La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/09/2022 | FRANCE | N°18/08288

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 06 septembre 2022, 18/08288


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08288 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AJI



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F 17/00197



APPELANT



Monsieur [Z] [P]

[Adresse 2]

[Loca

lité 5]

Représenté par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173



INTIMEES



Maître Philippe ANGEL ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ETABLISSEMENT...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08288 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AJI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FONTAINEBLEAU - RG n° F 17/00197

APPELANT

Monsieur [Z] [P]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMEES

Maître Philippe ANGEL ès-qualités de mandataire liquidateur de la société ETABLISSEMENTS L. [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205

AGS CGEA IDF EST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [Z] [P], né en 1957, soutient avoir été engagé par la société familiale Etablissements L. [P] par un contrat de travail verbal à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1973 en qualité de conducteur d'engin en application de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération.

M. [P] affirme avoir ensuite occupé successivement les postes de chef d'équipe du 1er janvier 1978 au 31 mars 1982 puis de Directeur technique à compter du 1er avril 1982 et qu'il a parallèlement été nommé membre du Directoire de la société [P] le 21 décembre 1998.

M. [P] a été en arrêt maladie à compter du 17 février 2016.

Il a démissionné de son mandat de Directeur Général par courrier du 2 juin 2016 pour se consacrer à temps plein à sa fonction de Directeur technique.

A la suite d'un jugement du Tribunal de Commerce de Melun, le 25 mars 2013, qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Etablissements L. [P], un plan de redressement judiciaire a été homologué par jugement du 19 novembre 2014, qui a fait l'objet d'une résolution par décision du même Tribunal le 5 décembre 2016 avec ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire assortie d'une poursuite d'activité jusqu'à fin 2016.


En réponse à la déclaration de créances relatives aux compléments de salaires non réglés, le mandataire liquidateur a opposé à M. [P] la qualité de membre du directoire de la société et l'absence de cotisation chômage pour exclure tout lien de subordination caractérisant un contrat de travail et lui a signifié la « rupture de toutes les conventions en vertu desquelles vous avez pu apporter vos services ».

Revendiquant l'existence d'un contrat de travail, M.[Z] [P] a saisi le 27 février 2017, le conseil de prud'hommes de Fontainebleau qui, par jugement du 15 juin 2018, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit:

- Déboute M. [Z] [P] de l'ensemble de ses demandes

- Condamne M. [Z] [P] aux entiers dépens

Par déclaration du 2 juillet 2018, M. [P] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le24 janvier 2022, M. [P] demande à la cour de :

- Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

- Le recevoir en ses conclusions et les déclarer bien fondées,

- Réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fontainebleau en date du 15 juin 2018 en ce qu'il n'a pas reconnu l'existence d'un contrat de travail

En conséquence,

- Dire et juger qu'il existe un contrat de travail unissant M. [Z] [P] et le Société liquidée Etablissements L. [P],

- Dire et juger que le licenciement de M. [Z] [P] est dénué de cause réelle et sérieuse

- Dire et juger que la procédure de licenciement dont il a fait l'objet est irrégulière,

- Fixer en conséquence sa créance au passif de la Société Etablissements L. [P] aux sommes suivantes :

o 27.058,44 euros € au titre du complément de salaire dû entre le 16 avril et le 5 décembre 2016 ;

o 13.988,70 € au titre de l'indemnité de préavis ;

o 1.398,70 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

o 24.901,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

o 6.994,35 € au titre de l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulier à (défaut de mention de la priorité de réembauchage) ;

o 90.922,00 € au titre de l'indemnité de licenciement ;

o 167.856,00 € au titre au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 20.000,00 € à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi pour absence de règlement des salaires et retenue abusive de l'indemnité de prévoyance ;

o 5.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Ordonner à Maître Angel de la SCP Angel-Hazane, liquidateur de la Société Etablissements L. [P], de procéder à la remise auprès de M. [Z] [P] d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle Emploi et d'un solde de tout compte,

- Dire et juger que le jugement à intervenir sera opposable à l'AGS,

- Condamner l'AGS à régler à M. [Z] [P] les créances dues en exécution du contrat de travail, en application de l'article L. 3253-6 du Code du travail, à savoir:

o 27.720.2 euros € au titre du complément de salaire dû entre le 16 février et le 5décembre 2016 ;

o 13.988,70 € au titre de l'indemnité de préavis ;

o 1.398,70 € au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

o 24.901,82 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

o 6.994,35 € au titre de l'indemnité pour procédure de licenciement

irrégulier à (défaut de mention de la priorité de réembauchage) ;

o 90.922,00 € au titre de l'indemnité de licenciement

o 167.856,00 € au titre au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

o 20.000,00 € à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi pour absence de règlement des salaires et retenue abusive de l'indemnité de

prévoyance.

- Dire et juger que les dépens seront à la charge de la liquidation judiciaire de la Société Etablissements L. [P].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le2 février 2022, la SCP Angel Hazane ès qualités de mandataire liquidateur de la société Etablissements L. [P] demande à la cour de :

A titre principal :

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Fontainebleau.

A titre subsidiaire :

Dire et juger à tout le moins que le contrat de travail de M. [P] a été suspendu de février 2004 au 2 juin 2016 durant la période d'exercice de son mandat social en qualité de Directeur Général.

En conséquence, donner acte à Maître Angel ès qualité qu'il s'en rapporte en denier ou quittance valable sur les rappels de salaires, indemnités de prévoyance pour la période du 16 avril 2016 au 5 décembre 2016.

Débouter M. [P] de ses demandes au titre des frais de déplacements et indemnités de repas.

Le débouter de sa demande de préavis.

Acter que Maître Angel ès qualité se rapporte sur l'indemnité de licenciement à hauteur de 63.819,75 euros.

Débouter M. [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice subi. Dire le licenciement bien fondé et débouter M. [P] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'inobservation de la procédure et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le condamner aux entiers dépens

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 décembre 2018, l'AGS CGEA IDF Est demande à la cour de :

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris,

Débouter [Z] [P] de ses demandes.

A titre subsidiaire

Débouter [Z] [P] de ses demandes de remboursement de frais, d'indemnité pour non-respect de la procédure et pour d'indemnités,

Réduire à 6 mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Fixer au passif de la liquidation les créances retenues,

Dire le jugement opposable à l'AGS dans les termes et conditions de l'article L 3253-19 du code du travail et dans la limite du plafond 6 toutes créances brutes confondues,

Exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du CPC,

Vu l'article L 621-48 du code de commerce,

Rejeter la demande d'intérêts légaux,

Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l'existence du contrat de travail et le cumul avec des fonctions sociales

Pour infirmation du jugement déféré qui n'a pas reconnu sa qualité de salarié, M. [P] fait valoir qu'il a été embauché en 1973 en qualité de conducteur d'engin comme en attestent ses fiches de paye, de sorte qu'il se prévaut d'un contrat apparent qui était parfaitement cumulable avec sa qualité de membre du directoire de la société faute de rapporter la preuve de la fictivité de ses fonctions de directeur technique. Il se prévaut de fonctions de directeur technique réelles, ce qui ressort du jugement du tribunal de commerce de Melun du 5 mai 2021, dans le cadre d'un lien de subordination du PDG M. [L] [P], faisant valoir qu'il n'a jamais réellement exercé de fonctions de directeur général même s'il a en eu le titre sur ses fiches de paye. Il réclame par conséquent la reconnaissance de son statut de salarié avec les conséquences financières qui en découlent.

Pour confirmation du jugement déféré, le liquidateur de la société Etablissements L. [P] réplique que les seuls bulletins de paye ne suffisent pas à établir la réalité et l'effectivité d'un contrat de travail et qu'en l'espèce l'appelant n'établit ni l'existence de fonctions techniques distinctes de son mandat social ce qui est confirmé par les termes mêmes de sa lettre de démission de ses fonctions de Directeur général, ni celle d'un lien de subordination auquel il aurait été soumis, contestant le caractère probant des attestations produites aux débats. Il souligne en outre que l'appelant ne cotisait pas à l'assurance chômage comme il y était tenu en tant que salarié et que le jugement du tribunal de commerce de Melun précité par l'appelant, l'a condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actifs de la société Etablissements L. [P] a fait l'objet d'un appel.

Pour confirmation de la décision l'AGS met en avant que l'appelant était membre du directoire de la société depuis 1988, frère du PDG et qu'il ne rapporte pas la preuve des éléments constitutifs d'un contrat de travail.

Le contrat de travail se définit comme l'exécution d'une prestation de travail pour le compte d'un employeur, dans le cadre d'un lien de subordination et moyennant rémunération, étant rappelé que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée des parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s'est exercée d'activité litigieuse.

Le lien de subordination, qui caractérise l'existence d'un contrat de travail, s'entend de l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il est constant que la simple production de bulletins de paie pour quelqu'un qui n'a pas la qualité de mandataire social est suffisant pour créer l'apparence d'un contrat de travail.

En cas de contrat de travail apparent, il appartient à celui qui oppose son caractère fictif de l'établir.

L'exercice d'un mandat social n'exclut pas l'existence d'un contrat de travail, dès lors que l'intéressé exerce des fonctions techniques distinctes de celles découlant du mandat social dans un lien de subordination à l'égard de la société.

Sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin.

En l'espèce, il est produit aux débats les fiches de paye de M. [Z] [P] de décembre 1973, 1975,1976 des mois de décembre 1980 à décembre 2014 inclus, sur lesquelles il était mentionné entre décembre 1982 et décembre 2003 des fonctions de directeur technique et à compter de 2004 à décembre 2012 celles de directeur général, puis à nouveau de directeur technique à compter de décembre 2013.

Il est justifié de la nomination de l'appelant, alors directeur technique, en qualité de membre du directoire de la société Etablissements L. [P] à compter de décembre 1998. (pièce 34, appelant).

Il résulte du dossier qu'à compter de 2004, l'appelant a eu des fonctions de directeur général, dont en tout état de cause il a démissionné par courrier, daté du 2 juin 2016 (pièce 23, appelant) pour, selon ses propres termes, se consacrer à temps plein à ses fonctions de directeur technique.

Il est établi que par courrier du 27 juillet 2016, M. [L] [P], PDG de la société a pris acte de cette démission en l'informant toutefois que le poste de directeur technique évoqué ne s'inscrit plus dans la nouvelle organisation de l'entreprise mais qu'en revanche il était proposé à l'appelant un poste de commercial, ce dont il se déduit que son statut de salarié de la société n'était pas contesté.(pièce 72, appelant).

De surcroît, il résulte du dossier que M. [Z] [P] a été en arrêt de maladie à compter du 17 février 2016 et qu'il a perçu à ce titre des indemnités journalières jusqu'au 30 septembre 2016.

Il se déduit de ce qui précède, de première part l'existence d'un contrat de travail apparent antérieur à sa désignation de mandataire social, de sorte que c'est au liquidateur ainsi qu'à l'AGS qu'il appartient de rapporter la preuve de son caractère fictif ou à tout le moins que l'appelant n'exerçait pas de fonctions techniques distinctes de son mandat social et qu'il n'existait pas un lien de subordination mais aussi de seconde part, qu'au regard de la démission de son poste de directeur général de la société, à supposer même qu'en l'absence de novation du contrat ou de rupture de celui-ci, son contrat de travail ait été suspendu pendant l'exercice de son mandat, celui-ci a retrouvé ses effets lors de la démission et qu' il était bien salarié de la société lors de la résolution du plan et lorsqu'elle a été placée en liquidation judiciaire.

C'est en vain dès lors que tant le liquidateur que les AGS soutiennent que l'appelant n'établit pas l'existence d'un lien de subordination ou de fonctions techniques dont l'absence ne peut être déduite de la lettre de démission précitée, puisque celui-ci évoque au contraire le souhait de se consacrer à temps plein à ses fonctions techniques par référence à un cumul avec son poste de directeur général. C'est tout aussi vainement que le liquidateur oppose à l'appelant l'absence de cotisation à l'assurance chômage depuis 2004 ce qui est avant tout du fait de l'employeur.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de complément de salaire

Pour infirmation du jugement déféré, M. [Z] [P] réclame un complément de salaire à raison d'un montant de 27.720,2 euros pour la période afférente à son arrêt de maladie entre le le 16 avril 2016 et le 5 décembre 2016. au titre de garantie de salaire résultant de l'article 49 bis de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération applicable exposant que la société a perçu pour son compte et sans lui reverser les salaires pris en charge par la société de prévoyance GAN, déduction faite des versements effectués par la société en avril 2016.

Le liquidateur s'en est remis à la cour sollicitant à toutes fins utiles une condamnation en quittances ou deniers.

Il est justifié de l'arrêt de travail de l'appelant entre le 16 février 2016 et le 30 septembre 2016, du versement des indemnités journalières et de la garantie de maintien de salaire telle qu'issue de la convention collective applicable ainsi que du versement d'une somme de 11.997,44 euros par le GAN à la société L. [P] au titre de l'assuré [Z] [P] selon courrier du 20 septembre 2016 (pièce 15 appelant).

En conséquence, il sera fait droit à la demande de salaire dont le montant n'est par ailleurs pas critiqué, en quittances ou deniers.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Pour infirmation du jugement déféré, l'appelant fait valoir que le liquidateur aurait du initier une procédure de licenciement et qu'en tout état de cause la rupture est dénuée de cause réelle et sérieuse.

Pour confirmation du jugement, le liquidateur maintient que l'appelant n'avait pas la qualité de salarié. A titre subsidiaire, si cette qualité devait être retenue, il soutient qu'il doit être considéré que le contrat de travail a été suspendu du fait de son mandat social et qu'il doit en être tenu compte dans le quantum des sommes allouées.

Il a été démontré que M. [Z] [P] était salarié de la société lors de la liquidation judiciaire de celle-ci. Le liquidateur était donc tenu de diligenter une procédure de licenciement pour motif économique et ne pouvait se limiter même s'il contestait la qualité de salarié de l'intéressé, de lui signifier « en tant que de besoin, la rupture de toutes les conventions en vertu desquelles vous avez pu apporter vos services » par courrier du 20 janvier 2017 (pièce 22, appelant).

Il s'en déduit que la rupture intervenue, en l'absence de toute procédure de licenciement et de toute motivation produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et que M.[Z] [P] est par conséquent en droit de prétendre aux indemnités de rupture suivantes :

-13.988,70 euros majorés de 1.398,70 euros de congés payés afférents correspondant aux salaires qu'il aurait perçus s'il avait exécuté les deux mois de préavis, par application de l'article 78 de la convention collective nationale des industries et du commerce de la récupération, peu importe que l'intéressé ait été en arrêt de maladie.

-24.901,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis à raison de 77,08 heures selon la fiche de paye du mois de décembre 2016 et sans qu'il soit établi qu'il a été en mesure de prendre ses congés.

-90.922 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement au regard d'une ancienneté retenue de 43 années, aucune suspension du contrat de travail durant le mandat social n'étant établie, par application de l'article 79 de la convention collective précitée dont les modalités ne sont pas discutées.

-150 euros d'indemnité pour défaut de mention de la priorité de réembauche.

Aux termes de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, applicable à l'espèce, l'entreprise en l'absence de précision sur ce point étant présumée employer plus de 11 salariés, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, M. [Z] [P], âgé de 60 ans, a perçu les 6 derniers mois avant la rupture, une rémunération totale de 40.166 ,10 euros et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 43 ans. Il soutient avoir rencontré des difficultés pour retrouver un emploi en raison tant de son âge que de la dégradation de son état de santé. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer, par infirmation du jugement déféré, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 100.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'application de l'article L.1235-3 appelle celle de l'article L.1235-4 du code du travail, lequel prévoit que le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif à Pôle Emploi de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l'espèce, il convient d'ordonner la fixation au passif de la société Etablissements L. [P] la créance de Pôle Emploi correspondant aux indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Z] [P] à hauteur de 3 mois.

Sur la demande d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail

Pour infirmation du jugement déféré, l'appelant réclame une indemnité de 20.000 euros pour exécution déloyale du contrat par l'employeur qui a retenu indûment les compléments de salaire versés par le GAN à son intention durant son arrêt de maladie. Le liquidateur comme l'AGS ont conclu au débouté de cette demande en l'absence de préjudice et de lien de causalité établis.

Il résulte des écritures de l'appelant lui-même qu'il a admis que c'est en raison des difficultés rencontrées par la société, dont il a pu lui-même se convaincre du fait de son mandat social, qu'elle a omis de lui reverser les sommes versées pour son compte par la Prévoyance. Son préjudice sera évalué à la somme de 500 euros de ce chef.

Sur les autres dispositions

Les sommes ainsi allouées seront fixées au passif de la liquidation de la société Etablissements L.[P].

Le présent arrêt est opposable à l'AGS qui devra sa garantie dans la limite des dispositions légales applicables.

Les dépens seront inscrits au passif de la société Etablissements L. [P].

Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT que M. [Z] [P] était salarié de la SA Etablissements L.[P] à la date de sa liquidation judiciaire,

FIXE au passif de la SA Etablissements L.[P] les créances dues à M. [Z] [P] aux sommes suivantes:

- 27.720,2 euros à titre de rappels de salaire entre le 16 avril 2016 et le 5 décembre 2016,

-13.988,70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, majorés de 1.398,70 euros de congés payés afférents,

-24.901,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-90.922 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-100.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-150 euros d'indemnité pour défaut de mention de la priorité de réembauche,

-500 euros d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail.

ORDONNE la fixation au passif de la SA Etablissements L.[P] de la créance de Pôle Emploi correspondant aux indemnités de chômage éventuellement versées à M. [Z] [P] à hauteur de 3 mois.

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA Ile de France Est qui devra sa garantie dans les termes des articles L3253-8 et suivants du code du travail.

DIT n'y avoir lieu à frais irrépétibles,

DIT que les dépens seront inscrits au passif de la SA Etablissements L.[P] .

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 18/08288
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;18.08288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award