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08/09/2022 | FRANCE | N°22/005157

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 08 septembre 2022, 22/005157


Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 22/00515 - No Portalis 35L7-V-B7G-CE6DC

Décision déférée à la cour :
Jugement du 16 décembre 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 15/00061

APPELANTE

COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)
société anonyme de droit congolais immatriculée au RCCM de Brazzaville sous le
numéro

RCCM CG/BZV/07 B413, agissant poursuites et diligences de son représentant
légal en exercice, M. [G] [D] [H],
Élisant domicile che...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 22/00515 - No Portalis 35L7-V-B7G-CE6DC

Décision déférée à la cour :
Jugement du 16 décembre 2021-juge de l'exécution de Paris-RG no 15/00061

APPELANTE

COMMISSIONS IMPORT EXPORT (COMMISIMPEX)
société anonyme de droit congolais immatriculée au RCCM de Brazzaville sous le
numéro RCCM CG/BZV/07 B413, agissant poursuites et diligences de son représentant
légal en exercice, M. [G] [D] [H],
Élisant domicile chez la SELAS Archipel, [Adresse 5], pour
les besoins de la notification de toute décision à intervenir dans le cadre de la présente
procédure et ses suites,
Et ayant pour siège social, [Adresse 4] (République du Congo).

représentée par Me Jacques-Alexandre GENET de la SELAS ARCHIPEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0122

INTIMÉES

LA RÉPUBLIQUE DU CONGO
prise en la personne de son Ministre de la Justice, des droits humains et de la promotion des peuples autochtones, Ministère de la Justice, [Adresse 9], République du Congo.

représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
plaidant par Me Kevin GROSSMANN, avocat au barreau de PARIS

S.A. ORANGE
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Me Laetitia LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0588

SOCIÉTÉ CONGOLAISE D'ENLÈVEMENT DES ORDURES MÉNAGÈRES ET D'ASSAINISSEMENT
[Adresse 7]
[Localité 10]-RÉPUBLIQUE DU CONGO

SOCIÉTÉ CONGOLAISE D'ÉLECTRIFICATION ET DE CANALISATION
[Adresse 14]
[Localité 10]-RÉPUBLIQUE DU CONGO

SOCIÉTÉ BOISSONS AFRICAINES DE [Localité 10]
[Adresse 8]
[Localité 10]-RÉPUBLIQUE DU CONGO

n'ont pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-défaut
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant une sentence arbitrale du 1er novembre 2007, rendue exécutoire le 21 février 2008 par décision d'exéquatur prononcée par le président du tribunal de grande instance de Paris, la République du Congo a été condamnée in solidum avec d'autres parties à payer à la SA Orange la somme de 6.104.467,67 euros en principal, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2002, et capitalisés à compter du 1er avril 2003.

Selon commandement de payer valant saisie immobilière en date du 29 octobre 2014, publié le 8 décembre 2014 au service de la publicité foncière de [Localité 11], 8e bureau, sous le volume 2014 S no65, la société Orange a entrepris une saisie portant sur des biens immobiliers appartenant à la République du Congo, situés [Adresse 1] et [Adresse 3] à [Localité 12].

Par acte d'huissier du 6 février 2015, la société Orange a fait assigner la République du Congo devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris à l'audience d'orientation aux fins de vente forcée de l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 12].

Par jugement d'orientation du 25 juin 2020, le juge de l'exécution a déclaré irrecevables les prétentions de la société Commisimpex, a annulé le commandement de payer valant saisie immobilière du 29 octobre 2014, ordonné en tant que de besoin la mainlevée de la saisie, et dit sans objet la demande tendant à la prorogation des effets dudit commandement de payer. Par arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé ce jugement, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les prétentions de la société Commisimpex et dit sans objet la demande de prorogation des effets du commandement, et statuant à nouveau, a ordonné la vente forcée du bien situé [Adresse 1] et fixé la créance de la société Orange à la somme de 5.341.302 euros.

Par jugement du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution a notamment déclaré irrecevables les moyens de la République du Congo tirés de l'inviolabilité et de l'insaisissabilité de l'immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 12], et fixé l'audience d'adjudication au 16 décembre 2021. La République du Congo a fait appel de ce jugement.

La société Orange s'est désistée de l'instance engagée et de son action. La société Commisimpex a sollicité sa subrogation dans les droits de la société Orange. La République du Congo a accepté le désistement d'Orange.
Par jugement du 16 décembre 2021, le juge de l'exécution a :
- déclaré parfait le désistement d'instance et d'action de la société Orange,
-constaté en conséquence la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 29 octobre 2014,
- déclaré irrecevable la demande de subrogation de la société Commisimpex,
- dit que les frais et dépens de la présente procédure seront supportés par la République du Congo.

Pour déclarer irrecevable la demande de subrogation, le juge de l'exécution a retenu que l'inscription dont se prévalait la société Commisimpex avait été prise le 12 février 2021, soit après la publication du commandement, donc en méconnaissance de l'article L.321-5 du code des procédures civiles d'exécution.

La société Commisimpex a formé appel de ce jugement par déclaration du 6 janvier 2022, puis a saisi le premier président le 10 janvier 2022 afin d'être autorisée à assigner à jour fixe.

Par acte d'huissier du 21 janvier 2022, déposé au greffe le 9 février 2022, elle a fait assigner à jour fixe la République du Congo, la société Orange, la société Socema, la société Soceca et la société BAB devant la cour, après y avoir été autorisée par ordonnance rendue sur requête le 13 janvier 2022 par le président de chambre délégataire.

Par conclusions du 13 juin 2022, la société Commissions Import Export (Commisimpex) demande à la cour d'appel de :
- la déclarer recevable,
- infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- ordonner la subrogation de Commisimpex dans les droits d'Orange en qualité de créancier poursuivant,
- renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution afin de procéder à la vente forcée de l'appartement [Adresse 1],
En tout état de cause,
- débouter la République du Congo de l'ensemble de ses demandes contraires,
- condamner la République du Congo aux dépens d'appel, avec distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement d'une somme de 50.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 9 juin 2022, la République du Congo demande à la cour de :
A titre principal,
- déclarer nulle la déclaration d'appel de la société Commisimpex pour défaut de pouvoir du représentant de la société,
- déclarer nulle la requête présentée par la société Commisimpex au premier président afin d'être autorisée à assigner à jour fixe,
- déclarer nulle l'assignation à jour fixe délivrée par la société Commisimpex pour défaut de pouvoir du représentant de la société,
- juger que la cour n'est saisie d'aucune demande,
Subsidiairement,
- déclarer la société Commisimpex irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir de son représentant légal,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré parfait le désistement d'instance et d'action de la société Orange, prononcé en conséquence la caducité du commandement et déclaré irrecevable la demande de subrogation de la société Commisimpex,
En tout état de cause,
- débouter la société Commisimpex de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la société Commisimpex au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 14 juin 2022, la société Orange demande à la cour de :
- constater qu'elle s'en rapporte à justice, s'agissant des demandes formulées par la société Commisimpex visant à infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution le 16 décembre 2021, à ordonner la subrogation de la société Commisimpex dans les droits d'Orange, en qualité de créancier poursuivant, et à renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution afin de procéder à la vente forcée de l'appartement situé au [Adresse 1] à [Localité 11],
- juger qu'elle conservera le bénéfice des frais taxés à hauteur de 18.781,82 euros par le juge de l'exécution, le 15 décembre 2021, en vue de l'audience d'adjudication du 16 décembre 2021,
- juger que la société Commisimpex, si elle est subrogée dans ses droits, devra veiller au paiement par l'adjudicataire des frais taxés dans le délai prévu par l'article R.322-58 du code des procédures civiles d'exécution, à compter de la date d'adjudication définitive, ce paiement devant lui être transféré dans les meilleurs délais.

Les sociétés BAB, Soceca et Socema, citées à l'étude d'huissier, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les exceptions de nullité pour défaut de pouvoir du représentant de la société Commisimpex

La République du Congo fait valoir que la société Commisimpex est une société anonyme de droit congolais immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) près le tribunal de commerce de Brazzaville, de sorte qu'elle est soumise au droit applicable au sein de l'OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du droit des affaires) ; qu'une telle société n'est représentée que par son directeur général et non le président du conseil d'administration ; que la nomination d'un directeur général d'une société anonyme n'est valable, et ses actes opposables aux tiers, que si elle a fait l'objet d'un enregistrement et d'une publication au RCCM ; qu'en l'espèce, M. [G] [H] a été désigné directeur général de la société Commisimpex en 2010 pour une durée de trois ans ; que depuis le terme de son mandat le 27 juillet 2013, aucune reconduction n'a fait l'objet d'un procès-verbal ou d'un enregistrement au greffe du tribunal de commerce de Brazzaville, de sorte que M. [H] n'est plus directeur général ; que la société Commissinpex a d'ailleurs fait l'objet d'une décision de liquidation et de dissolution ; que le procès-verbal des délibérations du conseil d'administration du 19 avril 2022, produit par l'appelante, portant nomination de M. [G] [H] en qualité de président directeur général de la société pour représenter celle-ci dans ses rapports avec les tiers, n'a pas été enregistré et publié au RCCM du tribunal de commerce de Brazzaville ; qu'en tout état de cause, cette nomination ne peut avoir un effet rétroactif, de sorte que M. [H] ne disposait d'aucun pouvoir pour agir au nom de la société Commisimpex entre le 27 juillet 2013, terme de son mandat, et le 19 avril 2022.

La société Commisimpex répond qu'il est tout fait possible, en droit de l'OHADA, de cumuler les deux fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général en la personne d'un président directeur général (PDG) ; que ses statuts mis à jour le 20 août 2015 optent pour une gestion par un PDG ; qu'elle a désigné M. [H] en cette qualité pour assurer la direction générale de la société et représenter celle-ci dans ses rapports avec les tiers ; que le mandat de celui-ci a été renouvelé pour une durée de trois ans selon procès-verbaux du conseil d'administration du 17 avril 2019 puis du 19 avril 2022 ; que la liquidation de la société Commissimpex prononcée au Congo à la demande de la République du Congo a été jugée frauduleuse et contraire à l'ordre public international français par toutes les juridictions françaises ; que si elle n'a pas procédé aux formalités de publication au RCCM du Congo, c'est qu'elle en a tout simplement été empêchée du seul fait de ces manoeuvres frauduleuses de la République du Congo qui ont été jugées inopposables en France ; qu'en outre, le dirigeant dont la nomination n'a pas été publiée, a néanmoins qualité pour représenter la société en justice.
Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- le défaut de capacité d'ester en justice ;
- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

La République du Congo invoquant la nullité, pour défaut de pouvoir du représentant de la société Commisimpex, de la déclaration d'appel du 6 janvier 2022, de la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe présentée au premier président le 10 janvier 2022 et de l'assignation à jour fixe délivrée le 21 janvier 2022, il convient de se placer en janvier 2022 pour apprécier si M. [G] [H] (ou [H]) avait le pouvoir de représenter la société Commisimpex.

Il est constant que la société Commisimpex est une société anonyme de droit congolais, soumise aux dispositions de l'Acte uniforme révisé de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du droit des affaires (ci-après OHADA) du 30 janvier 2014.

L'article 415 de cet Acte dispose que la société anonyme avec conseil d'administration est dirigée soit par un président-directeur général, soit par un président du conseil d'administration et un directeur général. Selon l'article 465, le président directeur général représente la société dans ses rapports avec les tiers. En cas de direction par un président du conseil d'administration et un directeur général, c'est, selon l'article 487, le directeur général qui représente la société dans ses rapports avec les tiers.

Il en résulte qu'il est tout à fait possible, en droit de l'OHADA, pour un dirigeant de cumuler les fonctions de directeur général et de président du conseil d'administration (auquel cas il est président-directeur général), mais dans l'hypothèse où ces deux fonctions sont exercées par deux personnes distinctes, seul le directeur général représente la société.

Les statuts de la société Commisimpex ont été modifiés en 2015. Selon l'article 12 relatif au conseil d'administration, M. [G] [H] est membre du conseil d'administration. Il résulte de l'article 16 relatif à la direction de la société que la société peut opter entre un mode de gestion par un président-directeur général et un directeur général adjoint selon les règles prévues par l'Acte uniforme, soit un mode de gestion avec un président du conseil d'administration, nommé par le conseil et membre de celui-ci, un directeur général et un directeur général adjoint. Ce même article 16 prévoit que le directeur général représente la société dans ses rapports avec les tiers.

C'est en vain que la République du Congo fait valoir que M. [G] [H] a été désigné président-directeur général par décision du 27 juillet 2010 pour une durée de trois ans, soit jusqu'au 27 juillet 2013, et que son mandat n'a pas été renouvelé. En effet, la société Commissimpex justifie de ce que M. [H] a de nouveau été désigné président-directeur général par décisions du conseil d'administration en date du 17 avril 2019, puis du 19 avril 2022.

Ainsi, au moment de la déclaration d'appel, du dépôt de la requête au premier président et de la délivrance de l'assignation à jour fixe, M. [H] représentait bien la société Commisimpex en sa qualité de président-directeur général.

La République du Congo se prévaut en outre d'un extrait du registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) du tribunal de commerce de Brazzaville en date du 15 octobre 2012 qui mentionne que M. [H] est seulement président du conseil d'administration. Elle ne produit aucun extrait plus récent. Toutefois, il n'est pas contesté que les désignations de M. [H] comme président-directeur général n'ont pas été publiées au RCCM du tribunal de commerce de Brazzaville.
La République du Congo ne produit pas les dispositions de l'Acte uniforme de l'OHADA relatives à la nécessité de publier au RCCM les désignations des dirigeants sociaux, mais elle produit une consultation juridique du professeur [P] [U] (Université [13]) dont il ressort qu'en droit de l'OHADA, la nomination de M. [H] en tant que président-directeur général n'est pas opposable aux tiers tant qu'elle n'a pas été publiée au RCCM, même si cette inopposabilité est cependant relative, puisque d'une part la société peut apporter la preuve que les tiers ou les administrations avaient connaissance de cette nomination, d'autre part les tiers et les administrations peuvent s'en prévaloir.

En l'espèce, la société Commisimpex fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire à [Localité 10] depuis 2012 à l'initiative de la République du Congo, ce qui empêche toute publication au RCCM de décision de nomination d'un président-directeur général. Or, cette liquidation judiciaire n'a jamais été reconnue par les juridictions françaises qui ont rejeté les demandes d'exequatur des décisions congolaises jugées incompatibles avec l'ordre public international français. Dans sa consultation, le professeur [P] [U] lui-même, indique que la société Commisimpex est liquidée au Congo et représentée par ses liquidateurs, alors qu'en France, elle demeure représentée par son représentant légal, à savoir M. [H]. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le tribunal judiciaire de Paris, dans son jugement du 23 mars 2022 rendu en matière d'exequatur : il a estimé que la société Commisimpex, étant in bonis en France, ne pouvait être valablement représentée sur le territoire français que par son représentant légal en exercice, M. [H].

La République du Congo peut d'autant moins se prévaloir de la liquidation judiciaire de la société Commisimpex, comme obstacle à la publication de la nomination de M. [H] au RCCM, qu'elle est à l'origine de ces décisions de justice inopposables en France du fait de leur non-conformité à l'ordre public international.

Enfin, la République du Congo ne saurait utilement invoquer l'absence de caractère rétroactif de la décision d'assemblée générale du 19 avril 2022, puisque la société Commisimpex justifie également d'une décision du 17 avril 2019. En tout état de cause, le défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale peut être régularisé en application de l'article 121 du code de procédure civile.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la société Commisimpex était valablement représentée en France par son président-directeur général, M. [H], lors de sa déclaration d'appel, de sa requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour et lors de la délivrance de l'assignation. Il convient donc rejeter les exceptions de nullité soulevées par la République du Congo pour défaut de pouvoir du représentant de la société Commisimpex.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [G] [H]

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Si dans le dispositif de ses conclusions, la République du Congo soulève une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [H], elle fait état en revanche dans ses motifs uniquement d'un défaut de qualité de M. [H] pour représenter la société Commisimpex.

Le défaut de qualité de M. [H] pour représenter la société Commisimpex est en réalité un moyen de nullité de fond et non une fin de non-recevoir, et a déjà été examiné supra. Ce moyen est mal fondé, M. [H] étant bien le représentant légal de la société Commisimpex.
Par ailleurs, le défaut de droit d'agir tel que le défaut de qualité à agir concerne la partie elle-même et non son représentant légal. Or M. [H] n'est pas partie au litige, son nom n'étant mentionné dans les actes de procédure, en application de l'article 54, 3o, b) du code de procédure civile, qu'en sa qualité de représentant légal de la société Commisimpex, qui est seule partie au litige.

Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir invoquée par la République du Congo.

Sur l'irrecevabilité de la demande de subrogation soulevée par le premier juge

La société Commisimpex soutient que le premier juge a statué ultra petita et a soulevé un moyen d'office sans inviter les parties à présenter leurs observations comme le prévoit l'article 16 du code de procédure civile, de sorte que le jugement doit être annulé. Elle fait valoir en outre que le juge a appliqué l'article L.321-5 du code des procédures civiles d'exécution qui n'est pas applicable puisqu'il concerne les inscriptions du chef du saisi ; que tout créancier peut procéder à une inscription d'hypothèque judiciaire après la délivrance du commandement de payer valant saisie et intervenir à la procédure conformément aux articles R.322-13 et L.331-1 du code des procédures civiles d'exécution ; que l'article R.311-9 autorise tous les créanciers inscrits, quelle que soit la date de leur inscription, à solliciter la subrogation dans les droits du poursuivant. Elle ajoute que si dans son arrêt du 11 février 2021, la cour d'appel de Paris a estimé qu'elle ne pouvait intervenir à la procédure n'étant qu'un créancier chirographaire, elle en a tiré les conséquences en inscrivant une hypothèque judiciaire sur l'immeuble.

La République du Congo estime que la décision d'irrecevabilité n'encourt aucune critique car elle est conforme aux précédentes décisions rendues, notamment l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 février 2021 qui a refusé le bénéfice de la subrogation à la Commisimpex, laquelle est dépourvue de tout droit d'agir.

A titre liminaire, il convient de préciser que la demande d'annulation du jugement n'est pas formulée au dispositif des conclusions de la société Commisimpex de sorte qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'a pas à statuer sur cette prétention.

Il résulte de l'article R.311-9 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution que les créanciers inscrits peuvent, à compter de la publication du commandement valant saisie et à tout moment de la procédure, demander au juge de l'exécution leur subrogation dans les droits du poursuivant.

L'article R.322-13 du même code dispose : «Les créanciers qui ont inscrit leur sûreté sur l'immeuble après la publication du commandement de payer valant saisie mais avant la publication de la vente, interviennent à la procédure en déclarant leur créance, arrêtée en principal frais et intérêts échus au jour de la déclaration. A peine d'irrecevabilité, la déclaration est faite par acte d'avocat déposé au greffe du juge de l'exécution dans le mois suivant l'inscription et est accompagnée d'une copie du titre de créance et du bordereau d'inscription et d'un état hypothécaire levé à la date de l'inscription. La déclaration est dénoncée, dans les mêmes formes ou par signification, le même jour ou le premier jour ouvrable suivant, au créancier poursuivant et du débiteur. »

Par ailleurs, il résulte de l'article L.321-5 du code des procédures civiles d'exécution que sont inopposables au créancier poursuivant comme à l'acquéreur les inscriptions du chef du saisi qui n'ont pas été prises antérieurement à la publication de la saisie.

Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, seules les inscriptions du chef du débiteur saisi doivent être antérieures à la publication du commandement de payer valant saisie. En revanche, tout créancier inscrit peut intervenir à la procédure de saisie immobilière, et le cas échéant solliciter la subrogation dans les droits du poursuivant, quelle que soit la date de son inscription.

En l'espèce, la société Commisimpex justifie d'une inscription d'hypothèque judiciaire sur l'immeuble saisi appartenant à la République du Congo en date du 12 février 2021. Elle est intervenue à la procédure en déclarant sa créance au greffe du juge de l'exécution le 10 mars 2021, soit dans le mois de son inscription, et l'a dénoncée le même jour par rpva.

Son intervention à la procédure est donc recevable.

Par ailleurs, le créancier poursuivant, la société Orange s'étant désistée, sa demande de subrogation est nécessairement recevable.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de subrogation de la société Commisimpex.

Sur le bien fondé de la demande de subrogation

La société Commissimpex fait valoir que la société Orange s'est désistée, de sorte qu'elle est bien fondée à solliciter la subrogation en application de l'article R.311-9 du code des procédures civiles d'exécution. Elle ajoute que la République du Congo ne peut invoquer le caractère diplomatique de l'appartement de la [Adresse 1] au stade de l'adjudication en application de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution et de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 février 2021 qui a déjà jugé que l'appartement n'était pas affecté à l'exercice de la mission diplomatique de la République du Congo en France.

La République du Congo estime que la demande de subrogation peut d'autant moins prospérer que l'affectation diplomatique de l'immeuble litigieux s'oppose à la poursuite de la vente forcée. Elle rappelle que les locaux de la mission diplomatique sont inviolables en application de la convention de Vienne de 1961, ce qui s'oppose à la vente forcée, et qu'en l'espèce, l'affectation diplomatique de l'appartement [Adresse 1], qui constitue le bureau des archives de l'ambassade, est établi par un procès-verbal de constat d'huissier et le paiement des charges de copropriété par la paierie du Congo.

L'article R.311-9 du code des procédures civiles d'exécution dispose :
« Les créanciers inscrits et les créanciers énumérés à l'article 2377 et au 3o de l'article 2402 peuvent, à compter de la publication du commandement valant saisie et à tout moment de la procédure, demander au juge de l'exécution leur subrogation dans les droits du poursuivant, par voie de demande incidente ou verbalement à l'audience d'adjudication.
La subrogation peut être sollicitée en cas de désistement du créancier poursuivant ou s'il y a négligence, fraude, collusion ou toute autre cause de retard imputable au poursuivant.
La décision qui rejette la demande de subrogation n'est pas susceptible de recours à moins qu'elle mette fin à la procédure.
La subrogation emporte substitution dans les poursuites et dans les droits et obligations fixés au cahier des conditions de vente prévu à l'article R. 322-10.
Le poursuivant contre lequel la subrogation est prononcée est tenu de remettre les pièces de la poursuite au subrogé qui en accuse réception. Tant que cette remise n'a pas lieu, le poursuivant n'est pas déchargé de ses obligations. »

La société Orange, créancier poursuivant, s'étant désistée, la société Commisimpex, créancier inscrit, est bien fondée en sa demande de subrogation.

Par ailleurs, la question du caractère insaisissable de l'immeuble [Adresse 1] en raison de son affectation diplomatique a déjà été tranchée par la cour, par arrêt du 11 février 2021, saisie de l'appel contre le jugement d'orientation. Rien ne justifie de remettre en cause cette décision qui autorité de la chose jugée entre les parties, étant précisé que la société Commisimpex était déjà partie au litige même si son intervention a été jugée irrecevable. En outre et en tout état de cause, en application de l'article R.311-5 du code des procédures civiles d'exécution, plus aucune contestation ne peut être formée après l'audience d'orientation à moins qu'elle porte sur des actes de procédure postérieurs à celle-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il convient donc d'écarter ce moyen inopérant, de déclarer la société Commisimpex subrogée dans les droits de la société Orange, de renvoyer l'affaire devant le juge de l'exécution afin qu'il soit procédé à la vente forcée, et d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a constaté la caducité du commandement du fait du désistement d'Orange.

Sur les demandes accessoires

La République du Congo, partie perdante en appel, sera condamnée aux dépens d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de la société Commisimpex, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, tandis que les dépens de première instance seront inclus dans les frais qui seront taxés en vue de la vente par adjudication.

Il n'est pas inéquitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Commisimpex et de condamner la République du Congo à lui payer la somme de 4.000 euros à ce titre.

Par ailleurs, la société Orange demande à la cour de juger :
- qu'elle conservera le bénéfice des frais taxés à hauteur de 18.781,82 euros par le juge de l'exécution, le 15 décembre 2021, en vue de l'audience d'adjudication du 16 décembre 2021,
- que la société Commisimpex devra veiller au paiement par l'adjudicataire des frais taxés dans le délai prévu par l'article R.322-58 du code des procédures civiles d'exécution, à compter de la date d'adjudication définitive, ce paiement devant lui être transféré dans les meilleurs délais.

Elle fait valoir que la subrogation emporte substitution dans les poursuites, donc reprise de la procédure en toutes ses composantes, y compris le recouvrement des frais taxés exposés par le créancier poursuivant initial ; que ces frais ne pourront être confondus avec ceux que la société Commisimpex pourra être amenée à exposer, en vue d'une nouvelle adjudication, ce qui devra être porté à la connaissance de tout acquéreur potentiel ; et que ces frais devront être payés par l'adjudicataire, par priorité en sus du prix, et ce avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la date d'adjudication définitive, à peine de réitération des enchères.

Rien ne s'oppose à ces demandes, même s'il s'agit en réalité plutôt de rappels que de véritables prétentions. Il y sera fait droit.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

REJETTE les exceptions de nullité pour défaut de pouvoir du représentant légal de la société Commissions Import Export (Commisimpex) se rapportant à la déclaration d'appel, à la requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe et à l'assignation à jour fixe,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [G] [H],
CONFIRME le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a déclaré parfait le désistement d'instance et d'action de la société Orange,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

DÉCLARE recevable la demande de subrogation de la SA de droit congolais Commissions Import Export (Commisimpex),

DIT que la SA de droit congolais Commissions Import Export est subrogée dans les droits de la société Orange en qualité de créancier poursuivant,

RENVOIE l'affaire devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris afin de procéder à la vente forcée de l'appartement saisi situé [Adresse 1] à [Localité 12] et appartenant à la République du Congo,

CONDAMNE la République du Congo à payer à la SA de droit congolais Commissions Import Export la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que la société Orange conservera le bénéfice des frais taxés à hauteur de 18.781,82 euros par le juge de l'exécution le 15 décembre 2021,

RAPPELLE que la SA de droit congolais Commissions Import Export devra veiller au paiement par l'adjudicataire des frais taxés dans le délai prévu par l'article R.322-58 du code des procédures civiles d'exécution, à compter de la date d'adjudication définitive, ce paiement devant lui être transféré dans les meilleurs délais,

DIT que les dépens de première instance seront inclus dans les frais qui seront taxés par le juge de l'exécution en vue de l'audience d'adjudication,

CONDAMNE la République du Congo aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par la Selas Archipel, avocats associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 22/005157
Date de la décision : 08/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-08;22.005157 ?
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