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08/09/2022 | FRANCE | N°21/166717

France | France, Cour d'appel de Paris, B1, 08 septembre 2022, 21/166717


Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16671 - No Portalis 35L7-V-B7F-CELTE

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81115

APPELANTE

S.A.S. HUSQVARNA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentée par Me Gauthier MOREUIL de la SCP PECHENARD et AssociÃ

©s, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

INTIMÉE

S.A.S. BRICO PRIVE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu B...

Copies exécutoires
délivrées aux parties le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10

ARRÊT DU 08 SEPTEMBRE 2022

(no , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général :
No RG 21/16671 - No Portalis 35L7-V-B7F-CELTE

Décision déférée à la cour :
Jugement du 02 septembre 2021-juge de l'exécution de PARIS-RG no 21/81115

APPELANTE

S.A.S. HUSQVARNA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]

Représentée par Me Gauthier MOREUIL de la SCP PECHENARD et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

INTIMÉE

S.A.S. BRICO PRIVE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Plaidant par Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de RENNES,

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Sas Husqvarna France commercialise en France divers équipements de jardinage et d'entretien de parcs et forêts sous plusieurs marques dont Husqvarna.

La Sas Brico Privé a pour activité la vente en ligne d'articles destinés au bricolage, jardinage et maison, via son site internet www.bricoprive.com.

Par jugement du 14 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a, avec exécution provisoire, enjoint à la société Brico Privé de ne plus proposer à la vente et/ou annoncer la mise en vente, sur quelque support et/ou par quelque média que ce soit, de tout produit de la marque Husqvarna commercialisé par la société Husqvarna France, à moins d'avoir justifié auprès de cette dernière, au plus tard un mois avant l'opération ou l'annonce de l'opération considérée, de la licéité de son approvisionnement en lui communiquant l'intégralité des factures d'achat des produits concernés, et ce sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée à compter de 8 jours suivant la signification du présent jugement et ce pendant une durée d'un an à l'issue de laquelle il pourra être à nouveau fait droit.

Ce jugement a été signifié le 21 décembre 2020.

Par acte d'huissier du 2 juin 2021, la société Husqvarna France a fait assigner la société Brico Privé devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris afin de voir liquider l'astreinte à la somme de 1.150.000 euros.

Par jugement du 2 septembre 2021, le juge de l'exécution a :
– écarté des débats la pièce no17 produite en défense,
– condamné la Sas Brico Privé à payer à la Sas Husqvarna France la somme de 3.000 euros représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 14 décembre 2020,
– condamné la Sas Brico Privé aux dépens,
– condamné la Sas Brico Privé à payer à la Sas Husqvarna France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le juge a retenu que la société Brico Privé avait mis en vente 23 produits sans que les factures d'achat initiales de ceux-ci ne soient produites dans les conditions et délais prévus par le jugement du 14 décembre 2020, et a tenu compte du comportement de la défenderesse qui justifiait de ce que les produits mis en vente étaient des produits achetés antérieurement à sa condamnation, qui ont été retournés par les clients puis reproposés à la vente.

Par déclaration du 20 septembre 2021, la société Husqvarna France a relevé appel de ce jugement, en ce qu'il a condamné la Sas Brico Privé à lui payer la somme de 3.000 euros représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 14 décembre 2020.

Par conclusions du 18 mai 2022, la société Husqvarna France demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Brico Privé,
– réformer le jugement quant au montant de la condamnation,
Statuant à nouveau,
– liquider l'astreinte provisoire à la somme de 1.150.000 euros et condamner la société Brico Privé à lui payer ladite somme,
– condamner la société Brico Privé à lui payer la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Brico Privé aux dépens.

Elle soutient que 23 infractions de la société Brico Privé ont été constatées à l'injonction qui lui avait été faite aux termes du jugement, à des dates où l'astreinte avait déjà pris effet. Elle fait également valoir que le fait que les articles mis en vente soient des retours clients n'est pas démontré, les avoirs versés au débat ayant presque tous été émis entre le 27 novembre 2017 et le 6 août 2020, et qu'en tout état de cause, cette circonstance ne change rien à l'interdiction de mettre en vente ces produits afin d'éviter une aggravation de son préjudice. Elle conclut que rien dans le comportement de la société Brico Privé ne justifie de minorer le montant de l'astreinte, qui doit donc être liquidée à 23 x 50.000 = 1.150.000 euros.

Par conclusions du 3 juin 2022, la société Brico Privé demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– admettre aux débats la pièce no17 qu'elle produit,
– juger n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte,
– débouter la société Husqvarna France de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire,
– confirmer le jugement,
En tout état de cause et y ajoutant,
– condamner la société Husqvarna France à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles.

Elle fait valoir qu'elle a respecté les termes du jugement, puisque les 23 matériels de marque Husqvarna mis en vente sur son site proviennent de retours et annulations client et qu'elle ne s'est pas approvisionnée auprès des revendeurs agréés du réseau de distribution Husqvarna, ce qu'avait pour but de prévenir et de sanctionner le jugement du 14 décembre 2020.
A titre subsidiaire, elle affirme qu'elle ne pouvait pas savoir que le jugement visait également la mise en vente de retours clients, et que contrairement à ce que soutient la société Husqvarna France, il ne saurait être pris en considération le nombre de produits siglés Husqvarna présents sur le site, mais uniquement les trois réassorts de la grande braderie constatés par procès-verbaux. Par ailleurs elle soutient qu'une astreinte de 50.000 euros par mise en vente constatée est disproportionnée eu égard à l'absence de préjudice causé à l'appelante.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que rien ne justifie d'infirmer le jugement en ce qu'il a écarté la pièce no17 de la société Brico Privé produite par une note en délibéré non autorisée. Néanmoins cette pièce est parfaitement recevable en appel en ce qu'elle a été communiquée régulièrement devant la cour.

Sur la liquidation de l'astreinte

Aux termes de l'article L.131-4 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

L'article L.131-4 alinéa 3 dispose que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Cette mesure, qui est indépendante des dommages et intérêts, a uniquement un but comminatoire et est destinée à contraindre le débiteur à s'exécuter par une menace de condamnation. Elle n'a aucune vocation à le punir ni à indemniser le créancier d'un préjudice.

Il appartient au débiteur de rapporter la preuve qu'il a exécuté les obligations assorties de l'astreinte ou qu'il a rencontré des difficultés pour s'exécuter ou s'est heurté à une cause étrangère.

Il incombe au juge de l'exécution, auquel il est demandé de liquider l'astreinte, d'interpréter si besoin la décision assortie de l'astreinte afin de déterminer si l'obligation a été exécutée ou non.

En l'espèce, par jugement du 14 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a enjoint à la société Brico Privé de ne plus proposer à la vente et/ou annoncer la mise en vente, sur quelque support et/ou par quelque média que ce soit, de tout produit de la marque Husqvarna commercialisé par la société Husqvarna France, à moins d'avoir justifié auprès de cette dernière, au plus tard un mois avant l'opération ou l'annonce de l'opération considérée, de la licéité de son approvisionnement en lui communiquant l'intégralité des factures d'achat des produits concernés, et ce sous astreinte de 50.000 euros par infraction constatée à compter de 8 jours suivant la signification du présent jugement et ce pendant une durée d'un an.

Le jugement, qui bénéficiait de l'exécution provisoire, a été signifié le 21 décembre 2020. Le délai d'astreinte a donc commencé à courir dès le 30 décembre 2020 jusqu'au 30 décembre 2021.

Sur cette période, il est constant qu'il a été constaté, suivant procès-verbaux de constat d'huissier en date des 5 janvier 2021, 20 janvier 2021 et 20 avril 2021, que 23 références de marque Husqvarna ont été proposées à la vente sur le site internet de la société Brico Privé.

En outre, l'intimée ne justifie pas, et ne soutient même pas, avoir, un mois avant l'opération de vente ou l'annonce de l'opération, justifié auprès de la société Husqvarna France de la licéité de son approvisionnement par la communication des factures d'achat des produits proposés à la vente.

L'injonction faite à la société Brico Privé, de ne plus proposer à la vente et/ou annoncer la mise en vente, sur quelque support et/ou par quelque média que ce soit, de tout produit de la marque Husqvarna commercialisé par la société Husqvarna France, est conçue en termes généraux, ce qui exclut la possibilité de remettre en vente des produits provenant de « retours clients ». La société Brico Privé ne doit plus proposer à la vente des produits de marque Husqvarna, à moins de justifier auprès de la société Husqvarna France, au plus tard un mois avant l'opération ou l'annonce de l'opération considérée, de la licéité de son approvisionnement en lui communiquant l'intégralité des factures d'achat des produits concernés. La licéité de l'approvisionnement ne s'entend pas du « retour client » mais de l'achat initial des produits auprès de la société Husqvarna, de distributeurs étrangers ou de consommateurs revendeurs. Ainsi, le fait que les produits proposés à la vente en janvier et avril 2021 proviennent de l'annulation de commandes par les clients ne rend pas licite l'approvisionnement initial.

Or les pièces produites par la société Brico Privé ne permettent pas d'établir la licéité de l'achat initial des produits retournés par les clients, aucun lien ne pouvant être fait entre les 23 références proposées à la vente en 2021, les 19 avoirs consentis aux clients entre novembre 2017 et janvier 2021 (essentiellement 2020) et les factures d'achat produites (pièces 6 et 11) qui sont anciennes (essentiellement 2018 et quelques factures 2019). Seules quatre factures d'achat de janvier et février 2020 sont produites mais ne permettent pas d'identifier les produits achetés (étant pour trois d'entre elles en langue étrangère), sauf la tondeuse robot Gardena qui ne fait pas partie des produits interdits de vente puisqu'elle n'est pas de marque Husqvarna.

En tout état de cause, à supposer que la licéité de l'approvisionnement soit établie, il n'en demeure pas moins que la société Brico Privé n'en a pas justifié auprès de la société Husqvarna France un mois avant les opérations de vente, comme le prévoyait le jugement du tribunal de commerce.

Dès lors, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que le juge de l'exécution a retenu l'existence de 23 infractions.

La société Brico Privé n'invoque aucune cause étrangère ni difficulté d'exécution.

Néanmoins, il y a lieu de tenir compte de son comportement. En effet, la société Brico Privé justifie, par la production des « newletters » adressées à ses clients les 5 janvier 2021, 21 janvier 2021 et 20 avril 2021 qu'elle ne leur a pas annoncé la vente de produits de marque Husqvarna contrairement aux articles des autres marques. En outre, il ne résulte pas des éléments du dossier que la société Brico Privé aurait effectué des approvisionnements illicites depuis la signification du jugement du tribunal de commerce en date du 14 décembre 2020.

Dès lors, il doit être tenu compte de l'absence de volonté délibérée de la société Brico Privé de se soustraire à l'injonction judiciaire.

Par conséquent, au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de liquider l'astreinte à la somme de 23.000 euros. Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a condamné la société Brico Privé à payer à la société Husqvarna France la somme de 3.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte.

Sur les demandes accessoires

Au vu de la présente décision, il convient de confirmer les condamnations accessoires de la société Brico Privé et de la condamner aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande en outre de la condamner à payer à la société Husqvarna la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a condamné la Sas Brico Privé à payer à la Sas Husqvarna France la somme de 3.000 euros représentant la liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 14 décembre 2020,

Statuant à nouveau sur ce seul chef,

LIQUIDE l'astreinte fixée par le jugement du tribunal de commerce en date du 14 décembre 2020 à la somme de 23.000 euros pour la période du 30 décembre 2020 au 30 décembre 2021,

CONDAMNE en conséquence la Sas Brico Privé à payer cette somme de 23.000 euros à la Sas Husqvarna France au titre de la liquidation de l'astreinte,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la Sas Brico Privé à payer à la Sas Husqvarna France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Sas Brico Privé aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : B1
Numéro d'arrêt : 21/166717
Date de la décision : 08/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2022-09-08;21.166717 ?
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