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07/09/2022 | FRANCE | N°19/10993

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 07 septembre 2022, 19/10993


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10993 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4RK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05108



APPELANTE



Madame [J] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

ReprésentÃ

©e par Me Karine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1494



INTIMEE



SAS EUROFINS BIOMNIS société d'exercice libéral par actions simplifiée agissant poursuites et dil...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10993 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4RK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05108

APPELANTE

Madame [J] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Karine GERONIMI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1494

INTIMEE

SAS EUROFINS BIOMNIS société d'exercice libéral par actions simplifiée agissant poursuites et diligences de son Président en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Bruno BLANC, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bruno BLANC, Président et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société EUROFINS BIOMNIS développe une activité de biologie médicale spécialisée. Elle réalise des analyses pour d'autres laboratoires dits « de ville » et pour des établissements de santé.

Après avoir été embauchée par la société LCL dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée et à temps partiel des 18 septembre 2000 et 8 octobre 2002 en qualité de Médecin spécialiste en anatomo-pathologie, puis en tant que consultante en anatomo-pathologie, Mme [J] [W] a été engagée suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel en date du'1 er février 2007, par le laboratoire LCL devenue la société Biomnis puis la société Eurofins Biomnis en qualité de'médecin anatomo-pathologiste, directeur adjoint, moyennant une rémunération mensuelle de 4.500 euros, la salariée étant soumise à un forfait en jours de 107 jours de travail sur 12 mois.

La convention collective applicable est celle de des laboratoires de biologie médicale extra-hospitaliers.

La salariée a exercé ses fonctions au sein du laboratoire d'Ivry-Sur-Seine.

Mme [J] [W] a fait l'objet d'un avertissement le 9 novembre 2016.

Mme [J] [W] a été convoquée le 29 novembre 2017, avec mise à pied conservatoire à un entretien préalable pour le 7 décembre 2017. Elle a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave, le 20 décembre 2017.

Elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 6 juillet 2018 aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la société Eurofins Biomnis condamnée à lui payer diverses sommes.

Par jugement en date du 27 juin 2019, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de jugement a'débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens. La société a été déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 29 octobre 2019, Mme [J] [W] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 7 mai 2020, Mme [J] [W] demande à la cour de':

* INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris le 27 juin 2019 en toutes ses dispositions,

* FIXER le salaire brut de Madame [W] à 5.258,95 €.

* JUGER que Madame [W] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* CONDAMNER la société BIOMNIS à verser à Madame [W] les sommes suivantes : - Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 mois)': 63.107,40 €

- Indemnité compensatrice de préavis (3 mois) 15.776,85 €

- Congés payés afférents au préavis 1.577,68 €

- Indemnité légale de licenciement 12.928,26 €

- Rappel de salaire sur mise à pied 3.696,06 €

- Congés payé y afférents 369,61 €

- Dommages-intérêts pour licenciement brutal et discriminatoire (6 mois) 31.553,70 €

- Dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité 50.000,00 €

- Dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal avec capitalisation

- Remise des documents légaux tenant compte des dispositions du jugement à intervenir, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard

* DIRE QUE la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte,

* CONDAMNER la Société BIOMNIS à verser à Madame [W] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

* CONDAMNER la Société BIOMNIS aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 12 février 2020, la société Eurofins Biomnis Selas demande à la cour de':

- CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 27 juin 2019 en ce qu'il a débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes ;

- INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 27 juin 2019 en ce qu'il a débouté la société EUROFINS BIOMNIS de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- CONSTATER que le licenciement pour faute grave de Madame [W] est parfaitement régulier ;

- CONSTATER que Madame [W] ne rapporte aucune preuve du bien fondé de sa demande dommages intérêts au titre d'un licenciement prétendument brutal, vexatoire et discriminatoire ;

- CONSTATER que la demande de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité est irrecevable en vertu du principe de l'unicité de l'instance ;

- CONSTATER que la société EUROFINS BIOMNIS n'a en aucun cas violé son obligation de sécurité ;

En conséquence,

- DEBOUTER Madame [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- CONDAMNER Madame [W] au paiement d'une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER Madame [W] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître François TEYTAUD dans les conditions de l' article 699 du CPC.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1-Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de rupture du 20 décembre 2017 est rédigée comme suit':

« Suite à l'entretien préalable en date du 7 décembre 2017 en présence de Monsieur [Z]

[T] et le signataire de la présente, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour les motifs que nous vous avons exposés lors de cet entretien et que nous vous rappelons ci-après.

En date du 21 octobre dernier, l'extracteur commun aux services de Cytogénétique et Anatomo-Pathologie est tombé en panne. Dans l'attente de son remplacement, des mesures préventives ont été mises en place au sein du service technique d'Anatomo-Pathologie, tel que le port du masque obligatoire pour la macroscopie et en cytologie pour les opérations réalisées habituellement sous sorbonne. Chacun était donc particulièrement attentif à cet incident et à ses suites.

En date du mercredi 8 novembre 2017, en raison d'odeurs particulièrement insoutenables liées non seulement aux vapeurs habituelles de formol, xylène, colorants, alcool mais aussi d'odeurs d'acide chlorhydrique extérieures au service, les techniciens de laboratoire des services concernés ont fait part au Puma (Production unit Manager) du département d'Anatomo-Pathologie de leur souhait de faire valoir un droit de retrait sur certaines techniques notamment sur la macroscopie qui provoque tout particulièrement des émanations de formol dès l'ouverture des pots. Celui-ci a fait stopper immédiatement jusqu'à nouvel ordre les tâches techniques dans l'attente des instructions du coordinateur hygiène et sécurité sur la conduite à tenir et les mesures à prendre avant une reprise éventuelle de l'activité.

Dès votre arrivée le 9 novembre matin, les techniciens vous ont fait part de la situation et de la consigne claire et non équivoque donnée la veille par le Puma de ne plus réaliser de macroscopie en raison des odeurs irrespirables et insupportables.

Malgré cela, sans aucune vérification de la situation, vous êtes passée outre les

recommandations et avez demandé avec insistance aux techniciens de réaliser la macroscopie en ces termes : « vous vous mettrez le plus loin possible des prélèvements je crierai pour que vous puissiez écrire ce que je vois » mais aussi « les dossiers vont prendre du retard et nous avons des patients qui attendent ».

Une telle attitude de votre part est évidemment inadmissible, irresponsable et choquante à

plusieurs égards.

En effet, en qualité de médecin, vous ne pouvez ignorer que le méthanol et le formaldéhyde

présentent un risque avéré d'effets graves pour les organes et que ces substances sont toxiques par inhalation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette technique est réalisée sous extracteur. Malgré des odeurs particulièrement insupportables ce jour là et les instructions données la veille de ne plus effectuer certaines tâches techniques plus exposées, vous avez enfreint cette décision de précaution. Vous avez donc fait preuve d'une insubordination et d'un non-respect des consignes en faisant fi des alertes des techniciens présents .

Devant une telle situation, il vous appartenait au contraire d'être force de proposition dans le choix des mesures adaptées et la mise en place d'un plan d'action.

Or, nous avons constaté que votre implication avait été inexistante. Vous n'avez procédé à aucune démarche ni même pris le soin de vous informer de la situation.

Nous vous rappelons que l'employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Conformément au règlement intérieur du laboratoire et aux règles élémentaires de

fonctionnement de l'entreprise, la sécurité revêt une importance primordiale dans l'entreprise en raison de la nature particulière de ses activités. Le respect des consignes d'hygiène et de sécurité fait partie de la discipline générale de la société. Par votre comportement irresponsable et votre refus de vous y soumettre, vous avez enfreint les règles de sécurité, sans rechercher de proposition alternative, ce qui constitue un manquement grave à vos obligations.

Par ailleurs, nous sommes pour le moins surpris lorsque vous évoquez auprès de techniciens les retards et le respect des délais.

En effet, à titre d'illustration, nous avons découvert dans votre bureau plus de cent dix dossiers non traités depuis début novembre. Le dossier 17163869 [S] réceptionné le 27 octobre dernier est introuvable. Vous n'avez fait aucune macroscopie depuis le 15 novembre dernier, date à laquelle l'extracteur a été changé.

Vous avez d'ailleurs confirmé aux techniciens que vous ne feriez plus de macroscopie d'ici le 28 novembre.

Pourtant, par courrier en date du 9 novembre 2016, nous vous avons demandé de contribuer à ce que les délais sur lesquels nous nous étions engagés soient respectés. Force est de constater que ces retards persistent, que les plaintes des correspondants se multiplient et ce malgré la mise en place d'une sous-traitance de la lecture des lames d'histologie par un cabinet extérieur d'anatomo-pathologie. Cette situation est d'ailleurs en totale contradiction avec votre attitude du 9 novembre 2017 par laquelle vous avez souhaité imposer aux techniciens des tâches suspendues pour des raisons de sécurité par le Puma en invoquant les délais et les retards.

En outre, votre irrespect et votre dénigrement systématiques à l'égard du Puma sont tout à

fait inadmissibles.

En effet, alors que vous avez connaissance de la consigne de ne plus effectuer de

macroscopie le 9 novembre dernier, vous êtes passée outre les recommandations du Puma en insistant au contraire pour que celle-ci soit réalisée.

De plus, lorsque le Puma en arrivant est intervenu à deux reprises pour faire sortir les techniciens du local technique, vous avez qualifié les techniciens d'irresponsables et leur avez demandé de prévenir les correspondants en raison du retard à venir. Le Puma vous a alors répondu que cette tâche n'incombait pas aux techniciens. Vous vous êtes emportée, gesticulant et vociférant devant toute l'équipe « Vous n'avez rien à me dire. Je suis médecin. C'est moi qui décide ! »

Enfin, nous avons appris que vous refusiez depuis plusieurs mois de répondre

téléphoniquement aux questions des correspondants sur une interprétation de résultat ou même de revoir les lésions ou urgences des cytolecteurs. A aucun moment vous n'avez informé le Puma de cette décision, le mettant dans l'impossibilité de répondre à votre place sur l'interprétation du résultat ni même de répondre précisément aux réclamations des correspondants et des commerciaux sur les délais de rendus.

Nous vous rappelons que le Puma assure l'encadrement et l'organisation de l'activité et de

l'équipe de la Business Unit. Il veille à son bon fonctionnement dans le respect des règles et

procédures en matière de qualité, d'hygiène et de sécurité et des impératifs de délais.

Malgré nos mises en gardes et notre courrier en date du 9 novembre 2016 dans lequel nous

vous avions déjà expressément demandé de respecter l'organisation et les fonctions

notamment en collaborant avec le manager de département, vous persistez dans votre comportement et adoptez une attitude totalement inacceptable à son égard, générant des tensions dans le service très préjudiciables à son bon fonctionnement. En entretien, vous avez déclaré « je m'en bas les flancs ».

Par conséquent, votre comportement et votre manque de réaction vis-à-vis des collaborateurs que nous nous devons de protéger, votre impossibilité de vous conformer aux règles de l'entreprise, votre insubordination, votre manque de maîtrise de vous-même ainsi que votre impossibilité de rétablir des relations de collaboration avec le Puma sont constitutifs d'une faute grave et rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles.

Le licenciement prend donc effet immédiatement dès l'envoi de cette lettre sans indemnité de préavis ni de licenciement. »

Il est ainsi reproché à la salariée de':

-1-n'avoir pas respecté, le 9 novembre 2017, l'interdiction faite par le «'Production Unit Manager'» ( le PUMA) de réaliser des macroscopies, décision prise suite à la mise en 'uvre, la veille, par les techniciens de leur droit de retrait';

-2-n'avoir pas traité plus de 110 dossiers depuis début novembre 2017, l'un d'entre eux étant introuvable, aucune macroscopie n'ayant été réalisée depuis le 15 novembre 2017, date de changement de l'extracteur, et jusqu'au 28 novembre 2017. Il est reproché un retard dans le traitement des dossiers malgré le recours à un sous-traitant pour la lecture des lames d'histologie,

-3-refuser depuis plusieurs mois de répondre par téléphone aux correspondants qui sollicitent une interprétation de résultat ou de revoir les lésions ou urgences des cytolecteurs.

-4-s'être comportée de manière irrespectueuse et dénigrante à l'encontre du PUMA le 9 novembre 2017, réitérant un comportement déjà existant.

La salariée conteste l'ensemble des griefs qui lui sont faits.

Comme Mme [J] [W] le souligne, la société ne rapporte pas la preuve qu'elle l'a informée d'une part de la mise en place par les salariés de leur droit de retrait ni d'autre part de l'ordre qu'elle aurait donné, le 8 novembre 2017 au soir, de cesser la réalisation des macroscopies. Pour autant, il ressort des pièces du dossier ( attestation collective des deux techniciennes présentes à l'arrivée du docteur [W], mail du PUMA du 9 novembre à 10h25) que la salariée a été informée de l'interdiction faite par le PUMA de pratiquer des macroscopies lors de son arrivée, le 9 novembre 2017 par les deux techniciennes présentes, qu'elle a cependant décidé qu'il y serait procédé, indiquant aux techniciennes qu'elles se positionneraient le plus loin possible afin de noter les comptes rendus, leur rappelant qu'autrement du retard serait pris, et que seule l'arrivée du PUMA a dissuadé les techniciennes de s'exécuter.

En ne cherchant pas à s'informer à propos de l'interdiction de pratiquer des macroscopies, en insistant auprès des techniciennes pour que ces examens soient réalisés, ce qui était susceptible de mettre leur santé en danger et en usant d'une argumentation culpabilisante, Mme [J] [W] a bien commis une faute.

Le grief n° 1 est ainsi établi.

En ce qui concerne le grief n° 2, la salariée souligne que son retard dans la réalisation de ses tâches est due à une charge de travail trop importante correspondant à un temps plein alors qu'elle travaillait à temps partiel et à la panne de l'extracteur du 27 octobre 2017 au 15 novembre 2015.

Cependant, d'une part, M.[J] [W] n'a a jamais fait part de sa surcharge de travail et d'autre part, la panne invoquée, pour réelle qu'elle soit, n'a pas empêché la réalisation d'examens, certes dans des conditions difficiles, et n'explique pas pourquoi, l'intéressée a décidée de ne plus faire de macroscopies entre la date de la réparation de l'extracteur et le 28 novembre 2017. Il est par ailleurs constaté que Mme [J] [W] a fait l'objet d'un avertissement le 9 novembre 2016 notamment du fait du retard pris dans le traitement des dossiers.

Ce grief est établit.

Les griefs n° 1 et 2 , pris ensemble, constituent bien un comportement fautif de la part de la salariée rendant impossible à eux seuls son maintien dans l'entreprise, sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Dès lors le licenciement pour faute grave de Mme [J] [W] est justifié. Le jugement est confirmé de ce chef et pour avoir débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes financières liées à la rupture du contrat de travail.

2-Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

La société demande à la cour, dans le dispositif de ses conclusions, sans aucun argumentaire dans le corps des conclusions, de constater que la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité est irrecevable en vertu du principe de l'unicité de l'instance, la salariée ayant formulé cette prétentions dans ses dernières conclusions de première instance.

La salariée ne répond pas .

La cour constate que la demande dont il s'agit se rattache au sens de l'article 70 du code de procédure civile aux prétentions initiales par un lien suffisant. Dès lors elle est recevable.

Aux termes des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ».

L'article L.4121-2 du même code précise que l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

Mme [J] [W] soutient que son employeur ne démontre pas avoir pris les précautions nécessaires depuis le 21 octobre 2017 pour protéger la santé des salariés, n'ayant pas saisi le CHSCT et ne démontrant pas avoir mis à disposition des salariés, dont elle, des équipements individuels de protection.

Elle souligne que son employeur a laissé travailler les salariés dans un environnement dangereux sans les informer, comme elle n'a pas été informée de l'interdiction d'entrer dans les locaux de macroscopie, sous peine de mettre sa vie en danger.

La société répond qu'elle a pris toutes les précautions nécessaires et en a informé les salariés.

L'attestation de madame [D] [K] ne concerne pas l'incident du 21 octobre 2017 et ses suites alors que Mme [J] [W] fixe son argumentation sur les conséquences de cette panne.

Par ailleurs, concernant précisément la panne de l'extracteur, la société rapporte la preuve ( rapport d'incident établi par le coordinateur du service hygiène sécurité environnement transmis le 27 octobre 2017) qu'il a été décidé de ne plus procéder à des extractions en zone technique en Anapath, du port du masque de façon obligatoire en cytologie, le port du masque étant déjà obligatoire macroscopie, de la fourniture de masques supplémentaires et l'aération des locaux la nuit ( fenêtres ouvertes).

Il est par ailleurs constaté que l'incident du 8/9 novembre 2017 a été provoqué par la majoration des odeurs par l'émanation d'acide chlorhydrique extérieures au service, la directive de ne plus faire de technique ayant alors été donnée aux techniciens.

Par ailleurs, si cette interdiction n'a pas été directement et personnellement donnée à Mme [W], celle-ci en a été avertie, avant toute intervention de sa part, par les techniciennes présentes.

Enfin, la qualité de médecin spécialisée en anatomo-pathologie permettait à l'intéressée d'être alertée des dangers encourus.

La société n'a ainsi pas contrevenue à son obligation de sécurité.

La salariée est déboutée de ce chef. Le jugement sera complété en ce sens.

3-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [J] [W] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y Ajoutant,

Dit recevable la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

de Mme [J] [W],

Déboute Mme [J] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité

Déboute Mme [J] [W] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Eurofins Biomnis de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] [W] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/10993
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;19.10993 ?
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