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07/09/2022 | FRANCE | N°19/12088

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 septembre 2022, 19/12088


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12088 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC7H



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09954



APPELANT



Monsieur [H] [F] [M]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représen

té par M. [O] [K] (Délégué syndical ouvrier)



INTIMEES



SAS ETS DEMOLITION TRAVAUX PULBLIC prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Rep...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12088 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBC7H

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09954

APPELANT

Monsieur [H] [F] [M]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par M. [O] [K] (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEES

SAS ETS DEMOLITION TRAVAUX PULBLIC prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicole TEBOUL GELBLAT de la SELAS GELBLAT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0402

SAS AMIANTECO Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Nicole TEBOUL GELBLAT de la SELAS GELBLAT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0402

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [H] [F] [M] a été embauché verbalement par la société Ets Démolition Travaux Publics désignée sous le sigle EDTP, à compter du 13 juillet 2017 à temps plein.

La société EDTP a pour activité la démolition de bâtiments, le terrassement et les VRD.

La relation de travail était régie par la convention collective des ouvriers des travaux publics.

Par lettre du 14 août 2018, le salarié écrivait à la société EDTP dans les termes suivants :

'Je me permets de revenir une fois encore vers vous au sujet de mon contrat de travail auquel vous avez brutalement mis un terme verbalement le 17 juin 2018. (...) Je vous prie donc de m'adresser mes documents de rupture dès réception du présent courrier, à défaut, je me verrai contraint de saisir la juridiction compétente pour que ma cause soit entendue'.

Par courrier du 10 septembre 2018, l'employeur a adressé à M. [H] [F] [M] une attestation Pôle Emploi au nom de la société EDTP.

Par courrier du 17 septembre suivant, l'employeur a délivré une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail, au nom de la société EDTP ainsi qu'une autre attestation et un autre certificat de travail au nom de la société Amienteco, qui est une filiale de la première et pour laquelle l'intéressé avait également travaillé pendant le cours du contrat de travail.

La société Amienteco a pour objet le désamientage et le curetage.

M. [H] [F] [M] a saisi le conseil des prud'hommes de Paris le 31 décembre 2018 aux fins d'obtenir la condamnation des deux sociétés à lui payer les sommes suivantes :

- 1 501,76 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, à savoir absence d'entretien préalable ;

- 9 010,56 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 409,23 euros d'indemnité de licenciement ;

- 1 501,76 euros d'indemnité de préavis ;

- 150,17 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 501,76 euros de dommages-intérêts pour préjudice distinct ;

- 9 010,56 euros d'indemnité de travail dissimulé ;

- 2 248,10 euros d'indemnité de congés payés ;

- 1 778,40 euros de rappel de salaire au titre de la période comprise entre le 17 mai 2018 et le 17 juin 2018 ;

- 177,84 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 241,50 euros de prime de panier ;

- 1 501,76 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et délivrance tardive de l'attestation Pôle Emploi ;

- avec remise d'une attestation Pôle Emploi, d'un certificat de travail, des bulletins de paie de mai et juin 2018, d'un certificat de congés payés, d'une DADS récapitulant les versements de cotisations sociales au profit du salarié, ces documents devant être conformes à la décision demandée et remis à peine d'une astreinte de 20 euros par jour de retard et par document ;

- 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- outre les intérêts au taux légal des sommes accordées.

Par jugement du 30 septembre 2019, le demandeur a été débouté de l'ensemble de ses prétentions.

La décision a été notifiée à M. [H] [F] [M] le 2 novembre 2019.

Celui-ci a interjeté appel le 29 novembre 2019.

Par les dernières conclusions du délégué syndical qui le défend et parvenues au greffe le 10 mars 2022, le salarié sollicite l'annulation du jugement déféré pour défaut de motivation et reprend ses prétentions de première instance, sous réserve de celles relatives la production des DADS et d'un certificat de congés payés qu'il ne formule plus. Il précise qu'il entend voir condamner les deux sociétés EDTP et Amienteco solidairement.

Par ses dernières conclusions remises via le réseau privé virtuel des avocats le 11 mars 2022, les sociétés intimées prient la cour de confirmer la décision déférée ou subsidiairement de réduire les sommes allouées.

Pour plus ample exposé sur le litige, la cour se réfère aux conclusions des parties en application de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur l'annulation du jugement

M. [H] [F] [M] soutient que le jugement est nul par application des articles 455 et 458 du code de procédure civile, pour défaut de motivation.

La société EDTP oppose l'irrecevabilité de cette prétention, faute d'avoir été invoquée au moment du prononcé du jugement.

Sur ce

Aux termes de l'alinéa 1er de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé.

Aux termes de l'article 458, ce qui est prescrit par l'article 455 doit être observé à peine de nullité. Ce texte poursuit qu'aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d'office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452, si elle n'a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations dont il est fait mention au registre d'audience. Il n'apparaît pas que tel soit le cas.

L'exception soulevée par l'employeur fondée sur l'obligation d'une partie d'invoquer la nullité pour défaut de motivation au moment du prononcé du jugement doit être rejetée, puisqu'une telle obligation ne ressort pas de l'article 458 invoqué.

Le litige tenait pour l'essentiel dans un licenciement verbal, la reconnaissance d'un co emploi et le paiement de rappels de salaire ou de prime de panier.

Le jugement déféré énonce des règles générales sans utilité pour la solution du litige, énumère des faits détachés de tout raisonnement juridique, comme l'indépendance des deux sociétés EDTP et Amienteco ou le refus opposé par le salarié début 2018 à la signature des contrats de travail qui lui auraient été proposés par celles-ci. Les demandes de rappel de salaire, de prime et d'indemnité de congés payés ne sont pas évoquées, tandis que le travail dissimulé est écarté 'faute de preuve'. On ne sait sur quels faits précis le conseil entendait avoir des preuves.

Ces quelques lignes figurant à titre de motifs dans le jugement ne permettent pas de déceler un principe juridique en cohérence avec les quelques constatations de fait éffectuées.

Ainsi, les motifs ne permettant pas de comprendre comment le premier juge a pris sa décision, le jugement doit donc être annulé.

2 : Sur l'exécution du contrat de travail

2.1 : sur les relations contractuelles liant M. [H] [F] [M] aux sociétés EDTP et Amienteco

M. [H] [F] [M], en sollicitant la condamnation solidaire des deux entités, se fonde implicitement sur la notion de co-emploi. Il allègue en particulier la délivrance à partir de janvier 2018, de deux bulletins de paie par mois, l'un au nom de la société EDTP et l'autre au nom de la société Amienteco, mentionnant chacun un horaire de 76 heures par semaine.

Les sociétés répondent que le salarié a été lié à chacune d'entre elles par un contrat à mi-temps.

Sur ce

Il est constant que le salarié a travaillé sous un lien de subordination à l'égard des deux sociétés.

L'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet. L'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, aucun contrat écrit stipulant un temps partiel à mi-temps n'a été signé avec l'une ou l'autre des sociétés et les contrats liant M. [H] [F] [M] à celle-ci sont présumés à temps complet.

Les sociétés ne fournissent aucune information de nature à rapporter les preuves requises pour renverser la présomption.

Il existe donc bien des contrats de travail à temps plein liant le salarié à l'une et l'autre des ces sociétés concurremment dans le cadre d'un temps complet, ce qui induit l'existence d'un co emploi et justifie la condamnation in solidum des deux sociétés à exécuter les obligations du contrat de travail.

2.2 : sur le rappel de salaire sur la période du 17 mai 2018 au 17 juin 2018

M. [H] [F] [M] demande la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 1 778,40 euros, outre 177,84 euros d'indemnité de congés payés y afférents, pour rémunération de la période écoulée du 17 mai 2018 au 17 juin 2018.

Les sociétés soutiennent que la relation de travail a pris fin le 17 mai 2018.

Dès lors que l'employeur n'a pas licencié régulièrement le salarié, il lui appartient de justifier de la date de la rupture, ce qu'il ne fait pas. Force est donc de retenir la date énoncée par M. [H] [F] [M] dès sa lettre du 14 août 2018. La date de rupture retenue est donc le 17 juin 2018.

Les sociétés EDTP et Amienteco seront donc condamnées in solidum à verser la rémunération d'un mois de salaire, tel qu'il ressort des bulletins de paie, soit la somme de 1.536,42, outre 153,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

2.3 : Sur la prime de panier du 17 mai au 17 juin 2018

M. [H] [F] [M] sollicite le paiement de la somme de 241,50 euros qui lui resterait due à titre de prime de panier pour la période écoulée du 17 mai 2018 au 17 juin 2018.

Les sociétés répondent que dès lors que l'intéressé n'a pas travaillé pendant cette période, il n'a pas droit à cette somme.

Sur ce

Si la rupture est intervenue le 17 juin 2018, M. [H] [F] [M] ne justifie pas que l'employeur lui a fourni du travail pendant le mois qui a précédé.

Or les primes de panier ayant pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif à son travail, il sera débouté sur ce point.

2.4 : Sur l'indemnité de congés payés

M. [H] [F] [M] sollicite le paiement de la somme de 2 248,10 euros au titre des congés payés afférents à la période comprise entre le 13 juillet 2017 et le 17 juin 2018.

Les sociétés répondent que les bulletins de paie de mai 2018 établissent que ces indemnités ont été versées. Elles ajoutent que le salarié intègre dans son calcul des indemnités en question la prime de vacances, alors que celle-ci n'est pas due selon les conventions collectives de l'un et l'autre des employeurs.

Sur ce

Il a déjà été alloué ci-dessus à M. [H] [F] [M] l'indemnité de congés payés afférente au rappel de salaire de la période du 17 mai au 17 juin 2018.

S'agissant de la période antérieure écoulée du 13 juillet 2017 au 17 mai 2018, le bulletin de paie de mai 2018 délivré par la société EDTP mentionne une indemnité compensatrice de congés payés de 1 190,87 euros et celui délivré par la société Amienteco d'une indemnité au même titre de 784,58 euros. Ces documents indiquent également qu'aucun congé payé n'est plus dû, alors que les deux feuilles de paie de chacune de ces sociétés du mois précédent indiquaient 24,5 jours de congés payés restant dus.

Toutefois, la feuille de paie ne vaut pas preuve du paiement.

Aux termes de l'article 1.5.3 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne dont relève la société EDTP, une prime de vacances sera versée, en sus de l'indemnité de congé, à l'ouvrier ayant au moins 1.675 heures de travail au cours de l'année de référence dans une ou plusieurs entreprises du bâtiment ou des travaux publics, dans les conditions prévues pour l'application de la législation sur les congés payés dans le bâtiment et les travaux publics. Il n'apparaît pas que tel fût le cas.

Aux termes de l'article 67 bis de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération dont relève la société ADECCO France, une prime de vacances n'est versée qu'en cas de travail effectif réalisé par le salarié sur une période de douze mois entre le 1er juin et le 31 mai de l'année écoulée. Tel n'est pas le cas.

Dés lors il sera fait droit à la demande du salarié, sous réserve de l'exclusion des congés payés afférents à la période écoulée du 17 mai au 17 juin 2018 et de la prime de vacances qui sera écartée. En conséquence, reprenant le calcul prévis de M. [M], la cour lui accordera la somme de 1 579,13 euros à ce titre.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la cause de la rupture

La société EDTP et la société Amienteco soutiennent que la rupture était fondée sur la faute grave du salarié caractérisée par ses mauvaises relations avec son entourage.

M. [H] [F] [M] répond que l'employeur lui a demandé de ne plus se présenter sur son lieu de travail à partir du 17 juin 2018 et qu'en l'absence de notification d'un licenciement celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur ce

L'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail, et le rompt ou le considère comme rompu, en dehors de toute manifestation de volonté expresse du salarié tendant à la rupture, doit engager la procédure de licenciement. A défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que le licenciement est intervenu sans aucune procédure, puisque les sociétés EDTP et Amienteco se sont bornées à délivrer à M. [M] des attestations Pôle Emploi, avec la mention 'licenciement pour autre cause, incompatibilité d'humeur'.

Dès lors, il y a lieu de considérer que l'intéressé a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse par l'une et l'autre des sociétés.

3.2 : Sur les conséquences financières des licenciements

3.2.1 Sur l'indemnité de préavis et l'indemnité de congés payés y afférents

M. [H] [F] [M] sollicite l'allocation de la somme de 1 651,93 euros représentant un préavis d'un mois, du fait de son ancienneté d'un an, un mois et quatre jours, augmenté de l'indemnité de congés payés y afférents.

La société EDTP objecte que l'indemnité de préavis est bien d'un mois de salaire à mi-temps l'égard de la société EDTP soit 763,38 euros et d'une semaine de salaire à l'égard de la société Amienteco, soit 190,84 euros, à l'égard de la société Amienteco, puisque son ancienneté au sein de celle-ci était de moins de six mois.

Sur ce

L'ancienneté acquise par M. [H] [F] [M] au moment de la rupture, soit le 17 juin 2018, depuis son embauche était de onze mois et quatre jours, de sorte qu'il avait droit un mois de préavis dont la durée est admise par litiguants.

Ainsi les sociétés EDTP et Amienteco seront condamnées, au vu des bulletins de paie versés aux débats, à lui payer la somme de 1.536,42 euros d'indemnité de préavis et 153,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

3.2.2 : Sur l'indemnité de licenciement

M. [H] [F] [M] sollicite une indemnité de licenciement de 409,23 euros en se prévalant d'une ancienneté d'un an et un mois.

Il peut prétendre, au vu de son ancienneté de 12 mois, préavis compris, à l'indemnité suivante :

1536,42 x 25% = 384,10 euros

3.2.3 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [H] [F] [M] demande la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 9 010,56 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour faire échec au barème du 23 septembre 2017 fixant en ce qui le concerne un plafond d'indemnisation d'un mois, il invoque la convention 158 de l'OIT. Il souligne que, d'application directe en droit interne, celle-ci dispose que les tribunaux doivent être habilités à assurer une indemnité adéquate et une réparation appropriée. Le salarié invoque aussi pour s'opposer à l'application du barème, l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996, également d'effet direct en droit interne selon lui. Il rappelle qu'elle prescrit d'assurer aux travailleurs licenciés sans motif valable une indemnité adéquate ou une réparation appropriée. Il souligne l'importance de son préjudice, au regard de ses charges de famille, de son âge et de l'absence persistante d'emploi stable qu'il doit supporter.

Les sociétés font valoir l'avis du 8 juillet 2019, par lequel la Cour de cassation a retenu l'applicabilité du barème litigieux nonobstant ces deux conventions internationales et souligne que l'intéressé ne justifie pas de son préjudice.

Sur ce

En l'absence de preuve contraire rapportée pas les sociétés en cause, il y a lieu de retenir que chacune comporte au moins onze salariés.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est au maximum d'un mois de salaire brut.

L'article 24 de la Charte sociale européenne révisée et selon la partie II de ce dernier texte :

« Les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après.

[...]

Article 24 : Droit à la protection en cas de licenciement

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».

Eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Selon l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui est d'application directe en droit interne :

« Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. »

Le terme "adéquat" doit être compris comme réservant aux Etats parties une marge d'appréciation.

En droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux.

Le barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du même code.

Il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui prévoient notamment, pour un salarié ayant moins d'une année d'ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant maximal d'un mois de salaire brut, sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l' OIT.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] [F] [M], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 750 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3.2.4 : Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct

M. [H] [F] [M] sollicite la condamnation des sociétés à lui payer la somme de 1 501,76 euros en réparation d'un préjudice distinct de celui de la rupture, en ce qu'il a subi une perte de revenus fixes, une perte des acquis de l'expérience, une rupture soudaine de son contrat à durée indéterminée, avec résistance abusive de l'employeur.

La société EDTP rappelle que selon elle, aucune solidarité ne saurait être retenue entre les deux sociétés et objecte que le salarié ne fait qu'énoncer des arguments généraux sans démonstration de son préjudice.

Sur ce

M. [H] [F] [M] invoque à titre de préjudice distinct de celui causé par la rupture déjà réparé par l'allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des éléments qui ne sont pourtant que les conséquences de celle-ci, à l'exception la soudaineté de la rupture.

La cour ne dispose pas d'éléments sur les circonstances dans lesquelles l'intéressé a cessé de travailler pour la société EDTP et la société Amienteco, de sorte qu'aucun préjudice n'est démontré et que la demande sera rejetée.

3.2.5 : Sur l'indemnité de travail dissimulé

M. [H] [F] [M] demande la condamnation solidaire des défenderesses à verser une indemnité de travail dissimulé de 9 010,56 euros, au motif que l'employeur n'a pas payé les salaires du 17 mai au 17 juin 2018 et n'a pas délivré de bulletins de paie pour la période correspondante. La mauvaise foi de l'employeur ressortirait de l'attribution d'autorité à l'intéressé d'un numéro de sécurité sociale faux, le défaut de délivrance d'un numéro de sécurité sociale provisoire, alors qu'il disposait d'un numéro de sécurité sociale figurant sur sa carte vitale.

Les sociétés répondent qu'elles sont en règle avec les organismes sociaux et ont payé les cotisations sociales correspondantes.

Sur ce

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il a été constaté que M. [M] a été privé des salaires de la période du 17 mai au 17 juin 2018.

Toutefois les développements du salarié sur l'inexactitude prétendument volontaire commise par l'employeur sur le numéro de sécurité sociale du salarié ne permettent de dégager aucune intention de dissimulation de l'employeur, qui par ailleurs payait, sous réserve du mois précité, toutes ses cotisations sociales.

L'intention de l'employeur n'est pas démontrée et cette demande sera rejetée.

3.2.4 : Sur la délivrance des documents de fin de contrat et les intérêts

Au vu de la décision qui précède, il convient de condamner in solidum les sociétés EDTP et société Amienteco à remettre un bulletin de salaire, une attestation Pôle Emploi et des bulletins de paie conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, à peine d'une astreinte de 20 euros par jour de retard et par document.

3.3 : Sur la régularité de la procédure de licenciement

Le salarié sollicite l'allocation de la somme de 1501,76 euros en réparation de l'absence de respect de la procédure de licenciement.

Toutefois, cette prétention ne peut qu'être rejetée, puisque l'article L. 1235-2 du code du travail l'exclut en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

4 : Sur la demande de dommages-intérêts pour délivrance tardive de l'attestation Pôle Emploi

M. [H] [F] [M] sollicite l'allocation de la somme de 1 501,76 euros de dommages-intérêts en réparation du retard mis par celui-ci pour lui délivrer les documents de fin de contrat. Il observe qu'alors que le contrat a été rompu le 17 juin 2018, il a fallu écrire deux courriers des 6 juin 2018 et 14 août 2018 pour n'obtenir la remise des documents de fin de contrat que le 5 septembre 2018 et le 17 septembre 2018.

L'employeur répond qu'il appartenait au salarié de venir chercher à l'entreprise les documents litigieux, qu'il n'est pas prouvé qu'il ait reçu la première lettre invoquée par le salarié comme manifestant sa demande de délivrance des documents litigieux et qu'en tout état de cause, il a donné suite en temps voulu à la seconde lettre, sous réserve du temps perdu du fait des congés d'été.

Sur ce

L'obligation de délivrance des documents de fin de contrat est portable est non quérable.

Il appartenait donc au salarié de se présenter à l'entreprise et il ne saurait se prévaloir d'un retard créé par son abstention.

Le salarié prétend avoir demandé par une première lettre recommandée avec accusé de réception du 30 juin 2018 la délivrance d'une attestation Pôle Emploi.

Cependant l'accusé de réception versé au dossier n'indique pas l'identité du destinataire, ni de la remise du document. La réception de ce courrier n'est donc pas prouvée.

Il est aussi produit une seconde lettre recommandée avec accusé de réception reçue par la société EDTP le 14 août 2018 réclamant l'attestation Pôle Emploi.

Compte tenu des congés d'été, la remise de l'attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail les 5 et 17 septembre suivants ne caractérise pas un retard fautif.

Par suite, la demande de dommages-intérêts sera rejetée.

5 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes relatives au frais irrépétibles. Les sociétés qui succombent supporteront pour le même motif la charge des dépens à raison de la moitié chacune.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Déclare nul le jugement déféré ;

Condamne in solidum la société EDTP et la société Amienteco à payer à M. [H] [F] [M] les sommes suivantes :

- 1.536,42 euros d'indemnité de préavis ;

- 153,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1.536,42 euros de rappel de salaire ;

- 153,64 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 384,10 euros d'indemnité de licenciement ;

- 1.579,13 euros d'indemnité de congés payés ;

- ces six sommes avec intérêts au taux légal à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ;

- 750 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne in solidum la société EDTP et la société Amienteco, à remettre à M. [H] [F] [M] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt, dans les deux mois de la signification du présent arrêt, à peine d'une astreinte de 20 euros par jour de retard et par document ;

Rejette la demande de rappel de prime de panier, d'indemnité pour non-respect de la procédure, d'indemnité pour préjudice distinct, de dommages-intérêts pour délivrance tardive d'attestation Pôle Emploi et de certificat de travail et d'indemnité de travail dissimulé et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EDTP et la société Amienteco aux dépens à raison de la moitié chacune.

LA GREFFI'RE LE PR''SIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/12088
Date de la décision : 07/09/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;19.12088 ?
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