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08/09/2022 | FRANCE | N°21/222057

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 08 septembre 2022, 21/222057


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/22205 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE3X7

Décision déférée à la cour :
jugement du 18 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81434

APPELANT

Monsieur [K] [T] [N] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représenté par Me Hanna GOUTIERRE, avocat au barreau de PARIS, toqu

e : D1354, et à l'audience par Me Jean-Laurent BOUREL

INTIMÉ

Monsieur [J] [H] [X]
représenté par son mandataire, la société CITYA URBANIA ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/22205 - No Portalis 35L7-V-B7F-CE3X7

Décision déférée à la cour :
jugement du 18 novembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81434

APPELANT

Monsieur [K] [T] [N] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représenté par Me Hanna GOUTIERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1354, et à l'audience par Me Jean-Laurent BOUREL

INTIMÉ

Monsieur [J] [H] [X]
représenté par son mandataire, la société CITYA URBANIA ETOILE, S.A.S.U au capital de 3 750 000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le no345 406 623, dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

Représenté par Me Rémy HUERRE de la SELARL HP et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J109 et à l'audience par Me Alexia LAURENT

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

GREFFIER lors des débats : Madame Sonia DAIRAIN

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition.

Par acte sous seing privé du 4 mars 2014, M. [J] [H] [X] a donné à bail mixte à usage commercial et d'habitation à M. [K] [N] [P] des locaux situés [Adresse 2].

A la suite d'un premier commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 5 septembre 2016, le bailleur a assigné le preneur en constatation de la résiliation du bail devant le juge des référés, lequel, par ordonnance du 16 janvier 2018, a constaté le désistement du bailleur, le locataire ayant réglé l'intégralité des causes de l'assignation le jour de l'audience.

Une seconde procédure aux mêmes fins a abouti au prononcé d'une ordonnance de référé du 6 décembre 2018, infirmée par la cour d'appel le 20 novembre 2019 en ce que celle-ci a octroyé à M. [N] [P] des délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire.

Enfin, M. [H] [X] a fait délivrer à M. [N] [P] un troisième commandement visant la clause résolutoire le 17 décembre 2019, et l'a assigné devant le juge des référés.

Par ordonnance du 8 juillet 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a constaté la résiliation du bail à la date du 17 janvier 2020 et ordonné l'expulsion de M. [N] [P] et de tous occupants de son chef.

Par acte d'huissier du 8 décembre 2020, cette ordonnance a été signifiée à M. [N] [P].

Entre-temps, M. [H] [X] avait accepté un échéancier sollicité par M. [N] [P] pour régler sa dette locative en cinq mensualités à compter du mois de novembre 2020.

Par acte d'huissier du 10 juin 2021, M. [H] [X] a fait délivrer à M. [N] [P] un nouveau commandement de quitter les lieux.

Par requête du 27 juillet 2021, M. [N] [P] a demandé au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris de constater le sursis à l'expulsion et de lui octroyer un délai de 36 mois pour quitter les lieux.

Par jugement du 18 novembre 2021, le juge de l'exécution a :
– rejeté la demande de sursis à expulsion ;
– condamné M. [N] [P] à verser à M. [H] [X] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [N] [P] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a retenu, d'une part, que le moyen pris par le demandeur de l'article L.412-5 du code des procédures civiles d'exécution était inopérant, le propriétaire ayant justifié avoir avisé le préfet du commandement de quitter les lieux, d'autre part, que sa demande de délais pour quitter les lieux devait être rejetée, l'intéressé ayant déjà bénéficié en fait d'un délai de près de deux ans alors qu'il ne justifiait d'aucune recherche en vue de la relocalisation de son activité commerciale ni de son relogement et qu'il ne disposait pas des capacités financière suffisantes pour s'acquitter du montant de l'indemnité d'occupation.

Par déclaration du 15 décembre 2021, M. [N] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions du 30 mai 2022, M. [N] [P] demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris :
et statuant à nouveau,
– ordonner la suspension du délai avant l'expiration duquel l'expulsion ne peut avoir lieu ;
– lui octroyer un délai de douze mois à compter de la décision à intervenir, ou tout délai raisonnable laissé à l'appréciation de la cour, pour libérer les lieux loués ;
à titre subsidiaire,
– lui accorder un délai expirant le 28 février 2023, date de fin du bail, pour libérer les lieux ;
en tout état de cause,
– condamner M. [X] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

A cette fin, l'appelant fait valoir que :
– la crise sanitaire a affecté tant son état de santé que sa situation financière ; sur l'année 2020, le bilan simplifié de l'activité de son entreprise faisait apparaître un résultat déficitaire (de quelques 20.000 euros) et il a également subi une diminution de ses revenus personnels ;
– malgré ces difficultés, s'il n'a pas respecté scrupuleusement les échéanciers qui lui ont été accordés, il a néanmoins procédé à divers règlements entre le dernier trimestre 2020 et le premier trimestre 2022 pour apurer les arriérés ainsi que les loyers et charges courants, de sorte qu'il a réglé l'intégralité de la dette locative et qu'il est à jour du paiement des loyers ;
– le juge de l'exécution n'a pas tiré les conséquences de la situation respective des parties : lui-même, âgé de 62 ans, est locataire de locaux à usage mixte - commercial et d'habitation - où il réside avec son épouse et leur enfant de 6 ans ; la mesure d'expulsion, qui rendrait impossible la poursuite de son activité commerciale, les placerait dans une situation précaire dès lors que, s'ils bénéficient d'un accompagnement social, aucune solution de relogement n'a été trouvée à ce jour malgré les démarches effectuées, tandis que l'intimé, âgé de 42 ans, est propriétaire de plusieurs immeubles et continue à le considérer comme son locataire en lui adressant les avis d'échéance et d'augmentation du loyer ;
– il a pu récemment conclure un contrat de coopération commerciale, ce qui atteste d'une meilleure perspective économique et d'une relance de son activité.

Par dernières conclusions du 3 mars 2022, M. [H] [X] conclut à voir :
– déclarer M. [N] [P] irrecevable et mal fondé en son appel ;
en conséquence,
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
– débouter M. [N] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
y ajoutant,
– condamner M. [N] [P] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
– condamner M. [N] [P] aux entiers dépens.

L'intimé soutient que :
– l'appelant a d'abord bénéficié de délais de fait de près de deux ans pour quitter les lieux, son expulsion ayant été constatée au 17 janvier 2020, délais auxquels s'ajoutent ceux de la présente procédure ;
– d'une part, contrairement aux allégations de M. [N] [P], ses impayés locatifs sont récurrents et antérieurs à la crise sanitaire, d'autres procédures ayant déjà été initiées à son encontre en raison d'arriérés locatifs remontant à l'année 2016, d'autre part, ce dernier s'est abstenu de régler les termes courants depuis août 2019 et n'a pas respecté l'échéancier qu'il avait lui-même sollicité afin de s'acquitter de sa dette locative en 5 mensualités à compter de novembre 2020 ;
– l'appelant ne justifie pas avoir effectué les démarches nécessaires en vue de la relocalisation de son activité commerciale ni de son relogement dans le parc locatif privé ou social ;
– lui-même est un bailleur personne physique et non un bailleur institutionnel, il règle des charges de copropriété et subit un préjudice incontestable du fait des manquements répétés de M. [N] [P] dans l'exécution de ses obligations.

MOTIFS

Aux termes de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L. 412-4 du même code précise que la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il résulte des pièces produites par l'intimé (pièces no3 et 4) qu'à plusieurs reprises, le bailleur s'est désisté de procédures tendant à la constatation de la résiliation du bail ou a accepté des délais de paiement de la dette locative, réclamés par M. [N] [P] lui-même (pièce no2), que celui-ci n'a pas respectés par la suite ; que ces procédures correspondent à des arriérés locatifs bien antérieurs à la survenance de la crise sanitaire (ordonnances de référé des 16 janvier 2018, 6 décembre 2018, arrêt du 20 novembre 2019), même si un ultime accord pour un rééchelonnement de la dette est intervenu entre les parties le 16 octobre 2020 à l'initiative de M. [N] [P].

Le décompte de l'arriéré locatif, arrêté au 4 janvier 2022 et s'élevant à 2659,64 euros après prise en compte du virement effectué à hauteur de 5979,05 euros le même jour, n'est pas contesté par l'appelant qui, se prévalant de la conclusion le 10 mai 2022 d'un contrat de coopération commerciale avec la Sarl Roudey International, soutient que sa situation économique est en voie d'amélioration mais ne justifie, depuis lors, d'aucun versement supplémentaire.

Les pièces justificatives des revenus de M. [N] [P] pour l'année 2020 (avis d'imposition, bilan et compte de résultat de la société Innova Casa, dont l'appelant est le gérant), qui n'en produit pas de plus récentes, ne permettent pas de démontrer qu'il est en capacité de faire face au paiement du loyer trimestriel de 5584,05 euros + 395 euros (charges), soit une charge trimestrielle de 5979,05 euros, alors qu'il indique assumer la charge de son épouse et de leur enfant commun âgé de six ans.

Certes l'appelant justifie de quelques recherches de logement et d'un recours exercé auprès de la commission DALO le 15 mars 2022.

Cependant, pour sa part, l'intimé est un bailleur personne physique et non un bailleur institutionnel et si l'appelant soutient que M. [H] [X] est propriétaire de plusieurs immeubles dans [Localité 5], celui-ci ne le reconnaît pas, répliquant que c'est seulement la société Citya, le gestionnaire des locaux donnés à bail à M. [N] [P], qui gère un certain nombre d'immeubles dans [Localité 5]. Il s'abstient de justifier de sa propre situation économique.

Il demeure que l'ordonnance de référé du 8 juillet 2020 a constaté la résiliation du bail avec effet au 17 janvier 2020, de sorte qu'à ce jour, l'appelant a bénéficié d'un délai de fait pour quitter les lieux d'une durée de 32 mois. La prolongation d'une telle situation ne peut être imposée au bailleur personne physique, quelle que soit sa situation de ressources.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

En revanche, la situation économique de M. [N] [P], qui sera condamné aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, justifie de ne pas prononcer de condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation à paiement en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

Condamne M. [K] [N] [P] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/222057
Date de la décision : 08/09/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-08;21.222057 ?
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