard au titre du préjudice moral et de jouissance de M. et Mme [Z] [U] [R],
Statuant à nouveau de ces chefs,
- condamne in solidum la SA Maisons Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 183 304, 57 euros HT,
- condamne in solidum les sociétés MMA Iard et la société Maisons Babeau Seguin à payer à M. et Mme [Z] [U] [R] la somme de 8050 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- rejette la demande des sociétés MMA Iard dirigée contre la société QBE Insurance europe limited sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette la demande des sociétés MMA Iard de condamnation de la société QBE Insurance europe limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV, à les garantir au titre du préjudice moral et de jouissance de M. et Mme [Z] [U] [R],
Y ajoutant,
Dit que le coût des travaux de réfection est soumis à la TVA au taux réduit de 10 % et condamne in solidum la SA Maisons Babeau Seguin et les sociétés MMA Iard à payer celle-ci à M. et Mme [Z] [U] [R],
Fixe le partage de responsabilité comme suit :
- la société Maisons Babeau Seguin : 60 %
- la société MRPI : 40 %
Dit que les recours en garantie réciproques des sociétés MMA Iard et QBE Insurance europe limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV, s'exerceront dans les limites du partage de responsabilité fixé et à l'exclusion du préjudice moral et de jouissance,
Condamne les sociétés MMA Iard à garantir la société Maisons Babeau Seguin des condamnations prononcées à son encontre,
Condamne in solidum les sociétés MMA Iard, Maisons Babeau Seguin et QBE Insurance limited, aux droits de laquelle vient la société QBE europe SANV, aux dépens d'appel, avec distraction au profit de l'avocat en ayant fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes formées en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Président