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05/09/2022 | FRANCE | N°21/12036

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 05 septembre 2022, 21/12036


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10



ARRET DU 5 SEPTEMBRE 2022



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12036 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6JB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/14973



APPELANTE



Madame [R] [N]

Domicilié [Adresse 6]

[Adresse 6] / Portugal

née le [Da

te naissance 2] 1948 à [Localité 8]



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





Représentée par Me Georges TROY de la SELARL TROY & ASSO...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRET DU 5 SEPTEMBRE 2022

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12036 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6JB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/14973

APPELANTE

Madame [R] [N]

Domicilié [Adresse 6]

[Adresse 6] / Portugal

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 8]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Georges TROY de la SELARL TROY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0278

INTIME

MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant ses bureaux [Adresse 1]

[Adresse 1]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [X] [U] est décédée le [Date décès 3] 2008, laissant pour lui succéder sa nièce Mme [R] [N] épouse [D], légataire universelle par testament olographe en date du 24 février 1999. La déclaration de succession est intervenue le 7 avril 2009, rectifiée le 16 novembre 2009. L'actif successoral a recensé un appartement de 75,76 m² situé dans un immeuble d'habitation au [Adresse 5], évalué le 1er septembre 2009 au prix de 300.000 euros, soit 3 960 euros le m².

Par proposition de rectification adressée le 29 octobre 2012 à Mme [R] [N], l'administration fiscale a rectifié en base la valeur de l'appartement sis [Adresse 5] à la somme de 550.000 euros, constaté une insuffisance taxable de 250.000 euros, révisé le montant des droits dus par Mme [R] [N] à un montant global de 291.132 euros et opéré un rappel de droits de 137.500 euros, outre des intérêts de retard de 23.650 euros.

Par observations du 24 décembre 2012, Mme [R] [N] a contesté la proposition de rectification que l'administration fiscale a maintenue partiellement le 20 février 2013 en ramenant la valeur du bien litigieux à la somme de 454.780 euros, soit 6 003 euros le m², après admission d'une décote pour travaux de 95.000 euros. L'insuffisance taxable a été réduite à 153.780 euros et le rappel à 92.868 euros, outre des intérêts de retard de 15.963 euros.

Par lettre du 16 mars 2013, Mme [R] [N] a maintenu ses observations et sollicité la saisine de la commission départementale de conciliation.

Par avis du 30 septembre 2014, notifié à Mme [R] [N] le 13 janvier 2015, la commission départementale de conciliation de [Localité 8] a retenu la somme de 428.000 euros comme valeur du bien litigieux, entérinée par l'administration fiscale.

Par lettre du 11 mars 2015, Mme [R] [N] a formé une réclamation contentieuse, rejetée le 1er août 2018 par l'administration fiscale. Les droits ont fait l'objet d'une mise en recouvrement par avis du 16 février 2015 portant sur un montant de 70.400 euros, outre des intérêts de retard de 12.109 euros, soit un total de 82.509 euros.

Par exploit d'huissier signifié le 16 octobre 2018, Mme [R] [N] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement du 14 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

-Juge régulière la procédure de rehaussement engagée par la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] suivant proposition de rectification en date du 29 octobre 2012 ;

- Déboute Mme [R] [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamne Mme [R] [N] aux dépens ;

-Déclare n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelle l'exécution provisoire.

Par déclaration du 28 juin 2021, Mme [R] [N] a interjeté appel du jugement.

Par dernières conclusions signifiées le 9 mars 2022, Mme [R] [N] demande à la cour :

Vu les articles 16, 455, alinéa 1er, 458 et 562 du code de procédure civile, L. 17, L. 55 et L. 57, L. 80 CA et R. 60-3 du LPF,

- Juger que le jugement N°RG 18/14973 du 14 mai 2021 du tribunal judiciaire de Paris n'a pas répondu aux conclusions n°1 récapitulatives signifiées le 24 octobre 2019 de Mme [R] [N] demandant à titre subsidiaire que la valeur vénale du bien à évaluer soit fixée à 335.000 euros, le remboursement de la somme de 51.150 euros au titre de droits de succession réglés indûment, la liquidation des intérêts de retard sur les droits de succession restant à sa charge pour 19.250 euros et le paiement des intérêts moratoires sur les sommes à lui rembourser.

- Juger que le jugement N°RG 18/14973 du 14 mai 2021 du tribunal judiciaire de Paris n'a pas répondu aux conclusions n°1 récapitulatives signifiées le 24 octobre 2019 de Mme [R] [N] demandant à titre infiniment subsidiaire que la valeur vénale du bien à évaluer soit fixée à 378.000 euros, le remboursement de la somme de 27.500 euros au titre de droits de succession réglés indûment, la liquidation des intérêts de retard sur les droits de succession restant à sa charge pour 42.900 euros et le paiement des intérêts moratoires sur les sommes à lui rembourser.

En conséquence du défaut de réponse aux moyens à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire de Mme [R] [N] assimilé à un défaut de motifs,

-Juger que le jugement N°RG 18/14973 du 14 mai 2021 du tribunal judiciaire de Paris est irrégulier et l'annuler par application de l'article 455, alinéa 1er et de l'article 458 du code de procédure civile

- Juger que l'annulation du jugement N°RG 18/14973 du 14 mai 2021 du tribunal judiciaire de Paris par l'effet dévolutif de l'appel pour le tout conduit la cour d'appel de Paris à statuer sur le fond par application de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile.

- Débouter le directeur régional des finances publiques d'Île de France et de [Localité 8] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- Juger que la proposition de rectification du 29 octobre 2012 cite six termes de comparaison ne contenant aucune précision concrète sur la date de construction, le type de construction, l'existence ou non d'un vice de structure des immeubles, l'état d'entretien des parties communes et la vétusté des appartements qui ne permettent pas de vérifier qu'ils se rapportent à des cessions de biens intrinsèquement similaires à l'immeuble et à l'appartement sis [Adresse 5] ;

-Juger que la procédure d'imposition est irrégulière au regard des articles L. 17, L. 55 et L. 57 du LPF, prononcer la décharge des droits de succession pour 70.400 euros et des intérêts de retard pour 18.867 euros indûment payés par Mme [R] [N] le 28 avril 2017 qui lui seront remboursés majorés des intérêts moratoires à dater du 28 avril 2017 par application de l'article L. 208 du LPF.

-Juger que l'avis du 30 septembre 2014 de la commission départementale de conciliation de Paris retenant comme intrinsèquement similaires les six termes de comparaison cités dans la proposition de rectification du 29 octobre 2012, dès lors qu'ils ont une superficie approchante et sont situés à proximité immédiate de l'immeuble et de l'appartement sis [Adresse 5], n'est pas motivé et ne permet pas de poursuivre la discussion devant le juge ;

-Juger que l'avis du 30 septembre 2014 de la commission départementale de conciliation de [Localité 8] n'est pas motivé et que la procédure d'imposition est irrégulière au regard de l'article R. 60-3 du LPF, prononcer la décharge des droits de succession pour 70.400 euros et des intérêts de retard pour 18.867 euros indûment payés par Mme [R] [N] le 28 avril 2017 qui lui seront remboursés majorés des intérêts moratoires à dater du 28 avril 2017 par application de l'article L. 208 du LPF.

A titre principal,

-Juger que le rapport du 28 janvier 2013 de M. [L] [W], expert judiciaire près la cour d'appel de Paris, a été versé aux débats et sera pris en compte par la cour d'appel en application de l'article 16 du code de procédure civile ;

-Juger que les six termes de comparaison produits par l'administration fiscale ne sont pas intrinsèquement similaires au bien à évaluer, alors que les six termes de comparaison produits par Mme [R] [N] sont pertinents ;

-Juger que la valeur vénale de l'appartement sis [Adresse 5] évalué le [Date décès 3] 2008 au montant de 300.000 euros dans la déclaration de succession de Mlle [X] [U] est fondée ;

-Juger qu'il y a lieu de prononcer la décharge de l'insuffisance taxable de 128.000 euros, le dégrèvement des droits de succession pour 70.400 euros et des intérêts de retard pour 18.867 euros réglés le 28 avril 2017 par Mme [R] [N] ;

-Juger que les sommes à rembourser à Mme [R] [N] pour 89.267 euros seront majorées des intérêts moratoires à dater du 28 avril 2017 en application de l'article L. 208 du LPF.

A titre subsidiaire,

-Juger que les six termes de comparaison cités par M. [L] [W], expert judiciaire près la cour d'appel de Paris, dans son rapport du 28 janvier 2013 sont pertinents, que la valeur vénale de l'appartement sis [Adresse 5] est de 335.000 euros ;

-Juger qu'il y a lieu de prononcer la décharge de l'insuffisance taxable de 93.000 euros, le dégrèvement des droits de succession pour 51.150 euros, la liquidation des intérêts de retard sur les droits de succession restant à la charge de Mme [R] [N] pour 19.250 euros ;

-Juger que les sommes à rembourser à Mme [R] [N] seront majorées des intérêts moratoires à dater du 28 avril 2017 en application de l'article L. 208 du LPF.

A titre infiniment subsidiaire,

-Juger que le prix au mètre carré de l'appartement sis [Adresse 5] ne saurait excéder, si l'immeuble et l'appartement étaient en bon état, le prix au mètre carré médian de 6.590 euros dans le quartier Bonne-Nouvelle à Paris 2e au 31 décembre 2018 selon les appartements vendus sur six mois glissants selon la Base Bien-Notaires [Localité 8] Île-de-France et que la valeur vénale de l'appartement sis [Adresse 5] est de 378.000 euros ;

-Juger qu'il y a lieu de prononcer la décharge de l'insuffisance taxable de 50.000, le dégrèvement des droits de succession pour 27.500 euros, la liquidation des intérêts de retard sur les droits de succession restant a la charge de Mme [R] [N] pour 42.900 euros ;

-Juger que les sommes à rembourser à Mme [R] [N] seront majorées des intérêts moratoires à dater du 28 avril 2017 en application de l'article L. 208 du LPF,

- Condamner le directeur régional d'Île-de-France et de [Localité 8] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2022, le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] demande à la cour :

- Juger Mme [R] [N] épouse [D] mal fondé en son appel du jugement rendu le 14 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,

- Débouter Mme [R] [N] épouse [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Statuant à nouveau,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 14 mai 2021 en toutes ses dispositions ;

- Confirmer les rappels de droits et de pénalités effectués par l'administration ;

- Condamner Mme [R] [N] épouse [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR

Sur la régularité du jugement

Mme [R] [N] fait valoir qu'elle a présenté, à titre subsidiaire, dans ses conclusions n°1 signifiées le 24 octobre 2019 devant le premier juge le moyen qu'il soit jugé que les six termes de comparaison cités par l'expert judiciaire sont intrinsèquement similaires au bien à évaluer. Elle indique avoir présenté, à titre infiniment subsidiaire, le moyen que le prix au mètre carré du bien litigieux ne saurait excéder 6.590 euros dans le quartier Bonne-Nouvelle au 31 décembre 2008. Le tribunal n'a pas répondu à ces deux moyens et le jugement est irrégulier. Il y a lieu de l'annuler et de statuer sur le fond en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris réplique que la décision du tribunal est suffisamment motivée. Le premier juge n'a pas retenu les valeurs vénales présentées à titre subsidiaire, comme à titre infiniment subsidiaire, issues du rapport de l'expert judiciaire. Le tribunal a répondu à l'ensemble des moyens et prétentions présentés par l'appelante avec une argumentation suffisante.

Ceci étant exposé,

Mme [R] [N] fait valoir que le jugement est irrégulier pour défaut de motivation en ce qu'il ne répondrait pas à ses conclusions.

Mais les premiers juges ont rappelé les demandes exprimées par Mme [R] [N] à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire, qui portaient respectivement sur un défaut de motivation à l'encontre de l'administration fiscale et à l'encontre de la commission départementale de conciliation, outre l'établissement d'une valeur vénale de 378 000 euros pour le bien litigieux.

De ce point de vue, les premiers juges ont motivé leur réponse aux contestations soulevées. Ils ont précisément analysé la régularité de la procédure menée par l'administration fiscale sur deux pages, celle concernant la commission départementale de conciliation sur quatre paragraphes, rappelant notamment les dispositions de l'article R*60-3 du LPF. Les six biens proposés en alternative à titre de comparaison par Mme [R] [N], au soutien de sa demande de valorisation, ont fait l'objet d'une analyse détaillée sur trois pages. Les premiers juges ont clairement rejeté les demandes exprimées à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire par Mme [R] [N].

S'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, Mme [R] [N] échoue à justifier l'existence d'un « défaut de réponse à conclusions ».

Il en résulte que le moyen doit être rejeté.

Sur la régularité de la proposition de rectification

Mme [R] [N] fait valoir que la proposition de rectification du 29 octobre 2012 est irrégulière en ce qu'elle cite six termes de comparaison ne contenant aucune précision concrète sur la date de construction, le type de construction, l'existence ou non d'un vice de structure des immeubles, l'état d'entretien des parties communes et la vétusté des appartements. Cette proposition ne permet pas de vérifier que les termes de comparaison se rapportent à des cessions de biens intrinsèquement similaires. La procédure d'imposition est irrégulière au regard des dispositions des articles L. 17, L. 55 et L. 57 du LPF. Il y a lieu de prononcer la décharge des droits de succession, des intérêts de retard indûment payés qui doivent être remboursés, majorés des intérêts moratoires à compter du 28 avril 2017 conformément à l'article L. 208 du LPF.

Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] réplique que la proposition de rectification ne peut être entachée d'une irrégularité formelle, indépendamment de l'appréciation susceptible d'être portée sur ces éléments, dès lors qu'elle comporte des éléments de comparaison. L'administration fiscale n'est pas tenue de rentrer dans les détails. Il suffit que la proposition de rectification permette au redevable d'apprécier la valeur usuelle d'un bien globalement comparable au sien. Le caractère contradictoire de la procédure permet d'adapter les rehaussements en fonction des observations du contribuable. En l'espèce, la proposition de rectification donne les précisions utiles sur les biens choisis à titre de comparaison et cite six ventes sur lesquelles l'administration s'est appuyée pour conclure à l'existence de l'insuffisance d'évaluation qu'elle a constatée.

Ceci étant exposé,

Selon l'article 761 du CGI, « les immeubles sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf, en ce qui concerne celles-ci, ce qui est dit aux articles 767 et suivants. Pour les immeubles dont le propriétaire a l'usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation ».

Il est constant que la valeur vénale est constituée du prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, sans que cette exigence implique que le bien pris en considération, dans le cadre d'une méthode par comparaison, soit strictement identique, dans le temps, dans l'environnement et dans l'emplacement, à celui qui constitue l'objet du litige.

Mme [R] [N] fait valoir l'irrégularité de la proposition de rectification du 29 octobre 2012, après avoir fait valoir dans un moyen précédent l'irrégularité du jugement du 14 mai 2021 qui a statué à partir de cette même proposition de rectification.

Mais les critiques de Mme [R] [N] portant sur une prétendue « renonciation à pratiquer la méthode d'évaluation » ou sur « l'absence de précision concrète sur les parties communes » ne sont ni étayées, ni susceptibles de constituer une irrégularité.

En effet, en ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification du 29 octobre 2012, il y a lieu de relever qu'elle indique l'absence de correspondance entre la valeur déclarée dans la succession du bien immobilier, soit 300 000 euros, et sa valeur réelle, pour la remettre en cause en vertu de l'article L17 du LPF. Rappelant la jurisprudence applicable, la proposition de rectification mentionne de façon détaillée six termes de comparaison avant de procéder à une rectification de la base et d'établir une valeur vénale libre de 550 000 euros.

De plus, si Mme [R] [N] se réfère à une jurisprudence datant de 1990, la qualifiant de « constante », elle ne cite en revanche aucune base juridique pour étayer sa critique sur le fait que « le service des impôts n'a pas visité l'immeuble et l'appartement », d'autant que l'expert M. [W], rétribué par Mme [R] [N], a lui-même indiqué le 28 janvier 2013 que « les lieux n'ont pas pu être visités » (pièce 17).

Par ailleurs, Mme [R] [N] se contredit dans les débats. Elle demande en effet que soit prise en compte la valeur vénale inscrite dans la déclaration de succession du 27 mars 2009, enregistrée le 7 avril 2009. Mais cette même déclaration de succession décrit succinctement le bien précité sur 10 lignes, ne contenant aucune des mentions détaillées dont Mme [R] [N] se prévaut à l'encontre de l'administration fiscale. Il en est de même pour l'acte de vente du dit bien en date du 1er septembre 2009 par lequel Mme [R] [N] a cédé le bien à deux tiers nés en 1968 et 1975, qui n'est accompagné d'aucun procès-verbal de visite contradictoire, d'une expertise ou d'une estimation d'une personne de l'art. En outre, Mme [R] [N] fait valoir une valeur vénale de 300 000 euros au 7 avril 2009, outre subsidiairement les valeurs de 335 000 euros et 378 000 euros, alors qu'elle a cédé le dit bien le 1er septembre 2009 pour un prix de 399 000 euros.

Enfin, l'ensemble des observations de Mme [R] [N] portant sur le bien, soit l'état des murs, une fissure structurale verticale, des désordres et un mauvais état d'entretien, ont été rédigées en 2013 et 2014 et non au moment de la déclaration de succession du 27 mars 2009. L'affirmation selon laquelle l'appartement n'a pas été chauffé et entretenu entre 2005 et 2008 ne s'accompagne d'aucun constat probant et n'emporte aucune conséquence sur la procédure menée.

Il en résulte que le moyen doit être rejeté.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont jugé régulière la procédure de rehaussement engagée par la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] suivant proposition de rectification en date du 29 octobre 2012 et débouté Mme [R] [N] de ses demandes.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur la motivation de l'avis de la commission départementale de conciliation de [Localité 8]

Mme [R] [N] conteste l'avis de la commission départementale de conciliation de [Localité 8] du 30 septembre 2014 qui a retenu comme intrinsèquement similaires les six termes de comparaison cités par la proposition de rectification du 29 octobre 2012, dès lors qu'ils ont une superficie approchante et sont situés à proximité immédiate du bien à évaluer. Elle fait valoir que l'avis n'est pas motivé par ses propres appréciations concrètes sur les faits et ne permet pas de poursuivre utilement la discussion devant le juge en application de l'article R. 60-3 du LPF. La procédure d'imposition est donc irrégulière et la cour doit en tirer les conséquences.

Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] réplique que l'avis de la commission départementale de conciliation respecte les droits de la défense en fixant une valeur à partir d'éléments dûment spécifiés. La commission a énoncé de manière détaillée et concrète les modalités de détermination de son estimation des lots litigieux. Mme [N] a été mise à même de poursuivre utilement la discussion du bien-fondé des redressements au vu des éléments retenus. L'avis de la commission est donc régulièrement motivé.

Ceci étant exposé,

Selon l'article R*60-3 du LPF, alors applicable, « l'avis ou la décision de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être motivé. Il est notifié au contribuable par l'administration des impôts ».

Mme [R] [N] fait valoir que l'avis de la commission départementale de conciliation de [Localité 8] du 30 septembre 2014 ne contient aucune précision concrète et relève une insuffisance de motivation.

Mais, d'une part, Mme [R] [N] réfute à la fois les analyses de l'administration fiscale, celle de la commission départementale de conciliation de [Localité 8] et également celle des premiers juges en se référant à un article du LPF qui ne correspond pas à celui en vigueur au moment des faits.

D'autre part, constituant ses propres preuves (« totale absence de précision ») à partir d'allégations sur l'absence de « demandes de renseignements et d'éclaircissements » et sur « l'absence de dialogue », Mme [R] [N] se réfère à un dossier constitué de 64 pièces qui aurait été adressé à la dite commission départementale de conciliation. Mais cela ne peut signifier qu'il incombait à la commission départementale de conciliation de tenir compte du contenu intégral de ces 64 pièces, à l'importance inégale. La commission, qui a entendu la contribuable en audition, assistée de son conseil, a répondu à ses critiques. En se référant à une jurisprudence datant de 1994 et à des « décisions » postérieures au cas d'espèce, Mme [R] [N] échoue à démontrer que l'avis ne contient aucune précision concrète, d'autant que l'expertise du 28 janvier 2013 (pièce 17) dont elle se prévaut décrit succinctement les caractéristiques des six appartements comparés. En outre, l'avis relève sans être contredit que « la contribuable n'a produit aucun document permettant de connaître le prix de départ estimé pour la vente du bien ».

Par ailleurs, Mme [R] [N] reproche de façon prétorienne à la dite commission de ne pas avoir retenu ses propres termes de comparaison, se retranchant derrière des caractéristiques physiques très détaillées (« immeuble en pierre maçonnée enduite et peinte »). Mais, l'erreur dépistée par Mme [R] [N] sur la composition de la façade en pierres maçonnées, et non en pierres meulières, n'emporte aucune conséquence démontrée sur la régularité de l'avis de la commission départementale de conciliation de [Localité 8].

De ce point de vue, l'avis de la commission départementale de conciliation détaille sur deux pages l'essentiel des caractéristiques du bien évalué ainsi que les six autres biens utilisés à titre de comparaison par l'administration fiscale. La commission a tenu compte de l'état de vétusté du bien et de l'immeuble, notamment une fissure verticale, avec pour conséquence une déduction de 1 600 euros par m². La commission a également tenu compte d'un montant de travaux de 121 2016 euros pour en diminuer la valeur vénale estimée à 428 000 euros (pièce 67), alors que le premier devis en date du 10 septembre 2009 de Mme [R] [N] mentionnait des travaux pour un montant largement inférieur de 73 797 euros Ttc (pièce 17).

Enfin, Mme [R] [N] est malfondée à mettre en cause la régularité de l'avis rendu par la commission départementale de conciliation de [Localité 8], alors qu'elle ne justifie ni d'une procédure de contestation contradictoire à son encontre, ni d'une contestation devant la juridiction compétente.

Il en résulte que le moyen doit être rejeté.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [R] [N] de ses demandes.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur la valeur de l'appartement

Mme [R] [N] sollicite, au visa de l'article 16 du code de procédure civile, que le rapport de l'expert judiciaire versé aux débats soit pris en compte. En application de l'article L. 17 du LPF, l'administration fiscale a la charge d'apporter la preuve de l'insuffisance de valeur mentionnée dans la déclaration de succession. Les six termes de comparaison doivent être jugés non intrinsèquement similaires au bien à évaluer. Les cinq termes de comparaison obtenus de [Localité 8] Notaire Services et le sixième terme contenu dans le rapport de l'expert judiciaire doivent être jugés pertinents. La valeur vénale est de 300.000 euros. A titre subsidiaire, les six termes de comparaison cités par l'expert judiciaire sont intrinsèquement similaires au bien à évaluer, la valeur vénale étant de 335.000 euros.

A titre infiniment subsidiaire, la valeur vénale du bien à évaluer est de 378.000 euros.

Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de [Localité 8] réplique qu'au regard de la déclaration principale de succession, il était fondé à considérer l'appartement comme un bien « ordinaire » dépourvu de défauts ou de qualités remarquables. Le choix des six termes de comparaison a été effectué en fonction de caractéristiques essentielles, sans exagération manifeste. Chaque partie a la charge de justifier le bien-fondé de ses prétentions. Le redevable qui prétend infirmer l'évaluation administrative par la production d'autres termes de comparaison doit en justifier la pertinence. Le rapport d'expert allégué n'est pas contradictoire et ne lui est pas opposable. La valeur déclarée par l'appelante n'est pas justifiée par la méthode comparative. Le moyen tenant à l'absence de pertinence de la méthode par comparaison utilisée ne pourra qu'être rejeté.

Ceci étant exposé,

Le bien immobilier de 75,76 m², au 4e étage, avec une cave, section AO n° [Cadastre 4], lots 6 et 21, de 2a0ca, est situé [Adresse 5], dans le quartier du [Localité 9], à 150 m du métro [7]. Il se compose notamment d'une chambre et d'un séjour sur rue.

L'administration fiscale a calculé en 2015 la valorisation de l'immeuble au montant de 428 000 euros, soit 5 649 euros le m².

L'administration fiscale a décrit dans la proposition de rectification du 29 octobre 2012 six éléments de comparaison, situés également dans le 2e arrondissement de [Localité 8], pour une composition s'étalant entre 63 m2 et 87,9 m2, avec une date de transaction similaire à l'exercice référencé 2007 et 2008. Quatre biens faisant l'objet de la comparaison sont situés au 3e et au 5e étage, dont deux sans ascenseur. La valeur au m² est comprise entre 7 222 euros et 7 720 euros, ce qui constitue un panel largement suffisant, notamment au-regard du caractère du bien détenu par l'appelante. L'administration fiscale n'est nullement contrainte de n'avoir à retenir qu'un bien strictement identique, la similitude ne signifiant pas identité absolue, y compris en termes d'environnement ou d'emplacement.

De ce point de vue, la comparaison avec six autres biens, que Mme [R] [N] situe de façon imprécise « dans le secteur », est tirée d'une expertise non contradictoire datant du 28 janvier 2013. Elle fait état de valeurs au m² aux montants étalés entre 5 074 euros et 5 859 euros (pièce 17), avec toutefois des biens peu décrits, situés au 1er étage, sans cave, ou à l'état inconnu.

Par ailleurs, s'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, Mme [R] [N] a cédé ce bien le 1er septembre 2009 au prix de 399 000 euros. Or, l'administration fiscale a fixé une valeur vénale de 550 000 euros, diminuée à 428 000 euros en prenant en compte les travaux exposés par Mme [R] [N].

Il en résulte que l'administration fiscale a fixé précisément la valeur vénale rectifiée en se référant à des biens intrinsèquement similaires, à la date de transmission, et que l'ensemble des contestations de Mme [R] [N], exprimées à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire en ce qui concerne le redressement de la valeur déclarée du bien au [Adresse 5], doivent être rejetées.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes de Mme [R] [N].

Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.

La solution du litige conduira la cour à rejeter toutes les autres demandes exprimées à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire, y compris en ce qu'elles portent sur la décharge de l'insuffisance taxable et le dégrèvement de droits.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE [R] [N] épouse [D] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/12036
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;21.12036 ?
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