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08/09/2022 | FRANCE | N°21/01710

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 08 septembre 2022, 21/01710


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022



(n° /2022, 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01710

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC73V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 octobre 2020 -TJ de PARIS - RG n° 18/00495



APPELANTES



Madame [E] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée

par Me Maria ORE DIAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1114

ayant pour avocat plaidant Me Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



Madame [U] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 7]

repré...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

(n° /2022, 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01710

N° Portalis 35L7-V-B7F-CC73V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 octobre 2020 -TJ de PARIS - RG n° 18/00495

APPELANTES

Madame [E] [Y]

[Adresse 6]

[Localité 9]

représentée par Me Maria ORE DIAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1114

ayant pour avocat plaidant Me Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Madame [U] [Y]

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Maria ORE DIAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : B1114

ayant pour avocat plaidant Me Ingrid GERAY, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMES

Monsieur [J] [D]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 8]

représenté par Me Astou DIAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0436

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/033085 du 26/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

LA MUTUELLE DES ETUDIANTS

[Adresse 2]

[Localité 5]

N'a pas constitué avocat

FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (F.G.A.O)

[Adresse 4]

[Localité 10]

représentée par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport, et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffière lors des débats : Mme Florence GREGORI

Greffière lors de la mise à disposition : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 décembre 2009, alors qu'elle traversait un passage piéton, Mme [E] [Y] a été victime d'un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [J] [D], non assuré.

Par jugement du 12 septembre 2013, rendu par défaut à l'encontre de M. [D], le tribunal correctionnel de Paris a :

- constaté l'extinction de l'action publique suite à l'acquisition de la prescription concernant les faits d'inobservation, par conducteur de véhicule, de l'arrêt imposé par un feu rouge,

- déclaré M. [D] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas 3 mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur commis sur la personne de Mme [E] [Y] et de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance,

- condamné M. [D] à une peine d'emprisonnement délictuel de trois mois et prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de dix mois,

- reçu Mme [E] [Y] en sa constitution de partie civile,

- donné acte que Mme [E] [Y] ne demande pas de dommages et intérêts,

- condamné M. [D] à payer à Mme [E] [Y], partie civile, la somme de 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Par jugement du 15 septembre 2016, le tribunal correctionnel de Paris a :

- déclaré recevable l'opposition formée par M. [D],

- mis à néant le jugement prononcé le 12 septembre 2013 à l'encontre de M. [D] et statuant à nouveau,

- déclaré M. [D] coupable des faits de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas 3 mois par conducteur de véhicule terrestre à moteur commis sur la personne de Mme [E] [Y] et de circulation avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance,

- condamné M. [D] à un empoisonnement délictuel de deux mois et prononcé la suspension de son permis de conduire pour une durée de huit mois,

- condamné M. [D] au paiement d'une amende contraventionnelle de 100 euros pour les faits d'inobservation, par conducteur de véhicule, de l'arrêt imposé par un feu rouge,

- déclaré recevable la constitution de partie civile de Mme [E] [Y],

- donné acte à Mme [E] [Y] de ce qu'elle ne demande pas de dommages et intérêts,

- condamné M. [D] à payer à Mme [E] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Par arrêt du 15 décembre 2017 la cour d'appel de Paris, statuant sur appel de ce dernier jugement a constaté l'extinction de l'action publique pour la contravention d'inobservation par conducteur d'un véhicule de l'arrêt imposé à un feu rouge et a déclaré M. [D] coupablede blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur commis sur la personne de Mme [E] [Y] et de circulation sans assurance commis le 22 décembre 2009.

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires (le FGAO) est intervenu pour l'indemnisation du préjudice de Mme [E] [Y].

Une expertise amiable et contradictoire a été confiée aux Docteurs [P] [O] et au Docteur [N] [F].

Le Docteur [F] a établi son rapport le 20 décembre 2013 et le Docteur [O] a remis le sien le 10 mars 2015.

Par actes d'huissier de justice en date des 7, 8, 10, 14 et 15 novembre 2017, Mme [E] [Y] et sa mère, Mme [U] [Y], ont fait assigner M. [D] et la Mutuelle des étudiants (la LMDE) devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par lettre du 2 novembre 2017, la procédure a été dénoncée au FGAO.

Par jugement du 23 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- déclaré forclose l'action exercée par Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] à l'encontre du FGAO et de M. [D] en indemnisation de leurs préjudices causés par l'accident du 22 décembre 2009,

- déclaré le jugement commun à la LMDE et opposable au FGAO,

- condamné in sodium Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise,

- rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile formulée par M. [D] à l'encontre de Mme [E] [Y] et de Mme [U] [Y],

- dit que les avocats en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 25 janvier 2021, Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a déclarée forclose leur action à l'encontre du FGAO et de M. [D], les a déboutées de leurs demandes et les a condamnées in solidum aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [E] [Y] et de Mme [U] [Y], notifiées le 6 septembre 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel de Mme [E] [Y] et de Mme [U] [Y] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Paris le 23 octobre 2020 qui a :

- déclaré forclose l'action exercée par Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] à l'encontre du FGAO et de M. [D] en indemnisation de leurs préjudices causés par l'accident du 22 décembre 2009

- condamné in solidum Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires (soit dire le droit à indemnisation de Mme [E] [Y] intégral, dire et juger que Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] ont été empêchées d'agir dans le délai de forclusion, qu'il n'y a pas lieu à constater l'action forclose à l'égard du FGAO, relever Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] de la forclusion, condamner M. [D] à indemniser à Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y], dire et juger que les indemnisations à hauteur de 196 668,31 euros pour Mme [E] [Y] et 8 000 euros pour Mme [U] [Y] seront mises à la charge du FGAO, dire que le FGAO devra verser à Mme [E] [Y] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déclarer le jugement opposable au FGAO et à M. [D], déclarer le jugement à intervenir commun à la LMDE, dire que les dépens seront pris en charge par le 'Trésor public'),

- l'infirmer de ces chefs,

en conséquence,

- juger que le droit à indemnisation de Mme [E] [Y] est intégral,

- condamner M. [D] à indemniser le préjudice de Mme [E] [Y],

- condamner M. [D] à indemniser le préjudice de Mme [U] [Y],

à titre principal,

- juger qu'il n'y a pas lieu de constater l'action forclose à l'égard du FGAO et de M. [D],

à titre subsidiaire,

- juger que Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] ont été empêchées d'agir dans le délai de forclusion,

- relever Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] de la forclusion,

en tout état de cause,

- juger l'action en indemnisation de Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] à hauteur de 196 668,31 euros de la façon suivante :

- dépenses de santé actuelle : 4 088,72 euros

- frais d'assistance à expertise : 1 200 euros

- frais divers : 25 461,84 euros

- tierce personne temporaire : 1 080 euros

- préjudice scolaire : 26 424 euros

- perte de chance de réussite de la 1ère année de médecine : 20 000 euros

- incidence professionnelle : 50 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 7 413,75 euros

- souffrances endurées : 25 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 36 000 euros

soit un total de 196 668,31 euros,

- condamner M. [D] à indemniser le préjudice de Mme [U] [Y] à hauteur de 8 000 euros,

- juger que ces indemnisations seront mises à la charge du FGAO,

- condamner M. [D] à payer à Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] aux entiers dépens,

- déclarer l'arrêt opposable au FGAO,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la LMDE,

- dire que les dépens concernant le FGAO seront pris en charge par le 'Trésor public'.

Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 14 janvier 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu les articles L. 421-1 et R. 421-2 du code des assurances,

- juger Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] mal fondées en leur appel comme en toutes leurs demandes,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et en particulier en ce qu'il a déclaré Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] forcloses à l'égard du FGAO,

à titre infiniment subsidiaire,

- si par extraordinaire la cour estimait que les demandes de Mme [E] [Y] et de Mme [U] [Y] n'étaient pas forcloses à l'égard du FGAO, liquider le préjudice de Mme [E] [Y] comme suit :

' préjudices patrimoniaux

- dépenses de santé actuelles : 2 500 euros

- frais d'assistance à expertise : rejet

- frais kilométriques : 4 531,33 euros

- vêtements : 200 euros

- frais de location : rejet

- frais de scolarité : rejet

- tierce personne temporaire : 780 euros

- préjudice scolaire : 6 000 euros

- perte de chance de réussite au concours de 1ère année de médecine : rejet

- incidence professionnelle : 5 000 euros,

' préjudices extra-patrimoniaux

- déficit fonctionnel temporaire : 6 774,65 euros

- pretium doloris : 15 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 26 250 euros,

- dont à déduire les provisions versées de 10 000 euros,

- rejeter la demande formée par Mme [U] [Y],

- débouter Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] du surplus de leurs demandes,

- rappeler que, conformément aux dispositions de l'article R. 421-15 du code des assurances, le FGAO ne peut être condamné à quel titre que ce soit, la décision ne pouvant que lui être déclarée opposable.

Vu les conclusions de M. [D], notifiées le 7 décembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

- rejeter, toutes demandes et fins contraires,

à titre principal,

- confirmer le jugement du 23 octobre 2020 en ce qu'il jugé l'action des appelantes forclose,

- rejeter les demandes formulées à l'encontre de M. [D],

à titre subsidiaire,

- réduire à leur juste valeur les prétentions de Mme [U] [Y] et de Mme [E] [Y],

en toute hypothèse,

- laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles et dépens.

La LMDE à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 2 avril 2021 délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la forclusion

Le tribunal après avoir relevé que l'identité de M. [D] et le fait qu'il circulait sans assurances étaient connus dès l'accident, a considéré qu'il appartenait à Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] conformément à l'article R. 421-12 du code des assurances d'agir dans les cinq ans de celui-ci soit avant le 22 décembre 2014 et non en novembre 2017 comme elles l'avaient fait, peu important les pourparlers engagés avec le FGAO et qu'elles ne justifiaient pas avoir été dans l'impossibilité d'agir alors qu'elles étaient assistées d'un conseil tout au long de la procédure et avaient saisi le FGAO d'une demande d'indemnisation dès 2010.

Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] font valoir que leur action n'est pas forclose dans la mesure où l'article R. 421-12 du code des assurances impose l'introduction d'une action et non que le demandeur ait réclamé à l'occasion de celle-ci l'indemnisation de son préjudice ou d'une fraction de celui-ci.

Elles précisent qu'à compter de la décision du tribunal correctionnel ayant reçu la constitution de partie civile de Mme [E] [Y] et ordonné une expertise elles disposaient d'un nouveau délai de 5 ans pour agir ce qu'elles ont fait par l'assignation délivrée le 15 novembre 2017 à l'encontre de M. [D].

A titre subsidiaire elles soutiennent avoir été dans l'impossibilité d'agir plus tôt en raison de la durée excessive du processus de règlement amiable au contradictoire du FGAO et de l'attitude de M. [D] ; elles relèvent que le Docteur [O] n'a communiqué son rapport au FGAO et non à elles-mêmes que le 10 mars 2015, alors que la date de consolidation a été fixée au 20 décembre 2013, que ce n'est qu'à compter du 15 septembre 2016 qu'elles ont eu la certitude de l'identité de M. [D] et la connaissance de sa véritable adresse, M. [D] l'ayant dissimulée et que le FGAO a renoncé de façon ferme et non équivoque à se prévaloir de la forclusion en formulant plusieurs offres amiables.

Le FGAO répond que l'accident a été causé par un auteur connu et qu'il appartenait en conséquence à Mme [E] [Y] de conclure une transaction ou à défaut d'assigner M. [D] pour l'indemnisation de son préjudice au plus tard le 22 décembre 2014 ce que Mme [E] [Y] n'a pas fait, sa constitution de partie civile à l'audience du 12 septembre 2013 étant inopérante dans la mesure où elle n'a pas sollicité de dommages et intérêts à l'encontre de M. [D].

Il précise que Mme [E] [Y] qui était assistée d'un conseil tout au long de la procédure n'était pas dans l'impossibilité d'agir, que le fait que le rapport d'expertise ait été déposé tardivement a été sans incidence puisque le point de départ du délai de forclusion est l'accident et non la date de consolidation de l'état de la victime, que l'existence de pourparlers avec le FGAO n'ont pas eu pour effet d'interrompre ou de suspendre le délai, que l'article 2251 ne s'applique qu'aux délais de prescription et non de forclusion et qu'ainsi le FGAO n'a pu renoncer à la forclusion en application.

M. [D] demande à la cour de confirmer le jugement sur la forclusion de l'action indemnitaire de Mme [E] [Y] et de Mme [U] [Y], dans la mesure où celles-ci ne démontrent aucune difficulté à agir dans le délai prescrit, que leurs constitutions de partie civile et diverses tentatives de transaction avec le FGAO prouvent au contraire qu'elles avaient connaissance de l'accident dès le début et étaient en mesure d'agir et que leur inertie ne peut lui préjudicier.

***

Sur ce, selon l'article R. 421-12 du code des assurances la victime et ses ayants droits doivent, 'dans le délai de 5 ans à compter de l'accident : ...si le responsable est connu, avoir conclu une transaction avec celui-ci ou intenté contre lui une action en justice... Ces différents délais sont impartis à peine de forclusion, à moins que les intéressés ne prouvent qu'ils ont été dans l'impossibilité d'agir avant l'expiration desdits délais'.

Par ailleurs les articles 2240 et 2251 du code civil dans leur rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable en l'espèce, eu égard à la date de l'accident, vise l'interruption par la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier du délai de prescription et non de celui de forclusion.

Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] ne peuvent utilement invoquer que le FGAO aurait renoncé à invoquer la forclusion résultant de l'article R. 421-12 du code des assurances en leur adressant diverses offres d'indemnisation alors qu'il était tenu de faire une offre en application de l'article L. 211-22 du code des assurances ; ces offres ne peuvent donc être considérées comme une renonciation non équivoque de sa part à invoquer la forclusion.

Il est mentionné par l'article 2241du code civil que 'la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion'.

Enfin, il est mentionné par l'article 2242 du code civil que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Le point de départ du délai mentionné à l'article R. 421-12 du code des assurances est la date de l'accident, soit en l'espèce le 22 décembre 2009.

Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] qui devaient donc agir au plus tard le 22 décembre 2014, invoquent que Mme [E] [Y] a interrompu ce délai par sa constitution de partie civile devant le tribunal correctionnel de Paris.

Il ressort du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 12 septembre 2013 que Mme [E] [Y] s'est constituée partie civile.

Par cet acte, Mme [E] [Y] qui a demandé au tribunal de reconnaître que l'infraction de blessures involontaires commises à son encontre par M. [D] lui avait occasionné un préjudice, a interrompu le délai de 5 ans mentionné à l'article R. 421-12 du code des assurances peu important qu'elle n'ait pas formulé à cette occasion de demande de dommages et intérêts chiffrée.

Un nouveau délai de 5 ans a couru à compter du jugement du tribunal correctionnel et l'action de Mme [E] [Y] n'était donc pas forclose à l'égard du FGAO lors de l'assignation délivrée le 15 novembre 2017 à l'encontre de M. [D] devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a déclaré Mme [E] [Y] forclose en son action.

En revanche Mme [U] [Y] qui ne s'est pas constituée partie civile devant le tribunal correctionnel de Paris lors des audiences du 12 septembre 2013 et du 16 septembre 2016 et qui ne justifie d'aucun autre acte d'interruption de la forclusion est forclose en sa demande en application des textes précités.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré Mme [U] [Y] forclose en son action à l'égard du FGAO.

Mme [U] [Y] relève seulement que le processus de règlement amiable a été ralenti par le dépôt tardif du rapport d'expertise et par le fait que M. [D] n'avait pas communiqué son adresse ; elle ne justifie pas ni ne prétend avoir ignoré le contenu du procès-verbal d'accident et ne dénie pas, ainsi qu'invoqué par le FGAO, avoir bénéficié de l'assistance d'un avocat dès le début de la procédure ; ainsi ellecne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'agir avant l'assignation délivrée le 15 novembre 2017 à l'encontre de M. [D] alors que l'identité de celui-ci était connue dès l'établissement du procès-verbal de police et qu'il lui appartenait de l'assigner à l'adresse qui y était mentionnée, éventuellement dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile.

Les circonstances que le Docteur [O] ait tardé à déposer son rapport et que des discussions aient été engagées avec le FGAO n'étaient pas de nature à dispenser Mme [U] [Y] de l'obligation d'agir contre M. [D] dans le délai de 5 ans de l'accident.

Il n'y a pas lieu en conséquence de relever Mme [U] [Y] de la forclusion de sa demande d'indemnisation à l'égard du FGAO.

Sur le préjudice corporel de Mme [E] [Y]

L'expert le Docteur [O] a indiqué dans ses rapports en date des 23 avril 2012, 10 mai 2013 et 10 mars 2015 que Mme [E] [Y] a présenté à la suite de l'accident du 22 décembre 2009 un traumatisme crânien avec perte de connaissance, des contusions multiples et une entorse de la cheville et qu'elle conserve comme séquelles un syndrome psycho-traumatique avec céphalées, un syndrome de stress post-traumatique avec un retentissement modéré sur les facultés cognitives et un syndrome algodysfontionnel des articulations temporo-mandibulaires.

Cet expert a conclu ainsi qu'il suit :

- hospitalisation du 22 décembre 2009 au 23 décembre 2009

- gêne temporaire partielle à 25 % pendant deux mois du 24 décembre 2009 au 20 février 2010 et à 20 % du 21 février 2010 au 20 décembre 2013

- assistance temporaire par tierce personne d'une heure par jour pendant deux mois

- consolidation au 20 décembre 2013

- souffrances endurées de 4,5/7

- déficit fonctionnel permanent de 15 %

- préjudice esthétique de 0/7.

Le Docteur [O] a en outre précisé que l'accident a entraîné la perte d'une année scolaire, que Mme [E] [Y] a échoué en 2011 au concours de médecine, que 'comme le précisait le Docteur [V] dans son rapport le taux d'échec en 1ère année de médecine, malgré deux années, est de l'ordre de 80 % et il est tout à fait impossible de dire si cette jeune femme aurait obtenu son concours en l'absence de l'accident. On rappelle que la perte d'une année universitaire et peut-être, sous toutes réserves, y compris la communication des bulletins de terminale et des résultats du baccalauréat, une discrète perte de chance dans le début de ses années supérieures'.

Cet expert a enfin précisé que le Docteur [B] (médecin conseil de la victime) suit l'avis du Docteur [C] (sapiteur psychiatre) selon lequel '... Il nous paraît juste de dire que le traumatisme a entraîné une perte de chance de réussite au concours d'entrée en 1ère année de médecine...'.

Ce rapport d'expertise constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1991, de sa situation d'étudiante en 1ère année de médecine, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Mme [E] [Y] sollicite une indemnité de 4 088,72 euros au titre des dépenses de santé restées à sa charge.

Le FGAO relève que la CPAM (anciennement LMDE) n'est pas en mesure de chiffrer sa créance et que Mme [E] [Y] a communiqué des relevés de prestations de la mutuelle LMDE mais non la créance de celle-ci ; elle estime que seuls sont justifiés les frais correspondant aux pièces C1a à C2K à hauteur de la somme de 1 152,50 euros ; il indique que les frais d'hospitalisations n'ont pas été adressés au courtier pour prise en charge par la mutuelle alors que la plupart des mutuelles prennent en charge tout ou partie des dépassements d'honoraires pratiqués par les médecins hospitaliers ; il accepte une indemnité de 2 500 euros.

M. [D] estime que l'essentiel des demandes n'est fondé sur aucune pièce plausible et conclut à la minoration de la somme sollicitée.

Sur ce, le poste de dépenses de santé actuelles est constitué en l'espèce des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie et divers pris en charge par l'organisme social et la mutuelle et des frais de santé restés à la charge de la victime.

La CPAM a indiqué au conseil de Mme [E] [Y] par courrier du 29 mars 2019 ne pas avoir de créance à faire valoir.

Pour les frais de médecin traitant, d'ostéopathie, d'orthophonie, de suivi par une psychologue, de suivi psychiatrique, d'optique, de gouttière mandibulaire et spécialistes Mme [E] [Y] ne justifie pas du montant resté à sa charge après intervention de sa mutuelle.

En revanche, elle démontre par les décomptes de prestations et factures délivrés par les établissements de santé et chirurgien, et par les relevés édités par la mutuelle LMDE avoir conservé à sa charge après intervention de l'assurance maladie obligatoire et de la mutuelle une somme totale de 2 120 euros.

Le surplus réclamé, n'étant pas admis tant par M. [D] que par le FGAO, et n'étant pas justifié, sera rejeté.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Mme [E] [Y] demande dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour en application de l'article 954 du code civil l'allocation des sommes de 1 200 euros au titre des honoraires du Docteur [B], médecin conseil l'ayant assisté devant l'expert, de 5 325,20 euros au titre des frais de déplacement exposés pour se rendre aux consultations médicales en lien avec l'accident, de 442,93 euros au titre du coût des vêtements, bottes et sac endommagés lors de l'accident, de 1 500 euros au titre de vêtements rachetés en raison de sa perte de poids consécutive à l'accident, de 13 850 euros au titre des frais de location, assurance et accès internet d'un appartement étudiant dont la location a été rendue nécessaire par la fatigabilité induite par l'accident afin d'éviter les trajets en train de 1 heure et à pied de 20 mn entre le domicile de sa mère et la faculté de médecine et de 4 343,71 euros au titre de l'inscription pour l'année universitaire 2009/2010, et pour les années 2010/2011 et 2011/2012 qu'elle a redoublées en raison de l'accident, à l'Université [13] et à un cours de soutien.

Le FGAO ne s'oppose pas à la demande portant sur les frais d'assistance à expertise mais offre une indemnité limitée à 4 531,33 euros au titre des frais de déplacement au motif que le nombre de kilomètres parcourus est de 8 345 km et non de 9 807 km au vu du tableau produit aux débats par Mme [E] [Y] et de 200 euros forfaitaire pour les vêtements dans la mesure où Mme [E] [Y] ne tient pas compte de la vétusté, ne produit que des factures de rachat et non d'achat et ne justifie pas de la nécessité de racheter des vêtements en raison d'une perte de poids liée à l'accident.

Le FGAO s'oppose aux demandes portant sur les frais de scolarité au motif que Mme [E] [Y] a pu suivre les cours, des frais de soutien scolaire faute de preuve de l'engagement de la dépense et de lien avec l'accident et de location d'un studio, cette location étant intervenue après la reprise des cours et alors que sans l'accident compte tenu de l'éloignement du domicile de sa mère cette location aurait été prise.

M. [D] estime que les demandes ne sont fondées sur aucune pièce plausible et conclut à la minoration des sommes sollicitées.

Sur ce, les frais divers sont représentés notamment par les honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [B], médecin conseil, soit 1 450 euros au vu des factures produites en date des 22 septembre 2010, 25 février 2012 et 28 septembre 2012 ; ces dépenses rendues nécessaires par l'accident seront indemnisées à hauteur de la somme de 1 200 euros demandée par Mme [E] [Y].

S'agissant des frais de déplacement pour se rendre aux divers examens et consultations médicales, Mme [E] [Y] ne justifie pas d'une dépense personnelle alors que le certificat d'immatriculation produit aux débats est au nom de Mme [U] [Y].

Mme [E] [Y] qui était piéton lors de l'accident doit être indemnisée du coût de ses vêtements et accessoires endommagés au cours de celui-ci ; eu égard aux pièces produites la cour est en mesure d'évaluer le préjudice subi par Mme [E] [Y] à la somme de 350 euros ; en revanche Mme [E] [Y] ne justifie pas avoir subi en raison des blessures occasionnées par l'accident un amaigrissement justifiant le renouvellement de sa garde robe.

S'agissant des frais de location, assurance et accès internet pour un appartement situé [Adresse 11], le contrat de location a été signé le 25 septembre 2010 soit en période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 % et alors que l'accident a entraîné selon les rapports d'expertise des troubles anxieux avec évitement en voiture et à pied et une dépression ayant généré notamment une fatigabilité ; dans ces conditions la location d'un logement étudiant proche de l'université de la victime était nécessaire pour réduire ses déplacements.

Eu égard au contrat de location stipulant un loyer mensuel de 600 euros et aux conditions particulières du contrat d'assurance habitation conclu pour le logement le 19 octobre 2010 avec la société MATMUT, il y a lieu d'allouer à Mme [E] [Y] des indemnités de 13 200 euros et 122 euros au titre des frais de location et d'assurance exposés du mois de septembre 2010 au mois de juin 2012 du fait de l'accident ; en revanche aucun justificatif des frais de forfait internet n'ayant été produit aux débats, aucune somme ne sera accordée à ce titre.

S'agissant des frais d'inscription en faculté de médecine et en cours de soutien scolaire il ressort de l'expertise que l'accident qui a conduit notamment à un état de choc post traumatique et à une dépression avec fatigabilité et troubles cognitifs modérés a entraîné pour Mme [E] [Y] la perte d'une année scolaire.

Mme [E] [Y] est donc fondée à obtenir le remboursement des frais de scolarité et de soutien scolaire engagés en pure perte pour l'année 2009/2010, ce qui représente les sommes justifiées de 175,57 euros et de 2 135 euros.

Mme [E] [Y] s'est de nouveau inscrite en faculté de médecine pour les années 2010/2011 et 2011/2012 et en cours de soutien scolaire pour l'année 2010/2011 ; elle a suivi les cours dispensés par ces organismes, et n'est donc pas fondée à solliciter l'indemnisation des frais d'inscription pour ces années étant précisé qu'elle ne sollicite pas l'indemnisation d'une perte de chance de ne pas exposer ces frais.

Le total des frais divers indemnisables est ainsi de 16 832,57 euros.

- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

Ce poste de dommage vise à indemniser le retard scolaire ou de formation subi, la modification d'orientation, voire la renonciation à toute formation.

Sur la perte d'une année d'université

Mme [E] [Y] demande à la cour une indemnité de 26 424 euros qu'elle calcule sur une base mensuelle de 2 202 euros correspondant au revenu moyen des français.

Le FGAO offre une indemnité de 6 000 euros.

M. [D] qui estime que l'essentiel des demandes n'est fondé sur aucune pièce plausible conclut à la minoration des sommes sollicitées.

Sur ce, il a été vu ci-avant pour les frais divers par des motifs qui sont ici repris que l'accident a entraîné pour Mme [E] [Y] la perte d'une année d'université.

Ce chef de préjudice doit être indemnisé à hauteur de la somme de 15 000 euros.

Sur la perte de chance de réussir le concours de 1ère année de médecine

Mme [E] [Y] indique que compte tenu de son stress post-traumatique et de son traumatisme crânien ayant généré des troubles de la concentration et de la mémoire et une grande fatigabilité elle a présenté des difficultés importantes pour suivre les cours et réviser, d'autant qu'elle a dû se consacrer à divers rendez-vous médicaux ; elle précise en outre que ses relevés de note au lycée démontrent qu'elle était une élève sérieuse et affirme que l'accident lui a fait perdre une chance de réussir le concours de 1ère année de médecine.

Elle sollicite à ce titre une indemnité de 20 000 euros.

Le FGAO répond que Mme [E] [Y] a triplé la première année de médecine, que ses résultats au baccalauréat font état d'une moyenne de 11,41/20 et qu'au regard de ces résultats moyens et du taux d'échec important en première année de médecine, sa réorientation n'est pas liée à l'accident.

Sur ce, l'accident a entraîné pour Mme [E] [Y] notamment un état de choc post traumatique et une dépression avec fatigabilité et troubles cognitifs modérés ; même si le taux d'échec au concours de la 1ère année de médecine était élevé lorsque Mme [E] [Y] l'a passé et si la moyenne des notes de celle-ci au baccalauréat a été de 11,41, Mme [E] [Y] avait une chance de réussir le concours, ce que l'expert a d'ailleurs retenu.

Eu égard au taux important d'échec et aux résultats de Mme [E] [Y] au baccalauréat la chance perdue doit être fixée à 10 % et doit être indemnisée à hauteur de la somme de 10 000 euros (100 000 euros x 10 %), qui revient à Mme [E] [Y].

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Mme [E] [Y] demande la liquidation de ce poste de dommage sur une base horaire de 18 euros.

Le FGAO propose à titre subsidiaire l'application d'un tarif horaire de 13 euros.

M. [D] qui estime que l'essentiel des demandes n'est fondé sur aucune pièce plausible conclut à la minoration des sommes sollicitées.

Sur ce, la nécessité de la présence auprès de Mme [E] [Y] d'une tierce personne pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie résulte des blessures occasionnées par l'accident n'est pas contestée en son principe et doit être fixée conformément aux conclusions de l'expert à 1 heure par jour du 24 décembre 2009 au 20 février 2010.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 18 euros, ainsi que sollicité par Mme [E] [Y].

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi à 1 062 euros (1 heure x 59 jours x 18 euros).

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Mme [E] [Y] soutient que les séquelles de l'accident vont générer une fatigabilité et une pénibilité accrues et entraîner sa dévalorisation sur le marché du travail ; elle demande à ce titre l'allocation d'une indemnité de 50 000 euros.

Le FGAO propose à titre subsidiaire une indemnité de 5 000 euros au motif que le retentissement de l'accident sur les fonctions cognitives est mineur et sans lien avec une organicité cérébrale et que les autres séquelles n'empêchent pas Mme [E] [Y] d'exercer une activité professionnelle en concordance avec ses études d'agro-alimentaire, et qu'elle a obtenu une licence en ce domaine qui démontre qu'elle peut se concentrer sur des taches intellectuelles.

M. [D] conclut à la minoration des sommes sollicitées.

Sur ce, l'expert a relevé que Mme [E] [Y] conserve comme séquelles de l'accident, notamment, un syndrome psycho-traumatique avec céphalées et un syndrome de stress post-traumatique avec un retentissement modéré sur les facultés cognitives ; ces altérations de son état notamment sur le plan intellectuel vont entraîner pour Mme [E] [Y] dans le cadre de l'exercice de toute profession une pénibilité accrue et une dévalorisation sur le marché du travail qui eu égard au jeune âge de cette victime lors de la consolidation doivent être indemnisées à hauteur de 50 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 25 euros par jour pour un déficit total, ainsi que sollicité par Mme [E] [Y] eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- 50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 2 jours

- 368,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % de 59 jours

- 6 995 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 % de 1 399 jours

- total : 7 413,79 euros.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi

que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, de l'hospitalisation, des examens et soins et de la rééducation ; évalué à 4,5/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 22 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par un syndrome psycho-traumatique avec céphalées, un syndrome de stress post-traumatique avec un retentissement modéré sur les facultés cognitives et un syndrome algo-dysfontionnel des articulations temporo-mandibulaires, conduisant à un taux de 15 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence l'indemnité de 36 000 sollicitée pour une femme âgée de 22 ans à la consolidation.

Sur les préjudices de Mme [U] [Y]

Les demandes de Mme [U] [Y] restent recevables à l'égard de M. [D], aucune prescription n'étant invoquée.

Mme [U] [Y] demande à la cour de lui allouer une somme de 8 000 euros en réparation de 'son préjudice moral' qui correspond selon elle à son préjudice d'affection à la vue des douleurs physiques et morales subies par sa fille et au bouleversement de sa vie quotidienne en raison des nombreuses consultations médicales imposées à sa fille, de la prise en charge de ses séquelles et du manque d'empathie depuis l'accident de sa fille à son égard.

M. [D] conclut subsidiairement à la forclusion, à la minoration des sommes réclamées.

Sur ce, le préjudice d'affection subi par Mme [U] [Y] à la vue des souffrances physiques et morales de sa fille et de l'état altéré dans lequel elle se trouve depuis l'accident doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros.

Par ailleurs les conditions de vie de Mme [U] [Y] ont été bouleversées durant l'hospitalisation de sa fille et au cours de la période durant laquelle elle est revenue vivre à son domicile, ce qui justifie une indemnité de 2 000 euros.

M. [D] doit être condamné au paiement de ces sommes.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être infirmées sauf en ce que la demande de M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile a été rejetée.

M. [D] qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenu à indemnisation supportera la charge des dépens de première instance, dont les frais d'expertise, et d'appel.

L'équité commande d'allouer à Mme [E] [Y] et Mme [U] [Y] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le premier juge et la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, et par mise à disposition au greffe,

- Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré Mme [U] [Y] forclose en sa demande d'indemnisation à l'égard du FGAO et en ce qu'il a rejeté la demande de M. [J] [D] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Rejette la demande de Mme [U] [Y] tendant à être relevée de la forclusion,

- Condamne M. [J] [D] à verser à Mme [E] [Y] les indemnités suivantes, provisions non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt en réparation de son préjudice corporel consécutif à l'accident du 22 décembre 2009 :

- dépenses de santé actuelles : 2 120 euros

- frais divers : 16 832,57 euros

- préjudice scolaire et universitaire : 15 000 euros

- perte de chance de réussite au concours de première année de médecine : 10 000 euros

- assistance temporaire par tierce personne :

- déficit fonctionnel temporaire : 1 062 euros

- souffrances endurées : 22 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 36 000 euros,

- Condamne M. [J] [D] à verser à Mme [U] [Y] les indemnités suivantes, provisions non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt au titre des préjudices ci-après :

- préjudice d'affection : 3 000 euros

- trouble dans les conditions d'existence : 2 000 euros,

- Condamne M. [J] [D] à verser à Mme [E] [Y] et à Mme [U] [Y] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déclare le présent arrêt opposable au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, sauf en ses dispositions relatives à Mme [U] [Y],

- Condamne M. [J] [D] aux dépens de première instance, dont les frais d'expertise, et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/01710
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;21.01710 ?
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