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08/09/2022 | FRANCE | N°21/191717

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 08 septembre 2022, 21/191717


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/19171 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETJL

Décision déférée à la cour :
jugement du 05 octobre 2021-tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne-RG no11-21-000930

APPELANTE

S.A. CITÉ JARDINS, société anonyme d'HLM
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Jessica CHUQ

UET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle BAYSSET, avocat au barreau ...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/19171 - No Portalis 35L7-V-B7F-CETJL

Décision déférée à la cour :
jugement du 05 octobre 2021-tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne-RG no11-21-000930

APPELANTE

S.A. CITÉ JARDINS, société anonyme d'HLM
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0595
Ayant pour avocat plaidant Me Isabelle BAYSSET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [H] [P]
Demeurant [Adresse 7] et domiciliée CCAS de [Localité 8] [Adresse 1]

Représentée par Me Benoit ALBERT, avocat au barreau de MEAUX, toque : 17
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/004389 du 04/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SA d'HLM Cité Jardins a donné à bail à Mme [B] [N] un logement situé [Adresse 5]. La locataire est décédée le [Date décès 3] 2018.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 18 octobre 2019, le tribunal d'instance de Toulouse a notamment :
- constaté que Mme [H] [P] (fille de la locataire décédée) est occupante sans droit ni titre des locaux sis [Adresse 5], propriété de la SA Cité Jardins,
- ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef,
- fixé le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 3 janvier 2019 à la somme de 488,91 euros, et ce jusqu'à la libération complète des lieux, et condamné Mme [H] [P] au paiement de la somme de 3.405,45 euros au titre de l'indemnité d'occupation pour la période du 3 janvier 2019 au 4 juillet 2019,
- condamné Mme [P] à verser à la SA Cité Jardins la somme de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Cette ordonnance a été signifiée le 7 novembre 2019, avec commandement de quitter les lieux. L'expulsion a eu lieu le 27 octobre 2020.

Par requête du 15 janvier 2021, la SA d'HLM Cité Jardins a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Meaux aux fins de saisie des rémunérations de Mme [H] [P] pour une créance de 17.831,02 euros. Puis elle l'a fait citer par acte d'huissier du 19 mars 2021.

Mme [P] a contesté la régularité de la signification de l'assignation et de l'ordonnance. Subsidiairement, elle a sollicité le cantonnement de la saisie à hauteur de 3.718,45 euros ainsi que des délais de paiement.

Par jugement du 5 octobre 2021, le tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne a :
- annulé l'acte de signification du 8 août 2019 de l'assignation,
- annulé l'acte de signification du 7 novembre 2019 de l'ordonnance de référé rendue le 18 octobre 2019 par le tribunal d'instance de Toulouse,
En conséquence,
- débouté la SA Cité Jardins de sa requête en saisie des rémunérations de Mme [P], faute de justifier d'un titre exécutoire,
- débouté la SA Cité Jardins de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SA Cité Jardins aux dépens.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que pour signifier ses actes à étude, l'huissier s'était contenté de relever que le nom « [P] » était mentionné sur la boîte aux lettres sans qu'il soit démontré qu'il s'agissait bien de Mme [H] [P] ; que la confirmation de l'adresse par le voisin dans l'acte de signification de l'assignation ne permettait pas de vérifier que l'huissier s'était enquis de l'identité exacte de la personne domiciliée à cette adresse ; que l'huissier ne s'était déplacé ni à la mairie, ni à la poste ni au commissariat ; qu'il était démontré que Mme [H] [P] n'avait jamais habité au domicile de sa mère et que c'était M. [E] [P], son épouse et leurs trois enfants qui vivaient dans les lieux et non Mme [H] [P] ; que les actes étaient donc nuls comme ne respectant pas les conditions de l'article 656 du code des procédures civiles d'exécution et que cette nullité occasionnait un grief au débiteur destinataire ; et que l'ordonnance de référé n'ayant pas été valablement signifiée, elle ne constituait pas un titre exécutoire.

Par déclaration du 2 novembre 2021, la société d'HLM Cité Jardins a fait appel de ce jugement.

Par conclusions no2 du 7 avril 2022, la SA d'HLM Cité Jardins demande à la cour d'appel de :
A titre liminaire,
- juger que la cour est valablement saisie par la déclaration d'appel du 2 novembre 2021 et que l'effet dévolutif s'opère pleinement,
- débouter Mme [P] de sa demande à ce titre,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
- la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de l'ordonnance du 18 octobre 2019, titre exécutoire fondant sa demande de saisie des rémunérations,
Sur la signification de l'assignation,
- déclarer régulièrement signifiée à Mme [P] l'assignation en référé du 8 août 2019,
- débouter en conséquence Mme [P] de sa demande tendant à voir déclarer nulle et de nul effet l'assignation du 8 août 2019 et subséquemment à voir déclarer nulle l'ordonnance du 18 octobre 2019,
Sur la notification de l'ordonnance,
- déclarer régulière la signification à laquelle il a été procédé le 7 novembre 2019 de l'ordonnance du 18 octobre 2019,
- débouter en conséquence Mme [P] de sa demande tendant à voir déclarer nulle la signification du 7 novembre 2019 et subséquemment à voir déclarer non avenue l'ordonnance du 18 octobre 2019,
Sur le fond,
- la déclarer bien fondée en ses demandes, y faire droit et déclarer le montant de la saisie conforme à la demande,
- autoriser la saisie des rémunérations de Mme [P] pour le montant indiqué sur le décompte, soit 16.442,81 euros, majoré du coût de l'assignation, et ce entre les mains de son employeur, la Sarl Biocool à Saint Thibault des Vignes,
En tout de cause,
- débouter Mme [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

En premier lieu, elle soutient que la déclaration d'appel est conforme aux dispositions de l'article 901, 4o du code de procédure civile et mentionne les chefs du jugement critiqués.
En deuxième lieu, sur la régularité de l'assignation du 8 août 2019, elle explique que l'acte a été signifié selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile ; que l'huissier a mentionné ses vérifications relatives à l'adresse dans l'acte, à savoir « le nom figure sur la boîte aux lettres » et « le domicile est confirmé par un voisin » ; que le domicile a encore été confirmé par le frère de l'intéressée lors de la tentative de reprise des locaux ; que le premier juge a imposé à l'huissier une diligence non prévue par l'article 656 du code de procédure civile ; qu'en application de l'article 1371 du code civil, l'acte d'huissier vaut jusqu'à inscription de faux ; qu'il s'agit véritablement de l'adresse de Mme [P], celle-ci ne justifiant être domiciliée à [Localité 8] que depuis le 31 janvier 2020 et ne justifiant pas de son adresse de résidence au moment du décès de sa mère en novembre 2018.
En troisième lieu, sur la régularité de la signification de l'ordonnance, elle fait valoir que cette signification est conforme aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile, le procès-verbal établissant la certitude du domicile de Mme [P] notamment par le fait que le nom est mentionné sur la boîte aux lettres ; que l'attestation d'hébergement de son frère [K] [P] à une autre adresse n'établit pas un manquement de l'huissier, alors que son frère [E] [P] a confirmé le domicile lors de la tentative de reprise des lieux le 8 janvier 2020.
Sur le fond, elle fait valoir qu'elle dispose d'un titre exécutoire et que Mme [P] ne conteste pas devoir la somme principale de 3.405,45 euros ; que le montant de l'indemnité d'occupation du 5 juillet 2019 au 27 octobre 2020, pour un total de 7.759,47 euros, est conforme à l'ordonnance de référé ; que les frais d'exécution réclamés pour un total de 5.997,60 euros sont détaillés et justifiés ; que le droit proportionnel est applicable sur le premier acte d'exécution puis sur le solde des encaissements ; que la provision sur les frais à venir n'est pas contestable.

Par conclusions du 13 mai 2022, Mme [H] [P] demande à la cour de :
A titre liminaire,
- juger que la déclaration d'appel du 2 novembre 2021 n'a pas saisi utilement la cour et n'emporte aucune dévolution du litige à la cour,
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
- cantonner la saisie à hauteur de 3.718,45 euros,
- juger que la créance ne sera plus productive d'intérêts à compter de l'autorisation de saisie et que les sommes retenues s'imputeront par priorité sur le capital,
- octroyer des délais de paiement, ou ordonner la saisie, à hauteur de 50 euros par mois jusqu'à extinction de la dette,
En tout état de cause,
- débouter la société La Cité Jardins de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société La Cité Jardins aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'absence de saisine de la cour, elle fait valoir que la déclaration d'appel ne précise pas l'objet de l'appel, à savoir l'infirmation ou l'annulation du jugement, comme le prévoit l'article 54, 2o du code de procédure civile auquel renvoie l'article 901 du même code.
Sur la nullité de la signification de l'assignation, elle soutient qu'elle n'a jamais résidé au [Adresse 5], que la SA Cité Jardins ne dispose d'aucun élément justifiant de cette adresse au 8 août 2019, que c'est M. [E] [P] qui habitait les lieux, avec sa conjointe Mme [I] [P], ce qui peut expliquer la confirmation par le voisin relatée par l'huissier, dont les diligences apparaissent alors insuffisantes.
Sur la nullité de la signification de l'ordonnance, elle rappelle que pour diligenter une mesure d'exécution forcée, le créancier doit notifier la décision à exécuter en application de l'article 503 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 18 octobre 2019 a été signifiée à l'adresse [Adresse 5] à laquelle elle n'a jamais résidé ; que l'huissier n'a pas effectué les diligences nécessaires au regard des dispositions des articles 654 et 655 du code de procédure civile, en dehors de la vérification du nom sur la boîte aux lettres, puisqu'il ne s'est pas déplacé ni à la mairie, ni à la poste ni au commissariat, alors qu'il ne peut se borner à effectuer une diligence formelle ; qu'au décès de sa mère, c'est son frère [E] [P] qui s'est installé dans le logement, et la déclaration de ce dernier à l'huissier n'établit pas qu'elle y résidait également ; qu'elle résidait chez son autre frère [K] [P] au [Adresse 6], puis a été domiciliée au CCAS de [Localité 8] à compter du 31 janvier 2020 ; que le défaut de diligence de l'huissier ne lui a pas permis de prendre connaissance de la procédure et de faire appel de la décision, de sorte que cette irrégularité lui fait grief. Elle ajoute qu'en application de l'article 478 du code de procédure civile, l'ordonnance réputée contradictoire du 18 octobre 2019 est nulle et non avenue, faute d'avoir été régulièrement signifiée dans les six mois, de sorte que la société La Cité Jardins ne dispose d'aucun titre exécutoire.
Subsidiairement, sur les sommes dues, elle conteste les frais d'exécution d'un montant de 5.997,60 euros qui ne sont pas justifiés ou dont le coût demandé est erroné, ainsi que le droit proportionnel. Elle estime en outre ne pas être redevable des indemnités d'occupation d'un montant de 7.759,47 euros puisqu'elle n'a jamais occupé le logement de sa mère, de sorte que la saisie doit être cantonnée à la somme de 3.718,45 euros comprenant le principal, l'article 700 et les dépens. Elle sollicite, en application de l'article L.3252-13 du code du travail, l'arrêt des intérêts et l'imputation des retenues par priorité sur le capital.
Enfin, elle explique que compte tenu de sa situation financière, elle ne peut régler que la somme de 50 euros par mois.

A l'audience du 15 juin 2022, la cour a demandé aux parties de lui faire parvenir, dans un délai de huit jours, des observations sur l'incompétence du juge de l'exécution, soulevée d'office, s'agissant de la régularité de la signification de l'assignation devant le juge des référés. Les parties ont adressé leurs observations à la cour le 21 juin 2022.

La société Cité Jardins estime que le juge de l'exécution ne peut, sous couvert de trancher une contestation née à l'occasion de l'exécution forcée, statuer sur des questions qui n'auraient pas été soumises au juge ayant rendu la décision à exécuter, et qu'il ne peut donc statuer sur la validité des modalités de signification de l'assignation.

Mme [P] fait valoir que le juge de l'exécution doit s'assurer de l'existence d'un titre exécutoire valable, que si la signification de l'assignation devant le juge des référés est nulle, alors le titre a été obtenu en fraude de ses droits et doit être annulé, que le juge de l'exécution connaît de manière exclusive des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, et que cette contestation ne pouvait naître qu'à l'occasion du contentieux sur le titre puisqu'elle ignorait la procédure initialement engagée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la saisine de la cour et la dévolution

L'article 562 du code de procédure civile dispose :
« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

Il résulte en outre de l'article 901, 4o du même code que la déclaration d'appel doit mentionner les chefs de jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Ainsi, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, étant précisé que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Par ailleurs, il résulte des dispositions combinées des articles 901 et 54, 2o du code de procédure civile, dans leur version en vigueur à la date de la déclaration d'appel du 2 novembre 2021, que la déclaration d'appel doit mentionner, à peine de nullité, l'objet de l'appel.

En l'espèce, la déclaration d'appel de la société Cité Jardins en date du 2 novembre 2021 mentionne les chefs du jugement critiqués, mais ne mentionne pas l'objet de l'appel, à savoir la réformation ou l'annulation du jugement.

Toutefois, l'absence de dévolution ne peut être utilement invoquée qu'en l'absence de mention des chefs du jugement critiqués. L'absence de mention de l'objet de l'appel constitue seulement une cause de nullité de la déclaration d'appel, mais n'empêche pas la dévolution d'opérer de sorte que la cour est bien saisie.

Surabondamment, la nullité de la déclaration d'appel, qui au surplus n'est pas demandée, ne pourrait être prononcée que si Mme [P] rapportait la preuve d'un grief que lui aurait causé l'irrégularité. Or en l'espèce, Mme [P] n'a subi aucun grief, puisque dès les premières conclusions d'appelant, elle a pu avoir connaissance de l'objet de l'appel.

Il y a donc lieu de dire que la cour est valablement saisie par la déclaration d'appel du 2 novembre 2021 et que l'effet dévolutif a pleinement opéré.

II. Sur la régularité de la signification de l'assignation devant le juge des référés

Le tribunal de proximité, statuant en matière de saisie des rémunérations, statue avec les mêmes pouvoirs que le juge de l'exécution.

L'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution. »

Par ailleurs, aux termes de l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution.

Ainsi, si le juge de l'exécution peut trancher les difficultés relatives aux titres exécutoires (par exemple sur la régularité de la signification du jugement servant de fondement aux poursuites), il ne peut en aucun cas annuler cette décision de justice, étant rappelé qu'il ne saurait être confondu avec une juridiction d'appel.

Il en résulte qu'il ne peut statuer sur la régularité de la saisine de la juridiction qui a rendu la décision de justice servant de fondement aux poursuites, cette question relevant du seul pouvoir de cette juridiction.

Par conséquent, en l'espèce, le tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs, examiner la question de la régularité de la signification de l'assignation devant le juge des référés.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'acte de signification de l'assignation en date du 8 août 2019 et de dire n'y avoir lieu de statuer sur la nullité de cette signification.

III. Sur la régularité de la signification de l'ordonnance de référé du 18 octobre 2019

Il résulte de l'article 656 du code de procédure civile que pour la signification à l'étude d'huissier, ce dernier doit mentionner dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour vérifier que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse indiquée.

Selon l'article 693 alinéa 1er du code de procédure civile, ce qui est prescrit par l'article 656 doit être observé à peine de nullité.

L'article 114 du code de procédure civile dispose :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »

En l'espèce, la signification de l'ordonnance de référé du 18 octobre 2019 a été faite par remise à l'étude d'huissier, en application de l'article 656 du code de procédure civile, le 7 novembre 2019. Le procès-verbal de signification de la décision avec commandement de quitter les lieux en date du 7 novembre 2019 mentionne que la certitude du domicile du destinataire, à savoir [Adresse 5], est caractérisée par les éléments suivants : « Le nom figure sur la boîte aux lettres ». Puis il indique : « Le destinataire est absent. Inconnu(e) sur le site web des pages blanches dans le département de Haute-Garonne. »

Or comme le rappelle Mme [P], il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la mention dans un acte de signification, effectué selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, de la confirmation du domicile par une seule diligence, en l'espèce la mention du nom sur la boîte aux lettres, est insuffisante à caractériser les vérifications imposées à l'huissier de justice par ce texte. La recherche opérée sur les pages blanches ne saurait être considérée comme une diligence utile supplémentaire en ce qu'elle n'a pas permis de confirmer le domicile de la destinataire.

La signification est donc irrégulière, faute de diligences suffisantes de l'huissier pour vérifier le domicile de Mme [P].

Par ailleurs, la SA d'HLM Cité Jardins produit un procès-verbal de tentative de reprise des locaux transformé en procès-verbal de difficulté en date du 8 janvier 2020 dont il ressort que M. [E] [P] a déclaré à l'huissier : « Ma s?ur Mme [H] [P] est au RSA et n'a pas de solution de relogement. Je vis également dans les lieux avec mon épouse et mes 3 enfants âgés de 1 an, 2,5 ans et 4,5 ans. J'ai fait une proposition à Cité Jardins que je renouvelle : reprise du bail à mon profit avec échelonnement de l'arriéré. Mon portable [?]. Je suis éligible aux logements sociaux depuis 4 ans ». Mme [P] produit elle-même une attestation de son frère M. [E] [P] qui reconnaît avoir vécu sans titre dans le logement de sa mère, Mme [B] [P], après le décès de celle-ci. Ainsi si les déclarations de son frère à l'huissier ne prouvent nullement avec certitude que Mme [H] [P] demeurait dans le logement litigieux à la date de signification de l'ordonnance de référé, en revanche l'occupation certaine des lieux par son frère explique la présence du nom [P] sur la boîte aux lettres. En outre, Mme [P] justifie de ses divers lieux d'hébergement à compter de décembre 2018 par des attestations d'hébergement de ses proches. Il en ressort qu'à la date du 7 novembre 2019, elle était hébergée chez son autre frère [K] [P] (d'avril à décembre 2019 inclus), au [Adresse 6] (domicile justifié par une facture d'énergie et hébergement confirmé par des attestations d'amis). Elle justifie également être domiciliée au CCAS de [Localité 8] depuis le 31 janvier 2020. Enfin, lors de l'expulsion en date du 27 octobre 2020, M. [E] [P] a déclaré à l'huissier que sa s?ur Mme [H] [P] ne vivait pas à cette adresse et que tout le mobilier lui appartenait.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être considéré que Mme [H] [P] demeurait bien au [Adresse 5] lors de la signification de l'ordonnance de référé ni qu'elle a eu connaissance de cette décision et de sa signification. L'irrégularité constatée, résultant de l'insuffisance des diligences de l'huissier, lui a donc nécessairement causé un grief puisque c'est cette signification qui fait courir le délai d'appel et permet la mise en oeuvre de mesures d'exécution forcée.

C'est donc à bon droit que le premier juge a annulé la signification de l'ordonnance de référé. Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.

IV. Sur les conséquences de l'annulation de la signification de l'ordonnance de référé

L'ordonnance de référé n'ayant pas été valablement signifiée à Mme [P], elle ne peut permettre à la SA d'HLM Cité Jardins de diligenter des procédures d'exécution forcée à l'encontre de celle-ci en application de l'article 503 du code de procédure civile. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la requérante de sa demande de saisie des rémunérations de Mme [P].

En outre, en application de l'article 478 du code de procédure civile, il convient de constater que l'ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 18 octobre 2019 est non avenue faute d'avoir été signifiée dans les six mois de sa date. La demande de saisie des rémunérations est donc de plus fort mal fondée en ce que le créancier poursuivant n'est pas muni d'un titre exécutoire à l'encontre de Mme [P].

V. Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de confirmer la condamnation de la société Cité Jardins aux dépens, et de la condamner aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles. La demande de Mme [P] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera donc rejetée.

PAR CES MOTIFS,

DIT que la cour est valablement saisie par la déclaration d'appel du 2 novembre 2021 et que l'effet dévolutif a pleinement opéré,

INFIRME le jugement rendu le 5 octobre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne en ce qu'il a annulé l'acte de signification de l'assignation du 8 août 2019,

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande de nullité de la signification de l'assignation devant le juge des référés,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

CONSTATE que l'ordonnance de référé du 18 octobre 2019 est non avenue,

DÉBOUTE Mme [H] [P] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA d'HLM Cité Jardins aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/191717
Date de la décision : 08/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne, 05 octobre 2021


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-08;21.191717 ?
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