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09/09/2022 | FRANCE | N°18/09528

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 09 septembre 2022, 18/09528


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 09 Septembre 2022



(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09528 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G4V



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01762





APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée

par Me Katia SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0942



INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 2]

représentée par M. [J] [F] en ve...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 09 Septembre 2022

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09528 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6G4V

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01762

APPELANTE

SAS [5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Katia SZLEPER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0942

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

TSA 80028

[Localité 2]

représentée par M. [J] [F] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

La cour statue sur l'appel interjeté par la SAS [5] (la société) d'un jugement rendu le 22 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf).

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'Urssaf a suspendu l 'exonération, pour la période allant du 01er juillet 2016 au 30 novembre 2016, dont la société bénéficiait jusqu'alors au titre des établissements situés en Zone Franche Urbaine (ZFU) au motif d'une absence de réception de la déclaration des mouvements de main d'oeuvre de l 'année 2015 ; que l'Urssaf a adressé le 03 juillet 2017 à la société une mise en demeure de payer la somme de 4 679 € en principal et majorations de retard; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable qui a maintenu la mise en demeure, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, lequel par jugement du 22 mai 2018 a déclaré la société recevable mais mal fondée en son recours, et l'a déboutée de sa demande d'exonération de charges patronales pour la période en litige.

La société a interjeté appel le 30 juillet 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 juillet 2018.

Par ses conclusions écrites d' « appelant » déposées par son conseil qui s'y est oralement référé à l'audience, la société demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

-juger son recours recevable ;

-juger que les déclarations antérieures et postérieures à 2015 ont toutes été valablement réceptionnées par les services de l'Urssaf ;

-juger qu'elle est de bonne foi ;

-prononcer l'exonération des cotisations sociales patronales pour 2015 applicables aux entreprises implantées en ZFU ;

-l'exempter de sanction pour retard ou oubli dans ses déclarations sociales ;

-juger que les majorations de retard ne sont pas applicables aux erreurs corrigées ;

Subsidiairement :

-lui octroyer des délais de paiement ;

-juger n'y avoir lieu à aucune indemnité, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-juger que chacune des parties conservera à sa charge le montant de ses propres dépens.

La société fait valoir pour l'essentiel que :

-constituée en 2012, elle a constamment depuis 2013 pu bénéficier de l'exonération ZFU, l'Urssaf ayant toujours bien reçu les déclarations récapitulatives annuelles adressées par son cabinet d'expertise comptable.

-son expert comptable affirme avoir transmis à l'Urssaf la déclaration 2015, au même titre que les déclarations des années précédentes, puis suivantes.

-la déclaration a bien été adressée à l'Urssaf en avril 2016, et c'est 07 mois plus tard que l'organisme a pris attache avec son comptable pour lui faire part de l'absence de déclaration pour 2015, ce qui permet légitimement de supposer que l'agent en charge des déclarations l'a bien reçue, mais l'aurait égarée ; un jeune collaborateur du cabinet d'expertise comptable a alors réédité le document en le datant en toute bonne foi du jour de l'appel de l'Urssaf pour la lui adresser de nouveau.

-elle ne peut pas rapporter la preuve négative de la non réception de la déclaration initiale par l'organisme.

-la Loi ESSOC, dite du « droit à l'erreur » vise à éviter qu'un oubli ou une erreur de bonne foi soit immédiatement sanctionné.

-le site internet de l'Urssaf prévoit la possibilité de se prévaloir d'un tel droit en cas d'erreur commise dans les déclarations ; de plus, elle a adressé de nouveau la déclaration après y avoir été invitée par l'Urssaf.

-elle est de bonne foi.

-subsidiairement, il y a lieu de lui accorder un échéancier de 24 mois pour acquitter la somme due en application de l'article 1345-5 du code civil.

Par ses conclusions écrites d' « intimée » déposées par son représentant qui s'y est oralement référé à l'audience, l'Urssaf demande à la cour, de :

-confirmer le jugement déféré ;

-juger que la loi 2018-727 du 10 août 2018 et le décret 2019-1050 ne sont pas rétroactifs ;

Subsidiairement

-juger que la société ne peut se prévaloir du « droit à l'erreur » ;

-condamner la société au paiement des sommes visées à la mise en demeure du 03 juillet 2017 ;

En tout état de cause

-débouter la société de ses demandes ;

-condamner la société, outre aux dépens à payer la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'Urssaf fait valoir en substance que :

-la réintégration opérée est bien-fondée dès lors que pour bénéficier de ou continuer à bénéficier de l'exonération ZFU pour ses salariés éligibles, la société devait adresser à la [4] et à l'organisme de recouvrement la déclaration des mouvements de main d'oeuvre intervenus courant 2015 au plus tard le 30 avril 2016, ce que la société n'a pas fait alors qu'il incombe à cette dernière de prouver un tel envoi, sa bonne foi important peu ;

-le droit à l'erreur issu de la Loi du 10 août 2018, dite loi ESSOC, formalisé à l'article L 123-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'une part ne dispense pas du paiement des cotisations dues, mais simplement d'une éventuelle sanction matérialisée en matière de recouvrement par une majoration de retard ou une pénalité, d'autre part ne s'applique pas en cas de retard ou d'omission de déclaration dans les délais prescrits, et enfin ne saurait recevoir une application rétroactive.

Il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience et visées par le greffe le 25 mai 2022 pour un plus ample exposé des moyens qu'elles ont respectivement soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

Il est constant que pour pouvoir bénéficier de l'exonération sollicitée en l'espèce par la société, l'employeur doit adresser, pour chaque établissement implanté en ZFU, à la [4] et à l'Urssaf, notamment une déclaration annuelle des mouvements de la main d'oeuvre au titre de l'année précédente, et ce au plus tard au 30 avril de l'année suivante.

La société avance avoir adressé la déclaration 2015 à l'Urssaf avant le 30 avril 2016 ; l'Urssaf réplique avoir reçu uniquement la déclaration 2015 qui lui a été adressée le 18 novembre 2016.

La société, alors qu'une telle preuve lui incombe, n'établit pas par ses écritures et productions avoir transmis à l'Urssaf sa déclaration annuelle des mouvements de main d'oeuvre 2015 avant le 30 avril 2016, les courriers rédigés (ses pièces n°4 et 7) par son cabinet d'expertise comptable qu'elle avait mandaté à cet effet, indiquant avoir réalisé une telle transmission par voie postale, ainsi que la copie d'une déclaration datée du « 28 04 2016 » (sa pièce n°2) étant insuffisants à y pourvoir, tout comme la circonstance que les déclarations des années précédentes, puis suivantes ont bien été reçue par l'Urssaf (sa pièce n°8). La société, qui ne produit aucun élément de preuve extrinsèque, et qui ne justifie pas plus avoir adressé un tel document à la [4], échoue donc à établir l'envoi de la déclaration en temps utile, omission la privant de l'exonération sollicitée, étant précisé que la bonne foi de la société est indifférente à la solution du litige, tout comme le fait que le comptable de la société ait adressé à l'Urssaf les documents réclamés avant même la mise en demeure du 3 juillet 2017.

La société se prévaut également du droit à l'erreur pour échapper à la sanction que constituerait le refus d'exonération qui lui a été opposé.

L'article L.123-1 du code des relations entre le public et l'administration, créé par la Loi n°2018-727 du 10 août 2018 - art. 2 (V)- , applicable à compter du 12 août 2018 dispose que:

«Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué.

La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude.

Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables:

1° Aux sanctions requises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union européenne';

2° Aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement;

3° Aux sanctions prévues par un contrat;

4° Aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à l'égard des professionnels soumis à leur contrôle.»

L'Urssaf fait valoir à bon droit que :

-d'une part, le moyen tiré de ce texte est inopérant en raison de l'absence de caractère rétroactif de ce dernier, et ce au regard d'une omission déclarative suspendant l'exonération de cotisations exigibles en 2016, soit avant son entrée en vigueur.

-l'octroi d'une exonération de charges sociales n'entre pas dans les prévisions de ce texte qui concerne les erreurs ayant eu pour conséquence de priver leur auteur de tout ou partie d'une prestation ou de lui faire subir une sanction pécuniaire.

Par ailleurs, contrairement à ce qu'avance la société, le site internet de l'Urssaf (pièces n°2 à 4 de l'Urssaf) précise bien que « le droit à l'erreur ne s'applique pas (') en cas de retard ou d'omission de déclarations dans les délais prescrits » et que « Le bénéfice du droit à l'erreur ne vous dispense pas du paiement des cotisations dues », étant précisé qu'une omission déclarative ne recouvre pas une déclaration erronée.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la décision de l'Urssaf de suspendre l'exonération ZFU , pour la période allant du 01er juillet 2016 au 30 novembre 2016, est justifiée. La décision des premiers juges doit donc être confirmée.

La société sera en conséquence condamnée au paiement des causes de la mise demeure du 03 juillet 2017.

L'article 1244-1 du code civil devenu l'article 1343-5, du code civil n'est pas applicable devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale saisie aux fins de paiement des cotisations et contributions sociales instituées par la loi, comme l'a rappelé la Cour de cassation (2e Civ.,16 juin 2016 ; n°15-18.390 (P) et 23 juin 2022, n° 21-10.291 (B)).

Il ne saurait donc être fait droit à la demande de délais de paiement présentée par la société, étant d'ailleurs précisé que celle-ci n'avait d'ailleurs pas saisi la commission de recours amiable d'une telle demande, et plus généralement, ne justifie, ni même n'argue avoir sollicité de l'organisme des délais de paiement.

Il n'apparait pas inéquitable de laisser à l'Urssaf la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable.

CONFIRME le jugement déféré.

CONDAMNE la SAS [5] à payer à l'Urssaf Ile de France les sommes visées à la mise en demeure du 03 juillet 2017, à savoir 4 353 € au titre des cotisations et 326 € au titre des majorations de retard provisoires.

DEBOUTE la SAS [5] de ses demandes.

DEBOUTE l'Urssaf Ile de France de sa demande en frais irrépétibles.

CONDAMNE la SAS [5] aux dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09528
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;18.09528 ?
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