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08/09/2022 | FRANCE | N°21/15195

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 08 septembre 2022, 21/15195


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRÊT DU 08 Septembre 2022

(n° 72 , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHYE



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2021 par le juge de l'expropriation de Évry RG n° 20/00058





APPELANTS

Monsieur [Y] [N]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 52]

non comparant, reprÃ

©senté par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE



Madame [E] [W] épouse [N]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 5...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRÊT DU 08 Septembre 2022

(n° 72 , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15195 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHYE

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2021 par le juge de l'expropriation de Évry RG n° 20/00058

APPELANTS

Monsieur [Y] [N]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 52]

non comparant, représenté par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Madame [E] [W] épouse [N]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 52]

non comparante, représentée par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Monsieur [T] [N]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 52]

comparant, représenté par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Madame [I] [B]

Lieudit '[Localité 50]'

[Adresse 47]

[Localité 52]

comparante, représentée par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D'AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMÉES

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES (ESSONNE) SERVICE DU DOMAINE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 38]

représentée par Mme [D] [K] en vertu d'un pouvoir général

S.A. SORGEM

[Adresse 3]

[Localité 42] / FR

représentée par Me Tanguy SALAÛN de la SCP Alain LEVY et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0126, absent à l'audience

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Hervé LOCU, Président, président

Monique CHAULET, conseillère

Marie MONGIN, conseillère

Greffière : Marthe CRAVIARI, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Alexandra AUBERT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

L'opération d'aménagement de la ZAC de la Plaine Saint Jacques sur la commune d'[Localité 52] (91) vise à créer sur un territoire de 26 hectares la construction d'environ 75'000 m² de surface de plancher, dont 80 % dédié à l'habitat, 10 % dédié à l'activité de type PME-PMI, 10 % à destination d'espaces publics avec aménagement d'un parc traversant, de places et de squares, incluant la construction d'un équipement scolaire et d'équipements publics.

Le commissaire du gouvernement a inclus dans ses conclusions une vue d'ensemble de cette ZAC.

Par délibération du conseil municipal d'[Localité 52] du 17 septembre 2015, la SORGEM a été désignée pour la mise en 'uvre de la concession de la ZAC de la Plaine Saint Jacques sur la commune d'[Localité 52].

Par arrêté du 22 juillet 2020, le préfet de l'Essonne a ordonné l'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique et à la cessibilité des parcelles nécessaires au projet d'aménagement de la [Adresse 60] sur le territoire de la commune d'[Localité 52].

Sont concernés par l'opération, en tant que propriétaires des parcelles cadastrées section ZA. n°[Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], d'une superficie totale de 2 500 m², Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B], qui avaient acheté ce bien le 19 juillet 2006 au prix de 40000 euros.

Par mémoire reçu au greffe le 28 septembre 2020, la SORGEM a saisi le juge de l'expropriation d'Evry, sur le fondement des dispositions des articles L.311-6 et R.311-4 du code de l'expropriation, aux fins de fixation des indemnités devant revenir à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B].

Par un jugement du 27 juillet 2021 après transport sur les lieux le 29 mars 2021, le juge de l'expropriation d'Evry a':

-Fixé à la somme de 245 283 euros, en valeur libre, l'indemnité totale de dépossession due par la SORGEM à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B], es-qualité de propriétaires indivis, dans le cadre de l'opération d'expropriation des parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 11], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], sises lieudit "[Localité 50]", d'une superficie de 2500 m², sur la commune d'[Localité 52] (91), en retenant une valeur unitaire de 88, 83 euros/m² ;

-Dit que la somme de 245 283 euros se décompose de la manière suivante :

-indemnité principale : 222 075 euros

-indemnité de remploi : 23 208 euros

-Débouté Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B] de leur demande d'indemnité pour préjudice moral ;

-Condamné la SORGEM à payer la somme de 1 500 euros à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

-Condamné la SORGEM au paiement des dépens de la présente procédure.

Les consorts [N]-[B] ont interjeté appel le 24 août 2021 sur la date de référence en la fixant au 16 septembre 2016, ils demandent de dire que l'indemnisation devra tenir compte de la situation privilégiée des parcelles, ainsi que de la démolition des constructions qu'elles accueillent, de fixer l'indemnité totale à la somme de 370000 euros, toutes causes de préjudice confondus ; ils sollicitent une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SORGEM aux dépens avec distraction au profit de Maître Sophie Haddad.

Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

- Adressées au greffe, par les consorts [N]-[B], appelants, le 02 novembre 2021 notifiées le 19 novembre 2021(AR du 23 novembre 2021) et le 05 mai par RPVA et le13 mai 2022 par LRAR notifiées le 16 mai 2022 (AR du 17 mai 2022) aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

-Infirmer le Jugement déféré en ce qu'il a :

«'Fixé à 245.283, 00 euros, en valeur libre, l'indemnité totale de dépossession due par la SORGEM à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B], es qualité de propriétaires indivis, dans le cadre de l'opération d'expropriation des parcelles cadastrées section ZA n°[Cadastre 11], n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 7], sises lieudit «'[Localité 50] '', d'une superficie de 2.500 m², sur la Commune d'[Localité 52], dit que la somme de 245.283 euros se décompose de la manière suivante : Indemnité principale : 222.075 euros Indemnité de remploi : 23.208 euros, débouté Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B] de leur demande d'indemnité pour préjudice moral'»

Y procédant et Statuant à nouveau :

-Fixer à hauteur de 370.000 euros le montant de l'indemnité totale due à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B], laquelle somme se décompose comme suit :

- 300.000 euros, au titre de l'indemnité principale,

- 32.250 euros, au titre de l'indemnité de remploi,

- 37.750 euros, à titre d'indemnité complémentaire, en réparation du préjudice moral,

-Condamner la SORGEM, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B], la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- La Condamner également aux entiers dépens de l'appel, en application de l'article L.312-1 du Code de l'expropriation et des articles 696 et 699 du Code de Procédure Civile, dont distraction pour ceux là concernant à Maître Sophie Haddad';

- Adressées au greffe, par la SORGEM, intimée et appelante incidente, le 17 février 2022 notifiées le 18 février 2022 (AR du 21 et 22 février 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé la date de référence au 19 septembre 2016 et retenu une situation privilégiée du bien exproprié,

- Fixer la date de référence au 10 octobre 2014,

- Confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

- Condamner solidairement Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N], Monsieur [T] [N] et Madame [I] [B] à lui verser la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

-Adressées au greffe, par le commissaire du Gouvernement, intimé, le 15 février 2022 notifiées le 23 février 2022 (AR du 24 février 2022) aux termes desquelles il demande à la cour de :

-fixer la date de référence au 16 septembre 2016;

-confirmer le jugement de première instance ';

- et fixer :

- l'indemnité de dépossession à la somme de 222 075 euros

- l'indemnité de remploi à la somme de 23 208 euros soit une indemnité totale de 245 283 euros.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les consorts [N]-[B] font valoir que':

-Concernant l'infirmation du jugement déféré pour ne pas avoir pris en compte les habitations que les parcelles accueillaient ; comme rapporté au procès-verbal de transport sur les lieux du 29 mars 2021, annexé à la décision déférée, les parcelles accueillent les habitations des consorts [B] et [N] et de leur famille, (pièces n°8, n°9, n°10 et n°20)'; le premier juge n'a pas entendu tenir compte, à titre de critère de valorisation des biens expropriés, de la présence de ces constructions, au motif que celles-ci étaient irrégulières; cependant, l'irrégularité ne peut concerner les caravanes et/ou mobil homes, au sein desquels vivent les appelants, et dont la présence sur les parcelles litigieuses a été rapportée au procès-verbal de transport sur les lieux annexé à la décision entreprise, les mobil homes, étant démontables'; il est également demandé de tenir compte, dans le cadre de la détermination des indemnisations qui leur sont dues, du fait que les appelants ne seront plus en mesure d'y habiter, avec leur famille';

-Concernant la détermination des indemnités dues'; ils se fondent sur les articles L.321 -l et R.311-22 du Code l'expropriation, et demandent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté les propositions des consorts [N]-[B] ; les Consorts [B]-[N] produisent au débat le listing des transactions immobilières recensées par Paris Notaires Services, sur la période du 9 août 2016 au 9 août 2021 (pièces n°31 à n°33)';

-Concernant le préjudice moral'; ils se fondent sur l'article L.321-3 du Code de l'Expropriation ; les parcelles accueillent plusieurs caravanes, ainsi que des mobil home ; en se trouvant dépossédés de leurs parcelles, les Consorts [B] / [N] se trouvent, de facto, privés de la possibilité de pouvoir y vivre et y habiter, avec leurs familles ; le lien de causalité est direct et certain, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge';

La SORGEM répond que :

- Concernant la date de référence'; elle se fonde sur l'article L. 322-2 du Code de l'expropriation dans sa rédaction issue de l'article 9 de la loi dite ELAN n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique'; bien que récentes, les dispositions précitées de issues de la loi ELAN du 23 novembre 2018 ont d'ores et déjà été appliquées par les juridictions compétentes (Cour d'appel de Paris 24 Septembre 2020 - n° 19/0818), l'ordonnance d'expropriation datait du 14 novembre 2016, et était donc antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de la loi ELAN ; il est jugé que lorsqu'un bien situé dans une ZAC est soumis au droit de préemption, la nouvelle règle spécifique de l'article L.322-2 du Code de l'expropriation prime la règle générale des articles L.213-4 et L.2l3-6 du Code de l'urbanisme, qui ne s'applique que subsidiairement pour déterminer la date de référence (CA Grenoble 12 juin 2019, n° 18/02413 - n° 18/03839 - n° 18/03262)'; la délibération du 9 octobre 2014 créant la [Adresse 59] étant antérieure de plus d'un an à l'ouverture de l'enquête publique préalable à la DUP par arrêté du 22 juin 2020, la date de référence doit être fixée à la date de publication de ladite délibération soit le 10 octobre 2014'; les trois parcelles sont inscrites en emplacement réservé affecté à la réalisation d'un bassin de retenue des eaux pluviales, et ce depuis le PLU approuvé le 4 octobre 2007 (pièce n°12), les trois parcelles expropriées ne sauraient recevoir la qualification de terrain à bâtir au sens des dispositions de l'article L.322-3 du Code de l'expropriation, ni même de situation privilégiée';

Le commissaire du Gouvernement conclut que':

- la date de référence est celle du 16 septembre 2016 en application de l'article L213-4 du code de l'urbanisme, s'agissant d'un droit de préemption ;

- il propose de ne pas valoriser les constructions existantes et d'indemniser les parcelles sur la base du terrain nu';

- l'indemnité de dépossession est fixée en fonction du zonage du terrain à la date de référence : au cas d'espèce, à la date de référence, les parcelles sont situées en zone AUu non constructible hors opération d'ensemble';

- l'indemnité du préjudice moral n'étant pas un préjudice matériel, il est proposé de rejeter cette demande accessoire';

- il considère que par ces acquisitions à une valeur plus élevée que dans les ZAC à vocation d'habitation, la SORGEM a créé un micromarché local au sein de la ZAC en achetant les parcelles 88,83 euros /m² et il propose en conséquence de retenir cette valeur et de confirmer le jugement de première instance.

SUR CE, LA COUR

- Sur la recevabilité des conclusions

Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017-article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 24 août 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions des consorts [N]-[B] du 2 novembre 2021, de la SORGEM du 17 février 2022 et du commissaire du gouvernement du 15 février 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Les conclusions hors délai des consorts [N]-[B] du 13 mai 2022 sont de pure réplique à celles de la SORGEM intimé et appelant incident et à celles du commissaire du gouvernement, ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.

- Sur le fond

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel des consorts [N]-[B] porte sur l'indemnité de dépossession, et sur le débouté de la demande pour préjudice moral ; l'appel incident de la SORGEM concerne uniquement la date de référence et la qualification de situation privilégiée.

Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il se situe au lieudit ' [Localité 50]' à [Localité 52], [Adresse 47] ; il s'agit des parcelles ZA [Cadastre 11] (833 m²), ZA [Cadastre 12] (833m²) et ZA [Cadastre 13] (834 m²) issues de la parcelle ZA [Cadastre 6], formant une unité foncière d'une contenance de 2500 m² ; elles présentent une façade d'environ 62m sur le chemin des Tournenfils.

Sur les parcelles sont construits un petit bâtiment en parpaings et deux constructions de type préfabriqué.

Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport du 9 mars 2020.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 27 juillet 2021.

- Sur la date de référence

Le premier juge a indiqué que les parcelles se situent à la fois dans une zone soumise au droit de préemption urbain et dans une Zac, la création de la Zac étant postérieure à la date d'instauration d'un droit de préemption ; qu'en application des dispositions des articles L 213-4 et L 213-6 du code de l'urbanisme, il convient de retenir la dernière modification du plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 52], soit le 19 septembre 2016.

Les consorts [N]-[B] et le commissaire du gouvernement demandent la confirmation.

La SORGEM a formé appel sur ce point en demandant de retenir la date du 1° décembre 2010, en indiquant que la date de référence est fixée, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionné à l'article L311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique, en application des dispositions spécifiques issues de l'article 9 de la loi ELAN du 23/11/2018 qui sont des dispositions spéciales, spécifiques aux ZAC, et qui doivent prévaloir sur les dispositions générales des articles L213-4 et L213-6 du code de l'urbanisme en vertu du principe que les règles spéciales dérogent aux règles générales et que ces dispositions sont d'application immédiate.

L'usage effectif du bien exproprié, les critères de qualification ainsi que les possibilités de construction doivent être appréciés à la date dite de référence, cette date ne correspondant pas à celle du transport sur les lieux, ni à celle de l'ordonnance portant transfert de propriété.

Cette date est destinée à préserver l'équilibre entre les intérêts des expropriés, indemnisés de leur préjudice certain et ceux des expropriants, protégés de la spéculation foncière.

Cette date de référence s'apprécie à la date de la décision de première instance, soit en l'espèce le 11 janvier 2021.

Selon l'article L 322-2 du code de l'expropriation tel qu'interprété selon la cour de cassation (3° civile, 12 avril 2012 N°12-40012 et 10 juillet 2012 N°12-40044) l'indemnité de dépossession doit être évaluée selon la législation en vigueur au jour de l'ordonnance portant transfert de propriété, qui n'est pas intervenue en l'espèce.

L 'article L322- 2 du code de l'expropriation dispose que les bien sont estimés à la date de le décision de première instance.

Toutefois, et sous réserve de l'application des dispositions des articles L322-3 à L 322-6, est seul pris en considération l'usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1, ou, dans le cas prévu à l'article L122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l'article L 121'8 du code de l'environnement ou par l'article 3 de la loi n° 2010'597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du dossier de ce débat (mots ajoutés loi n° 2018'1021 du 23 novembre 2018) « ou, lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à déclaration d'utilité publique ».

Il est tenu compte des servitudes et des restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date correspondante pour chacun des cas prévus au 2e alinéa, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

Quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subie depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

Suite à un amendement gouvernemental N°3041, dans le cadre de la loi n° 2018'1021 du 23 novembre 2018 entrée en vigueur le 25 novembre 2018, dite loi ELAN a été ajoutée à l'alinéa 2 une disposition spécifique concernant la Zac mentionnée à l'article L311-1 du code de l'urbanisme (Décision n° 2018'772 du Conseil constitutionnel du 4 novembre 2018 sur la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique).

Cet amendement gouvernemental vise à prévenir le risque que « si la déclaration d'utilité publique intervient tardivement et que la zone d'aménagement concerté a déjà fait l'objet d'une création, les valeurs foncières puissent s'envoler, compromettant la réalisation du projet d'aménagement, et conduisant à un renchérissement des prix des logements construits » ; dans cette hypothèse, pour éviter de compromettre la réalisation du projet ou de conduire à un renchérissement du coût de sa mise en 'uvre il a été décidé de faire « coïncider la date à laquelle le juge doit se placer pour fixer l'indemnité d'expropriation, avec la date à laquelle la volonté de procéder à l'aménagement des terrains est actée par la personne à l'initiative de l'opération d'aménagement ou par l'autorité compétente ».

L'article L322-2 susvisé suite à une QPC a fait l'objet d'une décision du Conseil Constitutionnel n° 2021'915'916 du 11 juin 2021, qui indique que les dispositions contestées ne portent pas atteinte à l'exigence selon laquelle on ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité, et que le grief tiré de la méconnaissance de l'article 17 de la déclaration de 1789 doit être écartée pour les motifs suivants :

'« en premier lieu, l' expropriation d'un bien ne peut être prononcée qu'à la condition qu'elle réponde à un déclaration d'utilité publique préalablement formellement constatée, sous le contrôle du juge administratif.

D'autre part, en autorisant le juge de l'expropriation, lorsqu'il fixe le montant des indemnités de l'exproprié, à tenir compte des changements de valeur subie par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu'ils sont provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée par l'expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations.

Le législateur a ainsi entendu éviter que la réalisation d'un projet d'utilité publique soit compromise par une telle hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.

'En second lieu, pour assurer la réparation intégrale du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subie par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances autres que celle prévue au dernier alinéa de l'article L 322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. À ce titre, il peut notamment prendre en compte l'évolution du marché immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié à la date de sa décision ».

Cette QPC concernait les expropriations appelées « expropriation pour revendre ».

Comme l'indique la SORGEM, en application de la 9 de la loi dite ELAN du 23 novembre 2018, la date de référence est fixée, lorsque le bien situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionné à l'article L311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à déclaration d'utilité publique.

Cependant, en l'espèce la commune d'[Localité 52] a institué un droit de péremption par délibération du 4 octobre 2007.

Or, l'article 213-6 du code de l'urbanisme prévoit une exception à cette règle, s'agissant comme en l'espèce d'un droit de préemption, en disposant que lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L213-4.

Lorsqu'un bien fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique sur le fondement d'une déclaration d'utilité publique intervenue à une date à laquelle le bien était soumis, en application de l'article L212-2, au droit de préemption applicable dans le périmètre d'une zone d'aménagement différée, la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L213-4 du présent code. En cas de prorogation de la déclaration d'utilité publique, cette date est déterminée en application de l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Ainsi, lorsque la commune est dotée d'un PLU et d'un droit de préemption urbain, les dispositions du paragraphe a de l'article L213-4 du code de l'urbanisme prévoient que:

' la date de référence prévue à l'article L322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est :

- pour les biens compris dans le périmètre d'une zone d'aménagement différé:

i) la date de publication de l'acte délimitant le périmètre provisoire de la zone d'aménagement différé lorsque le bien est situé dans un tel périmètre ou lorsque l'acte créant la zone est publié dans le délai de validité d'un périmètre provisoire;

II) la date de publication de l'acte créant la zone d'aménagement différé si un périmètre provisoire de zone d'aménagement différé n' a pas été délimité;

III) dans tous les cas, la date du dernier renouvellement de l'acte créant la zone d'aménagement différé;

- pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien'.

En l'espèce:

-la commune d'[Localité 52] a institué le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune le 4 octobre 2007 ;

-le plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 52] a été modifié le 16 septembre 2016.

Au surplus, les parcelles sont en emplacement réservé n°1 (création d'un bassin de retenue des eaux pluviales) au PLU de la commune d'[Localité 52] approuvé le 5 septembre 2016 ; or l'article L 322-6 du code de l'expropriation dispose que lorsqu'il s'agit d'expropriation d'un terrain compris dans un emplacement réservé par un plan local d'urbanisme en application des 1° et 4° de l'article L151-41 du code de l'urbanisme, par un document d'urbanisme en tenant lieu, ou par un plan d'occupation des sols en application du 8° de l'article L 123-1 de ce code dans sa rédaction antérieure à la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000, le terrain est considéré, dans son évaluation, comme ayant cessé d'être pris dans un emplacement réservé. La date de référence prévue à l'article L 322-3 est celle de l'acte le plus récent rendant opposable le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle est situé en emplacement réservé.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement fixé la date de référence en application des dispositions des articles L 213-4 et L 213-6 du code de l'urbanisme à la dernière modification du plan local d'urbanisme de la commune d'[Localité 52], soit le 19 septembre 2016.

- Sur la situation d'urbanisme.

À cette date de référence, les parcelles ZA [Cadastre 11],[Cadastre 12] et [Cadastre 13] se situent en zone AUu, ayant vocation à être ouvertes à l'urbanisation dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble réalisée sous la forme de ZAC.

Le commissaire de gouvernement précise que les constructions y sont autorisées dans le cadre de la Zac, qu'un cahier des prescriptions architecturales s'impose aux constructions en zone AUu du PLU, et qu'outre le PLU, les constructions sont soumises au respect de l'OAP de la Plaine Saint Jacques :

'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : les constructions devront s'implanter à l'alignement ou en retrait de 20 m maximum par rapport à l'alignement ;

'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : les constructions devront s'implanter sur les limites séparatives en retrait minimal de 2,50 m maximum par rapport à ces dernières ;

'implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété : une distance minimale de 4 m est imposée entre deux bâtiments non contigus implantés sur une même propriété, cette règle ne concernant pas les annexes ;

'emprise au sol : non fixée ;

'hauteur des constructions : la hauteur maximale ne pourra excéder R+2+ combles.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

- Sur la qualification juridique des parcelles

Le premier juge a indiqué que les parcelles ne se situent pas dans une zone constructible au regard du plan local d'urbanisme, ne disposent pas des raccordements aux réseaux et ne peuvent donc se voir reconnaître la qualification de terrain à bâtir conformément aux dispositions de l'article L 322-3 du code de l'expropriation.

En revanche, il a a retenu de par l'unité foncière, la façade sur le [Adresse 47], à proximité immédiate d'une zone urbanisée, la situation privilégiée.

Les consorts [N]-[B] ne contestent pas l'exclusion de la qualification de terrain à bâtir.

La SORGEM à l'appui de sa demande de retenir la date de référence au 10 octobre 2014 indique que le classement est en zone Auu, zone inconstructible, que les parcelles ne peuvent recevoir la qualification de terrain à bâtir et elle conteste la situation privilégiée en indiquant que le transport sur les lieux a permis de constater qu'elles ne sont nullement situées à proximité des commerces, écoles ou gares.

Cependant, il ressort du procès-verbal de transport et des pièces versées aux débats que de par leur unité foncière, leur façade sur le [Adresse 47], de la proximité immédiate d'une zone entièrement urbanisée, les parcelles doivent être qualifiées de parcelles en situation privilégiée.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

- Sur l'indemnité principale

1° Sur les surfaces

Les surfaces de 833 m², 833 m², 834 m² ne sont pas contestés en appel.

2° Sur la situation locative

Comme en première instance, les parties s'accordent pour fixer les indemnités de dépossession en valeur libre.

3° Sur la méthode

La méthode par comparaison retenue par le premier juge n'est pas contestée en appel.

Par contre, les consorts [N]-[B] demandent l'infirmation du jugement pour ne pas avoir pris en compte les habitations que les parcelles accueillaient, en indiquant que comme reporté au procès-verbal de transport sur les lieux du 29 mars 2021, celle-ci accueillent leur habitation et celle de leur famille (pièce n°8, 9,10 et 20 ; Monsieur [N] a effectué des travaux d'aménagement intérieur pour un coût total de 12'000 euros et des travaux extérieurs pour des coûts de 10'000 euros, 3000 euros et 8000 euros (pièce n°7, n°14 et 21) ; il justifie également des travaux d'aménagement intérieur d'une pièce principale pour des sommes de 3248 euros et 2246 euros (pièces n°22, 24), des travaux extérieurs pour des sommes de 2390 euros, 1790 euros, 2020,30 euros, 11'260 euros (pièces n°25,26, 27 et 29) et d'achats de matériaux divers pour une somme totale de 673 euros (pièce n°28).

Cependant, seul donne lieu à réparation le préjudice reposant sur un droit juridiquement protégé au jour de l'expropriation ; or en l'espèce, la SORGEM verse aux débats un jugement correctionnel du tribunal d'Évry du 28 juin 2012 (pièce n°13) indiquant que par jugement du 18 décembre 2008, les consorts [N]-[B] ont été déclarés coupables, pour méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme, exécution de travaux non autorisés par un permis de construire, exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable et d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme ou de plan d'occupation des sols, commis à [Localité 52] entre août 2006 et décembre 2007, pour avoir édifié une construction en parpaings et une clôture sur la parcelle cadastrée ZA [Cadastre 6], situé en zone non constructible du plan d'occupation des sols de la commune'numéroté AU du PLU'en violation du règlement de la zone ; ils ont été condamnés à des peines d'amende et le tribunal à titre complémentaire a ordonné la remise en état des lieux dans un délai de trois mois sous astreinte de 15 euros par jour de retard, outre à verser des dommages et intérêts à la commune ; la cour d'appel de Paris par arrêt du 3 octobre 2014 a confirmé le jugement déféré en réformant néanmoins m' indiquant que la remise en état sous astreinte devait être prononcée à titre de réparation civile et non de sanction pénale ; le tribunal correctionnel d'Evry saisi par la commune, a, par jugement du 28 juin 2021, liquidé l'astreinte à hauteur de 12000 euros et condamné les prévenus à verser à la commune une somme de 9000 euros (pièce N°13); par arrêt du 3 octobre 2014, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement (pièce N°14).

En conséquence, le premier juge a exactement décidé que les constructions ayant été modifiés irrégulièrement sur les parcelles et les propriétaires ayant été condamnés pour ces faits, qu'il n'y a pas lieu de valoriser les bâtis comme ils demandent et qu'il convient de valoriser les parcelles en terrain nu.

En outre, ces constructions datent de 2015 et M. [N] a indiqué lors du transport qu'elles étaient démontables et n'avaient pas de fondation.

Le jugement sera donc confirmé en ce sens.

4° Sur les références des parties

Aux termes de l'article L 322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L 322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.

Le premier juge après examen des références des parties a retenu une valeur unitaire libre de 88,83 euros/m².

Il convient en conséquence d'examiner les références des parties :

a) Les références des consorts [N]-[B]

Ils produisent :

-une estimation effectuée par une agence immobilière Century 21 du 4 août 2021 (pièces n°21, 22 et 23) qui indique que le prix de vente conseillé est comprise entre 155'000 euros et 165'000 euros sous condition que le terrain passe en zone constructible.

- de nouvelles estimations établies le 4 août 2021 (pièce N°30) ;

- des annonces de vente de terrains qui seront intégrées à la future zone de la Plaine Saint jacques avec une valeur de 600 euros/m² (pièce N°18).

Cependant, ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes dont les références de publication sont communiquées afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions ; de simples offres d'achat non concrétisées, des annonces ou des estimations immobilières ne peuvent en conséquence être retenues.

-ils produisent un listing des transactions immobilières recensées par PARIS NOTAIRES SERVICES, sur la période du 9 août 2016 au 9 août 2021 (pièces n°31 à n°33):

N° du terme

Adresse

Prix en euros/m²

T1

[Adresse 5]

166

T2

[Adresse 10]

268

T3

[Adresse 53] à [Localité 52]

569

T4

[Adresse 53] à [Localité 52]

305

T5

[Adresse 4]

177

Cependant, ces références ne sont pas comparables puisqu'elles se trouvent en zone constructible, comme le démontre la SORGEM en produisant les déclarations d'intention d'aliéner reçues en mairie d'[Localité 52] (pièces n°15, 16, 17, 18 et 19), alors que les parcelles expropriées sont en zone inconstructible.

Elle seront donc écartées.

b) Les références de la SORGEM

Elle propose tout d'abord 3 termes de comparaison :

-vente du 11 décembre 2009 : lieu-dit la Plaine à [Localité 51], terrain constructible à usage professionnel, viabilisé, cadastré section CD n°[Cadastre 8],127172 m², 2'328'084 euros en valeur occupée, soit 18,30 euros/m² (pièce n°8)

-vente du 11 décembre 2009 : lieu-dit [Adresse 44] à [Localité 51] : un terrain à bâtir, cadastré section CD n°[Cadastre 1] et 7D n°[Cadastre 9] de 79'702 m², 1'434'636 euros en valeur occupée, soit 18 euros/m² (pièce n°9)

-vente du 8 juillet 2013 au lieu-dit la Plaine à [Localité 51] : un terrain à usage agricole situé en zone AU cadastré section ZB n°ZB [Cadastre 14] de 4665 m², 82'278 euros en valeur occupée, soit 17,63 euros/m² (pièce n°10)

Ces références concernent une autre commune et sont trop anciennes, datant de plus de 5 ans ; elles seront donc écartées.

La SORGEM se réfère également à l'estimation du prix des parcelles faites par le service des domaines dans un avis du 26 juin 2019, à savoir 35 euros/m² en valeur libre (pièce n°11).

Cependant, l'estimation des domaines ne correspondant pas à une cession effective sera écartée.

c) Les références du commissaire du gouvernement

Il propose une étude de marché :

-mutations au sein de la [Adresse 60] situées [Localité 50] à [Localité 52] avec les références de publication en zone Auu :

N° du terme

Date de vente

Superficie

Prix en euros

Prix en euros/m²

Observations

T1

25 janvier 2019

ZA [Cadastre 16]

264

5280

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T2

25 janvier 2019

ZA [Cadastre 20]

222

4440

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T3

25 janvier 2019

ZA [Cadastre 21]

808

16'160

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T4

25 janvier 2019

ZA [Cadastre 18]

244

4880

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T5

28 mars 2019

ZA [Cadastre 22]

251

5020

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T6

28 mars 2019

ZA [Cadastre 15]

4672

93'440

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T7

28 mars 2019

ZA [Cadastre 19]

4581

91'620

20

acquisition de la communauté de communes du Val d'Essonne

T8

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 31], [Cadastre 32], [Cadastre 33], [Cadastre 34], [Cadastre 35], [Cadastre 36]

9093

807'731,19

88,83

acquisition de la SORGEM

T9

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 37], [Cadastre 39], [Cadastre 40], [Cadastre 41]

23'173

2'058'457,59

88,83

acquisition de la SORGEM

T10

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 23] à ZA [Cadastre 24]

9079

806'567,40

88,84

acquisition de la SORGEM

T11

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 25] à [Cadastre 26] et ZA [Cadastre 29] à [Cadastre 30]

32'134

2'854463, 22

88,83

acquisition de la SORGEM

T12

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 27] à [Cadastre 28]

77'435

6'878'275,52

88,83

acquisition de la SORGEM

T13

18 décembre 2018

ZA [Cadastre 17]

979

86'964,57

88,83

acquisition de la SORGEM

-Mutation au sein des Zac à vocation d'habitation dans le département de l'Essonne

Le commissaire du gouvernement relève des jugements du tribunal de grande instance d'Évry et de la cour d'appel de Paris pour des biens situés dans le périmètre de Zac à caractère mixte (habitat'activités et équipements publiques) dans le département, avec pour les Zac à vocation d'habitation :

'à [Localité 49] ([Adresse 56]) : zone à urbaniser qui a vocation à accueillir des logements, avec des prix de l'ordre de 50 euros/m²

' à [Localité 48], [Adresse 57], les prix sont de l'ordre de 38 euros/m² à 40 euros/m²

'à [Localité 46], [Adresse 55], les prix sont compris dans une fourchette allant de 30 euros/m² à 40 euros/m²

'[Localité 45], [Adresse 54], les prix sont compris entre 50 et 50 euros/m²

'à [Localité 43], dans la [Adresse 58], les prix sont compris entre 78 et 87 euros/m².

Le commissaire du gouvernement indique que dans département de l'Essonne, dans le cadre de la création de zones d'aménagement concerté à vocation d'habitation, on constate que les prix sont généralement entre 30 euros/m² et 50 euros/m² selon la situation géographique et la pression foncière du secteur avec dans la [Adresse 58] à [Localité 43] située plus dans le nord du département dans un secteur très urbanisé, des prix atteignant 87 euros/m² ; au sein de la [Adresse 60] [Localité 52], les parcelles acquises par la communauté de communes à 20 euros/m² sont des parcelles destinées à la création des voies d'accès de la [Adresse 60] souvent de configuration de faible largeur ; la SORGEM a acquis d'autres parcelles pour une superficie totale de 151'893 m² au prix de 88,83 euros/ ; il ajoute que pour la parcelle expropriée, on pourrait donc considérer que la proposition entre 35 euros/m² est cohérente avec les prix usuellement constatés dans les Zac à vocation d'habitation, mais néanmoins, on constate des acquisitions de la SORGEM au sein de la [Adresse 60] au prix de 88,83 euros au/m², pour des acquisitions récentes de fin 2018, situées dans la même zone AUu au PLU et à proximité immédiate de la parcelle expropriée ; il considère donc que ces acquisitions ont une valeur plus élevée que dans les Zac à vocation d'habitation et que la SORGEM a créé un micro marché local au sein de la Zac en achetant les parcelles à 88,83 euros/m².

Les parcelles acquises par la communauté de communes du Val d'Essonne sont de superficie beaucoup plus petites, comprises entre 222m² et 4672 m², alors que celles acquises par la SORGEM sont comprise entre 979 m² et 77435 m²; il convient de retenir les termes les plus comparables à savoir T8 à T13 correspondant à des mutations au sein de la [Adresse 61] [Localité 52], acquis par la SORGEM, qui a créé un micro marché local à ce prix.

Le premier juge a donc exactement retenu cette valeur de 88,83 euros/m² en valeur libre.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité principale de dépossession libre à la somme de :

88,33 euros/m² x (833 m² + 833 m² + 834 m²) = 222'075 euros

- Sur les indemnités accessoires

1° Sur l'indemnité de remploi

Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle non contesté par les consorts [N]-[B] comme suit :

20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros

15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros

10% sur le surplus soit : 207'075 x 10% = 20'707,50 euros

soit un total de 23'207,50 euros.

Le jour sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une indemnité de remploi arrondi à 23'208 euros.

2° sur l'indemnité pour préjudice moral

Les consorts [N]-[B] sollicitent l'infirmation du rejet de leur demande au titre de leur préjudice moral et l'octroi d'une somme de 37750 euros.

Ils indiquent qu'ils vivent sur place, avec leurs enfants et petits enfants, les parcelles accueillant plusieurs caravanes, ainsi que deux mobilhome.

Saisie au titre de la prise en considération du préjudice moral au titre de la question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation a décidé de renvoyer celle-ci au Conseil constitutionnel (3° civ, 21 octobre 2010 N°10-40038).

Pour ce dernier, aucune exigence constitutionnelle n'impose que la collectivité expropriante soit tenue de réparer la douleur morale éprouvée par le propriétaire à raison de la perte des biens expropriés ; que par suite, l'exclusion de la réparation du préjudice moral ne méconnaît pas la règle du caractère juste de l'indemnisation de l'expropriation pour cause d'utilité publique (21 janvier 2011 N°2010-87 QPC).

Il convient en conséquence, de confirmer le jugement qui a rejeté la demande des consorts [N] - [B] d'une indemnité complémentaire en réparation de leur préjudice moral.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité totale de dépossession en valeur libre à la somme de : 222 075 (indemnité principale) + 23'208 (indemnité de remploi) = 245'283 euros.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SORGEM à payer aux consorts [N]-[B] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Sur les dépens

Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.

Les consorts [N]-[B] perdant le procès seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [Y] [N], Madame [E] [W] épouse [N] et Madame [I] [B] aux dépens.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/15195
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.15195 ?
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