La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2022 | FRANCE | N°18/09832

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 09 septembre 2022, 18/09832


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 09 Septembre 2022



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09832 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IRO



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01729





APPELANTES

CPAM 33 - GIRONDE

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





INTIMEE

SA [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 09 Septembre 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09832 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6IRO

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01729

APPELANTES

CPAM 33 - GIRONDE

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

INTIMEE

SA [4]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde d'un jugement rendu le 24 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la S.A. [4].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [Y] [B] a déclaré avoir été victime d'un accident du travail le 11 février 2008 ; qu'il a indiqué qu'en marchant, après avoir passé le filtre de police pour rejoindre le vol [9], il a été victime d'un saignement de nez ; que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde a informé la société de la prise en charge de cet accident au titre de la législation professionnelle ; que le 4 novembre 2013, la S.A. [4] a sollicité par l'intermédiaire de son médecin-conseil la communication des pièces du dossier ; qu'à la suite du refus opposé, elle a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté son recours le 24 septembre 2014 ; que le 17 octobre 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement du 24 avril 2018, le tribunal a :

- rejeté la demande de renvoi de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde ;

- déclaré recevable le recours de la S.A. [4] ;

- dit ce dernier bien fondé ;

- déclaré inopposable à la S.A. [4] la décision par laquelle la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde a pris en charge l'accident du 11 février 2008 déclaré par M. [Y] [B] au titre de la législation sur les risques professionnels ainsi que l'ensemble de ses conséquences ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a considéré que le saignement de nez, compte tenu de son caractère bref et bénin, ne peut être considéré, à moins d'éléments médicaux complémentaires, comme une lésion au sens médical et juridique du terme ; que dès lors que le saignement s'était arrêté, il ne subsistait aucun traumatisme physique, sauf preuve d'une perte de sang massive non rapportée en l'espèce ; qu'il n'est pas rapporté d'événement soudain susceptible d'avoir provoqué ce saignement ; qu'il n'y avait donc pas de fait accidentel.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 6 août 2018 à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 14 août 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 24 avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny ;

- déclarer opposable à l'employeur la prise en charge par la Caisse de l'accident du travail

survenu le 11 février 2008 à M. [Y] [B].

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A. [4] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde de ses demandes.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 27 mai 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE,

Sur la fin de non recevoir

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde expose que seule la contestation du taux notifié par la [5] interrompt le délai de prescription de l'action en remboursement ; qu'en I 'espèce, la société ne prouve pas qu'elle a saisi la [5] en contestation du taux notifié ; que dès lors, elle ne démontre pas son intérêt à agir.

La S.A. [4] réplique que la prescription visée à l'article L243-6 du Code de la Sécurité Sociale ne court qu'à compter de la notification d'une décision de justice faisant droit à une contestation impactant les éléments de calcul du taux de cotisation accident du travail ; que l'article D 242-6-3 du Code de la Sécurité Sociale, dans sa version applicable à l'époque, indique clairement que les taux pourront être revus à réception de décisions de justice ultérieures.

En application de l'article L 243 -6 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, lorsque l'indu de cotisations sociales résulte d'une décision administrative ou juridictionnelle, le délai de prescription de l'action en restitution des cotisations en cause ne peut commencer à courir avant la naissance de l'obligation de remboursement découlant de cette décision. La prescription de la demande de remboursement des cotisations indûment versées ne peut commencer à courir avant un jugement devenu irrévocable ayant déclaré la décision de prise en charge inopposable à l'employeur ( 2e Civ., 12 février 2015, pourvoi n° 13-25.985, Bull. 2015, II, n° 28).

En l'espèce, la S.A. [4] a saisi la commission de recours amiable dans le délai de prescription de l'action en contestation de l'opposabilité de l'accident du travail, dès lors que, en l'absence de notification de la décision de prise en charge de l'accident du travail, elle ne pouvait courir qu'à compter de l'imputation au compte employeur des cotisations y afférentes. Le cours de la prescription de l'action en remboursement de l'indu de cotisations est suspendu, en application du texte précité, dans l'attente du jugement définitif du litige opposant la S.A. [4] à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde relativement à la prise en charge de l'accident du travail déclaré par M. [Y] [B].

L'action est donc recevable. La fin de non-recevoir sera donc écartée.

Sur le fond du droit

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde expose que la matérialité de l'accident dont a été victime M. [Y] [B], au temps et au lieu du travail, est bien démontrée ; qu'il n'est pas nécessaire que subsiste un traumatisme pour qu'une pathologie puisse être qualifiée de lésion ; qu'en outre, un épistaxis est bien une hémorragie en provenance des fosses nasales ; que cette pathologie a été diagnostiquée par un médecin qui a estimé nécessaire de prescrire à l'assuré un arrêt de travail ; que les causes de la pathologie ne sont pas nécessairement visibles, ce qui n'exclut pas pour autant la notion de fait accidentel et donc d'accident du travail ; que lorsque la matérialité de l'accident est démontrée, la Cour de cassation instaure au profit du salarié une présomption d'imputabilité selon laquelle « toute lésion survenue au temps et au lieu du travail doit être considérée comme résultant d'un accident du travail saufs s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère au travail » (Cass. Soc. , 27 juin 1963, n° 62-10 026) ; qu'en l'espèce, l'assuré a informé son employeur et consulté son médecin le jour de l'accident ; que la S.A. [4], immédiatement informée, n'a formulé aucune réserve ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, il est patent que M. [Y] [B] a bien été victime d'un accident sur son lieu de travail, pendant ses horaires de travail malgré les moyens soutenus par son employeur afin de contester l'existence de la présomption d'imputabilité ; que l'employeur n'apporte aucun élément, aussi bien factuel que médical, remettant en cause la présomption d'imputabilité dont peut se prévaloir l'assuré.

La S.A. [4] expose que la présomption d'imputabilité d'un fait accidentel au travail ne peut résulter des seules allégations de la victime ; que l'accident doit avoir un lien direct et certain avec l'activité professionnelle du salarié ; qu'un certificat médical retranscrivant les doléances du salarié sans mention d'explorations médicales propres à décrire les lésions, est insuffisant à en rapporter la preuve ; que l'assuré n'a pas été en mesure de décrire un fait accidentel à l'origine de son saignement, car aucun fait accidentel n'existait ; qu'en aucun cas, le simple fait de marcher ne saurait déclencher un saignement de nez nécessitant la prescription de 83 jours d'arrêts de travail ; qu'aucun témoin ne peut confirmer les circonstances de cet accident ; qu'il est impossible de dater ou incriminer un fait accidentel précis ; que le saignement déclaré doit résulter d'un état pathologique antérieur, cause totalement étrangère au travail ; que ces lésions sont probablement d'ordre chronique, d'apparition progressive et non soudaine, et relèvent de la maladie et non d'un accident.

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768, Bull. n°132). Les juges du fond apprécient souverainement si un accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail (Soc., 20 décembre 2001, Bulletin civil 2001, V, n° 397). L'apparition brutale d'une lésion au temps et au lieu de travail constitue un accident du travail ( 2e Civ., 17 février 2022, pourvoi n° 20-20.626).

Le salarié doit ainsi établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel (Soc., 26 mai 1994, Bull. n°181) ; il importe qu'elles soient corroborées par d'autres éléments (Soc., 11 mars 1999, n° 97-17.149, Civ 2ème 28 mai 2014, n° 13-16.968).

En revanche, dès lors qu'il est établi la survenance d'un événement dont il est résulté une lésion aux temps et lieu de travail, celui-ci est présumé imputable aux travail, sauf pour celui entend la contester de rapporter la preuve qu'elle provient d'une cause totalement étrangère au travail.

En la présente espèce, la déclaration d'accident du travail fait état de l'apparition soudaine d'un saignement du nez après que le salarié eut passé le filtre de police pour rejoindre le vol [8] ' [Localité 1], le 11 février 2008 à 11h50 afin de rentrer à son domicile après avoir effectué un vol, les horaires de travail réalisés étant de 21h09 à 10h47 le jour de l'accident. Le certificat médical initial établi le même jour, le 11 février 2008 au service médical d'urgence de l'aéroport de [Localité 6] Charles De Gaulle fait état d'une épistaxis, soit une hémorragie nasale, sur une poussée hypertensive.

Si la déclaration d'accident du travail ne fait état d'aucun témoin, la constatation médicale a été réalisée le jour même et l'employeur a été averti immédiatement. Dès lors, il existe un faisceau d'indices suffisants pour conclure que la lésion décrite par le salarié est survenue sur son lieu de travail et dans un temps que l'employeur ne conteste pas être un temps de travail.

La caisse établit donc la présomption d'imputabilité de la lésion au travail et il appartient à la S.A. [4] de la détruire.

En l'espèce, la S.A. [4] ne dépose aucun document d'ordre médical permettant d'établir l'existence d'une cause étrangère ou d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

Le jugement déféré sera donc infirmé et la décision de prise en charge de l'accident survenu le 11 février 2008 à M. [Y] [B] sera déclarée opposable à la S.A. [4].

La S.A. [4], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Gironde ;

DÉCLARE recevable le recours de la S.A. [4] ;

INFIRME le jugement rendu le 24 avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Bobigny ;

Statuant à nouveau,

DÉCLARE opposable à la S.A. [4] la prise en charge par la Caisse de l'accident du travail survenu le 11 février 2008 à M. [Y] [B] ;

CONDAMNE la S.A. [4] aux dépens.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09832
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;18.09832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award