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07/09/2022 | FRANCE | N°20/07552

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 septembre 2022, 20/07552


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07552 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUGY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/01896



APPELANTE



S.A.R.L. ALTIN FINANCES

[Adresse 2]

[Localité 3]


Représentée par Me Eric SLUPOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0956



INTIMEE



Madame [U] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yacine CHERGUI, avoca...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07552 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCUGY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F16/01896

APPELANTE

S.A.R.L. ALTIN FINANCES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SLUPOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0956

INTIMEE

Madame [U] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Yacine CHERGUI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [U] [C], née le 1er juin 1987, a été embauchée selon contrat à durée indéterminée du 7 janvier 2012 par la SARL Altin Finances, en qualité de commerciale, au coefficient hiérarchique 130, niveau 2, échelon 2, à temps plein.

La SARL Altin Finances est une société holding d'un groupe de sociétés ayant pour activité les magasins de jeux, jouets et articles de loisir.

La relation de travail était régie par la convention collective des Industries des Jeux, Jouets, articles de fêtes et ornements de Noël du 25 janvier 1991.

Le 26 janvier 2012, la salariée a été victime d'un accident de scooter survenu alors qu'elle se rendait à son travail. Il s'est ensuivi des arrêts de travail et des prolongations d'arrêts de travail entre le 26 janvier et le 6 février 2012, le 29 mars et le 4 avril 2012, du 10 au 17 mai 2012, du 23 mai au 22 octobre 2012, du 27 octobre 2012 au 31 janvier 2012, du 1er mai au 31 mai 2013, du 1er mai au 24 juin 2013, du 3 au 10 juillet 2013, du 12 au 21 juillet 2013 et du 26 juillet 2013 au 4 août 2013.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2013, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Elle a saisi le conseil des prud'hommes de Créteil le 31 mai 2016 aux fins d'obtenir la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 671,70 euros à titre principal d'indemnité légale de licenciement et 465 euros subsidiairement,  si le coefficient revendiqué n'était pas retenu ;

- 2.239 euros à titre principal d'indemnité de préavis et 1.550 euros subsidiairement ;

- 223 euros à titre principal et 155 euros à titre subsidiaire d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 13.434 euros à titre principal et 9.300 euros à titre subsidiaire de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi au cours de l'exécution du contrat de travail ;

- les intérêts au taux légal à compter de l'introduction de l'instance ;

- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 janvier 2018, la prise d'acte a été requalifée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et la défenderesse a été condamnée à verser à la demanderesse les sommes suivantes :

- 465 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- 1.550 euros d'indemnité de préavis ;

- 155 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4.650 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5.000 euros en réparation du préjudice moral ;

- les intérêts au tau légal à compter de l'introduction de l'instance ;

- 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec mise des dépens à la charge de l'employeur.

Appel a régulièrement été interjeté par la SARL Altin Finances le 12 février 2020.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 25 mars 2022, l'appelante prie la cour d'infirmer la décision déférée, et statuant à nouveau, de dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission, de rejeter l'ensemble des prétentions adverses et de lui allouer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle ajoute une demande en paiement de la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Enfin elle sollicite la mise des dépens à la charge de l'intimée.

Par conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 3 octobre 2018, celle-ci sollicite la confirmation du jugement déféré sur la reconnaissance des effets de la prise d'acte comme ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le préjudice moral. Elle demande l'infirmation pour le surplus et reprend ses demandes de première instance. Elle allègue une prétendue demande formée devant le conseil des prud'hommes en paiement de la somme de 13.434 euros d'indemnité de travail dissimulé, qu'elle dit renouveler.

Par ailleurs, elle élève l'indemnité au titre des frais irrépétibles sollicitée à la somme de 2.500 euros et demande que les intérêts au taux légal courent à compter de l'introduction de la demande pour les sommes à caractère de salaire et à compter de l'arrêt à intervenir pour les sommes à caractère indemnitaire, avec dans mes deux cas, capitalisation des intérêts. Elle entend enfin voir les dépens mis à la charge de l'appelante.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur les manquements de l'employeur, le préjudice moral en résultant et la prise d'acte de rupture

La salariée soutient que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors qu'elle était justifiée par différents manquements de l'employeur qu'il convient d'étudier successivement.

1.1 : Sur le paiement des salaires

Mme [U] [C] soutient les irrégularités suivantes dans le paiement des salaires qui lui sont dus :

- en avril 2012, elle a perçu un salaire de 1.156,56 euros brut au lieu de 1.550,01 euros, soit un manque à gagner de 393,45 euros ;

- en juin 2012, elle n'a perçu que la somme de 1.000 euros par virement, alors que la feuille de paie correspondante, remise tardivement, ne mentionnait que la somme de 775,06 euros ;

- en juillet 2012, il lui a été alloué une rémunération de 1.134,22 euros brut, dont il était indiqué qu'il en était déduit 400 euros d'acompte, ce qui même en tenant compte de celui-ci contenait une erreur de 41 euros en sa défaveur ;

- en décembre 2012, il est apparu un acompte de 900 euros dont elle demeurerait débitrice ;

- de janvier à juillet 2013, cet acompte de 900 euros apparaissait sur tous les bulletins de paie.

L'employeur conteste toute anomalie et soutient avoir procédé à des avances sur salaire, compte tenu de la maladie de l'intéressée.

Sur ce

L'analyse des bulletins de paie révèle :

- en avril 2012, il lui a été retiré la somme de 393,45 euros au titre d'arrêts maladie qui ne ressortent pas des pièces du dossier ;

- pour juin 2012 il apparaît un salaire de 775,06 euros compte tenu du mi-temps thérapeutique, ce qui est normal ;

- en juillet 2012, un somme intitulée 'acompte' de 400 euros a été déduite du salaire de Mme [U] [C], mais celle-ci reconnaît dans une lette du 12 août 2012 avoir reçu cette somme et prétend, sans le prouver, qu'il s'agissait d'une compensation pour retard dans le paiement du salaire du mois de juin ;

- en décembre 2012, Mme [U] [C] s'est vu imputer une avance sur salaire à hauteur de la somme de 900 euros, dont le bien-fondé n'est pas prouvé, tandis qu'un courriel de sa banque certifie que cette somme n'a jamais été versée depuis le 2 novembre 2012.

Ainsi il doit être admis qu'il a été mis à la charge de la salariée en décembre 2012 un acompte de 900 euros non justifié, ainsi que, en avril 2012 un manque à gagner de 393,45 euros.

En revanche, en dehors de ces anomalies, la salariée n'explique pas en quoi les bulletins de paie caractériseraient un paiement irrégulier de sa rémunération et leur lecture ne le fait pas apparaître.

1.2 : Sur le non-paiement des heures supplémentaires

Mme [U] [C] soutient qu'elle effectuait chaque jour une heure supplémentaire, puisque après la fermeture à 19 heures, elle restait pour faire la comptabilité. Elle ajoute qu'elle devait participer à des réunions ou des événements inopinés.

La SARL Altin Finances conteste cette version et ajoute qu'en tout état de cause, il n'a jamais donné son accord exprès ou implicite pour l'accomplissement d'heures supplémentaires. De plus, la société observe que la participation de l'intéressée à des réunions conviviales ne s'analysait pas comme des heures supplémentaires dès lors qu'il ne s'agissait pas de travail effectif.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures de travail accomplies, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il n'apparaît pas que les heures supplémentaires soi disant effectuées au-delà de 19 heures chaque jour aient été autorisées fût-ce implicitement par la SARL Altin Finances et elles ne sauraient être retenues.

Une attestation versée aux débats par la salariée rapporte que celle-ci a participé à deux formations, sans qu'il apparaisse pour autant que celles-ci aient eu lieu en dehors de ses heures de travail. Ce témoignage ajoute qu'une soirée prolongée jusqu'à minuit a réuni les salariés le 12 janvier 2012. Il n'en ressort pas, en l'absence d'élément précis sur ce point constaté directement par le témoin, que la réunion fût obligatoire et que la soirée correspondit à un travail effectif au sens de l'article L. 3121-1 c'est-à-dire à un temps pendant lequel le salarié était à la disposition de l'employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Surtout, dans ses écritures, la salariée ne se prévaut pas de dates de formation, ni même ne renvoie à celle de l'attestation, ni ne fait état d'éléments un tant soit peu précis qui permettraient à l'employeur d'y répondre utilement.

Par suite, les heures supplémentaires ne sont pas admises.

1.3 : Sur la qualification du poste de Mme [U] [C]

Mme [U] [C] estime qu'elle relevait non pas du niveau 2, échelon A, coefficient 130 de la convention collective, comme l'indique le contrat de travail, mais du niveau 5, échelon C, coefficient 290, compte tenu de son niveau d'autonomie, comme cela ressort selon elle des missions qui sont stipulées au contrat. Cela justifierait, souligne-t- elle, un rappel de salaire sur toute la période correspondante, compte tenu de la grille donnée par la convention collective.

La SARL Altin Finances conteste cette interprétation de la convention collective.

Sur ce

La qualification professionnelle d'un salarié s'apprécie en considération des fonctions qu'il exerce réellement au service de l'employeur, sans qu'importe la qualification retenue par celui-ci.

Selon l'article 5 de la convention collective :

'La classification est, avant tout, fonction de l'emploi occupé dans l'entreprise quel que soit le diplôme professionnel que possède le salarié.

NIVEAUX II :

ECHELON : a

Coefficient 130

DEGRÉ d'autonomie : Reçoit des instructions fixant :

- 1. La nature du travail,

- 2. Les moyens,

- 3. Le mode opératoire,

- 4. Les opérations de conformité,

- 5. L'ordre de succession : autonomie pour 5 P.P..

RESPONSABILITÉ : Initiative dans la recherche de la conformité.

FORMATION professionnelle de base requise pour l'emploi :

- CAP - BEP de la profession ou du métier exercé.

- ou niveau équivalent acquis par la pratique minimale ou par la formation permanente.

CRITÈRES : Ensemble des opérations classiques d'une spécialité technique.

NIVEAUX V :

ECHELON : c

Coefficient 290

DEGRÉ d'autonomie : Sous la responsabilité d'un supérieur hiérarchique, directives constituant le cadre d'ensemble de l'activité et définissant l'objectif.

Large autonomie pour :

2. Les moyens,

3. Le mode opératoire,

4. Les opérations de conformité,

5. L'ordre de succession.

RESPONSABILITÉ : Réalisation de programmes d'ensemble.

Responsabilité partielle de gestion.

FORMATION professionnelle de base requise pour l'emploi :

- BTS, DUT ou niveau équivalent acquis par la pratique professionnelle ou par la formation permanente'.

Le contrat de travail énumère dans son article 5 les attributions de la salariée ainsi :

'- démonstration et vente de nos produits ;

- suivi des commandes et gestion des stocks ;

- tenue de la caisse conformément aux directives de la direction ;

- établissement de l'état récapitulatif de l'activité chaque fin de mois ;

- gestion des petites dépenses d'entretien courant ;

- maintien de la propreté des lieux ;

- suivi des principaux tableaux de bord donnés par la direction'.

L'attestation précitée révèle que Mme Quitterie [C] se trouvait seule à chacune des visites de l'attestataire, qu'elle s'occupait seule de la tenue du magasin, de la vente, de la mise en oeuvre des commandes, de la mise en rayon, de l'entretien du magasin, de la gestion du service après-vente, de l'édition et de l'envoi des journaux de caisse, des étiquettes, des affiches et promotions,

Ces éléments, qui sont compatibles avec la soumission aux directives de l'employeur et qui ne révèle qu'une autonomie limitée à l'exécution de tâches répétitives et encadrées ne permettent pas de relever une large autonomie dans la gestion avec possibilité de prendre des initiatives dans l'établissent des modalités de ses fonctions. Ainsi le reclassement sollicité n'est pas retenu.

1.4 : Sur le retard dans la transmission par l'employeur de la déclaration d'accident du travail par l'employeur

Mme [U] [C] invoque le retard mis par l'employeur pour déclarer son accident du travail, puisque les attestations de salaire et la déclaration du travail n'ont été remises à la salariée que le 26 avril 2012 après avoir été émise la veille le 25, soit trois mois et demi après l'accident, et n'ont même pas été envoyées à la CPAM. La salariée prétend qu'elle n'avait toujours pas reçu sa créance, soit la somme de 4 926 euros en août 2012, au titre des frais liés à l'accident du travail.

La SARL Altin Finances objecte que le simple retard dans la transmission de la déclaration du travail ne constitue pas un manquement de nature à justifier la rupture du contrat de travail.

Sur ce

La déclaration d'accident du travail n'a été émise que le 25 avril 2012, tandis que l'employeur ne justifie pas avoir envoyé le document à la CPAM.

Ceci a nécessairement retardé la prise en charge de la victime.

1.5 : Sur les effets de la prise d'acte

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul si les faits invoqués la justifient, soit dans le cas contraire d'une démission. Il incombe au salarié, qui les invoque, de caractériser des manquements suffisamment graves de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail et donc pour justifier la rupture du contrat de travail. Le juge n'est pas tenu par les motifs invoqués dans le courrier valant prise d'acte mais doit apprécier l'intégralité des manquements invoqués par le salarié.

Il ressort des développements qui précèdent, que la salariée n'a pas été payée de l'intégralité de ses salaires pour un montant non négligeable, en proportion de son salaire, que sa déclaration d'accident du travail n'a été émise que trois mois après la survenance de celui-ci, sans même que l'employeur ne justifie l'avoir alors envoyée.

Si ces faits remontent à l'année 2012 pour la plupart, il n'en demeure pas moins que l'avance de 900 euros a fait l'objet de la mention d'une avance sur les bulletins de paie de janvier à mai 2013, avant de servir à réduire par soustraction sur les sommes dues en juillet et août 2013, alors que l'intéressée était très souvent en arrêt maladie. Il ne peut donc être considéré comme le soutient l'employeur que la prise d'acte reposait sur des griefs anciens. Elle s'appuyait au contraire sur une situation durable qui s'est encore confirmée les derniers mois avant la rupture.

Ceci était de nature à placer la salariée dans un état d'incertitude matérielle qui empêchait la poursuite du contrat de travail. Il est inopérant pour l'employeur, au vu de ces éléments, de prétendre que la prise d'acte n'était motivée que par le déménagement de la salariée à [Localité 4].

La signature du solde de tout compte ne vaut pas renonciation à son droit de faire valoir ses droits au titre de la rupture, d'autant plus que l'intéressée a pris soin de noter sur ce document : 'Reçu pour solde de tout compte, sous réserve de mes droits passés présents et à venir'.

La prise d'acte produira donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 : Sur le préjudice moral

Mme [U] [C] sollicite la condamnation de la SARL Altin Finances à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation de son préjudice moral découlant de l'incertitude financière et des difficultés matérielles dans lesquelles l'ont plongée les irrégularités dans le paiement de sa rémunération et le retard subi dans la déclaration d'accident du travail. Elle ajoute l'intimidation caractérisée par une convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement même s'il n'y a pas eu de suite.

Si la SARL Altin Finances a convoqué la salariée à un entretien préalable à son licenciement par lettre remise en main propre le 18 mai 2012, sans poursuivre la procédure par une lettre de rupture, il n'a fait qu'exercer un droit. C'est par simple voie d'affirmation que la salariée fait valoir qu'il s'agissait après le licenciement de la réembaucher lors de son retour d'hospitalisation, dans une perspective illégale. Ainsi l'usage abusif par l'employeur de la procédure de licenciement n'est pas prouvé.

Le non-paiement d'une partie du salaire à hauteur de 900 euros et le retard survenu dans la déclaration d'accident du travail ont nécessairement causé à la salarié des difficultés matérielles et des inquiétudes, puisqu'il était ainsi porté atteinte à ses moyens de subsistances.

Ce préjudice sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 5.000 euros.

3 : Sur les conséquences financières de la prise d'acte

Mme [U] [C] sollicite à titre principal la fixation des indemnités de rupture sur la base du salaire découlant de la requalification revendiquée et subsidiairement du salaire contractuel.

Compte tenu du refus par la cour de modifier le classement fixé contractuellement par les parties, le salaire contractuel mensuel brut de 1.550 euros sera retenu et il sera alloué à Mme [U] [C] une indemnité de licenciement de 465 euros, une indemnité de préavis de 1.550 euros et une indemnité de congés payés y afférents de 155 euros.

Aux termes de l'article L 1235-5 du Code du travail, dans sa version applicable à l'époque du litige, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Mme [U] [C] n'apporte aucune pièce à l'appui de la démonstration de son préjudice.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [U] [C], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 1.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

4 : Sur l'indemnité de travail dissimulé

La demande d'indemnité au titre du travail dissimulé n'ayant pas, selon le jugement, été formée par Mme [U] [C] en première instance, la prétention formée à ce titre en appel s'analyse comme une demande nouvelle.

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il a été démontré qu'aucune heure supplémentaire ne pouvait être retenue.

Ainsi, la demande d'indemnité de travail dissimulé ne peut qu'être rejetée.

5 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et le dépens

Les sommes allouées de nature contractuelle, porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de jugement du conseil des prud'hommes, devant lequel l'affaire a été portée directement. Les autres sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter de la décision qui les a prononcées. Il sera ordonné la capitalisation des intérêts courus pour une année entière ainsi qu'il l'est demandé, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la SARL Altin Finances à verser à Mme [U] [C], partie gagnante, la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. L'employeur qui succombe sera débouté de ce chef.

Il y a lieu de mettre les dépens à la charge de la partie perdante, la SARL Altin Finances.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré, uniquement sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et sur les intérêts ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SARL Altin Finances à payer à Mme [U] [C] la somme de 1.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter du 21 février 2014 et sur les créances indemnitaires à compter de la décision qui les a fixées ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande d'indemnité de travail dissimulé ;

Rejette la demande d'indemnité de la SARL Altin Finances au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SARL Altin Finances à payer à Mme [U] [C] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SARL Altin Finances aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/07552
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;20.07552 ?
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